16 Recours aux méthodes modernes de contraception par les femmes de Tchaourou
Djima Baranon et Mouftaou Amadou Sanni
Résumé
Le plus souvent, l’analyse des besoins en matière de planification familiale, en général, et du recours aux méthodes contraceptives, en particulier, porte sur les femmes mariées ou les adolescents et jeunes. Mais, en Afrique subsaharienne, se développe de plus en plus un contexte de mère-enfant plutôt que de mère-épouse. Ainsi cet article propose d’examiner le recours aux méthodes modernes de contraception chez les femmes dans le besoin en matière de PF[1]. La population étudiée est l’ensemble des femmes pubères, sexuellement actives, non stériles, non enceintes et ne désirant pas concevoir une grossesse au moment de l’enquête. Celles d’entre elles qui ne recourent à aucune méthode moderne de contraception ont des besoins non satisfaits en matière de planification familiale efficace. Le recours à une méthode moderne au cours des trois derniers mois précédant l’enquête est la variable expliquée. Afin de faire ressortir les facteurs qui influencent l’utilisation de ces méthodes, une régression logistique a été réalisée. Le milieu de socialisation, l’âge et le niveau d’instruction de la femme sont des facteurs ayant une influence significative quant au recours à la contraception moderne. La socialisation en milieu rural constitue un frein au recours à la contraception moderne; les femmes les plus jeunes (moins de 20 ans) sont celles qui adhèrent le moins à ces méthodes; les femmes ayant un niveau d’instruction supérieur sont plus enclines à la pratique contraceptive moderne.
Mots-clés : Planification Familiale, besoins non satisfaits
Introduction
La dynamique d’une population est à la base de toutes les actions de développement d’un pays ou d’une communauté. Elle détermine la nature et le niveau des besoins, notamment, ceux non satisfaits qui fondent la planification du développement socioéconomique. Les naissances sont une dimension naturelle importante de cette dynamique démographique. Du coup, elles doivent être convenablement planifiées par les individus ou les ménages. Cette planification apparaît comme la stratégie appropriée pour l’amélioration des indicateurs de développement socioéconomiques (MS[2], 2013). Ainsi, la République du Bénin a fait de la promotion de la planification familiale une priorité nationale inscrite dans le cadre de l’effort de réduction de la mortalité maternelle et infantile (Chae, Woog, Zinsou et Wilson, 2016). De nombreux projets/programmes[3] et diverses actions ont été initiés et mis en œuvre ces dernières décennies dans toutes les communes du Bénin en vue de cette maîtrise de la fécondité désirée par les femmes et d’un niveau d’accroissement démographique acceptable au niveau national. Les résultats des travaux récents indiquent, toutefois, des variations d’un milieu à l’autre, quant au recours aux méthodes modernes de contraception par les femmes (INSAE, 2012; Amadou Sanni, 2011). Qu’en est-il de l’arrondissement de Tchaourou? Notamment, quelle est la fréquence de recours aux méthodes modernes de contraception dans cette localité? Quels en sont les déterminants? Telles sont les questions auxquelles ce travail tente de répondre.
Ainsi ce papier ambitionne de déterminer le niveau de recours aux méthodes modernes de contraception, y compris les facteurs explicatifs des comportements des femmes en matière de contrôle efficace de leurs naissances. À notre connaissance, rares sont les travaux scientifiques qui ont abordé cette question dans l’arrondissement de Tchaourou. Une enquête intitulée « Étude sur l’accès des jeunes filles aux services de santé de la reproduction dans le nord du Bénin »[4] a été réalisée par le LASDEL en 2014, mais les résultats sommaires décrits dans un rapport de terrain n’ont encore fait l’objet d’aucune publication scientifique convenable. C’est là l’intérêt de ce travail qui, non seulement vient combler le vide scientifique à ce sujet, mais aussi et surtout permet d’améliorer les connaissances scientifiques et les actions de promotion de la santé sexuelle et reproductive qui sont aujourd’hui au cœur des stratégies pour l’atteinte des Objectifs de Développement Durable (Amadou Sanni et Attemba, 2011). Ce papier est structuré en trois parties essentielles : contexte général de l’étude, données et méthodes et analyses descriptive et multivariée du recours aux méthodes modernes de contraception.
