29 Les Classiques des sciences sociales comme outil pédagogique, patrimoine numérique et nouvelle utopie sociale

Ricarson Dorcé

Bibliyotèk nimerik Klasik Syans Sosyal yo s on patrimwàn nimerik san parèy. Li patisipe nan difizyon ak sikilasyon patrimwàn syantifik frankofòn nan monn lan. Li se yon inisyativ ki ankouraje patisipasyon sitwayen yo nan yon lojik demokratizasyon aksè ak konesans syantifik ki pwodui nan peyi yo di ki rich yo, epi nan sa yo di ki pòv yo.

Nan tèks sa, otè a drese yon bilan objektif ak kritik de sa ki konsène enterè pou aksè lib. Aprè, otè a revizite listwa konsèp patrimwàn, patikilyèman patrimwàn nimerik. Nan fen tèks la, otè a eksplike ki jan bibliyotèk nimerik Klasik syans soyal yo jwe yon wòl enpòtan nan monn frankofoni an, kòm zouti edikasyon, patrimwàn nimerik epi kòm sa gran save yo rele « utopie sociale ». Li adrese tou defi ki gen rapò ak fonksyon bibliyotèk nimerik sa.

 

La bibliothèque numérique[1] francophone Les Classiques des sciences sociales existe depuis 1993. En date du 10 avril 2018, elle diffuse près de 7 000 documents en sciences humaines et sociales, principalement des livres, des articles scientifiques, des thèses et des mémoires, des rapports, des actes de colloque, des documents de recherche et des articles de journaux[2]. Ces documents sont des œuvres contemporaines diffusées en tenant compte des droits d’auteur, des productions inédites et des publications qui sont tombées dans le domaine public, qui peuvent être dès lors utilisées librement, adaptées, traduites, reproduites, et diffusées sans permission à demander et sans paiement de redevances à la personne qui détenait les droits. La bibliothèque regroupe huit collections, mais les deux plus importantes collections de la bibliothèque sont celles des auteurs classiques et des contemporains. D’autres collections ont été développées autour des sociétés créoles, de l’anthropologie médicale, des études haïtiennes, des civilisations de l’Inde et du monde arabe. On y trouve des œuvres en psychologie, sociologie, philosophie, criminologie, sciences politiques, anthropologie, géographie, histoire, économie, travail social, etc. Les Classiques des sciences sociales mobilisent, par le numérique, plusieurs territoires et diverses pratiques et traditions de recherches scientifiques. Les œuvres sont proposées en trois principaux formats de fichiers (.doc, .pdf et .rtf), en plus d’un format plus récent (.epub).

Dans le cadre de l’Université d’été[3] « numérique et mutations sociales, un patrimoine en devenir », j’ai eu à réfléchir sur un projet d’acquisition numérique en vue de son exposition au musée. J’ai choisi, avec un collègue[4], la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales, notamment pour sa portée éducative et ensemble, nous avons travaillé sur l’aventure des Classiques dans le cadre de l’expérience de création collective lors de cette Université d’été. Ce texte, issu de cette expérience, vise à montrer en quoi le numérique influe sur le monde éducatif, tout en explorant les perspectives d’avenir. Pour ce faire, je m’intéresserai à quelques aspects et enjeux de la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales, soit le libre accès ainsi que les notions de patrimoine – et plus spécifiquement de patrimoine numérique – et de numérique éducatif. Le libre accès étant de plus en plus une préoccupation fondamentale, il m’est apparu important d’en présenter un bref historique. Ensuite, je ferai le point sur la notion de patrimoine, notamment le patrimoine numérique, un autre aspect au cœur du projet des Classiques des sciences sociales. Enfin, je m’intéresserai à la notion d’utopie afin de penser cette bibliothèque numérique à la fois comme outil pédagogique, patrimoine numérique et utopie sociale dans le milieu scientifique francophone.

Intérêt pour le libre accès

De nos jours, l’intérêt pour le libre accès réside, entre autres, dans la pérennité et dans la démocratisation de l’accès au savoir. Grâce au réseau Internet, nous ne sommes plus à l’époque où un cercle de spécialistes contrôlait toutes formes de découvertes scientifiques et où les connaissances produites étaient vouées à informer un clan d’experts, de techniciens et de technocrates.

Les médias et les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC) sont de plus en plus présents dans notre quotidien (Breton et Proulx 2002). Le web laisse l’impression que nous pouvons avoir une connaissance quasi exhaustive du monde, de ses manifestations, de ses événements, de la vie de tous les jours et des lieux où elle se déroule (Gervais 2016). Cette immersion dans le web est « pluriverselle » : elle permet le passage fluide d’un point à un autre (Boullier 2014). Le web a ses propres mécanismes de régulation, qui sont visibles notamment par le biais de la capacité des différents acteurs à structurer les flux d’information (Roberge et Grenon 2017). Il a fait évoluer l’activité scientifique. Les livres et les écrits numériques se multiplient aujourd’hui (Genin 2016). La connexion Internet et les supports numériques ont facilité l’émergence du libre accès.

Dans « Le libre accès et la ‘‘Grande Conversation’’ scientifique », Jean-Claude Guédon (2014), un des précurseurs de ce mouvement à côté d’autres acteurs comme Stevan Harnad, laisse entendre que le libre accès est la composante essentielle des documents numériques en vue de publier des œuvres scientifiques. Dans ce texte, Guédon explique que la Deuxième Guerre mondiale a permis la montée des grandes maisons d’édition. Ces éditeurs ont fini par contrôler notamment le marché des revues scientifiques dès les années 1970. Les prix des publications savantes augmentaient de plus en plus à la surprise des responsables des bibliothèques. Les années 1990 ont finalement joué un rôle décisif surtout à cause du phénomène de numérisation des revues, ce qui allait déboucher sur des licences d’accès à des bases de données d’articles. En 2001, dans le champ biomédical, un ensemble de chercheurs et chercheuses ont signé une pétition, Public Library of Science (PLOS) pour faire écho aux mouvements des bibliothécaires contre les coûts exorbitants des abonnements et des licences d’accès. Cette même année, une rencontre a eu lieu à Budapest en faveur de l’accès libre, ce qui conduisit à la publication de l’Initiative de Budapest pour l’accès ouvert (la Budapest Open Access Initiative)[5]Selon l’Initiative de Budapest[6], le libre accès est ainsi défini :

Par « accès libre » à [la littérature scientifique] nous entendons sa mise à disposition gratuite sur l’Internet public, permettant à tout un chacun de lire, télécharger, copier, transmettre, imprimer, chercher ou faire un lien vers le texte intégral de ces articles, les disséquer pour les indexer, s’en servir de données pour un logiciel, ou s’en servir à toute autre fin légale, sans barrière financière, légale ou technique autre que celles indissociables de l’accès et l’utilisation d’Internet. La seule contrainte sur la reproduction et la distribution, et le seul rôle du copyright dans ce domaine devrait être de garantir aux auteurs un contrôle sur l’intégrité de leurs travaux et le droit à être correctement reconnus et cités (Initiative de Budapest pour l’accès ouvert 2002).

