33 Mohamed X.

Camille Steben-Roy

Mohamed quitta en 2001 son pays d’origine, la Tunisie, pour s’installer au Québec et étudier à l’Université Laval en gestion des technologies de l’information.

Arrivée au Canada

Avant son départ, il effectuait en Tunisie un baccalauréat en commerce. Certains professeurs lui conseillèrent fortement de continuer ses études au Canada. Différents choix lui étaient proposés, notamment la France et le Québec. Bien que la France soit plus proche de la Tunisie, il choisit le Québec, attiré par son environnement social attrayant. Ayant le français pour langue d’étude, il a choisi de s’installer dans la capitale nationale plutôt qu’à Montréal pour la réputation de l’Université Laval et de la qualité de vie dans cette ville.

Lorsque Mohamed évoque son arrivée à l’aéroport de Montréal, le mot qu’il utilise est « inoubliable ». Il s’agissait de son tout premier voyage, alors il était un peu déstabilisé. Épuisé par un long vol de sept heures, de Paris à Montréal, il était tout de même fébrile. En regardant par la fenêtre de la voiture qui le menait à Québec, il fut frappé par le nouveau paysage : les grandes routes, l’architecture des bâtiments, la propreté de l’environnement, le gazon vert partout… Il était fasciné par cette nouvelle culture qui se présentait à lui, annonçant une vie pleine de défis.

L’adaptation et ses défis

Durant ses premiers mois, il découvrit le mode de vie québécois. Pour beaucoup d’immigrants, le climat parfois très froid du Québec demande beaucoup d’adaptation, mais Mohamed s’y habitua rapidement. Bien sûr, il eut d’abord du mal à comprendre l’accent québécois. Il devait se concentrer pour pouvoir suivre une conversation, puisque les Québécois ont tendance à parler vite et à utiliser un vocabulaire différent. Mais le plus difficile dans son processus d’adaptation fut de réussir à suivre le rythme à l’Université. Dans ses premiers cours, les autres étudiants paraissaient toujours très préparés : il se sentait constamment dépassé et en décalage. Heureusement, il habitait dans les résidences et son père payait ses études, ce qui lui permit de concentrer toute son énergie sur ses cours pour suivre la nouvelle cadence.

La grande disponibilité des ressources d’information facilita beaucoup son adaptation. Par exemple, l’accès illimité à Internet sur le campus lui permettait de faire ses recherches, ce qu’il ne pouvait pas faire dans son pays d’origine. Mohamed appréciait également l’usage répandu des outils de collaboration en ligne : il pouvait ainsi communiquer avec ses coéquipiers universitaires pour planifier une rencontre à tout moment. D’ailleurs, les travaux d’équipe favorisèrent son introduction à la culture québécoise, d’une part en échangeant avec les autres étudiants et de l’autre en étant invité dans leur maison. De nombreux étudiants prenaient également le temps de discuter avec lui et de lui dire bonjour. « Seulement un sourire ou un bonjour dans la rue peut tout changer : une petite attention facilite l’intégration », raconte-t-il. Sur le plan des traditions, il fut heureux de pouvoir continuer à pratiquer sa religion sans problème. Il fut certes surpris par certains aspects de la culture québécoise : la nudité des gens dans les vestiaires des piscines publiques n’était pas habituelle pour lui!

Valeurs et identité

L’attentat du 11 septembre 2001 survint quelques jours après son arrivée au Québec. Ce qui le surprit le plus fut la solidarité du peuple québécois et l’entraide dont il fit preuve. Selon lui, « il y a toujours des gens qui se fermeront à la différence, mais il y a encore plus de gens ouverts et tolérants ». Il fut également surpris aussi par la bonne relation entre les Québécois et leurs services de sécurité, bien différente de celle qui prévaut dans son pays d’origine. « En Tunisie, un policier ne dit pas bonjour à un citoyen et le système n’est pas aussi bien organisé et efficace. » Il se sent en sécurité au Québec.

Mohamed remarqua vite qu’une grande importance était accordée à la justice et à l’égalité. Aussi, il constata que les valeurs québécoises diffèrent de celles de la Tunisie. Il dit que « le Québec est fondateur d’une société qui évolue. » Il apprécie le fait de vivre dans une société progressiste. La notion d’équité entre les sexes est d’ailleurs très importante pour Mohamed, ayant lui-même une épouse et une fille. Sa femme vient également de la Tunisie : il l’a rencontrée en vacances là-bas. Il tient à ce que sa femme et ses enfants vivent dans la liberté et l’égalité, ce qui n’est pas nécessairement valorisé en Tunisie. Les valeurs québécoises que Mohamed chérit le plus sont la gentillesse, l’ouverture, le fait de sourire et de rendre son sourire à l’autre : pour lui, ces attentions surpassent les différences.

Si Mohamed a vécu certains épisodes de racisme, cela ne l’a pas empêché de continuer de croire en la bonté des gens.

En étant toujours avec les mêmes étudiants, j’ai développé certaines connexions avec des gens qui sont encore aujourd’hui mes amis. Bien sûr, avec d’autres, je n’ai pas développé d’affinités, ce qui est bien normal. Je voyais par contre comme une preuve de respect le fait de dire bonjour à tout le monde, mais certaines personnes faisaient tout simplement semblant de ne pas me voir.

Même s’il comprenait et respectait que certaines personnes ne veuillent pas lui parler, cela n’effaçait pas le mal provoqué par le fait d’être ignoré. Il sentait que certaines personnes préféraient mettre tous les immigrants dans le même panier stéréotypé alors que, selon lui, chacun est différent et aussi unique que n’importe quel Québécois.

Dans ces moments, je me rappelle que c’est normal qu’on soit perçu différemment. Au sein des peuples et des tribus, les gens se reconnaissent et se ressemblent, mais nos différences ne devraient pas nous empêcher d’aller vers les autres.

Pour faciliter les expériences des futurs immigrants, Mohamed recommande : « Il faut comprendre les Québécois. Connaître avant de juger. Apprendre sur l’histoire du Québec et connaître la société dans laquelle on vit. Il y a du travail à faire de part et d’autre, une seule main n’applaudit pas seule ».

Il est donc important de se familiariser non seulement avec la situation actuelle du pays d’accueil, mais aussi avec son passé.

Observer, comprendre, tolérer.

Il rappelle que, lors de l’attentat à la grande mosquée de Québec survenu le 29 janvier dernier, les Québécois ont été très présents pour lui et ses confrères et consœurs, ouverts à la discussion et prêts à aider. Pour lui, la force du Québec est sa valeur d’inclusion : peu importe sa culture, son origine ou sa religion, tous et toutes sont les bienvenus.

Tunisie. Source : https://pixabay.com/fr/tunisie-arabe-l-islam-tapis-hall-2444513. Crédit : veronica111886

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