27 Justice sociale, justice numérique dans les bibliothèques du 21e siècle

Marie D. Martel

Le discours et le travail en lien avec la justice sociale occupent une place grandissante, tout en étant l’objet de nombreux débats, dans les bibliothèques nord-américaines. Comme l’affirmait Kathleen M. Hughes, l’éditrice de la revue Public Libraries, dans un des derniers numéros :

Certains estiment que mettre l’accent sur ce travail [lié à la justice sociale] est en dehors de la mission de la bibliothèque, et d’autres affirment, avec passion, que les bibliothèques ont un rôle important à jouer dans ce domaine. Mais peu importe où vous vous situez, il est évident que les bibliothèques publiques partout au pays apportent une contribution essentielle à la justice sociale, l’autonomisation de leurs collectivités et l’amélioration des problèmes d’équité (Hughes 2018, 2).

Cette réflexion sur la justice sociale se développe en prenant en considération des enjeux qui concernent dans une large mesure la transition numérique. Comment s’articule cette justice numérique dans l’écosystème des bibliothèques d’aujourd’hui, et quelles pratiques, dans le contexte québécois, s’inspirent et se construisent en se référant, explicitement ou implicitement, à cette métathéorie?[1] À travers une exploration généalogique du concept de justice sociale, une déclinaison de catégories pour penser la justice numérique se dessine : le développement durable par l’accès à l’information, une conception critique de la littératie informationnelle ou numérique, la perspective de la diversité culturelle et les approches participatives. Issus d’un dialogue outre-Atlantique, les communs numériques, qui comportent une critique sociale du numérique sans revendiquer explicitement un projet de justice sociale, pourraient incarner une forme nouvelle pour l’engagement éthique des bibliothèques du 21siècle.

Généalogie de la justice sociale dans le discours des bibliothèques

L’importance croissante accordée à la justice sociale est discernable à travers les différentes éditions de l’ouvrage de référence, Introduction to Public Libraries de Kathleen De la Pena McCook. Évoquant brièvement les grandes tendances des bibliothèques du 21siècle dans la première édition (2007), l’auteure indique qu’ « une offre de services inclusifs et un engagement pour la justice sociale » définissent le projet à venir des bibliothèques (McCook 2007, 252). Dans le dernier chapitre de la seconde édition (2011), la mission renouvelée de celles-ci fait l’objet d’une discussion élaborée portant sur l’éthique, les droits de la personne, le développement des capabilités dans une perspective de justice sociale – en intégrant, précise-t-elle, les enjeux liés aux mutations technologiques (McCook 2011, 339). La Déclaration universelle des droits de la personne (Nations-Unies 1948) est appelée à constituer, selon McCook, la référence guidant les services de bibliothèque publique au 21e siècle (« We believe that the Universal Declaration of Human Rights will be the lodestar that guides public library in the twenty-first century ») (McCook 2011, 341). Selon ce point de vue, les bibliothécaires vont aménager leurs modèles de service et adopter un langage qui reflète les valeurs des droits de la personne. Dans l’édition la plus récente (2018), McCook expose un cortège d’initiatives à travers le monde qui incarnent ces nouveaux engagements des bibliothèques pour un monde plus juste (McCook et Bosaller 2018, 410). D’un concept prospectif, au cadre théorique jusqu’aux cas pratiques, l’impact de la justice sociale en tant que concept structurant et marqueur professionnel a tracé son chemin dans le monde des bibliothèques.

Les bibliothèques sont appelées à promouvoir une société juste, c’est-à-dire, une société « dans laquelle les individus et les groupes sont traités équitablement et bénéficient d’une part équitable des bénéfices de cette société » (Rioux 2010, 9-10). Selon Rioux, cette définition prête à la justice sociale un statut de métathéorie qui est sous-jacente aux sciences de l’information et des bibliothèques. Au-delà d’un principe général, les pratiques et les cadres théoriques qui se réfèrent à la justice sociale se sont déployés suivant un éventail assez vaste d’intentions et d’approches qui peuvent se décliner en quatre catégories principales.

Quatre chemins pour penser la justice sociale en bibliothèque

Le développement par l’accès à l’information

La première catégorie se rapporte à une perspective globale orientée sur le développement par l’accès à l’information. Cette approche est activement revendiquée par l’International Federation of Libraries Association (IFLA) et elle rejoint le point de vue de McCook. Cette perspective soutient l’engagement des bibliothèques à promouvoir un accès à l’information en vue de contribuer à l’atteinte des objectifs de développement durable des Nations Unies[2]. Comment l’IFLA et les bibliothèques sont-elles impliquées dans la réalisation de l’agenda 2030 de l’ONU[3]? En 2013, l’IFLA promulgue une Déclaration sur le développement qui affirme que « l’accès à l’information est un droit humain fondamental qui peut rompre le cycle de la pauvreté et soutenir le développement durable »[4]. En 2014, la Déclaration de Lyon représente un engagement international paraphé par les membres associatifs et visant à assurer que « tout le monde ait accès et soit capable de comprendre, utiliser et partager l’information nécessaire pour promouvoir le développement durable et les sociétés démocratiques »[5]. Par la suite, l’IFLA entame l’inventaire des actions par le biais duquel les bibliothèques contribuent à ce programme dans les termes de la Déclaration de Lyon :

L’accès public à l’information permet aux individus de prendre des décisions éclairées qui peuvent contribuer à améliorer leurs conditions de vie. Les populations ayant accès à des renseignements adéquats et pertinents sont mieux outillées pour éradiquer la pauvreté et les inégalités, améliorer l’agriculture, assurer une éducation de qualité, et soutenir la santé des gens, la culture, la recherche et l’innovation[6].