L’initiative de Budapest est reconnue comme l’élément majeur qui a déployé le mouvement du libre accès dans le monde scientifique. Le libre accès est présenté comme un outil pouvant enrichir l’enseignement, favoriser le partage du savoir au service du bien commun et accroître la visibilité des chercheurs et chercheuses et de leurs travaux :

Le libre accès est économiquement viable et il donne au lecteur un extraordinaire pouvoir de localiser et utiliser la littérature d’importance pour lui. Il donne aussi à l’auteur et à ses travaux une nouvelle visibilité, un nouvel impact et un nouveau public élargis et quantifiables (Initiative de Budapest pour l’accès ouvert 2002).

En vue de l’épanouissement du libre accès, l’Initiative de Budapest a prôné l’autoarchivage et une nouvelle génération de revues en libre accès. Par la suite, les bibliothèques ont été parmi les premiers organismes à créer des dépôts institutionnels en vue de l’autoarchivage des publications savantes.

Le libre accès pourrait bien jouer un rôle fondamental dans la construction d’un monde futur et dans la mise en valeur de notre patrimoine scientifique, surtout en raison des nouvelles technologies de l’information et de la communication, mais malheureusement, plus d’une décennie après l’Initiative de Budapest, le libre accès est loin d’être généralisé et de nombreux enjeux demeurent.

La bibliothèque Les Classiques des sciences sociales s’inscrit dans ce mouvement. Toutefois, si on reste fidèle à l’initiative de Budapest, on pourrait dire qu’elle donne un accès gratuit à des publications scientifiques en sciences humaines et sociales plutôt qu’un accès libre puisque les droits en matière de rediffusion et de réutilisation, notamment, sont limités.

Le patrimoine, le patrimoine numérique et le numérique éducatif

Il n’est plus à démontrer que le libre accès peut jouer un rôle fondamental dans le processus de mise en valeur du patrimoine. Je souhaite à présent faire le point sur la notion de patrimoine pour réfléchir ensuite à la mission des Classiques des sciences sociales comme un véritable patrimoine numérique dans le champ éducatif.

La notion de patrimoine

Le concept de patrimoine a vu le jour au cours du XIXe siècle et a subi des transformations à travers le temps. À l’origine, le patrimoine se référait au legs familial. Aujourd’hui, il a une signification plus étendue, car il embrasse des aspects à la fois matériels et immatériels : les paysages, les monuments, les arts, les danses, les langues, les expressions orales, les savoirs locaux, les traditions vivantes, les pratiques sociales, les mœurs et coutumes, etc. Le patrimoine a plusieurs dimensions : sociale, symbolique, politique, technique, scientifique, économique, numérique, etc. Dans le cadre de ce texte, c’est particulièrement la dimension numérique du patrimoine qui nous intéresse. Nous allons la développer à partir de la section suivante.

Entre-temps, précisions que le patrimoine est avant tout un symbole de fierté, un élément de dignité, une possibilité de reconnaissance communautaire, etc. Cette conception symbolique et culturelle du patrimoine est partagée par certains auteurs. Elle met en relief l’authenticité de l’identité collective (Bourdin 1984; Amirou 1995). Le patrimoine a ici une dimension collective (Davalon, André et Cécile 1997), établissant une relation étroite entre le présent et le passé (Rautenberg 1998). Le « goût » du patrimoine n’est pas uniquement pour le passé, il peut être un intérêt pour le présent (Hartog 2003). Le choix de ce qui entre dans le patrimoine tient à la capacité des objets, monuments ou sites à être porteurs de sens et de valeurs (Mahoudeau 2006). Donc, l’aventure patrimoniale se définit en fonction des significations attribuées à un bien matériel ou immatériel (Jadé 2006; Desnoilles 2007; Kmec 2008). Le principe de continuité est à la base du fait patrimonial (Bondaz 2009). Les processus d’appropriation et de valorisation du bien patrimonial reflètent ce principe, qui est au cœur de la formation des identités culturelles (Giguère 2010). Le recours aux technologies de documentation et d’information participe, entre autres, de ces mécanismes de sauvegarde (Fonseca 2012, 82), qui exigent également d’autres outils de mobilisations (Tankéré 2012). Ce qui entre essentiellement en patrimoine, ce sont les traces de l’histoire qu’on veut garder et qui sont fondamentales dans le questionnement continu du présent et de l’avenir. Autrement dit, définir le patrimoine suppose toujours un tri, une distinction entre ce qui, d’une part, fait la fierté et ce qui, d’autre part, est de second plan, entraîne la honte, voire même fait partie de ce qu’on veut cacher et oublier.

Par ailleurs, la conception économique donne une signification plutôt marchande au patrimoine. Atout du développement, le patrimoine est ici empêtré dans une économie libérale (Bougarel 1992). Il est devenu un domaine nouveau et fort important de l’économie nationale et de valorisation des territoires (Micoud 1995; Nora et al. 1997). La compréhension du patrimoine est ici liée à la dimension de son capital économique. C’est une logique de quête de profits à tout prix (Gravari-Barbas et Violier 1999). Cette conception contemporaine du patrimoine fait de ce dernier un extraordinaire facteur de renouveau économique (Barthélemy 2002). Le patrimoine se transforme en produit de consommation. Xavier Greffese retrouve également dans cette dynamique de faire du patrimoine un levier économique majeur (Greffe 2003). Cette approche offre de nouvelles opportunités dans les stratégies de mise en valeur du patrimoine au service du développement économique durable (Morice, Saupin et Vivier 2015). Ainsi, la contribution la plus concrète du patrimoine au développement local serait à rechercher dans ses conséquences fructueuses en dépenses, revenus et emplois (Pflieger 2017, 142). Le numérique pourrait jouer un rôle fondamental dans ce processus de valorisation du patrimoine à des fins de développement durable. Il pourrait donc être au service du patrimoine, notamment du patrimoine scientifique.

Le patrimoine numérique

Le patrimoine n’est pas seulement une affaire de monuments, de sites touristiques, de collections, etc. Aujourd’hui, il prend de plus en plus en compte des sites web et, plus généralement, ce qui est numérique, car nous assistons à une bascule vers le monde numérique (Cardin 2010). Le numérique fait partie de notre vie et de nos gestes quotidiens (Jauréguiberry 1997; Perriault 1989; Chambat 1994; Bardini et Proulx 2000). Il transforme notre façon de comprendre le monde, nos pratiques de vie. Tout ce qui est numérique n’est pas forcement patrimonial, mais peut le devenir. Le numérique sert à démocratiser le patrimoine[7]. Tout semble désormais accessible dans ce nouvel environnement technologique (Treleani 2014).

Les chercheurs et chercheuses en sciences humaines et sociales recourent de plus en plus à la notion de patrimoine numérique. Cette notion s’inscrit dans le champ des humanités numériques. Ces dernières sont définies comme « une transdiscipline porteuse des méthodes, des dispositifs et des perspectives heuristiques liés au numérique dans le domaine des sciences humaines et sociales » (Clavier et Paganelli 2015). Au Québec, le terme patrimoine numérique renvoie officiellement au patrimoine d’un État ou d’une organisation disponible sous format numérique[8].

La notion de patrimoine numérique inclut les documents essentiellement numériques ou conservés au format numérique par les individus, les organismes de la société civile et les institutions publiques. Les documents numériques[9] sont variés : textes, matériaux sonores et graphiques, images, bases de données, logiciels, etc. Ils pourraient faire l’objet de mesures en vue de leur conservation pour les générations futures. La dimension numérique apporte un certain nombre d’avantages au patrimoine : stockage d’un ensemble d’informations, traitement rapide de ces informations, reproduction des données, coûts de production abordables, conservation très pratique dans le temps, etc. Cependant, le numérique a ses limites : incertitudes sur la fiabilité des systèmes de stockage, inquiétudes par rapport au format des fichiers et à la durée de vie des supports numériques, etc.