I- Contexte général de l’étude
La commune de Tchaourou est située dans la partie septentrionale du Bénin dans le département du Borgou. Elle est limitée au nord par les communes de Parakou, Pèrèrè, et N’Dali, au sud par la commune de Ouèssè, à l’est par la République Fédérale du Nigeria et à l’ouest par les communes de Bassila et Djougou. Tchaourou se trouve donc au carrefour de diverses communes et donc de diverses cultures. Sur le plan administratif, la commune compte sept arrondissements dont Tchaourou, arrondissement central.
1.1. Population et caractéristiques
L’arrondissement de Tchaourou, champ de cette étude, fait partie des sept arrondissements de la commune. Il est peuplé de 43 862 habitants, soit 19,7 % des 223 138 habitants de la commune (INSAE, 2015 et 2016). Bien que traversé par la route inter-États, cet arrondissement est quasi rural, soit 80,3 % de sa population. Avec un sex-ratio équilibré, soit 50 % de femmes, c’est une population à croissance démographique relativement rapide, soit un taux d’accroissement intercensitaire de 6,7 % entre 2002 et 2013. Du coup, environ 70 % de la population de cet arrondissement sont des jeunes, c’est-à-dire âgés de moins de 25 ans (INSAE, 2016).
1.2. Comportements en matière de sexualité et de procréation
Des observations faites lors des enquêtes de l’ENSPD, les jeunes semblent être très peu exposés à l’éducation sexuelle dans ce contexte de ruralité où les questions relatives au dialogue en matière de sexualité demeurent taboues. Au Bénin, en général, et à Tchaourou, en particulier, la sexualité et la planification familiale sont peu discutées au sein des foyers et ménages (Chae, Woog, Zinsou et Wilson, 2016). Ainsi, les jeunes filles recourent le plus souvent à leurs amies ou camarades pour s’informer sur la sexualité, avec pour conséquence, des premiers rapports sexuels et des premières grossesses précoces. Le rapport de l’étude du LASDEL en 2014 dans cette localité indique des fréquences non négligeables des filles ayant eu leur premier rapport sexuel avant le quinzième anniversaire. Le même rapport note, en outre, des risques élevés de grossesses précoces découlant d’une sexualité non protégée. De véritables besoins non satisfaits s’observent ainsi et constituent une caractéristique essentielle de la vie reproductive des populations de cet arrondissement.
1.3. Atouts et contraintes au recours à la contraception moderne
L’arrondissement de Tchaourou, champ de cette étude, se trouve, comme la plupart des sociétés, dans un processus de transition de société traditionnelle vers une société en modernisation. Cette transition, caractérisée par le développement de la scolarisation, l’urbanisation, la prolifération des mass-médias, constitue un contexte susceptible de modifier ou d’influencer les comportements sexuels des jeunes et de favoriser la connaissance ou l’accès aux méthodes efficaces de contraception. Elle pourrait introduire plusieurs changements dans la vie et dans le fondement même des familles. Par exemple, les pulsions sexuelles qui, autrefois, se heurtaient à des interdits ou à divers tabous, s’exprimeraient de plus en plus librement grâce aux expériences acquises dans le cadre de la scolarisation, de l’urbanisation, de l’ouverture à différents canaux d’information (radios, télévisions, journaux, Internet, etc.). Le contexte de vie des populations de l’arrondissement favorise un affaiblissement relatif des cultures ou normes socioculturelles classiques en matière de sexualité et de procréation. À Tchaourou, par exemple, plusieurs ONG[5] interviennent dans la promotion de la planification des naissances. Elles procèdent notamment à la sensibilisation des femmes à propos des risques relatifs aux grossesses précoces, tardives ou répétitives. La scolarisation est un autre atout pour le recours aux méthodes modernes de contraception. C’est à l’école que les jeunes apprennent qu’une famille nombreuse est source de problèmes économiques car nécessitant plus de moyens pour l’alimentation, l’habillement, le logement, l’éducation et la santé (Nasah, 1998).