Les activités des bibliothèques québécoises en lien avec ce programme sont encore peu documentées. Le projet des Classiques des sciences sociales, mené en collaboration avec l’Université du Québec à Chicoutimi, est un exemple évocateur qui devrait figurer dans cet état des lieux. La mission de cette bibliothèque numérique consiste à « donner accès gratuitement aux œuvres en sciences sociales et humaines de langue française » par le biais de textes numérisés téléchargeables gratuitement et en différents formats, qui comprennent des publications dont les auteurs (ou leur ayant-droit) ou les éditeurs ont consenti à donner leur accord pour leur diffusion, ainsi que des œuvres du domaine public canadien, de même que des œuvres inédites. L’impact de cette bibliothèque en termes d’accès est considérable : entre 2006 et 2012, on compte plus de 12 millions de visites et plus de 31 millions de téléchargements[7]. Elle accompagne, en outre, pour ajouter à la portée globale du projet, des initiatives comme le REJEBECSS, un collectif de bénévoles regroupant de jeunes universitaires haïtiens engagés dans la numérisation et la diffusion en libre accès du patrimoine scientifique haïtien en sciences sociales[8].

Le mouvement de l’accès libre à l’information scientifique à travers les archives ouvertes des différentes universités québécoises et canadiennes ainsi que les projets GLAMs (Galleries, Libraries, Archives and Museums) mis en place avec le soutien de Wikimedia Canada constituent d’autres exemples suggestifs. Plus précisément, ces GLAMs visent à favoriser l’accès et la valorisation des contenus éducatifs libres, par le biais de plates-formes en open source, à partir des fonds et des collections des institutions impliquées : Bibliothèques et archives nationales du Québec, la section des Archives de l’Université de Montréal, la Cinémathèque québécoise, etc. Ces projets participent à l’essor des données ouvertes et liées, qui contribuent à la découvrabilité, condition de l’accès dans le monde des réseaux. Ils appartiennent à un écosystème des « communs du savoir » entendu comme projet où les membres d’une communauté définissent des règles de gouvernance ou des droits d’usage autour de ressources partagées (Dujol 2017).

Une étude visant à cartographier les initiatives québécoises et canadiennes supportant l’accès à l’information pour le développement et les communs du savoir devrait être conduite dans le but de mieux connaître, valoriser et défendre celles-ci à l’échelle locale, tout en enrichissant le répertoire global élaboré par l’IFLA. Plus récemment, l’IFLA a proposé une Déclaration sur la littératie numérique qui fait le pont avec le volet suivant (IFLA 2017).

La perspective critique de la littératie de l’information

Cette perspective constitue un second registre pour aborder le thème de la justice sociale. Cette position qui émerge dans la foulée de la bibliothéconomie critique problématise les rapports de pouvoir et dénonce les inégalités liées aux genres, aux préférences sexuelles, à la provenance ethnique, aux classes sociales. La critique du néolibéralisme, et en particulier la manière dont la notion de littératie de l’information est détournée aux fins de ce dernier, occupe une place significative dans les réflexions (Gregory et Higgins 2013).

L’usage du terme « littératie de l’information » est déjà répandu parmi les universitaires dans les années 60 et 70 (Seale 2013, 39). Il est formellement codifié dans le domaine de la bibliothéconomie avec le rapport final de l’American Library Association (ALA) consacré au sujet en 1989[9]. Le comité suggère une définition fonctionnelle de la personne qui est habilitée en matière d’information (« information literate person ») en tant que celle-ci est apte à « reconnaître quand l’information est nécessaire et qu’elle a la capacité de localiser, d’évaluer et d’utiliser efficacement l’information nécessaire » (Fieldhouse et Nicholas 2008, 52, ma traduction). Dans les années 90, la mise en place de programmes de littératie numérique s’est poursuivie dans les écoles de sciences de l’information (Seale 2013, 39). À partir de cette époque, la littératie de l’information est devenue le principal référentiel en ce qui concerne le rôle des professionnels de l’information, avec une insistance plus marquée du côté des bibliothèques universitaires et scolaires (Seale 2013).

Des objections ont fait valoir que la conception de la littératie de l’information promue par l’ALA institutionnalisait l’idéologie néolibérale au sein de la bibliothéconomie sans perspective critique et au détriment de la justice sociale. Dans sa réflexion sur la « bibliothèque néolibérale », Seale analyse comment, dans le rapport de l’ALA, la littératie de l’information est principalement abordée en fonction des « besoins du monde des affaires », en valorisant son rôle pour « l’avancement », « l’environnement économique », « les emplois », « la concurrence internationale », plutôt qu’en lien avec la citoyenneté (Seale 2013, 48). Il est posé que les « inégalités économiques » doivent être surmontées pour parvenir à une « aristocratie de la réussite ». Ce rapport suggère aussi que les individus sont responsables de leur situation en termes de littératie de l’information, et considérant que la littératie de l’information est susceptible de réduire les inégalités économiques, ceci implique que les inégalités sont abordées comme des enjeux individuels et personnels plutôt que sociaux (Seale 2013, 48). Une approche critique de la littératie de l’information s’opposant à ce point de vue est alors préconisée :

un engagement critique de la production du savoir et du néolibéralisme par les théoriciens critiques et les chercheurs en éducation est le premier pas pour développer une notion de littératie de l’information qui est critiquement engagée, contextualisée, et qui promeut la justice sociale (Seale 2013, 40).