Selon l’UNESCO (2003), le patrimoine numérique est constitué de matériaux fondés sur l’informatique, d’une valeur durable, qu’il est nécessaire de conserver pour les générations futures. Il émane de communautés, de régions, d’industries et de secteurs différents. Tous les matériaux numériques ne sont pas de valeur durable, mais ceux qui le sont exigent des méthodes actives de préservation si l’on veut que la continuité du patrimoine numérique soit assurée[10]. Des principes directeurs, qui sont à la base de la Charte de l’UNESCO sur la conservation du patrimoine numérique, renforcent et améliorent des initiatives dans le domaine des mesures légales et d’archivage. L’article 2 de la Charte traitant de l’accès au patrimoine numérique précise que :

[l]a conservation du patrimoine numérique a pour but de faire en sorte qu’il demeure accessible au public. Il s’ensuit que l’accès aux documents du patrimoine numérique, en particulier ceux qui sont dans le domaine public, ne doit pas faire l’objet de restrictions excessives. En même temps, les informations sensibles et personnelles doivent être protégées contre toute forme d’intrusion. Les États membres pourraient vouloir coopérer avec les organisations et institutions compétentes pour favoriser l’instauration d’un environnement juridique et pratique qui maximise l’accessibilité du patrimoine numérique. Il convient de réaffirmer le principe d’un juste équilibre entre les droits légitimes des créateurs et des autres titulaires de droits et les intérêts du public touchant l’accès aux documents du patrimoine numérique et d’en faciliter la réalisation, conformément aux normes et accords internationaux.

L’article 3 pose le problème de la menace de perte[11] :

Le patrimoine numérique mondial risque d’être perdu pour la postérité. Les facteurs qui peuvent contribuer à sa perte sont l’obsolescence rapide du matériel et des logiciels qui servent à le créer, les incertitudes concernant les financements, la responsabilité et les méthodes de la maintenance et de la conservation et l’absence de législation favorable à sa préservation.

Face à cette menace, il faut des garanties au niveau juridique, économique et technique en vue de la sauvegarde de ce patrimoine. D’où, selon l’UNESCO, l’importance d’une campagne d’information et de sensibilisation auprès des décideurs et décideuses ainsi que du grand public en vue d’une prise de conscience aussi bien du potentiel des supports numériques que des problèmes pratiques de conservation. L’article 10 illustre un ensemble de mesures en vue de la conservation du patrimoine numérique. Ces mesures doivent être prises pour : mobiliser les concepteurs de matériel et de logiciels, les créateurs, éditeurs, producteurs et distributeurs de documents numériques ainsi que les autres partenaires du secteur privé à coopérer avec les bibliothèques nationales, archives, musées et autres organisations chargées du patrimoine public en vue de conserver le patrimoine numérique; développer la formation et la recherche et veiller au partage des expériences et des connaissances entre les institutions et associations professionnelles concernées; encourager les universités et autres établissements de recherche, tant publics que privés, à assurer la conservation des données issues de la recherche. L’article 11 de la Charte souligne le rôle des partenariats :

La conservation du patrimoine numérique exige des efforts soutenus de la part des gouvernements, des créateurs, des éditeurs, des industries du secteur et des institutions chargées du patrimoine.

Vu la fracture numérique actuelle, il est nécessaire de renforcer la coopération et la solidarité internationales pour permettre à tous les pays d’assurer la création, la diffusion et la conservation de leur patrimoine numérique ainsi que la possibilité d’y accéder en permanence.

La bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales, comme patrimoine numérique donnant accès au patrimoine scientifique notamment dans le champ des sciences humaines et sociales, n’est pas à l’abri du problème de la menace de perte posé par le troisième article de la Charte de l’UNESCO sur la conservation du patrimoine numérique. D’où le bien-fondé de l’implication des bénévoles et d’autres particuliers dans le processus de conservation de cette initiative. Les institutions nationales et internationales, privées ou publiques doivent inévitablement coopérer en vue de la préservation de ce type de patrimoine numérique, facteur important de justice cognitive. La coopération, comme indique la Charte, serait en mesure d’encourager la création d’une atmosphère capable d’améliorer les possibilités d’accès au patrimoine numérique. Donc, les Classiques des sciences sociales doivent développer des partenariats solides pour la consolidation du travail effectué et la pérennité de l’institution.

Par ailleurs, il faut noter que beaucoup de bénévoles, d’utilisateurs et d’utilisatrices[12] entretiennent de grandes affinités avec la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales. Ceci étant dit, le patrimoine numérique, qui comporte des aspects juridiques, économiques, politiques et éducatifs, montre que nous pouvons avoir un sentiment d’appartenance aux objets numériques. Ces derniers peuvent être transmis aux générations futures en fonction de leur authenticité et de leur diversité. Dans la section suivante, je vais m’intéresser aux enjeux éducatifs du patrimoine numérique afin de bien saisir la mission de la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales comme un outil pédagogique.

Le numérique éducatif et les Classiques des sciences sociales

Les technologies numériques jouent un rôle important dans le monde éducatif même si, par ailleurs, elles donnent lieu à des controverses, notamment autour des bénéfices, et soulèvent des enjeux spécifiques. Bon nombre de recherches ont été réalisées sur les enjeux du numérique éducatif (Higgins, Xiao et Katsipataki 2012; Moatti 2010; Somekh et al. 2007). Ce dernier transforme les modes de gestion pédagogique, les pratiques d’enseignement et d’apprentissage. Il renvoie notamment aux technologies basées sur l’usage des ordinateurs ou du matériel informatique en vue de la production, de la transmission, de la mise à disposition et de la vulgarisation de ressources et de contenus éducatifs.

Les progrès technologiques en matière de numérique constituent pour les milieux éducatifs une opportunité à saisir, que ce soit sur le plan pédagogique ou sur celui de la recherche. Néanmoins, l’apport des technologies et des ressources numériques dépend grandement des usages qui en sont faits et demande des compétences en matière de littératie numérique. Sur ces entrefaites, la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales, de par sa mission, joue un rôle important dans le monde du numérique éducatif. Elle contribue à la formation des gens, en mettant à disposition des travaux et des documents scientifiques, qui servent de ressources éducatives numériques, et à la diffusion de recherches universitaires. Les publics ciblés sont principalement les professeur-e-s, les chercheur-e-s et les étudiant-e-s dans différentes disciplines des sciences humaines et sociales de même que les citoyens et citoyennes de partout dans le monde. La mission pédagogique des Classiques des sciences sociales est très bien accueillie, surtout dans les endroits où l’accès aux travaux et aux recherches scientifiques est limité. C’est le cas par exemple en Haïti où la collection « Études haïtiennes » des Classiques des sciences sociales, diffusant des œuvres du patrimoine scientifique haïtien, a permis aux jeunes universitaires haïtiens de poursuivre des travaux de recherche en sciences humaines et sociales, dans un contexte post-séisme où presque toute l’infrastructure des bibliothèques est, jusqu’à aujourd’hui encore, loin d’être rétablie. Cette collection est, dans le contexte haïtien, un support indispensable suite à la catastrophe du 12 janvier 2010 ayant frappé terriblement le territoire de Jean-Jacques Dessalines[13]. En ce sens, la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales peut être perçue comme une véritable utopie sociale pour la population estudiantine haïtienne, pour des chercheur-e-s des pays du Sud, etc.

