25 Seima Souissi
Margot Nonque
Seima Souissi a grandi dans une petite banlieue non loin de Tunis. C’est le 4 janvier 2006 qu’elle a matérialisé sa décision de venir poursuivre ses études au Québec, à l’Université Laval. Avec force et courage, elle a réussi à laisser sa famille et son petit ami derrière elle. Au Québec, elle a habité pendant cinq ans en résidence universitaire. À l’arrivée de son mari au Québec, le couple a déménagé dans un appartement. Seima est entourée de nombreux amis tunisiens et marocains qui comblent le manque de sa famille. Elle a complété un doctorat en communication publique. Cela fait aujourd’hui plus de onze ans qu’elle réside au Québec.
Le grand saut
Seima a décidé de partir au Canada, car elle fut l’heureuse récipiendaire d’une des trois bourses d’études qui ont été décernées par son université en Tunisie. Elle est donc partie afin de poursuivre des études et de découvrir le monde. « Une force me poussa à tout quitter », a-t-elle confié. Grâce à une relation professionnelle de son père dans l’import-export entre le Québec et la Tunisie, Seima rencontra une famille tuniso-québécoise dont la femme travaillait à l’Université Laval. Ne sachant pas qu’il fallait faire une demande d’admission à l’Université Laval avant d’avoir la confirmation de sa bourse d’étude, Seima ne put envoyer sa demande d’inscription à temps. C’est grâce à cette femme que Seima a finalement pu s’inscrire à la session d’automne.
Seima s’est donc envolée avec les deux autres boursières tunisiennes pour venir étudier au Québec. Elle était également accompagnée de son père. À l’aéroport, ils furent accueillis par la famille québécoise qu’ils connaissaient. Seima et son père restèrent toute la semaine avec cette famille afin d’apprivoiser leur nouvel environnement, de faire du tourisme et de s’installer en douceur. Le processus de changement a donc été facile, car Seima était toujours très bien entourée par sa famille et ses amis.
Le début d’une nouvelle vie
Vint alors l’étape de la découverte d’une nouvelle culture dont la langue est l’un des puissants vecteurs. Au début, il fut compliqué pour Seima de comprendre le français parlé au Québec, tant l’accent était difficile. Le premier contact avec la neige fut également confrontant, car à Tunis il ne neige pas beaucoup. Elle a toutefois trouvé cela très beau. De plus, les premiers hivers qu’elle a vécus étaient très doux. Grâce aux passages souterrains de l’Université Laval, elle n’a pas beaucoup ressenti la rigueur des basses températures hivernales.
Pour ne pas la laisser dans la solitude, la famille québécoise invitait régulièrement Seima à faire des courses et parfois à dormir chez eux le samedi soir. C’était une belle façon de s’habituer à la population québécoise qu’elle a trouvée d’ailleurs très chaleureuse, souriante, gentille et toujours présente : « J’étais amusée de me faire appeler madame ». Enfin, c’est aussi grâce à cette famille qu’elle a rencontré d’autres familles tunisiennes.
Les études commencèrent rapidement, selon un rythme difficile à cause d’une charge de travail plus élevée que celle qu’elle avait en Tunisie. Seima a aussi remarqué une certaine proximité entre les étudiant.e.s et les professeur.e.s, se traduisant par le tutoiement. Elle se joignit à l’association de recherche en communication au troisième cycle, ce qui lui a permis de faire de nombreux contacts et de bien comprendre le fonctionnement de l’Université Laval.
Seima a habité cinq ans et demi en résidence. Le fait de rencontrer des ressortissants de plusieurs nationalités et de découvrir de nouvelles cultures face auxquelles elle avait des appréhensions a été un des acquis positifs de son séjour en résidence. La vie en résidence a été une belle expérience, surtout lors des regroupements en cuisine ou des soirées dans les chambres. De plus, le fait d’être autonome et de gérer un budget lui a permis d’en apprendre davantage sur elle-même. Il a été facile pour elle de rencontrer de nouvelles personnes dans les premières années de son arrivée. Toutefois, la troisième année a été plus compliquée parce qu’elle devait préparer une thèse et sa charge de travail avait encore augmenté.
Seima affirme qu’il a été plus compliqué d’entrer en relation avec des Québécois qui ne se sentaient pas proches des immigrants. De plus, c’était devenu problématique de garder des liens avec son petit ami qui habitait au Qatar. En effet, ils étaient séparés par un grand décalage horaire. Toutefois, cette étape leur a permis de se découvrir autrement et de planifier leur futur.
Les relations avec les Québécois
Seima trouve qu’il existe chez les Québécois un grand respect des personnes selon l’âge et l’origine. Grâce à un programme de jumelage à l’occasion de Noël, Seima a rencontré une famille québécoise qui l’a invitée à passer les fêtes avec elle. Elle a apprécié le respect de sa culture : la famille lui avait cuisiné un plat sans porc et offert du jus au lieu de l’alcool. Seima a développé une amitié avec cette famille, notamment avec la mère qui l’invite chaque année pour des repas de Noël. De plus, elle est devenue amie avec la gardienne de son fils qui, mariée à un Bolivien, comprend bien la dimension interculturelle.
Cependant, Seima a peu d’amis québécois. Au-delà d’un sourire, selon elle, ils ne s’ouvrent pas vraiment à une relation d’amitié profonde, ce qui s’expliquerait par le rythme intense de la vie et de l’importance de la vie familiale pour les Québécois. Toutefois, elle a été surprise de voir l’intérêt et la connaissance dont les gens ont fait montre pour les pays arabes. Elle a aussi rencontré des personnes avec moins de compréhension de la culture, qui avaient une image stéréotypée et ne comprenaient pas grand chose de l’islam. Cependant, Seima n’a jamais été victime de racisme ou de remarques désagréables.
Le message d’ouverture au monde
Seima conseille aux nouveaux immigrants du Canada de s’informer au travers des média afin de mieux comprendre la société, le pays, la démocratie. À son arrivée, elle a beaucoup écouté la télévision, ce qui lui a permis de découvrir la société québécoise. Elle a d’ailleurs été marquée au début par la liberté d’expression dans les médias québécois, ce qui était complètement différent de la situation des médias dans son pays d’origine.
Elle croit que si on veut immigrer, il faut savoir s’ouvrir aux autres, discuter et parler. « Nous sommes les ambassadeurs de nos pays, il faut donner une image positive ». Il faut être respectueux, polis, ne pas juger et comprendre les autres et leurs histoires.
Seima affirme que les Québécois devraient s’ouvrir aux immigrants en s’informant et en comprenant que leur arrivée est importante pour la construction du pays. Les Québécois devraient comprendre que la rencontre de plusieurs cultures permet un enrichissement du tissu social, économique, culturel, une évolution dans le respect des différences, un bel équilibre du vivre-ensemble.
La vie aujourd’hui
Seima est mariée et a un enfant. La vie familiale est importante à ses yeux. Elle a beaucoup de relations avec des Tunisiens et des Marocains. De plus, elle est restée proche d’une amie qu’elle a rencontrée au début de son aventure au Québec, car elles sont à la même étape de leur vie. En effet, les deux amies ont chacune un enfant et ont suivi le même cursus universitaire. Ses relations familiales avec la parenté encore en Tunisie sont très fortes et encore plus avec la naissance du bébé. Les conversations Skype avec sa famille et ses amis tunisiens se sont davantage intensifiées : « C’est comme si j’étais toujours là », lance-t-elle.