Dans le contexte québécois, la bibliothéconomie critique apparaît plus tardivement dans le discours[10]. En dépit de son émergence récente, le milieu québécois des sciences de l’information et des bibliothèques s’est néanmoins déjà trouvé au carrefour de ces deux positions en regard de la littératie de l’information : soit le cadre néolibéral et le projet progressiste ou social. Ainsi, le projet de ville intelligente à Montréal, qui se voulait principalement une stratégie de développement économique où les bibliothèques publiques étaient impliquées à travers un chantier sur la littératie numérique, en fournit un exemple (Ville de Montréal 2016). Par ailleurs, l’emphase placée sur la littératie numérique comme levier économique dans le contexte de la Stratégie numérique du Québec en 2017 du gouvernement libéral rappelle aussi les termes de ce débat[11]. Dans la Déclaration des communs numériques, les signataires opposent une rationalité citoyenne à cette logique :

L’éducation au numérique doit viser le développement de compétences structurantes : la collaboration, l’esprit critique, la citoyenneté active, la littératie numérique et médiatique, la sensibilisation aux enjeux du numérique. Ces compétences doivent précéder les apprentissages liés aux usages technologiques dans les établissements scolaires, les bibliothèques et les organismes dédiés. Elle doit supporter la formation continue et la formation tout au long de la vie, en intégrant les différents acteurs du milieu éducatif, formel et informel, et culturel afin de profiter des opportunités éducatives, économiques et sociales offertes par ces technologies dans une perspective d’inclusion numérique (Déclaration des communs numériques 2018).

Toutefois, à l’instar de constats qui sont faits dans les milieux académiques nord-américains, le défi actuel qui consiste à relier davantage la théorie et la pratique dans le domaine de la littératie de l’information au Québec n’est pas négligeable (Beheshti 2016). Pour les bibliothèques québécoises, il s’agit encore de se positionner comme des actrices significatives en matière de littératie de l’information, littératie numérique ou littératie médiatique dans l’écosystème de l’éducation aux médias, tant du côté théorique que pratique en incluant les politiques publiques qui les concernent.

La Déclaration des bibliothèques québécoises (2016) aurait pu être l’occasion d’une telle remise en question et d’un tel positionnement. Cette Déclaration décrit notamment l’apport démocratique des bibliothèques par le développement de compétences informationnelles qu’elles soutiennent :

La bibliothèque outille ses usagers et rend accessible et diffuse le savoir afin que ceux-ci puissent développer des compétences en recherche et en évaluation de l’information. Ces compétences leur sont aussi utiles dans l’exercice de leurs droits démocratiques et peuvent les aider à jouer un rôle actif au sein de leur communauté (Table permanente de concertation des bibliothèques québécoises 2016).

La médiation numérique est posée « au cœur des services de la bibliothèque » et opère « par la formation aux outils technologiques ou par la mise à la disposition d’outils et de ressources documentaires numériques » en visant à « réduire la fracture numérique » (Table permanente de concertation des bibliothèques québécoises 2016). L’usage créatif ou participatif du numérique est oblitéré, et l’emphase est placée sur les outils technologiques et les ressources documentaires en adoptant un angle typiquement limité aux compétences numériques (digital skills) qui ne s’étend pas à la littératie numérique (digital literacy) dans la mesure où l’enjeu n’est pas seulement de savoir comment utiliser ces outils technologiques, mais bien de comprendre ce qui est en jeu en contextualisant ces usages et en y convoquant une perspective critique (Pewhairangi 2016). De plus, ce discours, en évitant toute référence explicite à la littératie de l’information, littératie numérique ou littératie des médias, tend à isoler le milieu des bibliothèques en les plaçant à la marge des échanges et des débats actuels sur ces sujets. Si le discours semble manquer de conviction, c’est peut-être encore parce que l’on peine à structurer les contributions effectives en matière de littératie numérique et à en faire valoir l’impact par le biais d’évaluations.

Le développement d’une bibliothéconomie critique est appelé à créer des ponts avec le champ de l’éducation aux médias, à mieux accompagner la formation des professionnels et professionnelles quant à ces enjeux et à clarifier le rôle des bibliothèques comme des bibliothécaires à l’égard d’une littératie numérique critique. On peut déjà contribuer à créer ce passage et introduire le champ de l’éducation aux médias, plus spécifiquement de la littératie numérique critique, en référant aux travaux de Anne-Sophie Letellier et Normand Landry :

Si la littératie numérique aide à comprendre et à utiliser les technologies dans un contexte en constante mutation, elle tend parfois à évacuer tout sens critique en « enseignant des compétences techniques aux étudiants sans problématiser celles-ci, en reproduisant les représentations [associées aux technologies] et en ignorant les implications idéologiques de ces pratiques[12] ». Le fait d’inscrire ces apprentissages « dans un domaine d’application de la recherche critique sur les médias » s’avère donc essentiel dans la mesure où cette recherche « produit des savoirs concrets visant le développement non seulement d’une praxis de la pensée critique chez les apprenants, mais aussi d’une pléthore de compétences cognitives techniques, éthiques et comportementales ancrée dans les approches critiques en communication et en éducation[13] » (Landry et Letellier 2016, 189).