Les Classiques des sciences sociales : biographie d’une expérience utopique

Le monde est de plus en plus en quête de nouveaux idéaux, valeurs et rêves. L’utopie est en ce sens d’actualité. Des chercheurs et des chercheuses d’horizons différents l’abordent. L’aventure des Classiques des sciences sociales peut-elle être considérée comme une expérience utopique? La notion d’utopie peut-elle nous permettre de penser le travail des Classiques des sciences sociales? Qu’est-ce qu’une utopie? La définir n’est pas une mince affaire puisque c’est un terme polysémique.

L’utopie au fil du temps

Dans le parler familier, l’utopie évoque l’idée des initiatives chimériques. Le juriste et théologien Thomas More (1987) fut le premier à employer ce terme pour dépeindre une société imaginaire. Dans son ouvrage, l’utopie est une île fictive qualifiée de communiste où prédominent les actions de partage et les valeurs d’égalité, donc un lieu qui ne connaît pas la propriété privée, ou encore un territoire sain dont l’existence est énigmatique. C’est une illustration par la représentation d’un réel tendant vers la perfection. Le concept d’utopie a une longue histoire (Lapouge 1973). Ruyer (1950) a réalisé une recherche importante sur les différentes utopies qui, durant des années, ont fait leurs preuves. Le parcours de l’utopie est celui de la dynamique de démystification (Cioranescu 1972). Anne Staquet (2003) parle des paradoxes de l’utopie. Cette dernière est le rêve d’une société sans pauvreté, discrimination et injustice sociale, caractérisée par une logique de persistance, des facteurs de changement et aussi de déviation (Chirpaz 2000). Toutefois, elle a été critiquée pour son côté imprécis, métaphysique, idéaliste, illusoire et irrationnel (Engels 1950).

Au fil du temps, le concept d’utopie a connu un renouveau. En effet, certains projets, initiatives et aspirations communes s’inscrivent dans une dynamique utopique, c’est-à-dire dans la résistance face à l’ordre des choses existant, dans la force de l’inventivité et du combat en faveur de l’amélioration des conditions d’existence. C’est une possibilité de renversement social dans une perspective de totalité. La nature de l’utopie est d’ordre ethnologique : c’est l’occasion pour l’être humain de se démarquer de l’actuel pour concevoir d’autres alternatives. En ce sens, l’utopie annonce-t-elle l’avenir? Bronislaw Baczko semble avoir la réponse :

Les utopies ne sont souvent que des vérités prématurées » : ces paroles de Lamartine sont devenues presque un dicton. Elles résument une certaine optique, une certaine manière d’envisager les utopies : le problème essentiel, c’est leur rapport avec l’avenir. La valeur et l’importance d’une utopie dans le présent dépendent de sa « vérité », c’est-à-dire de sa capacité de prévoir l’avenir. Les paroles de Lamartine témoignaient d’une certaine réhabilitation de l’utopie, elles manifestaient à la fois les inquiétudes et les espoirs de son temps. Elles témoignaient de la perplexité de cette époque où fourmillaient les mi-utopistes et les mi-prophètes, les saint-simoniens et les fouriéristes, les sectes mi-sociales et mi-religieuses (Baczko 1971, 355).

L’utopie est un instrument critique des modes d’organisation institutionnelle, sociale et politique. Elle vise avant tout la restauration ou l’accomplissement du bien commun, sans pour autant négliger l’émancipation individuelle. Elle s’attaque aux oppressions sociales et dénonce les travers du monde réel. Elle est porteuse d’un idéal égalitaire ou « d’une humanité future », pour reprendre l’expression de Marc Angenot (2003). C’est un projet politique et rationnel de fondation d’une société idéale. Ce projet reflète les désidératas et l’intérêt collectif (Messac 2008). Autrement dit, l’utopie a des objectifs nobles, quoique les occasions d’atterrissage ne soient pas d’emblée perceptibles. Donc, l’utopie n’est pas ce qui ne pourra jamais être possible, mais ce qui n’est pas encore possible (qui le deviendra un jour ou l’autre par l’exercice du pouvoir des membres des communautés sur leur destin tant individuel que collectif). L’utopie invite à croire en d’autres pratiques de vie. Selon Frédéric Rouvillois, l’utopie peut épouser plusieurs formes :

L’utopie peut prendre n’importe quel visage, elle peut s’insinuer partout, dans les Traités politiques ou philosophiques, les projets de constitution, les poèmes et les chansons, aussi bien que dans des récits de voyage ou des romans initiatiques (Rouvillois 1998, 19).

Dans ce même ordre d’idées, le Dictionnaire des utopies (2002) met en exergue la variété des prétentions utopiques de la littérature, du chant, de l’art, de la technologie, des sciences, du champ politique, voire de tel ou tel paradigme, etc. Il y a un lien entre l’utopie et l’idéologie. Cela peut être un lien de rupture ou de conservation, notamment dans le champ politique. Pour Karl Mannheim (2006), l’utopie résiste à l’idéologie susceptible de façonner l’ordre sociopolitique existant. Paul Ricœur (1997) y voit un rapport dialectiques : l’utopie corrige les impacts stabilisateurs de l’idéologie, alors que celle-ci peut prévenir les excès utopiques. Contrairement à Mannheim, l’utopie de Ricœur est basée sur des assises plus vigoureuses, capables de redéfinir le réel au service d’un idéal.

Walter Benjamin (2013) a attribué au concept d’utopie une fonction fondamentale dans le déroulement de l’histoire. Ernst Bloch (1976) y a vu un lieu d’une conscience anticipatrice contre l’aliénation et toutes formes de domination. Pour ce dernier, l’utopie a une dimension concrète : c’est la pensée utopique qui éclaire tous les projets émancipateurs dans l’aventure du monde. Quel rapport entre le Principe Espérance de Bloch et le Principe Responsabilité de Hans Jonas (1979)? Nous pensons que les deux se rejoignent : le Principe Responsabilité en dehors de l’espérance (entendons par là utopie) est stérile, alors que le Principe Espérance en dehors de la responsabilité est fantaisiste.

