13 Jean-Marie Tremblay et la bibliothèque numérique des Classiques des sciences sociales : une contribution innovatrice et citoyenne exemplaire à la diffusion des savoirs en sciences sociales

Céline Saint-Pierre

Pour moi, Jean-Marie Tremblay est un pionnier et un innovateur dans l’usage des technologies de l’information pour les avoir mises à contribution dans la diffusion des savoirs en sciences sociales et humaines. En tant que concepteur et producteur de la première banque francophone de publications numérisées, il a créé un outil qui joue un rôle unique et majeur dans la diffusion des savoirs anciens et contemporains en sciences sociales dans le monde. Jean-Marie Tremblay fait figure d’exemple par son engagement citoyen particulier et peu répandu dans le monde académique et de la recherche au regard de la démocratisation du savoir en offrant un accès libre et gratuit à cette banque de publications en progression constante. Mais aussi par son engagement envers la francophonie en privilégiant le rayonnement des travaux produits ou traduits en langue française. S’y ajoute, son engagement envers les pays moins nantis en institutions d’enseignement supérieur et en bibliothèques qui, via Internet, bénéficient d’un accès sans frais à cette grande bibliothèque virtuelle.

J’ai accepté d’emblée, au début des années 2000, la proposition de Jean-Marie Tremblay de diffuser mes publications sur support numérique, dans la bibliothèque « Les classiques des sciences sociales ». Les objectifs de son projet rejoignaient mes propres valeurs en tant que chercheure et professeure. De plus, ce projet était, et il le demeure toujours, innovateur dans sa conception et dans sa réalisation, faisant figure de chef de file dans le domaine de la numérisation de livres et d’articles scientifiques produits en langue française tout en offrant un accès libre et gratuit pour tous. Si de grandes bibliothèques nationales et universitaires procèdent à la numérisation de leurs documents en disposant de budgets importants, Jean-Marie Tremblay fut l’un des premiers, sinon le premier à réaliser un projet d’envergure  en numérisant près de 5 000 titres de livres et d’articles scientifiques avec très peu de financement et l’appui de 225 000 heures de travail bénévole. Par sa détermination, sa générosité, sa créativité, ses compétences professionnelles et celles de sa toute petite équipe de bénévoles, il a ainsi rendu disponible sur la toile une documentation scientifique importante constituée d’œuvres majeures des fondateurs des sciences sociales et de publications contemporaines de chercheurs importants de ces disciplines.  Monsieur Tremblay a décidé, il y a une quinzaine d’années, d’ajouter à la collection des auteurs classiques, les publications plus contemporaines de chercheurs et d’auteurs québécois dans le champ des sciences sociales. Ce choix a contribué à les faire connaître de manière significative et à favoriser leur participation à de nouveaux réseaux d’échanges internationaux. Il a réussi à obtenir le consentement sur la cession de droits d’auteurs et de droits de reproduction de la part de la très grande majorité d’entre eux, dans les différentes disciplines des sciences sociales.  C’est là une forme originale et efficace d’accroître la coopération internationale entre le Québec et le monde.

J’ai vécu, il y a une douzaine d’années, une expérience personnelle qui témoigne de manière concrète de la pertinence et de l’importance de cette bibliothèque numérique des sciences sociales pour les pays en voie de développement. Ayant la responsabilité de développer des programmes de baccalauréat et de maîtrise en sociologie et en économie à l’Université de Conakry (Guinée), dans le cadre d’un projet de coopération subventionné par la Banque mondiale, il s’est avéré nécessaire de doter la Faculté des sciences sociales d’une bibliothèque regroupant les livres et les documents nécessaires à l’enseignement et à la formation des élèves inscrits dans ces programmes. Aucune ressource financière n’était disponible dans les budgets du projet de coopération et des universités.  Nous y sommes arrivés grâce à la bibliothèque virtuelle « Les classiques en sciences sociales », dont le riche contenu permet de répondre aux besoins des enseignants et des élèves, de même qu’à l’un des critères de reconnaissance de la valeur académique de ces programmes. Plusieurs universités africaines ayant maintenant accès à Internet, l’existence d’une bibliothèque virtuelle de cette ampleur constitue pour elles une ressource inestimable et incontournable qui soutient directement l’implantation de programmes d’études supérieures en sciences sociales. La qualité de cette plateforme et surtout la pertinence du contenu disponible contribuent au développement des sciences sociales dans les pays en développement. De plus, cette bibliothèque virtuelle accélère la circulation des savoirs favorisant ainsi des échanges intellectuels qui transcendent les frontières des pays et celles du monde académique à partir d’assises proprement québécoises, contribuant ainsi à nous faire connaître  sur divers continents.

Force est de constater, comme nous venons d’en faire état, que les réalisations de Jean-Marie Tremblay vont au-delà du développement de nouveaux outils de diffusion des savoirs en sciences sociales et s’inscrivent dans des objectifs de démocratisation du savoir pour tous et partout dans le monde. Sa contribution exceptionnelle a été reconnue à juste titre par le gouvernement du Québec qui lui octroyé le titre de Chevalier de l’Ordre national du Québec en 2013.