Et on voudrait ajouter en science des bibliothèques et de l’information.

Par ailleurs, et pour élargir encore cet horizon, une conception de la littératie de l’information portée par la justice sociale s’est aussi développée, en parallèle avec la critique du néolibéralisme, à travers des efforts positifs consistant à valoriser la diversité des identités culturelles sous-représentées dans les plates-formes et les contenus accessibles.

La perspective de la diversité culturelle ou de l’intersectionnalité

Cette avenue suggère une troisième manière de penser la justice sociale dans le système des bibliothèques, cette fois à travers la perspective de la diversité culturelle ou de l’intersectionnalité – et qui s’inscrit dans le prolongement de l’approche critique : « La bibliothéconomie critique avance que la bibliothèque doit représenter la diversité culturelle, linguistique et idéologique des communautés qu’elle dessert » (Lapointe et Miller 2018).

Au tournant du millénaire déjà, le discours sur la relation entre la justice sociale et le monde des bibliothèques se structurent par le biais de la Déclaration de Buenos Aires qui souligne l’urgence de s’éveiller à cette diversité et d’y veiller :

Historiquement, les populations marginalisées telles que les peuples autochtones, les femmes, les communautés orales et les radicaux politiques (c’est-à-dire les moins socialement et politiquement favorisés) n’ont pas été représentés à travers les identités culturelles et civiques du monde. De ce point de vue critique, les travailleurs culturels, en tant qu’éducateurs, éditeurs, bibliothécaires, archivistes et documentalistes, consciemment et inconsciemment, ont participé à des tâches qui ont entraîné des concessions, des absences, des omissions, des préjugés, des négations (par ex. une fausse représentation des cultures racisées et immigrantes), des protocoles culturels brisés, et ont contribué à créer une déconnexion entre la façon dont les peuples sont représentés dans la « culture », y compris les matériaux de bibliothèque, et la façon dont les gens sont représentés dans leur propre culture (Samek 2007, 13, ma traduction).

Ce point de vue, en porte-à-faux avec la vision de la bibliothèque qui offre des services égaux à tous suivant le modèle one-size-fits-all, souscrit à une philosophie où les services devraient être « aussi flexibles, accommodants, et diversifiés que les communautés » (Cooke 2017, 1). Cette approche vise, en premier chef, la question de la composition du personnel. À ce jour, le décalage entre la représentation du personnel, majoritairement composé de femmes blanches, et les communautés desservies par les bibliothèques est mieux documenté aux États-Unis qu’au Québec[14].

Cependant, à travers une réflexion sur l’interculturel en bibliothèque, l’enjeu de la diversité commence à frayer son chemin, à figurer au programme du Rendez-vous des bibliothèques publiques et à être enseigné, dans ces termes, dans les écoles de sciences de l’information et bibliothèques de Montréal (White 2017). L’EBSI et la Corporation des bibliothécaires contribuent à une cellule de travail visant à documenter et à soutenir les pratiques interculturelles dans les bibliothèques québécoises[15]. Le Comité sur la Vérité et la réconciliation de la Fédération canadienne des associations de bibliothèques (FCAB) participent, en travaillant avec les populations autochtones, à une démarche visant à décoloniser les bibliothèques canadiennes, les archives et les institutions de la mémoire culturelle et à « promouvoir les initiatives visant une réconciliation significative »[16]. Dans le rapport qui a été produit par la FCAB et les appels à l’action, différentes recommandations sont formulées qui sont abordées comme des priorités. Bibliothèque et archives Canada joue un rôle mobilisateur important auprès des institutions. La bibliothèque de l’Université Concordia, associée à l’Université McGill et à l’Université de Montréal, a mis en place un programme de bourse pour un.e étudiant.e autochtone en sciences de l’information (Boisse 2017). Par ailleurs, considérant que « les communautés sont de plus en plus plurielles et intersectionnelles », c’est dans la perspective de l’intersectionnalité que les priorités des bibliothèques devraient être enseignées et abordées suivant plusieurs auteur.e.s (Cooke 2017, 4-5; Cooke et Sweeney 2017)[17].

Mais la question de la justice sociale et de la diversité réapparaît avec acuité en relation avec des enjeux numériques comme celui de la neutralité du Net. La remise en question de celle-ci aux États-Unis a soulevé de vives inquiétudes dans le milieu des bibliothèques, notamment en raison de l’impact de ces décisions sur les communautés vulnérables, du risque de fragiliser les plus petites entreprises, de contribuer à la prolifération des fausses nouvelles, etc.[18] Un Internet ouvert, fait-on valoir, a représenté, jusqu’à ce jour, une voie permettant aux populations opprimées d’intervenir « dans les narrations des cultures dominantes et de s’organiser pour plus de justice » (Lonial 2018, 13). Aujourd’hui, cet enjeu revêt un caractère marginal dans les débats au sein des bibliothèques québécoises, et pourtant ils exigent une vigilance certaine. Selon le magazine de l’association des bibliothèques publiques américaines (Public Libraries Association), « aujourd’hui dans le monde, il n’y a pas d’enjeu qui n’ait de portée plus grande que celle de la neutralité du Net » (Milone 2018, 10).

