41 Hakim Merdassi
Joey Richard
Amours, intérêts et ambitions
Originaire de Tunis, Hakim vu le jour en 1975. Ses parents lui offrirent une enfance remplie d’affection, ainsi que de valeurs importantes, notamment le respect de la famille, là où les histoires traditionnelles prennent leurs racines, et des aînés qui sont toujours pris en charge.
C’est dans ce contexte familial d’amour qu’Hakim grandit et entreprit des études dans un domaine qui, sans le savoir, allait jouer un rôle important dans son avenir. L’informatique lui permit d’obtenir une bourse d’études de l’État tunisien et de lever les voiles en direction du Canada au mois d’août 1998. Cette décision reposait sur le fait que la langue française était parlée dans sa future terre d’accueil et que le Canada était un endroit propice au développement de ses acquis scolaires en informatique et technologies de l’information. Hakim, bien que disposant de la double nationalité franco-tunisienne, n’était pas intéressé par la France. Une chronologie d’événements permit donc à ce dernier de développer son potentiel en terre québécoise, à un moment où les technologies de l’information étaient en plein essor, ce qui facilita indirectement son parcours.
Mon pays ce n’est pas un pays, c’est l’hiver
C’est ainsi qu’Hakim mit les pieds à Québec sous le soleil du mois d’août 1998. Ayant entendu parler du Québec par les médias en janvier 1998 lors de la grande crise du verglas, il appréhendait fortement son arrivée. Il prit tout de suite la direction d’un centre commercial avec un seul but en tête, conquérir l’hiver et trouver des manteaux pouvant supporter des froids glaciaux!
L’adoption de sa terre d’accueil
Hakim entreprit des études en technologies de l’information à l’Université Laval, tout en habitant aux résidences sur le campus. Cet accueil graduel lui permit ainsi d’apprivoiser peu à peu sa nouvelle ville et ses habitants. Il fut surpris de constater que ses confrères québécois associaient la Tunisie au reste des pays arabes et musulmans, ainsi qu’aux clichés entourant la religion islamique.
Je me rappelle qu’un ami m’a raconté qu’il étudiait l’islam à travers le film de fiction Jamais sans ma fille. J’ai été surpris de constater que de telles choses se produisent dans un endroit où on est supposé enseigner à réfléchir, à l’Université. L’Iran n’est pas un pays arabe. On oublie souvent que tous les arabes ne sont pas musulmans, et que tous les musulmans ne sont pas des arabes!
Son intégration fut facilitée par le fait que son meilleur ami l’accompagnait dans l’aventure. Les résidences étudiantes furent un endroit favorisant les rencontres avec des gens de partout. Il fut facile de tisser des liens rapidement dès son arrivée, d’autant plus qu’il parlait déjà la langue, malgré que l’accent québécois lui parut un peu complexe.
Honnêtement, ce fut vraiment un contexte très favorable pour moi.
La religion ne faisant pas partie intégrante des pratiques quotidiennes d’Hakim, il ne portait pas de signes ostentatoires ou religieux, ce qui facilita peut-être son intégration. Par contre, une certaine solitude se faisait sentir lors des fêtes traditionnelles qu’il ne pouvait malheureusement pas fêter en présence de sa famille.
Les antipodes
Aujourd’hui militant pour les droits de la personne, Hakim développa sa culture politique à son arrivée. Issu d’une culture autoritaire et stricte, Hakim a saisi les opportunités que le Québec lui offrait pour développer sa conscience sociale et citoyenne afin de pouvoir aujourd’hui revendiquer l’égalité sans se cacher.
Le non-respect des aînés québécois fut au cœur des conflits internes qu’il a vécus, spécialement lorsqu’il apprit que beaucoup de gens gardaient une distance envers leurs aînés, alors qu’en Tunisie ces derniers sont très importants pour l’héritage culturel et familial. Le simple fait de les imaginer logés dans des CHSLD bouleversait sa perception de la famille, qui était si ancrée. Le côté communautaire très fort des Québécois a toutefois très rapidement conquis Hakim qui se sentit interpellé par cette caractéristique dominante à laquelle il n’était pas accoutumé.
La vie aujourd’hui
Hakim compléta ses études à Montréal aux HEC. C’est là qu’il obtint un stage en lien avec ses intérêts, mais il se vit offrir rapidement un emploi qui l’intéressait davantage à Québec.
Encore une fois, le destin m’a ramené à Québec.
Travaillant maintenant dans son domaine, Hakim aime toujours ce qu’il fait et est conscient qu’il a beaucoup d’avantages d’avoir fait sa vie ici. En effet, hors du cadre professionnel, Hakim rencontra une femme à Québec, elle aussi d’origine tunisienne, avec laquelle il est toujours en couple aujourd’hui :
Le destin est parfois très curieux, il a fallu faire des milliers de kilomètres pour rencontrer l’âme sœur.
Hakim a un fils de sept ans ainsi qu’une belle-fille de 18 ans. Le fait que sa conjointe soit elle aussi originaire de la Tunisie permet donc à la petite famille de garder un certain contact avec leurs racines. Pour lui, FaceTime n’est pas suffisant et c’est pourquoi il profite des vacances en été pour retourner à l’occasion en Tunisie de façon à enrichir ses rapports avec ses parents qui sont si importants à ses yeux. C’est aussi en Tunisie qu’il retrouve à l’occasion son frère et sa sœur qui, comme lui, profitent de l’été pour aller se ressourcer dans leur Tunisie natale.
Conseils d’un professionnel
Pour Hakim, l’expérience d’immigration au Québec fut bénéfique, enrichissante et lui permit de s’épanouir entièrement de plusieurs façons, de ses intérêts professionnels jusqu’à la possibilité pour lui de s’exprimer librement. Avec du recul, il a des conseils à donner aux futurs nouveaux arrivants : « D’abord, lisez! L’histoire du Québec n’étant pas celle du reste du Canada, les gens de l’extérieur ne font pas cette distinction, mais la marge est assez notable pour s’y attarder, car le Québec est plus qu’une terre franco-canadienne. De plus, entrez en contact avec des associations sociales permettant de faciliter la transition en faisant le pont entre les deux cultures. ».
Note aux Québécois
L’immigration est une richesse en soi. Cette terre qui est la vôtre s’est bâtie grâce à l’immigration et jouit ainsi d’une identité particulière reconnue mondialement. Le conflit de perception que peuvent vivre les citoyens du Québec est évident, surtout en ce qui concerne la communauté arabe ou les immigrants de confession musulmane, mais la meilleure façon d’éliminer l’inconfort est d’abord d’aller vers les gens et de discuter, briser le mur de verre qui s’installe grâce au contexte médiatique mettant de l’avant la différence. Le contexte est d’ailleurs tout à fait différent ailleurs au Canada en ce qui concerne l’immigration, ainsi il va de soi que la meilleure façon d’arriver à une cohésion sociale est de procéder à un consensus et, pour cela, de sortir de son confort et d’aller vers l’autre.