7 Hommage à feu Gemma Paquet, la première bénévole des Classiques des sciences sociales

Jean-Marie Tremblay

Nous avons perdu au début de cette année 2018, le 7 janvier dernier, une grande amie et bien plus encore.

Gemma fut la première bénévole des Classiques des sciences sociales et cela est arrivé de manière tout à fait inattendue. Gemma venait de se fracturer une cheville et devait donc être immobile, ou presque pendant quelques mois. Comme elle avait l’habitude de travailler avec son ordinateur sur ses travaux de recherche et qu’elle ne pouvait plus monter au deuxième étage, nous le lui avons installé au rez-de-chaussée avec une connexion Internet pour qu’elle ne soit pas isolée du monde.

Pour la tenir occupée, j’ai pensé lui proposer de réviser des ouvrages que j’avais numérisés. Gemma aimait lire. Elle était curieuse, disciplinée, persévérante, sensible et attentive aux autres. Elle était brillante, cultivée, tenace, mais aussi un peu coquine à l’occasion.

Quand j’y repense aujourd’hui, lui avoir proposé la révision d’ouvrages aussi exigeants que Le langage, introduction à l’étude de la parole d’Edward Sapir, Essais sur la théorie de la science de Max Weber et encore pire, Système de logique déductive et inductive de John Stuart Mill, c’était de la folie, car la numérisation de ces ouvrages dont l’impression était de très mauvaise qualité, me paraissait un pari impossible à tenir, tellement il y avait de coquilles et d’erreurs de reconnaissance à corriger. Mais comme elle était tenace, Gemma a persévéré.

Et c’est ainsi que Gemma, malgré ses recherches doctorales qui lui demandaient beaucoup de temps, a continué à œuvrer au développement de cette œuvre éducative que sont Les Classiques des sciences sociales.

Gemma était toujours à l’œuvre à 86 ans. Imaginez. Avant son décès, elle était en train de réviser une thèse de doctorat de 1880 de Léon Ollé-Laprune, De la certitude morale, soutenue à la Faculté des lettres de Paris.

Mais, au fur et à mesure de ses lectures pour Les Classiques des sciences sociales, j’ai réalisé qu’elle préférait réviser des ouvrages de psychologie, sur le développement de la personne, sur la spiritualité, car Gemma était une femme très croyante, mais d’un christianisme qui ne se vit pas qu’en paroles, mais dans le quotidien. C’était une chrétienne avec une spiritualité ancrée dans le quotidien. Tout son être respirait la fraicheur, la simplicité, la gentillesse. C’est comme ça qu’elle a révisé les textes de Marcel Mauss, Henri Hubert, Robert Hertz, Sigmund Freud, Alfred Adler, Henri Bergson, Pierre Janet, Claude Bernard, Alain, mais aussi des Québécois, tels que Jacques Grand’Maison, Marcel Fournier et Marc-Adélard Tremblay qu’elle avait rencontré au Congrès de l’ACFAS en 2005 à l’UQAC et dont elle aimait beaucoup les écrits. Et combien d’autres auteurs.

Gemma était une femme intelligente, elle était belle même si elle ne nous croyait pas lorsqu’on le lui disait. Elle nous répondait toujours, immanquablement : « La beauté est dans l’œil de celui qui regarde ». Gemma était aussi une amie fidèle et loyale à ses ami-e-s, toujours prête à soutenir, à écouter.

J’ai connu Gemma il y a une quarantaine d’années alors qu’elle voulait organiser son mémoire de maîtrise en théologie pour qu’il soit présentable. Gemma aurait aimé être capable de tout faire seule avec son ordinateur, et cela la peinait de se sentir souvent impuissante. Mais je n’arrêtais pas de lui dire : « Gemma, tu es brillante, tu as beaucoup de talents. Ce n’est pas grave si tu ne peux pas tout faire toute seule. Il faut laisser à d’autres des talents, tu sais ».

Si nous nous sommes rencontrés pour des raisons professionnelles au départ, nous nous sommes vite attachés à elle, mes enfants, mon épouse et moi. Même notre petite-fille Kékéli l’appelait « Tante Gemma ».

 

Tu nous manques, Gemma.

 

Voici la liste complète des ouvrages révisés par Gemma : http://classiques.uqac.ca/inter/benevoles_equipe/liste_paquet_gemma.html

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