Toutefois, plusieurs contraintes subsistent et compromettent le recours aux méthodes modernes de contraception dans cet arrondissement. La scolarisation des enfants demeure inadéquate, caractérisée par de nombreux exclus du système éducatif, soit du fait de la non scolarisation[6], soit à cause du faible taux de rétention au primaire[7]. Cette situation est une contrainte à l’accès convenable aux informations pour la promotion d’une sexualité adéquate et pourrait favoriser les réticences ou refus de compréhension et d’adhésion des populations aux messages véhiculés, non seulement par l’école mais surtout les médias et les ONG. Un tel contexte de scolarisation a par ailleurs très peu d’influence sur les croyances et pratiques socioculturelles traditionnelles, notamment en matière de fécondité, de pratiques contraceptives modernes et de formes de mariages. Le poids, non seulement des religions classiques (endogène, islam et christianisme), mais aussi des nouvelles religions (évangélisme, Eckankar) constituent d’autres obstacles au recours contraceptif moderne (Zra, 2008).
II- Données et méthodes
Dans cette section, nous décrivons les données utilisées, de même que leur source, ainsi que la méthode d’analyse et les variables utilisées pour les analyses.
2.1. Source et qualité des données
Les données utilisées dans le cadre de ce travail proviennent de l’enquête sociodémographique intitulée « Activités économiques, partage des ressources et planification familiale au sein des ménages de l’arrondissement central de Tchaourou » et organisée par l’ENSPD[8] en 2015. Elle s’inscrit dans le cadre des activités de l’observatoire[9] de l’ENSPD et du volet pratique de la formation des étudiants de cycle 1. La mise en place de la base de données a connu d’importantes étapes. Le premier travail était de concevoir des outils de collecte pour les chercheurs, assistants de recherche et étudiants de l’École. Ces outils, une fois élaborés, ont été testés à travers une enquête pilote qui a conduit à leur amélioration et leur validation. Avant la descente sur le terrain, les agents enquêteurs ont reçu une formation sur les techniques de collecte avec des guides à l’appui. Après la collecte proprement dite, les données ont été saisies et apurées grâce à un programme informatique bien structuré permettant de détecter toutes les incohérences. Enfin, un traitement pointu des bases a été fait pour valider toutes les informations, avec un retour sur le terrain pour corriger les données, si nécessaire.
2.2. Fondements théoriques de l’étude (facteurs explicatifs) et méthodes d’analyse
Plusieurs raisons pourraient influencer la décision de recours ou non à la contraception moderne pour les femmes dans le besoin. Des travaux de recherche antérieurs ont largement abordé cette question avec des résultats convergeants et complémentaires. En effet, suite à la persistance d’une forte fécondité en Afrique de l’Ouest entraînant un déséquilibre entre la croissance démographique et la croissance économique, d’une part, et la dégradation de la santé maternelle et infantile, d’autre part, plusieurs chercheurs ont tenté d’identifier les facteurs influençant le recours à la contraception moderne chez les femmes. Plusieurs approches, socioculturelle, socioéconomique, sociodémographique et institutionnelle (Zra, 2008), ont été utilisées pour expliquer ce phénomène.
Parmi les facteurs socioculturels susceptibles d’influencer la décision de recourir ou non aux méthodes modernes de contraception, on note le milieu de résidence, le milieu de socialisation, l’ethnie, le niveau d’instruction, la religion (Amadou Sanni, 2011; Zra, 2008; Rwenge, 1994; Sala-Diakanda, 1996). Quant aux facteurs socioéconomiques, on cite l’occupation de la femme et le niveau de vie du ménage auquel appartient cette dernière (Nouetagni, 1999; Shapiro et Tambashe, 1994). Les facteurs sociodémographiques susceptibles d’expliquer la décision de recourir à la pratique contraceptive moderne chez les femmes sont surtout la parité atteinte, l’âge, l’état matrimonial de la femme (Amadou Sanni, 2011; Attanasso, 2005). Sur le plan institutionnel, l’indisponibilité des services en matière de planification familiale, la qualité des services offerts ont une influence sur l’adoption des méthodes modernes de contraception (Locoh, 1991).
Outre ces facteurs, le niveau de connaissance des méthodes contraceptives modernes, le niveau de communication entre les conjoints sur la planification familiale, l’adhésion ou non du conjoint à l’usage de la contraception sont autant de facteurs qui influencent le comportement des femmes vis-à-vis des méthodes modernes de contraception, selon Amadou Sanni (1995).