L’utopie : une diversité d’approches

L’utopie a fait l’objet de plusieurs recherches. René Dumont (1973) a mis en avant des éléments de revalorisation de l’intention utopique en vue d’une société sans marginalisation. Julien Freund a étudié la dynamique de la pensée utopique. Pour lui, « l’utopie est un moyen de faire croire » (Freund 1978, 95). Leszek Kolakowski parle de conscience utopique : « c’est l’idée qu’un certain état de choses désiré ou prévu n’est pas seulement désiré ou prévu, mais correspond aux exigences de l’homme en tant qu’homme » (Kolakowski 1978, 135). Jean Servier (1991) voit en l’utopie l’inacceptation d’un temps présent oppressant. L’utopie n’est pas l’irréalisable pour Erich Fromm (2001). Ce dernier donne une dimension interne à sa réalisation : l’utopie peut se matérialiser pourvu que l’être humain prenne le contrôle des énergies internes pouvant encourager son extension. Quant à Jacques Attali (2002), il l’associe avec une logique de réformes prenant en considération les pratiques révolutionnaires. C’est donc un pari (Langlois 2005). Pour Albert Jacquard (2008), l’utopie évoque l’idée d’une société parfaite où l’éducation et les rapports entre les gens seraient primordiaux. Thierry Paquot (2007) la perçoit comme « un ailleurs présent », où prévalent la prospérité, l’idéal et l’intégrité. Pour cet auteur, elle abrite à la fois ce qui est épouvantable comme l’intention totalitaire et ce qui est préférable comme la manifestation de l’espérance de chacun. L’utopie offre un spectacle inédit : le rapprochement entre le meilleur et le pire (Macherey 2011). Très inventive et critique, elle peut être un outil de mobilisation et d’engagement au profit de la collectivité. Elle symbolise les velléités de multiplier l’espérance d’un monde plus juste (Cousin 2007). Cela offre les possibilités aux individus de se développer, de protéger l’environnement dans une perspective durable et d’expérimenter ensemble une parole critique. C’est un outil de révoltes (Chastagner 2011). Yolène Dilas-Rocherieux (2007) dévoile, dans un ouvrage très intéressant, la manière dont l’utopie, pendant quatre siècles d’agitations sociopolitiques, a influencé la pensée communiste et les insurgés bolcheviques.

Par ailleurs, on pourrait davantage élargir la notion d’utopie. Anthony Michel parle de l’utopie libertaire (2003), en ce sens que le libertaire répand sa vision du monde par le biais des accomplissements pratiques, des styles de vie, des productions écrites, des réalisations esthétiques, etc. Ceci dit, les « figures de l’utopie » peuvent être partout : dans le milieu social, artistique, littéraire et scientifique, etc. (Bard, Bertin et Guillaud 2014). Alain Pessin (2001) met en exergue le visage actuel des « utopies d’aventure ». Laurent Chollet (2004) réfléchit sur une autre forme d’utopie : celle incarnée. Cela traduit le parcours d’un groupe d’hommes et de femmes, appelés « situationnistes » dont la pensée contre l’aliénation de l’économie marchande a servi de fil conducteur à un ensemble de mouvements sociaux.

L’une des missions principales de la science est de servir la société. Pour que la science puisse remplir adéquatement cette mission, il faut que les publications scientifiques, donc les résultats de la recherche, mais aussi les données issues de la recherche, soient accessibles à toutes et à tous, au-delà de toute logique marchande. C’est tout le sens d’une utopie connue sous le nom de mouvement du libre accès à la littérature scientifique. Ce mouvement est lié à tout un ensemble d’autres revendications en faveur de la science ouverte : le mouvement du logiciel et de l’informatique libres, le mouvement « open source », les données ouvertes (open data), l’évaluation ouverte, les outils de travail collaboratif, les ressources éducatives libres (REL), etc.[14] L’aventure des Classiques des sciences sociales s’inscrit dans ce mouvement. Mais, en quoi est-elle porteuse d’utopie sociale?

L’intention utopique des Classiques des sciences sociales

Peut-on comprendre la mission des Classiques des sciences sociales en dehors des matériaux utopiques? Dans cette partie, je m’intéresserai au rôle utopique que joue la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales dans les mécanismes de diffusion du patrimoine scientifique dans la communauté francophone.

Rappelons que l’utopie est une prise de conscience critique pour agir sur la réalité sociale. L’utopie n’est pas ce qui est illusoire. Elle peut provoquer des transformations sociales. Quand il y a une crise de sens collectif dans une communauté, c’est qu’il y a une crise utopique. L’utopie peut enrichir les aspirations communautaires. La manifestation de l’utopie prend en compte l’histoire et la culture des communautés dans leur dynamisme. Karl Mannheim invite à la cerner comme un vecteur de changement. Il considère « comme utopiques toutes les idées situationnellement transcendantes (et non seulement les projections de désirs) qui ont, d’une façon quelconque, un effet de transformation sur l’ordre historico-social existant » (Mannheim 1956, 145)Michaël Löwy (1985) propose une lecture dialectique de l’utopie. Pour lui, la même vision du monde peut, à un moment historique donné, avoir un caractère historique et, ensuite, devenir une idéologie à une étape ultérieure.

La définition du sociologue Jean Séguy de l’utopie a également retenu notre attention pour pouvoir bien développer cette partie. Pour lui, l’utopie est « tout système idéologique total visant, implicitement ou explicitement, par l’appel à l’imaginaire (utopie écrite) ou par passage à la pratique (utopie pratiquée), à transformer radicalement les systèmes globaux existants » (Séguy 1999, 331). Cette notion nous convie à remettre en question la duplication des mécanismes sociaux, en articulant le dire et le faire. Pour l’auteur, l’utopie a un aspect contestataire pouvant déboucher, dépendamment du contexte, sur une forme de radicalité.

Le concept d’utopie peut nous aider à appréhender les multiples fonctions de la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales, une initiative qui redonne de l’espoir aux populations dans divers milieux. En témoignent les bienfaits de la collection Études haïtiennes :

[…] au-delà des pertes en vies humaines, le séisme du 12 janvier 2010 a créé des pertes énormes dans les principales institutions culturelles du pays, notamment les différentes bibliothèques. […] À cette période difficile, les Classiques des sciences sociales nous sont apparus comme une véritable bouée de sauvetage permettant aux chercheurs et chercheuses d’Haïti d’avoir un meilleur accès au patrimoine scientifique de leur propre pays, ce qui est un appui incontournable surtout dans un contexte où la grande partie de l’infrastructure des bibliothèques n’est pas reconstruite (Dorcé et Tremblay 2016, 145-46).

La bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales[15]est porteuse d’utopie pour avoir participé au mouvement de diffusion des savoirs produits dans le monde francophone, de valorisation des cultures francophones et d’appropriation de ces œuvres par les communautés francophones. La mise en ligne des recherches scientifiques est un véritable facteur de relance sociale, d’alternatives au processus d’injustice cognitive que subissent principalement les francophones du Sud. En effet, cela encourage, au niveau mondial, la découverte des idées francophones tant au Sud qu’au Nord et permet, sans nul doute, l’obtention d’une meilleure visibilité du patrimoine scientifique francophone. Autrement dit, l’initiative des Classiques des sciences sociales présente des opportunités de résistance face à l’anglicisation du monde scientifique et de cohésion pour les membres des communautés francophones. Elle peut servir de guide pour soutenir des réflexions et des actions scientifiques, pour accompagner les groupes, les chercheurs et chercheuses ou les individus impliqués dans le mouvement du libre accès. C’est un engagement qui exige la prise en considération de principes éthiques.

La bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales comme nouvelle utopie ne saurait être comprise en dehors du respect des règles éthiques. D’ailleurs, Octavio Alberola conçoit ainsi l’utopie : « c’est le fait de poursuivre le travail intellectuel qui a permis aux êtres humains de donner un sens de plus en plus éthique à leur processus d’humanisation » (Alberola 2013, 3). Le fonctionnement des Classiques des sciences sociales met en exergue cette dimension éthique : l’exigence du respect des valeurs des autres dans une logique de développement durable. D’où l’importance de l’implication des bénévoles de partout dans le monde dans cette initiative en vue de faciliter la formation d’un véritable espace épistémique parmi les enseignant-e-s, les étudiant-e-s, les spécialistes, les chercheur-e-s engagé-e-s à l’échelle locale et internationale. La bibliothèque offre aux utilisateurs et aux utilisatrices les possibilités de développer toute une complicité positive, de laisser leur vision du monde se transformer. Sa politique de diffusion et de mise en valeur du patrimoine scientifique francophone est au service de l’intérêt général et de la diversité d’expression culturelle. C’est donc « un lieu de coopération précieuse entre bénévoles, chercheuses, chercheures, étudiants, étudiantes, bibliothécaires, institutions publiques au service du bien commun » (Tremblay et Tremblay 2016, 135).