Les approches orientées sur la participation citoyenne

Ces approches incarnent un autre véhicule pour le discours sur la justice sociale. Issues d’une variété de disciplines, du développement communautaire aux conceptions basées sur l’expérience-usager ou au codesign, ces méthodologies assument régulièrement cette finalité éthique. Dans un article récent intitulé Towards a Framework for Digital Justice in Public Libraries, Amita Lonial argumente que l’accès n’est pas suffisant : Des équipements, du wifi, des technologies ne suffisent pas à réduire les conditions et les systèmes qui engendrent les inégalités numériques[19]. Dans le but de mettre en place un cadre de référence pour la justice numérique, il est nécessaire, selon elle, de prendre en considération le processus. Lonial propose que le design d’une stratégie d’équité numérique intègre l’accès; la littératie numérique; les contenus, mais aussi, et surtout, des partenariats et le codesign des initiatives avec les communautés et les parties prenantes[20]. Et ce dispositif de médiation sociale et de production de connaissances, le codesign, est posé comme une condition de possibilité pour concevoir adéquatement les constituants de ce cadre de référence numérique que sont l’accès, la littératie numérique, les contenus et les services.

À certains égards, il semble que les processus participatifs figurent de plus en plus souvent au menu des stratégies numériques, que ce soit à l’enseigne des villes intelligentes ou des politiques publiques, institutionnelles, gouvernementales, etc. sur le numérique. En revanche, ces démarches permettent-elles réellement de prendre en compte les conditions sociales et culturelles, les obstacles, les biais institutionnels, et d’agir sur cette « distance sociale entre ceux qui créent les politiques ou les programmes et ceux à qui ils sont destinés? » (Lonial 2018, 14). La question se pose et, avec elle, le souci d’évaluer la portée des pratiques de consultation et de codesign qui se déroulent dans les bibliothèques ou dans leur environnement.

L’étude la plus ambitieuse menée au Canada, entre 2004 et 2008, et qui a donné lieu à l’un des rares référentiels existant sur la participation en bibliothèque, est associée à l’approche des Community-Led Libraries et le Working Together Project (WTP)[21]. Cette approche en développement communautaire propose une réflexion de fond visant à identifier les obstacles systémiques et à introduire des pratiques de travail en collaboration avec la communauté. Ce projet vise à éliminer les inégalités sociales et à « soutenir la bibliothèque inclusive » en accompagnant un changement de modèle chez le personnel en bibliothèque:

Il faut que le personnel comprenne qu’un service équitable ne veut pas dire qu’on doit appliquer les règlements de façon identique chaque fois, mais qu’on doit veiller à ce que tous les membres de la communauté aient un accès égal aux services de la bibliothèque. Une personne qui ne peut pas utiliser la bibliothèque en raison d’un obstacle pécuniaire est privée de l’accès équitable aux services. C’est là l’inégalité que nous devons éliminer[22].

Considérant que de nouveaux outils doivent être développés pour inclure activement les membres des communautés qui sont socialement exclus dans le développement de services, la trousse Working Together vise à combler cette lacune. La formation au numérique, qui fait partie des outils de la trousse, propose des techniques et des stratégies visant à coproduire des services avec les membres des groupes marginalisés.

Dans le prolongement de WTP, les méthodes de codesign explorées dans les Bibliothèques de Montréal ont partagé ces visées, bien que l’appareil conceptuel n’était pas celui du développement communautaire, mais plutôt celui de l’approche design (Abrassart, Gauthier, Proulx et Martel 2015).

C’est aussi dans cet esprit que la Déclaration des communs numériques (2018), auxquels plusieurs bibliothécaires ont participé, a vu le jour sous la forme d’un projet d’écriture collaborative[23].

Cette Déclaration des communs numériques insiste sur le rôle essentiel de la participation en recommandant au gouvernement :

  1. d’assurer une véritable démarche participative, transparente et inclusive pour la conception d’un modèle équitable d’allocation des ressources et de sélection de projets dans le cadre d’une stratégie numérique ouverte et démocratique;
  2. d’assurer la co-définition et la co-production d’enquêtes, d’analyses et de veilles ouvertes sur les questions de politiques publiques liées au numérique auxquelles sont confrontés la société québécoise ainsi que les gouvernements locaux et nationaux. Les recommandations a. et b. pourraient voir le jour à travers un espace potentiel d’expérimentation de différents modes de développement d’une expertise publique en co-création démocratique. Un tel laboratoire vivant d’innovation publique favoriserait l’émergence de nouvelles pratiques qui pourraient être reprises dans les appareils gouvernementaux québécois locaux comme régionaux et leur permettre de se rapprocher des citoyen.ne.s tout en s’appropriant la culture numérique;
  3. d’explorer aussi la possibilité de co-créer une instance indépendante telle que le Conseil québécois du numérique, composée de manière paritaire d’acteurs et d’actrices du monde économique à but non lucratif et à but lucratif, du monde de l’éducation, du monde universitaire, du monde des bibliothèques et archives, de la société civile, de l’administration publique et que leurs mandats soient limités dans le temps pour assurer un renouvellement des idées de même qu’une meilleure représentativité. Cette instance aurait le mandat de conseiller le gouvernement et de consulter les citoyen.ne.s sur les enjeux suscités par le numérique (« Déclaration des communs numériques » 2018).