Compte tenu des données dont nous disposons, nous expliquons le recours à la contraception moderne selon le milieu de socialisation, l’âge, l’état matrimonial, le niveau d’instruction de la femme; à ces variables habituellement utilisées, nous ajoutons le niveau de contribution de la femme à la prise en charge des besoins des enfants, ce qui est une originalité de ce travail. L’analyse des données se décline en deux étapes principales que sont l’analyse descriptive (univariée et bivariée) et l’analyse explicative (régression logistique).
III- Niveau et déterminants du recours aux méthodes modernes de contraception
Nous abordons, ici, l’analyse du recours aux méthodes efficaces de contraception en deux étapes. La première étape, descriptive, consiste en une analyse à la fois univariée qui fait ressortir le niveau de recours aux méthodes modernes de contraception, et bivariée qui explore les variations de ce niveau selon des facteurs sociodémographiques et socioculturelles. La deuxième étape, explicative, se base sur une régression logistique.
3.1. Recours aux méthodes modernes de contraception : niveau et variations
Le niveau de recours consiste à mesurer la fréquence des femmes qui ont utilisé une méthode moderne de contraception au cours des trois derniers mois précédant l’enquête. Ce niveau est obtenu en rapportant l’effectif des femmes dans le besoin de planification familiale et celui des femmes qui recourent à des méthodes efficaces à l’effectif total de ces femmes. Les résultats obtenus sont consignés dans la figure ci-dessous.
Le recours aux méthodes modernes de contraception par les femmes de l’arrondissement de Tchaourou n’est pas élevé. Parmi les 1 619 femmes (interrogées) dans le besoin en matière de PF, seulement 126 recourent aux méthodes modernes, soit 7,78 %. Ce taux avoisine celui au niveau national qui est de 8 %. Par rapport au niveau départemental (Borgou), ce niveau de recours est faible car 10,6 % de femmes du Borgou recourent à ces méthodes en 2012 et en 2015, ce taux est appelé à augmenter, les besoins non satisfaits en matière de planification des naissances ayant une évolution à la baisse (INSAE, 2012; Amadou Sanni, 2011).
Cependant, ce niveau n’est pas le même lorsqu’on catégorise les femmes suivant leur milieu de socialisation, leur âge, leur niveau d’instruction, leur état matrimonial, leur participation à la prise en charge des enfants.
Tableau 1 : Répartition des femmes recourant aux méthodes modernes de contraception selon les variables explicatives
Variables | Niveau de recours aux méthodes modernes de contraception | Effectif total de femmes | Probabilité de Khi-2 |
Milieu de socialisation | |||
Urbain | 10,63 | 508 | |
Rural | 6,56 | 793 | 0,015* |
Tchaourou | 6,29 | 318 | |
Groupe d’âge | |||
Moins de 20 ans | 3,57 | 196 | |
20-24 | 5,71 | 385 | |
25-29 | 8,88 | 383 | |
30-34 | 12,90 | 279 | 0,003** |
35-39 | 6,91 | 188 | |
40-49 | 7,45 | 188 | |
Niveau d’instruction | |||
Non scolarisée | 5,60 | 679 | 0,002*** |
Primaire | 7,63 | 498 | |
Secondaire ou plus | 11,31 | 442 | |
État matrimonial | |||
Célibataire | 4,09 | 269 | 0,013* |
Non célibataire | 8,52 | 1,35 | |
Prise en charge des enfants | |||
Partielle | 10,07 | 427 | 0,483ns |
Complète | 8,83 | 725 |
*** : Signification au seuil de 0,1 %
** : Signification au seuil de 1 %
* : Signification au seuil de 5 %
Source : Nos travaux à partir des données de l’enquête ENSPD 2016
Le milieu dans lequel la femme a passé ses 12 premières années est significativement associé à son comportement vis-à-vis de la contraception moderne. En effet, la conception et les comportements vis-à-vis de la pratique contraceptive des femmes ayant passé leur enfance en milieu rural sont différents de ceux de celles l’ayant passé en milieu urbain. La première catégorie, plus assujettie à la culture traditionnelle, serait moins encline à la pratique contraceptive moderne. Ainsi, les femmes socialisées à Tchaourou ou dans les autres milieux ruraux pratiquent moins la contraception moderne (respectivement 6,29 % et 6,56 %) que celle qui l’ont été en milieu urbain (10,63 %).