Les Classiques des sciences sociales montrent comment le numérique, particulièrement le web[16], peut remplir une mission utopique fondamentale, tout en respectant les droits des auteur-e-s dont les œuvres sont diffusées sur le net. Elles montrent également en quoi le renforcement d’une action publique au niveau mondial basée sur les intérêts de la diversité des savoirs produits tant au Nord qu’au Sud est à encourager. C’est toute une réorientation des politiques publiques en matière de diffusion de connaissances scientifiques qui est souhaitable.

En associant les bénévoles, surtout les jeunes aux processus de mise en page, de correction des textes produits dans leurs pays respectifs, de démarches auprès des chercheur-e-s pour pouvoir les convaincre de la nécessité de diffuser leurs productions scientifiques en libre accès, de sensibilisation des utilisateurs et utilisatrices sur les enjeux du libre accès, la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales encourage la prise en compte des aspirations sociales et des valeurs participatives. C’est un facteur de légitimation institutionnelle. Elle a le mérite de privilégier l’échange des savoir-faire, la cohésion entre les communautés et la prise de conscience de l’importance des aspects gratuits et qualitatifs de la diffusion du patrimoine scientifique francophone. Grâce à cette bibliothèque numérique, les francophones du monde entier peuvent exprimer leur intérêt envers leur patrimoine scientifique et deviennent ainsi plus déterminés à sauvegarder ce dernier. La valorisation du patrimoine scientifique francophone peut favoriser un sentiment d’appartenance au sein des communautés francophones. En ce sens, la bibliothèque est porteuse d’utopie. Elle a, par ses activités de diffusion, de sensibilisation, de transmission et de valorisation,des conséquences surtout sociales et académiques qui sont vitales pour les collectivités. Ceci étant dit,dans le cadre de ce texte, la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales est conçue comme une nouvelle utopie sociale.

En guise de conclusion

Les Classiques des sciences sociales jouent un rôle important, tout comme d’autres institutions, dans la conservation et la mise en valeur du patrimoine scientifique québécois et, de manière plus générale, francophone, grâce au numérique et à Internet. C’est une ressource pédagogique pour beaucoup de professeur-e-s et étudiant-e-s. C’est une opportunité pour les universitaires de faire connaître leurs œuvres dans le monde entier.

Cette bibliothèque joue une fonction sociale non négligeable pour cerner les faits historiques, sociaux, économiques, politiques et culturels du Québec et d’ailleurs. Le site des Classiques des sciences sociales est d’ailleurs utilisé dans 224 pays différents[17]. Cela augmente considérablement la visibilité et l’accessibilité des œuvres en français des chercheur-e-s issus de la francophonie. En plus, cette bibliothèque numérique a le mérite de mettre en valeur les connaissances produites au Québec et dans toute la francophonie. Cela participe du combat en faveur de la justice cognitive et du développement durable.

Alors, de tout ce qui précède, il faut comprendre que l’initiative des Classiques des sciences sociales bouleverse le paradigme traditionnel de la diffusion du savoir. Elle provoque une nouvelle conception (plutôt participative) dans la manière de diffuser les savoirs produits tant au Nord qu’au Sud. Les communautés francophones, à travers des structures de bénévolat, contribuent de plus en plus à la mise en valeur des pratiques scientifiques locales. Ces savoirs et savoir-faire locaux sont mis en évidence dans une logique collaborative. À côté de la préservation, la transmission du patrimoine scientifique est une préoccupation fondamentale pour les communautés.

La bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales est considérée dans ce texte comme une nouvelle utopie sociale. En effet, elle sert à transmettre, dans une perspective de développement durable, des valeurs de cohésion sociale, de réussite collective, de solidarité, d’identité collective, du bien commun, etc. Elle est un vecteur de justice cognitive, notamment pour les pays du Sud. En ce sens, il faut comprendre, dans sa dimension utopique, le rôle des membres des communautés dans les mécanismes de mobilisation et de diffusion du patrimoine scientifique francophone. Cependant, il ne faut pour autant pas négliger les autres acteurs importants dans ce processus, comme l’État et les institutions internationales. Il faut également tenir compte des points de vue des chercheur-e-s ou même des journalistes dans le processus de sensibilisation autour du libre accès. La mobilisation de tous ces acteurs et actrices est nécessaire pour soutenir les initiatives visant à rendre accessible le patrimoine scientifique en sciences humaines et sociales et consolider le mouvement de l’accès libre qui rencontre, aujourd’hui encore, un ensemble de résistance. Cette mobilisation vaut également la peine d’être poursuivie puisque les organisations, qui reposent en grande partie sur le bénévolat comme la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales, sont également très fragiles.

Toutefois, dans le cadre de ce texte, j’ai plutôt mis en lumière l’intention utopique de la bibliothèque numérique Les Classiques des sciences sociales. Cette bibliothèque, bien avant l’ère Google, est à l’origine d’une prise de conscience de l’intérêt de la diffusion du patrimoine scientifique que les membres des communautés francophones[18] détiennent, de l’importance de le rendre accessible et de le mettre en valeur, etc. Ce qui maintient toute une utopie sociale. La dimension utopique de la bibliothèque fait écho à un élément de coopération solidaire au profit des chercheur-e-s du Sud qui veulent faire connaître leurs œuvres autant que les chercheur-e-s du Nord, notamment dans le milieu francophone. Elle met en scène un pari identitaire fondamental. Elle renforce le lien entre les francophones. Cette initiative vaut la peine d’être pérennisée, avec surtout le support et l’implication de tous et de toutes.

Références

Alberola, Octavio. 2013. Penser l’utopie à l’Université Populaire de Perpignan. Lavern (Alt Penedès) : Bombarda.

Amirou, Rachid. 1995. Imaginaire touristique et sociabilités du voyage. Paris : PUF.

Angenot, Marc. 2003. L’antimilitarisme : Idéologie et Utopie. Québec : Presses de l’Université Laval.

Attali, Jacques. 2002. Fraternités : Une nouvelle utopie. Paris : Le Livre de poche.

Baczko, Bronislaw. 1971. « Lumières et utopie. Problèmes de recherches ». Annales. Économies, Sociétés, Civilisations (2) : 355-386.

Bard, Christine, Georges Bertin et Lauric Guillaud. 2014. Figures de l’utopie. Hier et aujourd’hui. Rennes : Presses universitaires de Rennes.

Bardini, Thierry et Serge Proulx. 2000. « Les promesses du cyberespace : médiations, pratiques et pouvoirs à l’heure de la communication électronique ». Sociologie et sociétés 32 (2).

Benjamin, Walter. 2013. Thèses sur le concept d’histoire. Paris : Payot.

Bloch, Ernst. 1976. Le Principe espérance. Paris : Gallimard.

Bondaz, Julien. 2009. « Topographie magico-religieuse et espace muséal. Territoires, trajectoires et transes au Musée national du Niger ». Dans Patrimoine et sacralisation. Sous la direction de E. Berthold. Québec : Éditions Multimondes.

