37 Nawel Hanchi
Charline Hivernat-Morissette
Originaire de Bizerte, une ville située au nord de la Tunisie, Nawel Hanchi décida, vers la mi-vingtaine, de quitter son pays pour venir s’installer au Québec. Issue d’une famille de trois enfants, Nawel quitta sa mère, son frère et sa sœur au printemps 2013 dans le but de commencer une nouvelle vie de l’autre côté de l’Atlantique.
Au revoir, Bizerte
Le contexte de travail en Tunisie est précaire. Le nombre d’individus à la recherche d’un emploi dépasse largement le nombre d’emplois disponibles. Ainsi, en général, les enfants ne quittent le nid familial que s’ils se marient et fondent leur propre famille. Autrement, les membres d’une même famille se serrent les coudes et tous contribuent au revenu du ménage. Il en était de même au sein de la famille de Nawel, qui travaillait six jours par semaine afin d’aider sa famille à joindre les deux bouts. C’est donc en lisant une annonce dans le journal tunisien que la jeune femme, audacieuse et travaillante, sentit un besoin profond de sortir de la routine. À l’intérieur des pages de ce quotidien, elle aperçut une offre d’emploi dans une entreprise québécoise qui cherchait des couturières, domaine dans lequel Nawel œuvrait.
Quand j’ai vu l’annonce, je me suis dit : pourquoi pas? Je ne suis jamais sortie du pays!
C’est ainsi qu’elle et trois autres femmes obtinrent un poste de couturières pour une entreprise située à Saint-Ubalde dans la région de Portneuf.
Bonjour Saint-Ubalde!
Le printemps 2013 fut une période marquante pour elle. L’arrivée de Nawel se déroula en douceur. À leur arrivée, les quatre jeunes femmes furent installées dans une maison qui leur était louée, au centre du village agricole. Dès le départ, Nawel se sentit accueillie avec curiosité, certes, mais cette curiosité s’accompagnait d’un respect immense.
Au début, je disais à ma mère : c’est fou comment le monde est gentil. Il y a des fois où ça me gêne.
Les habitants du village étaient nombreux à n’avoir connu dans leur vie que très peu de personnes d’origine arabe. Ainsi, plusieurs Ubaldiens rendirent visite à Nawel et ses compagnes afin d’en connaître davantage sur leur culture, leur religion et leurs motivations à changer de vie. Au cours de ces visites, Nawel fut surprise par l’accent québécois qui, disons-le, est très particulier. Il fut cependant aisé pour la jeune femme d’entrer en contact avec le voisinage, entre autres en raison d’un français qu’elle maîtrisait bien. Il arriva fréquemment que des voisins se rendissent chez elle pour lui offrir de l’aide, pour l’inviter à sortir ou même pour partager un repas. Ces contacts, de plus en plus familiers, lui permirent d’améliorer davantage son français et d’y intégrer progressivement quelques expressions québécoises. « Ça reste que je ne comprends pas encore les blagues! », dit-elle en éclatant de rire.
Toutefois, là n’est pas le seul avantage qu’obtint Nawel de ces visites. En effet, l’une des raisons de son bonheur actuel fut la rencontre de son mari. À la suite de quelques visites de courtoisie, une complicité s’installa entre eux. Un an plus tard, ils se marièrent. « On se respecte tout le temps. Il est gentil avec moi, il a toujours été là pour moi, même lorsque j’étais plus déprimée. »
En effet, malgré l’accueil hors du commun auquel elle eut droit, la jeune femme connut tout de même quelques embûches. Le processus complexe et interminable de l’immigration, les kilomètres qui la séparaient de sa famille et les conditions quelque peu précaires de son emploi minèrent son moral pendant quelques mois. Bien entourée et dotée d’une immense force de caractère, elle se remit vite sur pieds. « Je veux vraiment remercier les gens de Saint-Ubalde, c’est surtout grâce à eux que j’ai gardé le moral. »
Nawel, une jeune femme épanouie
En Tunisie, il fait généralement très chaud. Nawel, malgré son amour pour le Québec, fut donc bien surprise par le froid qui règne sur la province pendant l’hiver. Elle avoue préférer le confort de sa maison aux activités hivernales pendant les mois les plus froids de la saison. Toutefois, aussitôt que la chaleur revient, elle aime profiter de la nature et du soleil. Les après-midis en bateau ou les balades en véhicules tout-terrain dans les champs à perte de vue de son village d’adoption font partie des petits bonheurs de la jeune femme. Son mari et elle partagent désormais le même toit et continuent à apprendre à se connaître dans le respect et l’ouverture. Ils honorent leurs différences et évoluent ensemble selon une conception de la vie qui prône le vivre et laisser vivre. D’ailleurs, autant dans son couple que dans les autres aspects de sa vie, l’ouverture d’esprit est une valeur fondamentale pour la jeune femme. Lorsqu’il est question de religion, de mode de vie ou de culture, Nawel est d’avis que tous ont droit à leur opinion. En général, elle considère les Québécois comme un peuple accueillant, respectueux, curieux et serviable, mais elle avoue avoir vécu des situations où la peur des gens faisait surface de manière offensante. Malgré ces incidents, rarissimes, elle se sent choyée par la vie qu’elle mène aujourd’hui. Depuis peu, Nawel a changé d’emploi, pour une autre entreprise de la région. Ce nouvel emploi lui permet de faire des économies dans le but de réaliser un projet de couple qui lui tient à cœur : aller visiter sa famille en Tunisie afin d’y officialiser leur union. Le couple est bel et bien uni par les liens du mariage au Canada, mais les lois étant différentes dans son pays d’origine, le processus est différent et il est important pour elle et son mari de rendre leur union valable aux yeux de sa famille tunisienne. Nawel, qui porte désormais le Québec dans son cœur, souhaiterait aussi réaliser un autre projet à leur retour, celui de mettre un enfant au monde.
Donner au suivant
Afin d’honorer l’accueil auquel elle eut droit à son arrivée, Nawel s’implique grandement dans le processus d’intégration d’une nouvelle famille syrienne au sein de son village. En effet, à l’hiver 2017, Saint-Ubalde accueillit à bras ouverts une mère, son mari et leur petite fille. En toute humilité, Nawel prit contact avec la famille syrienne et, pendant des semaines, correspondit avec ses membres afin de les préparer à ce grand changement. À leur arrivée, Nawel fut leur point de repère, le visage rassurant qui allait les aider à faire connaissance avec leur nouvel environnement.
Chaque individu possède sa propre histoire. Nawel est une jeune femme courageuse, un exemple inspirant. Son parcours reflète l’importance de faire des choix pour soi, malgré les craintes et les obstacles qui peuvent se présenter. C’est aussi le reflet d’une intégration positive en milieu rural, un espoir pour les immigrants de toutes origines qui auraient perdu confiance en la bonté humaine.