39 Marwen X.

Catherine Lacerte

À 17 ans, Marwen commença à s’intéresser à la science et au reste du monde. Ce fut à ce moment-là que l’idée de quitter son pays et de découvrir d’autres cultures lui est venue. Il s’ensuivit le printemps arabe auquel il participa activement et qui lui donna encore plus envie de quitter l’endroit où il avait grandi. Depuis maintenant trois ans, Marwen habite au Québec et il est fier de faire partie de notre grande famille.

Les étapes vers le Québec

Jusqu’à l’âge de 17 ans, Marwen suivit le mode de vie de ses parents. Son père, imam d’une mosquée à Tunis, prônait un mode de vie très religieux. Marwen faisait la prière cinq fois par jour et c’était « toujours la religion qui choisissait comment ils devaient être ». À la fin de son adolescence, il découvrit la science, il eut une illumination. Ce fut à ce moment-là qu’il se dit que la religion n’avait pas à dicter son mode de vie. C’est aussi à ce moment précis qu’il se rendit compte de multiples contradictions présentes dans les écrits de différentes religions quant au statut de la femme, notamment, et au fait que l’esclavage était permis. Marwen cessa alors de pratiquer sa religion, malgré la position de son père. Par la suite, il entama des études universitaires en affaires. Mais il eut ensuite de la difficulté à se trouver un emploi. Les emplois qu’il pouvait obtenir étaient dans le secteur de la vente, mais ils étaient très mal payés. Puis vint le printemps arabe. La précarité de l’emploi chez les jeunes, le besoin de liberté et de démocratie, ainsi que plusieurs autres raisons de mécontentement dans le monde arabe firent qu’une partie de la population fut indignée et s’ensuivit un mouvement de contestation de masse dont Marwen faisait partie.

Toutes ces raisons firent en sorte qu’il décida de quitter son pays pour avoir une vie plus à son image. Au départ, il était censé aller vivre à Dubaï, car son oncle lui avait offert un travail dans sa compagnie. Cependant, par amis interposés, Marwen fit la rencontre d’une Québécoise et tomba en amour avec la culture du Québec. Il était tellement décidé à partir qu’il fit sa demande de parrainage, qui fut acceptée en quelques mois, lui donnant accès au Canada.

L’arrivée

Marwen arriva au Canada avec le statut de résident permanent, puisque lors d’un parrainage le gouvernement alloue ce statut dès l’arrivée de la personne. À son arrivée, il fut surpris du décor qui l’entourait. Pour lui, le Canada se résumait à Toronto. Mais quand il arriva dans le petit village de La Baie au Saguenay où habitait sa copine, il fut dépaysé. En plus de voir qu’il n’y avait pas seulement des grandes villes au Canada, il fit aussi connaissance avec l’hiver québécois :

Je suis arrivé en mars et j’étais excité de voir de la neige, mais la première fois qu’il a fallu que je déblaie mon auto, j’ai compris pourquoi vous n’aimez pas l’hiver.

Comme La Baie est un petit village, il sentit que pendant les premières journées « les gens le regardaient d’un air bizarre ». Ce qui le frappa le plus fut l’accent des Québécois. Même s’il parlait français, il ne comprenait pas les expressions. Après deux semaines, il commença à comprendre les gens autour de lui. Une des premières choses qu’il fit en arrivant au Québec fut d’aller à la bibliothèque pour lire des livres qu’il n’avait pas lus en Tunisie, par exemple les livres de sciences de Stephen Hawking.

Il n’eut pas de difficulté à se trouver un travail en arrivant au Saguenay. Il commença à travailler au magasin Sears de Chicoutimi. « C’est facile de se trouver une job quand tu démontres que tu veux travailler. Il suffit d’établir la confiance et de montrer de la volonté ». Il ne travailla pas longtemps chez Sears, puis décrocha un emploi au magasin Future Shop où il se retrouva avec des gens de son âge avec qui il se lia d’amitié.