Cette proposition aspire à une « véritable démarche participative » considérant les doutes émis sur la consultation menée par le gouvernement pour la Stratégie numérique québécoise. Elle appelle la mise en place d’un espace d’expérimentation pour développer des savoir-faire publics en co-création démocratique qui permettrait d’évaluer l’impact de ces démarches en les améliorant, de se rapprocher des citoyens et citoyennes, d’être plus près de leurs aspirations et de leurs besoins, tout en s’appropriant la culture numérique. Le potentiel de cette proposition visant à favoriser le développement des capacités liées aux communs et la justice sociale est significatif. Les bibliothèques soucieuses d’une société plus juste ne pourraient-elles pas aborder le renouvellement de leur mission, au cours de cette transition numérique, par une expérience de cette nature, celui d’un laboratoire de co-design citoyen ou communautaire? N’est-ce pas un prolongement de la vision des tiers lieux, dont elles se réclament, avec une portée transformationnelle qui dépasse largement leurs murs et leurs propres structures?

La justice sociale et les communs : une 21e action pour les bibliothèques du XXIsiècle

À travers ces différents véhicules de la justice sociale en bibliothèque : l’accès à l’information, la littératie informationnelle ou numérique, le codesign, il en est un qui émerge de manière transversale et qui pourrait contribuer à définir un cinquième chemin : celui des communs numériques.

En participant « par ses missions à garantir le développement et la pérennité de ses communs du savoir », la bibliothèque contribue à une approche équitable, à la lumière des règles que se donnent les communautés, quant à l’usage des communs (Dujol 2017, 12). Cette conception de la bibliothèque comme maisons des communs n’a pas encore été explicitée dans un langage qui intègre les finalités éthiques de la justice sociale. Mais considérant les actions possibles d’une telle maison des communs, celle-ci assume implicitement une approche basée sur l’équité sociale et la participation aux savoirs que l’on associe à une société plus juste – et dont le projet fait désormais partie des responsabilités du monde des bibliothèques (Dujol 2017, 38). Je rappellerai pour conclure les actions proposées par Lionel Maurel pour la bibliothèque entendue comme maison des communs (Dujol et Mercier 2017, 10-11) :

  1. Permettre la libre réutilisation des œuvres du domaine public numérisé
  2. Ouvrir ses données en données ouvertes
  3. Accorder la priorité aux logiciels libres
  4. Proposer des œuvres sous licence libre et participer à leur curation
  5. Placer sous licence libre les contenus originaux produits par la bibliothèque
  6. Diffuser sous licence libre les captations d’événements, les conférences, les débats
  7. Éviter de participer au processus d’enclosure de la connaissance
  8. Donner accès à un Internet non filtré et sans identification préalable
  9. Protéger les données personnelles de ses usagers et sensibiliser aux enjeux de la protection de la vie privée
  10. Développer un fonds documentaire sur la question des communs
  11. Participer à la littératie des communs
  12. Organiser des ateliers de contribution à des communs de la connaissance
  13. Favoriser la mise en partage des ressources et des savoirs (grainothèques, bookcrossing, troc de presse, bourses des savoirs, bibliothèques vivantes, etc.)
  14. Soutenir les acteurs des communs sur son territoire, notamment par la mise à disposition des lieux et des équipements aux communautés
  15. Organiser des événements autour de la thématique des communs
  16. Passer à une logique de tiers-lieux en tant qu’espace appropriable par des communautés
  17. Permettre aux agents de la bibliothèque de contribuer sur leur temps de travail à des communs de la connaissance
  18. Participer au financement des communs culturels
  19. Développer des liens avec des bibliothèques autogérées
  20. Ouvrir la gouvernance de l’établissement aux usagers

J’ajouterai à cette liste une 21proposition pour les bibliothèques du 21siècle : Expliciter la relation entre les communs et la justice (numérique) sociale en bibliothèque. Si cette piste d’action passe pour plus théorique ou philosophique que celles qui la précèdent, il ne reste qu’à solliciter une réflexion collective portant sur la question : comment pourrait-on expliciter et concrétiser la relation entre les communs et la justice (numérique) sociale en bibliothèque? Et pourquoi ne pourrait-on pas aborder cette quête en explorant comment réinventer la bibliothèque des Classiques des sciences sociales en s’inspirant du modèle des communs à la façon d’un projet exemplaire au Québec, et pour le monde, porteur de cette vision d’une société du savoir plus juste?

Références

Abrassart, Christophe, Philippe Gauthier, Sébastien Proulx et Marie D. Martel. 2015. « Le design social : une sociologie des associations par le design? Le cas de deux démarches de codesign dans des projets de rénovation des bibliothèques de la Ville de Montréal ». Lien social et Politiques 73 (1) : 117-138.
https://doi.org/10.7202/1030954ar

Beheshti, Jamshid et al. 2016. « Information literacy: Bridging the gap between theory and practice ». ASIST 53 (1): 1-6.
https://doi.org/10.1002/pra2.2016.14505301019

Bilge, Sirma. 2009. Théorisations féministes de l’intersectionnalité. Diogène 225 (1) : 70-88.
https://doi.org/doi:10.3917/dio.225.0070

Boisse, Meagan. 2017. Étudiants autochtones en bibliothéconomie : « un premier pas dans la bonne direction ». Université Concordia.
https://www.concordia.ca/content/shared/fr/actualites/central/nouvelles/2017/12/04/etudiants-autochtones-en-bibliotheconomie-bibliotheque.html

Cooke, Nicole. 2017. Information Services to Diverses Populations: Developing Culturally Competent Library Professionnals. Santa Barbara: Libraries Unlimited.

