1 Dounia X.
Raphael Rochette
L’Algérie natale
Dounia est née dans la ville d’Alger, capitale de l’Algérie, dans les années 1960. Elle est du peuple berbère. Sa naissance survint dans un contexte d’instabilité politique, son pays étant traversé par la Guerre d’Algérie puis par un coup d’état militaire. Ce climat politique délétère a profondément marqué son enfance, d’autant plus que sa famille en a payé le prix lourd : son père fut torturé par l’armée française et son grand-père fut tué par un obus lors d’un bombardement.
Dounia a grandi dans un immeuble qu’elle appelle les « Nations Unies » parce que des personnes de diverses nationalités y résidaient. Son premier ami de jeu était un jeune Français noir. Ainsi, dans son pays, elle fut très tôt confrontée au multiculturalisme.
Elle fit des études de médecine et se spécialisa en gynécologie. Son mari, quant à lui, a une formation de dentiste. Ils eurent trois garçons dans leur pays d’origine. Dans les années 1990, l’Algérie connut à nouveau une période politique très difficile appelée « décennie noire ». Malgré le retour à la stabilité, la famille de Dounia prit la décision de venir s’établir au Canada. Sa motivation principale était d’offrir une meilleure vie à ses enfants dans un environnement favorable à leur développement et qui offrait de nombreuses possibilités.
Direction Canada
Le choix du Canada fut facile pour sa famille. En effet, le pays permettait à des individus aptes au travail d’immigrer de manière légale. De plus, le frère de Dounia était établi au Canada depuis 1998. Il résidait dans la ville de Québec, ce qui permit une prise de décision plus aisée. Le processus d’immigration fut simple, mais très long, car la procédure comportait de nombreuses étapes à franchir avant l’obtention des autorisations nécessaires pour venir s’installer au Canada.
Dounia et sa famille arrivèrent durant l’été 2009 à l’aéroport de Montréal. À leur arrivée, son frère les attendait. Selon elle, c’était le meilleur moment de l’année pour immigrer au Canada puisque la température estivale facilitait une acclimatation en douceur.
Le voyage vers la Capitale-Nationale se passa dans de bonnes conditions. Cependant, dès leur arrivée, Dounia se rendit compte rapidement de la complexité de la bureaucratie québécoise. La nombreuse documentation qu’elle dut remplir (par exemple pour l’assurance maladie du Québec) atténua momentanément son enthousiasme. Heureusement, des séances d’informations organisées à l’intention des nouveaux arrivants leur firent connaître la province de Québec, mais aussi le Canada de façon générale. Grâce à ces séances, Dounia et sa famille ont appris à comprendre le fonctionnement de la société québécoise, même si le volume d’information leur donna des maux de tête.
La vie à Québec : des hauts et des bas
Au cours des premières semaines à Québec, son frère leur fit visiter la région. Lorsqu’il n’était pas disponible pour les guider, la famille se débrouillait avec différents moyens pour s’orienter et continuer de découvrir la ville. Google Map était l’un des moyens les plus utilisés. La population québécoise fut très accueillante envers Dounia qui se faisait régulièrement proposer de l’aide en cas de problème d’orientation dans les rues. Les personnes qu’elle rencontrait étaient curieuses. Elles cherchaient à en savoir davantage sur l’Algérie. Certaines personnes ont même pensé qu’ils étaient français à cause de leur accent.
Les semaines suivant l’arrivée furent un peu difficiles pour les membres de la famille. En effet, ils étaient habitués à un mode de vie complètement différent. Dans leur pays d’origine, Dounia et son époux étaient occupés par leurs activités professionnelles. Par conséquent, ils avaient moins de temps libre et les enfants étaient habitués à passer plus de temps seuls. Par contre, lorsque les enfants commencèrent l’école, tout changea. En effet, la vie reprit son cours normal pour les trois garçons, maintenant âgés dans la vingtaine.
Une autre chose qui la marqua fut l’arrivée de l’hiver, à cause non pas de son froid impitoyable, mais de la glace sur les trottoirs. En effet, elle glissa sur une plaque de glace et se fractura le poignet. Ce malheureux incident lui fit perdre son premier emploi, car elle était incapable de travailler avec le poignet cassé.
L’insertion professionnelle
Dounia et son mari avaient des emplois en Algérie dans le secteur de la santé. Toutefois, les études effectuées dans leur pays d’origine ne furent pas reconnues par le gouvernement du Québec et ils durent se réorienter. Dounia débuta sa carrière comme fonctionnaire pour la fonction publique québécoise, mais comme elle ne s’y sentait pas à l’aise, elle entreprit une formation d’infirmière au cégep. Malgré sa grande expérience dans le milieu de la médecine, elle dut faire trois ans d’études. Aujourd’hui, elle est infirmière. Ses collègues de travail lui apportent une grande gratification.
La vie d’aujourd’hui
Maintenant dans la cinquantaine, Dounia est très heureuse d’avoir pris la décision de venir s’installer dans la ville de Québec. Elle conseille cette région à tous ceux et celles qui désirent immigrer au Canada. De plus, elle mentionne que la manière la plus efficace pour venir s’installer est de suivre les procédures normales, et ce, malgré la complexité. Le temps d’attente en vaut la peine.
Dounia ne se souvient pas avoir vécu de discrimination sous quelque forme que ce soit de la part des habitants de Québec. Néanmoins, elle note que certaines personnes ne connaissaient pas vraiment les pays du Maghreb ni ceux du continent africain. Elle garde des attaches avec l’Algérie, puisque des membres de sa famille s’y trouvent toujours. Elle communique de manière régulière avec eux. Avec la technologie d’aujourd’hui, les moyens de communication sont beaucoup plus efficaces et faciles à utiliser. D’ailleurs, Skype est l’un de ses moyens préférés pour garder contact avec ses proches restés au pays.
La religion musulmane fait partie intégrante de la vie de Dounia. Elle se considère comme pratiquante, tout comme son mari, mais ne demande aucun accommodement dans son travail afin de la pratiquer. « Je déteste le terme accommodement raisonnable, je le trouve dénigrant », affirme-t-elle. Elle essaie le plus souvent possible d’aller à la mosquée lorsque son horaire le lui permet. Elle remarque néanmoins que la population québécoise n’accorde pas autant d’importance à la religion qu’en Algérie ou en Europe.
Comme dans son pays d’origine, Dounia s’intéresse à la politique. Elle fut surprise de constater que le système politique du Québec était si différent de celui de l’Algérie ou de la France. Elle prit alors la décision de bien s’informer, surtout par l’entremise des réseaux d’information. Tout en maîtrisant le fonctionnement du système politique canadien, tant au niveau fédéral que provincial, Dounia continue à s’intéresser à ce qui se passe en Algérie et en Europe. L’éducation reçue par sa famille lui a permis de comprendre les rouages, ainsi que le fonctionnement de la politique dans différents pays.
Selon elle, l’arrivée de nouveaux immigrants dans la région ne peut qu’avoir des retombées positives. En effet, elle croit que la population peut tirer profit des expériences et du bagage de vie que ces individus apportent avec eux. Elle mentionne également que les nouveaux arrivants ne demandent qu’à être acceptés par les Québécois. Pour elle, le peuple du Québec est un peuple très accueillant.