Vers la ville de Québec

Québec fut un coup de cœur pour Marwen. Il vint au Festival d’été en 2015 et il est tout de suite tombé en amour avec la ville. Après une soirée à Québec, il s’est dit : « C’est ici que je veux vivre! ». Dès son retour au Saguenay, Marwen a demandé son transfert dans un Future Shop de Québec. Malheureusement, les Future Shop fermèrent tous peu de temps après. Mais Marwen voulait tellement venir habiter à Québec qu’il a pris sa voiture et fit la route pour se trouver un appartement. Il entreprit ensuite sa recherche d’emploi. Il fut engagé chez Vidéotron où il est agent de ventes. « Lorsque j’ai passé mon entrevue, le gérant m’a demandé pourquoi je voulais travailler ici et j’ai répondu que je voulais m’acheter une Mercedes, il m’a tout de suite engagé. »

Les moins bons coups du Québec

Marwen adore sa nouvelle vie et ne voudrait pas la quitter. Il n’a pas beaucoup de choses négatives à dire sur le Québec, mais son nouveau pays n’est pas parfait non plus. Premièrement, il trouve que les médias occidentaux sont « mauvais ».

Les médias sont fermés, ils devraient parler plus du reste du monde au lieu de parler seulement de la température et des accidents de la route.

Deuxièmement, il trouve que l’aspect famille est très différent au Québec de ce qu’il est en Tunisie.

En Tunisie, les jeunes prennent davantage soin de leurs parents. Ils n’envoient pas leurs parents dans des maisons de retraite.

Troisièmement, il trouve que certaines personnes ont de forts préjugés ou ont un flagrant manque de connaissance au sujet de l’Afrique. Par exemple, pour certaines personnes, l’Afrique, c’est seulement les girafes et les lions.

Les gens ne sont pas informés et c’est autant le rôle des médias que le rôle de chacun de se renseigner.

Et finalement, il déplore le fait que beaucoup de gens pensent que tous les Arabes ont le même tempérament, surtout les filles qu’il rencontre.

Elles pensent que je vais être contrôlant, mais je suis féministe et j’encourage les droits des femmes. S’il vous plaît, ne pensez pas qu’on est tous pareils. Soyez plus courageux pour nous connaître.

Son ancienne vie

Marwen continue de se renseigner sur son pays d’origine. Il prend chaque semaine les nouvelles tunisiennes en écoutant la radio sur Internet. Surtout, il continue de regarder les parties de football (soccer) de son équipe, « c’est très important »! Pour ce qui est de ses relations sociales, il entretient toujours des liens d’amitié avec ses meilleurs amis tunisiens. Il discute avec ses amis et sa famille à tous les jours. Cependant, Marwen ne parle plus vraiment à son père. Il se fait aussi dire par certaines personnes qu’il a oublié ses origines et qu’il est islamophobe.

J’ai perdu des amis, ils m’ont bloqué sur Facebook, car je ne crois plus la même chose qu’eux.

Conclusion

Finalement, Marwen est complètement tombé en amour avec la ville de Québec et souhaite rester ici.

Il serait maintenant plus difficile pour moi de déménager de Québec à Montréal que de la Tunisie au Québec, car là-bas je n’étais pas bien, mais ici j’ai des amis et je ne veux pas quitter.

S’il pouvait parler aux immigrants qui souhaitent faire le saut comme il l’a fait, il leur dirait que quand « tu prends la décision de venir au Canada, c’est une décision de vie. Il faut que tu acceptes ta décision à 100 %. Il ne faut pas que tu veuilles juste venir travailler et repartir ensuite, tu dois être bien avec ta décision ».

Ta mère c’est ton pays d’origine et ta femme c’est ton nouveau pays. Tu vas toujours aimer ta mère peu importe ce qui arrive, mais ta femme, tu recherches et choisis celle que tu veux!

Tunisie. Source : https://pixabay.com/fr/souk-la-madina-tunis-tunisie-1240602. Crédit : ziedkammoun

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