26 Aicha X.
Anne-Marie Simard
Enfance
Aicha est née en Tunisie. Elle a eu une enfance très choyée et épanouie. Ses parents l’ont inscrite dans plusieurs centres parascolaires à un très jeune âge et elle a pu développer plusieurs talents à travers diverses activités. À l’âge de 13 ans, elle a été choisie pour représenter son pays à des Jeux parascolaires internationaux. Elle raconte qu’elle a adoré son enfance : « J’ai eu une tellement belle enfance. Je suis extrêmement chanceuse sur ce point. Mes parents m’ont toujours supportée et m’ont encouragée à m’épanouir dans n’importe quel domaine ».
Elle a complété son secondaire et son baccalauréat en Tunisie. Elle ne pensait jamais quitter son pays, car elle y vivait une très bonne vie et elle était très à l’aise dans son environnement. Mais en 2007, son oncle, qui vivait à Québec et était professeur à l’Université Laval, lui a proposé de continuer sa scolarité à l’Université Laval : « Je croyais partir juste le temps d’une maîtrise. En aucun cas je ne voulais partir loin de ma famille à très long terme ».
Elle a postulé à la maîtrise en microbiologie agroalimentaire et a été acceptée immédiatement. Elle acheta son billet d’avion et se prépara à partir pour le Canada pour la session d’hiver 2008.
Son parcours vers le Canada
Aicha raconte qu’elle n’a pas eu de difficulté à obtenir son visa ni au niveau des services frontaliers : « J’avais tous les documents nécessaires, j’avais la scolarité nécessaire, je n’ai pas eu de problèmes avec mon entrée au Canada ». Le parcours entre la Tunisie et le Canada fut très long et très épuisant.
C’était le plus gros voyage de ma vie. C’était tellement long, avec plusieurs escales. J’avais vraiment hâte d’arriver à destination.
Elle est arrivée à l’aéroport Pierre-Elliot Trudeau de Montréal durant l’hiver 2007. Son oncle l’attendait dans la salle de réception de l’aéroport avec un manteau et des bottes d’hiver. C’était la première fois qu’elle voyait de la neige au sol : « C’était incroyable, je m’en souviendrai toujours ».
À l’hiver 2008, la quantité de neige était incroyablement importante et Aicha était très découragée par le froid et les tempêtes : « Je ne quittais jamais les tunnels de l’Université. Je ne pouvais pas braver le froid, c’était trop difficile ». Malgré les difficultés avec le froid, elle s’est rapidement intégrée au sein de la communauté universitaire en prenant part à des activités organisées à cet effet. Elle participait à des journées de patinage et des journées à l’extérieur : « Il faut participer pour s’intégrer. C’est très difficile de rester dans son coin quand il y a tant d’activités à faire avec d’autres personnes! ».
Les difficultés d’intégration
Selon elle, il y a un manque flagrant d’ouverture chez les Québécois : ils ne s’intéressent pas beaucoup aux cultures extérieures et ne tentent pas d’intégrer d’autres cultures dans leur univers.
Ils sont ignorants sur les autres, mais aussi sur eux-mêmes. Je m’en suis rendu compte après mon immigration. J’ai étudié pour l’examen sur la citoyenneté et j’en connaissais plus sur l’histoire canadienne que les Québécois. C’est flagrant et c’est très dommage, car il y a un manque d’éducation et de culture.
Selon elle, les Québécois la respectent, mais ils ont une certaine méfiance. Ses plus proches amis sont d’origine étrangère : « Les Québécois ont une méfiance face aux autres cultures. Ils ne voudront pas tisser de liens forts avec toi. C’est très étrange comme façon de faire! ».
Le processus d’immigration
Après deux ans à la maîtrise, Aicha décida de poursuivre ses études au doctorat et, sans tarder, entrepris des démarches pour obtenir la résidence permanente au Canada. Elle ne croyait pas rester au Québec toute sa vie, mais avec les mois qui passaient, elle développa un sentiment d’appartenance au Canada.
Plus je m’intégrais, plus je me sentais canadienne. J’ai complété le processus d’immigration assez rapidement et sans souci. J’avais toute la documentation et les diplômes nécessaires.
Sa vie aujourd’hui
Aujourd’hui, Aicha a complété son doctorat et travaille dans un domaine qui n’est pas le sien. Elle ne trouve malheureusement pas de travail dans son champ de spécialité, en raison de son origine.
Les gens voient mon nom et pensent le pire. Une fois, j’avais un rendez-vous (d’entretien d’embauche) et quand je me suis présentée, la réceptionniste était surprise de me voir. Elle a lancé : « Ah, c’est toi Aicha? Je ne m’attendais vraiment pas à toi ».
Le racisme professionnel est bien présent au Québec et c’est une difficulté énorme en ce qui concerne la recherche d’emploi. Elle ne veut toutefois pas généraliser le phénomène. Elle ne croit pas, par exemple, que ce racisme s’applique dans le milieu des études.
Je suis valorisée aux études, j’ai gagné une bourse, mais sur le marché du travail, c’est beaucoup plus difficile.
Comment les Québécois perçoivent le Moyen-Orient?
Selon elle, les Québécois ont une vision très stéréotypée du Moyen-Orient.
Les Québécois croient qu’ils sont dangereux, des terroristes, des renfermés, des fanatiques très pratiquants et qu’il y a une grande soumission de la femme. Ils croient surtout que c’est une délivrance quand on rentre dans un nouveau pays comme le Canada, terre de liberté absolue. Certains pensent qu’en Tunisie, on se balade en chameaux et on n’a pas d’autos. Ça dépend toujours du niveau d’éducation de la personne.
Or, Aicha explique que les Québécois ne devraient pas être inquiets face à l’immigration. Elle réfute toute idée qui tend à semer l’inquiétude ou à généraliser.
On n’est pas tous pareils, peu importe d’où on vient. Les Québécois ne sont pas tous pareils, les Canadiens non plus, idem pour les Arabes. Nous sommes tous humains.
Message d’espoir pour les nouveaux arrivants
L’entrevue se termine avec quelques mots d’encouragement pour les nouveaux arrivants. Aicha souhaite voir les immigrants s’intégrer et faire corps avec la culture québécoise et les autres cultures en présence. Selon elle, il est facile de se renfermer sur soi et de rester isolé, mais c’est tellement plus gratifiant de s’intégrer et de vivre une belle vie.
Nous ne sommes pas des victimes et il ne faut pas projeter cette image. Intégrez-vous et la vie sera beaucoup plus facile.
Conclusion
Cela fait maintenant trois ans que je connais Aicha. C’est une bonne amie et une femme très inspirante. Elle ne se laisse jamais décourager et n’aime pas quand on la voit comme une victime. C’est une femme très forte, qui a ses convictions et ne se laisse jamais décourager. Elle est très sûre d’elle et est une inspiration pour plusieurs. Elle est toujours là pour ses amies et est très ouverte aux autres cultures. Elle prône l’ouverture et le sens d’appartenance; c’est ce qui a facilité son processus d’intégration. J’ai beaucoup appris sur son parcours au Canada et je lui souhaite tout le succès possible.