Cooke, Nicole. A. et Miriam E. Sweeney. 2017. Teaching for Justice: Implementing Social Justice in the LIS Classroom. Sacramento, Ca. : Library Juicy Press.

Déclaration des communs numériques. 2018. FACIL.
https://wiki.facil.qc.ca/view/D%C3%A9claration_des_communs_num%C3%A9riques

Dujol, Lionel. 2017. Communs du savoir et bibliothèques. Paris : Éditions du cercle de la librairie.

Dujol, Lionel et Silvère Mercier. 2017. Médiation numérique des savoirs : Des enjeux aux dispositifs. Montréal : ASTED.

Fieldhouse, Maggie et David Nicholas. 2008. « Digital literacy as information savvy ». Dans Digital literacies – Concepts, policies and practices. Sous la direction de Colin Lankshear et Michele Knobel. New York : Peter Lang.

Gregory, Lua et Shana Higgins. 2013. Information Literacy and Social Justice: Radical Professional Praxis. Sacramento, Ca. : Library Juicy Press.

Hughes, Kathleen M. 2018. « Editor’s Note ». Public Libraries 57 (1): 2.

IFLA. 2017. Statement on Digital Literacy (18 August 2017).
https://www.ifla.org/publications/node/11586#_ftn12

Kellner, D., Share, J., 2007. « Critical Media Literacy: Crucial Policy choices for a tweety-first century democracy », Policy Futures in Education 5 (1): 3.

Landry, Normand et Anne-Sophie Letellier. 2016. L’éducation aux médias à l’ère numérique. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.

Lonial, Amita. 2018. « Toward a Framework for Digital Justice in Public Libraries ». Public Libraries 57 (1).

McCook, Kathleen de la Pena et Jenny Bosaller. 2018. Introduction to Public Librarianship. Chicago: Neal-Schuman.

McCook, Kathleen de la Pena. 2011. Introduction to Public Librarianship. 2e édition. Chicago: Neal-Schuman.

McCook, Kathleen de la Pena. 2007. Introduction to Public Librarianship. 1re édition. Chicago: Neal-Schuman.

Milone Hill, N. 2018. « Free and Open to All? The Battle for Net Neutrality ». Public Libraries 57 (1): 10.

Pewhairangi, Sally 2016. « Digital Skills Are Not the Same as Digital Literacy ». Techsoup for libraries.
http://www.techsoupforlibraries.org/blog/digital-skills-are-not-the-same-as-digital-literacy

Rioux, Kevin. 2010. « Metatheory in library and information science: A nascent social justice approach ». Journal of Education for Library and Information Science 51 (1): 9-17.

Samek, Toni. 2007. Librarianship and human rights: a twenty-first century guide. Oxford: Chandos.

Seale, Maura. (2013). « The Neoliberal Library ». Dans Information Literacy and Social Justice: Radical Professional Praxis. Sous la direction de Lua Gregory et Shana Higgins. Sacramento, Ca. : Library Juicy Press.

Table permanente de concertation des bibliothèques québécoises. 2016. Déclaration des bibliothèques québécoises.
http://mabibliothequejyvais.com/media/declaration_biblio_qc.pdf

Ville de Montréal. 2016. Montréal, intelligente et numérique.
http://villeintelligente.montreal.ca/strat%C3%A9gie

White, Bob. 2017. « La bibliothèque comme lieu de savoir interculturel ». Rendez-vous des bibliothèques publiques.
http://rendezvousbiblio.ca/2017/pdf/Presentation_Bob_White.pdf