Bosc, Hélène. 2003. « La Budapest Open Access Initiative (BOAI) pour un libre accès aux résultats de la recherche ». Terminal (89) : 45-52.

Bougarel, Gérard. 1992. « Le patrimoine condamné par l’économie libérale ». Dans Le patrimoine, atout du développement. Sous la direction de Régis Neyret, 77-81. Lyon : Presses universitaires de Lyon.

Boullier, Dominique.2014. « Médiologie des régimes d’attention ». Dans L’économie de l’attention. Nouvel horizon du capitalisme?. Sous la direction de Yves Citton, 84-108. Paris : La découverte.

Bourdin, Alain. 1984. Le patrimoine réinventé. Paris : PUF.

Breton, Philippe et Serge Proulx. 2002. L’explosion de la communication à l’aube du XXIe siècle. Paris : La Découverte, Montréal : Boréal.

Cardin, Martine. 2010. « L’authenticité des archives à l’ère numérique : enjeux de maltraitance et de falsification ». Dans Les maltraitances archivistiques. Falsifications, instrumentalisations, censures, divulgations. Les maltraitances archivistiques. Sous la direction de Paul Servais, avec la collaboration de Françoise Hiraux et Françoise Mirguet, 31-46. Louvain-la-Neuve : Éditions Academia-Bruylant.

Carroll, Evan et John Romano. 2011. Your digital afterlife. Berkeley, CA : New Riders.

Chambat, Pierre. 1994. « Usages des technologies de l’information et de la communication : évolution des problématiques ». Technologies de l’information et société 6 (3) : 249-270.

Chastagner, Claude. 2011. Révoltes et utopies. Militantisme et contre-culture dans l’Amérique des années soixante. Paris : PUF.

Chirpaz, François. 2000. Raison et déraison de l’utopie. Paris : L’Harmattan.

Chollet, Laurent. 2004. Les Situationnistes : L’utopie incarnée. Paris : Gallimard.

Cioranescu, Alexandre. 1972. L’avenir du passé : utopie et littérature. Paris : Gallimard.

Clavier, Viviane et Céline Paganelli. 2015. « Patrimoine et collections numériques : politiques, pratiques professionnelles, usages et dispositifs ». Les Enjeux de l’information et de la communication 16 (2) : 5-13.

Cousin, Christophe. 2007. Sur la route des utopies. Paris : Éditions Arthaud.

Daniel, Moatti. 2010. Le numérique éducatif (1977-2009). 30 ans d’un imaginaire pédagogique officiel. Dijon : Éditions universitaires de Dijon.

Desnoilles, Richard. 2007. « Politiques patrimoniales au 20e siècle à la recherche de l’utopie urbaine ». Dans Patrimoine et patrimonialisation: entre le matériel et l’immatériel. Sous la direction de Marie-France Fourcade, 37-52. Québec : Presses de l’Université Laval.

Dilas-Rocherieux, Yolène. 2007. L’Utopie ou la mémoire du futur, de Thomas More à Lénine. Paris : Éditions Robert Laffont.

Dorcé, Ricarson et Émilie Tremblay. 2016. « La mise en valeur par les Classiques des sciences sociales des savoirs produits en Haïti ». Dans Justice cognitive, libre accès et savoirs locaux. Pour une science ouverte juste, au service du développement local durable. Sous la direction dF. Piron, S. Régulus et M. S. Dibounje Madiba, 144-147. Québec : Éditions science et bien commun.
https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/justicecognitive1/chapter/la-mise-en-valeur-par-les-classiques-des-sciences-sociales-des-savoirs-produits-en-haiti/

Dumont, René. 1973. L’Utopie ou la mort. Paris : Seuil.

Engels, Friedrich. 1950. Socialisme scientifique et socialisme utopique. Paris : Les Éditions sociales.

Flichy, Patrice. 2001. L’imaginaire d’Internet. Paris : La Découverte & Syros.

Fonseca, Maria Cecilia Londres. 2012. « La sauvegarde du patrimoine culturel immatériel au Brésil : définitions et principes, législation, instruments, défis ». Dans Les mesures de soutien au patrimoine immatériel. Sous la direction de Antoine Gauthier. Québec : Conseil québécois du patrimoine vivant.

Freund, Julien. 1978. Utopie et violence. Paris : Éditions Marcel Rivière et Ge.

Fromm, Erich. 2001. L’Homme et son utopie. Paris : Desclée de Brouwer.

Genin, Christine. 2016. « Le tournant du numérique pour le dépôt légal à la BnF ». La Faute à Rousseau (72) : 54-56.

Gervais, Bertrand. 2016. « Archiver le présent : le quotidien et ses tentatives d’épuisement ». Sens public (16). http://sens-public.org/article1204.html

Giguère, Hélène. 2010. Viva Jerez!: enjeux esthétiques et politiques de la patrimonialisation de la culture. Québec : Presses de l’Université Laval.

Gravari-Barbas, Maria et Philippe Violier. 1999. « Politiques de patrimoine et de tourisme culturel à Bourges. Tendances globales et acteurs locaux ». Dans L’espace social et les acteurs du tourisme. Sous la direction de Philippe Violier, 153-165. Rennes : Presses universitaires de Rennes.

Greffe, Xavier. 2003. La valorisation économique du patrimoine. Paris : Documentation Française.

Guédon, Jean-Claude. 2014. « Le libre accès et la ‘‘Grande Conversation’’ scientifique ». Dans Pratiques de l’édition numérique. Sous la direction de Marcello Vitali-Rosati et Michael E. Sinatra, 111-126. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Hartog, François. 2003. Régimes d’historicité : présentisme et expériences du temps. Paris : Seuil.

Higgins Steven, ZhiMin Xiao et Maria Katsipataki. 2012. « The impact of digital technology on learning: executive summary ».
https://educationendowmentfoundation.org.uk/public/files/Publications/The_Impact_of_Digital_Technologies_on_Learning_(2012).pdf

Jacquard, Albert. 2008. Mon utopie. Paris : Stock.

Jacquesson, Alain et Alexis Rivier. 2005. Bibliothèques et documents numériques. Concepts, composantes, techniques et enjeux. Paris : Éd. du Cercle de la librairie.

Jadé, Mariannick. 2006. Patrimoine immatériel. Perspectives d’interprétation du concept de patrimoine. Paris : L’Harmattan.

Jauréguiberry, Francis. 1997. « L’usage des téléphones portatifs ».CNRS-Info (345).

Jonas, Hans. 1979. Le principe responsabilité, une éthique pour la civilisation technologique. Paris : Cerf.

Kmec, Sonja. 2008. « Lieux de mémoire : une lecture critique des pratiques patrimoniales ». Dans Patrimoines: fabrique, usages et réemplois. Sous la direction de Capucine Lemaître et Benjamin Sabatier, 11-20. Québec : Éditions Multimondes.

Kolakowski, Leszek. 1978. L’esprit révolutionnaire suivi de Marxisme : utopie et anti-utopie. Paris : Éditions Complexe.

Langlois, Denis. 2005. L’utopie est morte! Vive l’utopie!. Paris : Éditions Michalon.

Lapouge, Gilles. 1973. Utopie et Civilisations. Paris : Librairie Weber.

Löwy, Michaël. 1985. Paysages de la vérité. Introduction à une sociologie critique de la connaissance. Paris : Éditions Anthropos.

Macherey, Pierre. 2011. De l’utopie!. Lille : De l’incidence éditeur.