L’âge de la femme est un facteur non négligeable du recours aux méthodes contraceptives modernes. Les femmes appartenant au groupe d’âge 30-34 ans adhèrent plus à la contraception moderne (12,90 %) que les autres dans le besoin de planification de naissances. Les femmes les plus jeunes (moins de 25 ans) sont celles qui recourent le moins aux méthodes modernes de contraception. En effet, 5,71 % et 3,57 % de femmes respectivement de moins de 20 ans et appartenant au groupe 20-24 ans recourent à cette pratique. Par ailleurs, avant l’âge de 35 ans, le recours à la contraception moderne a une tendance ascendante suivant l’âge. On passe ainsi de 3,57 % à 12,90 % respectivement chez les femmes de moins de 20 ans et celles appartenant au groupe 30-34 ans. Les femmes plus âgées (40-49 ans) et donc en fin de vie féconde utilisent plus ces méthodes que celles plus jeunes et donc en début de fécondité (moins de 25 ans).
Le niveau d’instruction discrimine fortement le niveau de recours des femmes aux méthodes modernes de contraception. Une femme qui a été scolarisée a une prédisposition plus élevée à pratiquer la contraception moderne que celle qui n’a jamais été scolarisée (EDS, 2011). En effet, chez les femmes jamais scolarisées, environ une sur vingt, soit 5,6 %, adhère à la pratique de la contraception moderne. Celles avec un niveau primaire ont un comportement non loin de celles sans aucun niveau avec un taux d’utilisation de 7,63 %. Quant aux femmes scolarisées au niveau secondaire ou plus, elles sont considérablement plus enclines à recourir à la contraception moderne que les deux catégories précédentes.
De façon générale, lorsqu’on passe d’un niveau d’instruction à un autre (relativement plus élevé), le niveau de recours aux méthodes modernes de contraception augmente.
L’état matrimonial de la femme est une variable importante susceptible d’influencer tant son comportement sexuel en général que son comportement vis-à-vis de la contraception. Les femmes ayant vécu ou vivant dans un cadre marital recourent davantage à la contraception moderne que les célibataires. En effet, pendant que 4,09 % de femmes célibataires adhèrent à l’utilisation de ces méthodes, 8,52 % des autres le font.
Le fait de contribuer à la prise en charge des besoins des enfants n’a pas d’influence significative sur la décision de recourir ou non aux méthodes contraceptives modernes.
3.2. Déterminants du recours aux méthodes modernes de contraception
La variable à expliquer est le recours ou non à une méthode moderne de contraception au cours des trois derniers mois. Il s’agit d’une variable dichotomique prenant la valeur 1 si la femme recourt à la contraception moderne et 0 sinon. La régression logistique est utilisée à cet effet. Si est la probabilité de recourir à une méthode moderne de contraception, la variable explicative est et le modèle s’écrit comme suit :
- est l’odds ou la propension à recourir aux méthodes contraceptives modernes;
- est le logarithme de l’odds;
- Les représentent les coefficients de régression. Ils donnent une mesure de l’effet de chaque variable explicative sur le logarithme de la propension de recours aux méthodes contraceptives modernes.
Les résultats de cette étude explicative multivariée sont dans le tableau ci-dessous (Tableau 2). Par caractéristique individuelle retenue pour l’explication du recours aux méthodes modernes de contraception, le tableau décrit la probabilité relative de chaque modalité par rapport à celle considérée comme de référence. Ces chances relatives sont représentées par les « odds ratios ».