  1. Rioux, Kevin. 2010. « Metatheory in library and information science : A nascent social justice approach ». Journal of Education for Library and Information Science 51 (1) : 9-10.
  2. Libraries, Development and the United Nations 2030 Agenda : https://www.ifla.org/libraries-development L’agenda de développement durable 2030 des Nations Unies (https://sustainabledevelopment.un.org/post2015/transformingourworld) propose un cadre de 17 objectifs de développement durable (ODD) (https://sustainabledevelopment.un.org/sdgs) qui comprend 169 objectifs couvrant le développement économique, environnemental et social. Ce plan vise à favoriser le développement de sociétés plus économiquement et socialement inclusives par l’accès à l’information notamment par le biais des bibliothèques : https://da2i.ifla.org/
  3. How do libraries further development? https://www.ifla.org/node/7408
  4. IFLA Statement on Libraries and Development (August 2013) : https://www.ifla.org/publications/ifla-statement-on-libraries-and-development
  5. La Déclaration de Lyon : https://www.lyondeclaration.org/content/pages/lyon-declaration-fr.pdf
  6. Un accès et des opportunités pour tous. Comment les bibliothèques contribuent à l’Agenda 2030 des Nations Unies : https://www.ifla.org/files/assets/hq/topics/libraries-development/documents/access-and-opportunity-for-all.pdf
  7. Les Classiques des sciences sociales. « À propos » : http://classiques.uqac.ca/inter/a-propos.php. Le fondateur et directeur bénévole de cette bibliothèque, qui célèbre en 2018 ses 25 ans d’existence, est Jean-Marie Tremblay.
  8. SOHA. s.d. « Le Réseau des jeunes bénévoles des Classiques des sciences sociales – Haïti (REJEBECSS) ». https://www.projetsoha.org/?page_id=1221
  9. American Library Association Presidential Committee on Information Literacy. 1989. Final Report. http://www.ala.org/acrl/publications/whitepapers/presidential
  10. Lapointe, Jean-Michel et Michael D. Miller. 2018. « Quand la bibliothéconomie devient critique ». À Bâbord! (73) : 36-37. Cet article suggère que ce courant de pensée « qui fait école un peu partout en Occident... s’implante timidement au sein du discours des bibliothécaires au Québec ». Ce texte constitue la première publication francophone sur la bibliothéconomie critique. Le cours de bibliothéconomie dispensé à l'École de bibliothéconomie et des sciences de l'information (EBSI) à l’hiver 2018 (SCI6305) proposait comme objectif l’analyse des « nouveaux développements de services concernant les bibliothèques publiques avec une approche de bibliothéconomie critique ».
  11. La Stratégie numérique québécoise, dont la démarche a été portée par le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation, place, dans la cible 2, le développement de la littératie numérique dans un positionnement exclusivement économique - ce qui a suscité un débat : « Que tous les citoyens développent davantage de compétences numériques de manière à ce que le Québec figure parmi les chefs de file de l’OCDE en matière numérique d’ici cinq ans ». https://www.economie.gouv.qc.ca/fileadmin/contenu/documents_soutien/strategies/economie_numerique/sommaire-dynamique/strategie-numerique-du-quebec.html
  12. Kellner et Share (2007) cité dans Landry et Letellier (2016), p. 189.
  13. Landry, N. et J. Basque. 2015. « L’éducation aux médias : contributions, pratiques et perspectives de recherche en sciences de la communication ». Communiquer, Revue de la communication sociale et publique (15) : 48 dans Landry, Normand et Anne-Sophie Letellier. 2016. L’éducation aux médias à l’ère numérique, 189. Montréal : Les Presses de l’Université de Montréal.
  14. Le taux de femmes blanches est estimé à 72,5 % selon rapport de l’ALA en 2012. Cooke, Nicole. 2017. Information Services to Diverses Populations : Developing Culturally Competent Library Professionnals, 3. Santa Barbara : Libraries Unlimited.
  15. Cette cellule relève du Groupe de travail sur les institutions locales (GTIL) qui fait partie du Laboratoire de recherche en relations interculturelles de l’Université de Montréal (LABRRI). Voir : http://labrri.net/gtil/
  16. Fédération canadienne des associations de bibliothèques. http://cfla-fcab.ca/fr/ressources-autochtones/rapport_verite_reconciliation/
  17. L’intersectionnalité est un concept issu de la sociologie féministe théorisée par Kimberlé Crenshaw. Selon Sirma Bilge, « l’intersectionnalité renvoie à une théorie transdisciplinaire visant à appréhender la complexité des identités et des inégalités sociales par une approche intégrée. Elle réfute le cloisonnement et la hiérarchisation des grands axes de la différenciation sociale que sont les catégories de sexe/genre, classe, race, ethnicité, âge, handicap et orientation sexuelle. L’approche intersectionnelle va au-delà d’une simple reconnaissance de la multiplicité des systèmes d’oppression opérant à partir de ces catégories et postule leur interaction dans la production et la reproduction des inégalités sociales » (Bilge 2009).
  18. Le 14 décembre 2017, le Federal Communications Commission (FCC) a voté le démantèlement des règles assurant la neutralité du Net, c’est-à-dire, celles qui empêchaient les fournisseurs de services de bloquer l’accès, ou de charger plus cher, ou moins cher, pour accéder à certains contenus. Voir Milone Hill, N., 2018. « Free and Open to All? The Battle for Net Neutrality ». Public Libraries 57 (1) : 9-11.
  19. Amita Lonial est responsable à la bibliothèque de San Diego et co-directrice du PLA’s Equity, Diversity and Inclusion Task Force. Lonial, A. 2018. « Toward a Framework for Digital Justice in Public Libraries ». Public Libraries 57 (1) : 13-14.
  20. « Another critical element in designing for digital equity is partnering directly and codesigning initiatives and solutions with the communities and stakeholders who will benefit » (Lonial 2018, 14).
  21. Working Together Project. 2008. Community-Led Libraries Toolkit. Vancouver. Working Together. http://www.librariesincommunities.ca/; Working Together. 2008a. Trousse d’outils pour des bibliothèques à l’écoute de la communauté. Engager. Collaborer. Participer. http://www.librariesincommunities.ca/resources/Trousse-doutils-FRFinale.pdf
  22. Working Together. 2008a.Trousse d’outils pour des bibliothèques à l’écoute de la communauté. Engager. Collaborer. Participer.,134. http://www.librariesincommunities.ca/resources/Trousse-doutils-FRFinale.pdf
  23. La nouvelle Déclaration sur le développement responsable de l’intelligence artificielle avec ces cafés citoyens, qui reprennent le méthode du codesign, s’inscrit aussi dans cette mouvance. https://www.declarationmontreal-iaresponsable.com/cafes-citoyens

Licence

Symbole de Licence Creative Commons Attribution 4.0 International

Justice sociale, justice numérique dans les bibliothèques du 21e siècle Droit d'auteur © 2018 par Marie D. Martel est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

Partagez ce livre