Mahoudeau, Julien. 2006. Médiation des savoirs et complexité. Le cas des hypermédias archéologiques et culturels. Paris : L’Harmattan.

Mannheim, Karl. 2006. Idéologie et Utopie. Paris : Éditions de la Maison des sciences de l’homme.

Messac, Régis. 2008. Les Premières Utopies. Paris : Ex Nihilo.

Michel, Anthony. 2003. Utopies libertaires. DEA d’histoire, France, Université de France-Comté.

Micoud, Alain. 1995. « Le bien commun des patrimoines ». Dans Patrimoine naturel, patrimoine culturel, Actes du colloque de l’École nationale du patrimoine, 25-38. Paris : La Documentation française.

More, thomas. 1987. L’utopie, Paris : Flammarion.

Morice, Jean-René, Guy Saupin et Nadine Vivier. 2015. Mutations de la culture patrimoniale. Rennes : Presses Universitaires de Rennes.

Nora, Pierre et al. 1997. Science et conscience du patrimoine. Paris : Fayard/ Éditions du patrimoine.

Paquot,Thierry. 2007. Utopies et utopistes. Paris : La Découverte.

Perriault, Jacques. 1989. La logique de l’usage. Essai sur les machines à communiquer, Paris : Flammarion.

Pessin, Alain. 2001. L’imaginaire utopique aujourd’hui. Paris : PUF.

Pflieger, Sylvie. 2017. « Le patrimoine, levier du développement local ». Dans Sur les voies du patrimoine. Entre culture et politique. Sous la direction de Munier-Témime Brigitte, 141-153. Paris : L’Harmattan.

Rautenberg, Michel. 1998. « L’émergence patrimoniale de l’ethnologie : entre mémoire et politiques publiques ». Dans Patrimoine et modernité. Sous la direction de Dominique Poulot, 279-291. Paris : L’Harmatan.

Ricœur, Paul. 1997. L’idéologie et l’utopie. Paris : Éditions du Seuil.

Riot-Sarcey, Michèle, Thomas Bouchet et Antoine Picon. 2002. Dictionnaire des Utopies. Paris : Éditions Larousse.

Roberge, Jonathan et Guillaume Grenon. 2017.« De l’Internet, du Québec, et de l’Internet Québécois. Essai sur les nouveaux modes de régulation numérique de la culture », Revue Recherches sociographiques 58 (1) : 23-41.

Rouvillois, Frédéric. 1998. L’utopie. Paris : Flammarion.

Ruyer, Raymond. 1950. L’utopie et les utopies. Paris : Presses Universitaires de France.

Séguy, Jean. 1999. Conflit et utopie, ou réformer l’Église. Parcours Wébérien en douze essais. Paris : Cerf.

Servier, Jean. 1991. Histoire de l’utopie. Paris : Gallimard.

Somekh, Bridget et al. 2007. « Evaluation of the ICT Test Bed Project Final Report ».
http://dera.ioe.ac.uk/1590/7/becta_2006_icttestbed_qualitative_report_Redacted.pdf

Staquet, Anne. 2003. L’Utopie ou les fictions subversives. Québec : Éditions du Grand Midi.

Tankéré, Odile. 2012. La conservation du mobilier archéologique : un enjeu scientifique, culturel et social. Paris : L’Harmattan.

Treleani, Matteo. 2014. Mémoires audiovisuelles. Les archives en ligne ont-elle un sens?. Montréal : Presses de l’Université de Montréal.

Tremblay, Émilie et Jean-Marie Tremblay. 2016. « La bibliothèque numérique « Les Classiques des sciences sociales » : libre accès et valorisation du patrimoine scientifique en sciences humaines et sociales ». Dans Justice cognitive, libre accès et savoirs locaux. Pour une science ouverte juste, au service du développement local durable. Sous la direction de F. Piron, S. Regulus et M. S. Dibounje Madiba, 132-143. Québec : Éditions science et bien commun.
https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/justicecognitive1/chapter/la-bibliotheque-numerique-les-classiques-des-sciences-sociales-libre-acces-et-valorisation-du-patrimoine-scientifique-en-sciences-humaines-et-sociales/


  1. Plusieurs termes peuvent être employés pour qualifier ce type de bibliothèque : « virtuelle », « en ligne », « numérique » ou « électronique ». Dans le cadre de ce texte, j’opte pour le terme « bibliothèque numérique », qui renvoie à la mise en ligne de documents numérisés ou de documents nativement sous format numérique.
  2. Voir la page d’accueil du site des Classiques des sciences sociales : http://classiques.uqac.ca/
  3. Cette école d’été, organisée par le CELAT (Centre de recherche Cultures – Arts – Sociétés), a eu lieu du 11 au 20 mai 2017 au Musée de la Civilisation à Québec sous la direction de la professeure Madeleine Pastinelli.
  4. Billy St-Arneault et moi avons travaillé sur Les Classiques des sciences sociales comme projet d’acquisition numérique.
  5. Pour plus de détails sur l’initiative de Budapest, voir Bosc (2003).
  6. Pour lire la Déclaration de Budapest, voir : http://www.budapestopenaccessinitiative.org/read
  7. Je suis conscient d’une distinction très claire entre, d’une part, la manière dont on utilise le numérique pour démocratiser un patrimoine qui, lui, n’a a priori rien de numérique et, d’autre part, les faits de cultures numériques que l’on souhaite préserver et mettre en valeur.
  8. Au Québec, le 13 juin 2011, le terme a été incorporé à la « loi sur la gouvernance et la gestion des ressources informationnelles des organismes publics et des entreprises du gouvernement » (http://legisquebec.gouv.qc.ca/fr/ShowDoc/cs/G-1.03).
  9. Marie-Anne Chabin emploie le terme de numérité. Voir son blogue : http://www.marieannechabin.fr/2011/09/numerite/
  10. Voir La Charte de l’UNESCO sur la conservation du patrimoine numérique, http://portal.unesco.org/fr/ev.php-URL_ID=17721&URL_DO=DO_TOPIC&URL_SECTION=201.html
  11. Jacquesson et Rivier (2005) évoquent un autre facteur de risque concernant les mutations logicielles et matérielles qui peuvent avoir des impacts sur les fichiers de données.
  12. Voir la partie des témoignages recueillis dans le cadre de cet ouvrage.
  13. Jean-Jacques Dessalines, chef de la Révolution haïtienne, est considéré comme l’un des pères fondateurs d’Haïti.
  14. D’autres participant-e-s à cet ouvrage collectif donnent plus d’informations sur ce mouvement.
  15. Elle est, que l’on se le rappelle, parmi les premières initiatives à faciliter l’accès électronique gratuit à des œuvres en sciences humaines et sociales par le biais de techniques de numérisation des textes.
  16. Internet, dès son apparition, se fonde sur un ensemble d’utopies mettant en exergue la solidarité, le dialogue, le partage, la complicité positive entre les gens (Flichy 2001).
  17. Selon les informations que le fondateur de la bibliothèque m’a fournies lors d’un entretien dans le cadre de la préparation de cet ouvrage.
  18. Je suis conscient de l’importance aussi de valoriser le patrimoine scientifique dans une diversité de langues pour ne pas produire de nouvelles injustices cognitives ou encore de la nécessité que se développent aussi des initiatives locales dans différents milieux pour ne pas tout remettre dans les mains d’une seule plateforme.