Tableau 2 : Chance relative du recours aux méthodes modernes de contraception selon les facteurs explicatifs
Variables explicatives | Chance relative | Intervalle de confiance à 95 % | |
Borne inférieure | Borne supérieure | ||
Milieu de Socialisation | * | ||
Tchaourou | 0,7** | 0,3738622 | 1,211326 |
Rural | 0,8* | 0,4857077 | 1,200183 |
Urbain | Ref | ||
Groupe d’âge | * | ||
Moins de 20 ans | Ref | ||
20-24 | 0,9 ns | 0,2767167 | 2,916211 |
25-29 | 1,8* | 0,6169612 | 5,389437 |
30-34 | 2,7** | 0,9073794 | 8,035823 |
35-39 | 1,4 ns | 0,4167558 | 4,462901 |
40-49 | 1,7*** | 0,5123623 | 5,345437 |
Niveau d’instruction | ** | ||
Non scolarisée | Ref | ||
Primaire | 1,9** | 1,117824 | 3,243198 |
Secondaire ou plus | 1,91*** | 1,173525 | 3,110567 |
État Matrimonial | ns | ||
Non célibataire | 0,7 ns | 0,2113817 | 2,615309 |
Célibataire | Ref | ||
Prise en charge des enfants | * | ||
Complète | 0,8* | 0,5364879 | 1,258376 |
Partielle | Ref |
*** : Signification au seuil de 0,1 %
** : Signification au seuil de 1 %
* : Signification au seuil de 5 %.
Source : Nos travaux à partir des données de l’enquête ENSPD 2016
À l’exception de l’état matrimonial, les résultats sont significatifs pour les autres variables explicatives. Les résultats relatifs au milieu de socialisation révèlent que les femmes ayant passé leurs 12 premières années en milieu urbain sont plus enclines à recourir à la contraception moderne que celles l’ayant passé en milieu rural. En effet, comparativement aux femmes socialisées en milieu urbain, celles qui l’ont été en milieu rural ont 0,8 fois moins de chance de recourir à la contraception moderne que les autres. Cette probabilité est plus faible chez les femmes de Tchaourou et elle est de 0,7. Ainsi, les femmes socialisées en milieu rural ont plus de besoins non satisfaits en matière de planification des naissances que celles socialisées dans le milieu urbain.
Quant aux résultats concernant l’âge, il ressort que les femmes de plus de 19 ans ont plus de chance de recourir aux méthodes modernes de contraception que les plus jeunes (moins de 20 ans). En effet, les femmes appartenant au groupe d’âge 30-34 ans ont 2,7 fois plus de chance de recourir à ces méthodes que celles de moins de 20 ans. Toujours par rapport à la même référence, celles de 25-29 ans, celles de 40-49 ans et celles de 35-39 ans ont respectivement 1,8; 1,7 et 1,4 plus de chance de recours.
En ce qui concerne la scolarisation de la femme, les résultats confirment que les chances de recourir aux méthodes contraceptives modernes augmentent avec le niveau scolaire atteint. Ces résultats vont bien au-delà de l’analyse descriptive, en faisant ressortir une différence significative entre les femmes non scolarisées et celles de niveau primaire. En effet, les femmes de niveau primaire ont 1,9 (environ 2) fois plus de chance de recourir à la contraception moderne que celles jamais scolarisées. Celles de niveau supérieur ou plus ont 1,91 fois plus de chance que les non scolarisées.
Les résultats relatifs à l’implication de la femme dans la prise en charge des besoins de l’enfant montrent que les femmes qui y contribuent partiellement sont plus enclines à recourir à la contraception moderne que celles qui le font de façon complète. Ces dernières ont 0,8 fois plus de chance de recourir aux méthodes modernes que les autres.
Conclusion
Chez les femmes ayant des besoins en matière de planification familiale à Tchaourou, la contraception moderne est caractérisée par un faible niveau de recours (7,78 %). Sa pratique varie selon plusieurs facteurs. Les principaux facteurs sur lesquels ont porté l’analyse sont l’âge, le milieu de socialisation, le niveau d’instruction, l’état matrimonial, la participation à l’entretien des enfants. L’étude réalisée a permis de faire ressortir que les femmes socialisées en milieu urbain ont une plus forte propension au recours à ces méthodes que celles socialisées en milieu rural; l’éducation des femmes est favorable au recours à la contraception. L’analyse multivariée a confirmé les résultats de l’étude exploratoire (bivariée). Ainsi, le fait d’avoir été socialisée en milieu rural, le fait de ne pas être scolarisée ou d’être peu scolarisée, le fait d’avoir moins de 20 ans diminuent les chances de recourir aux méthodes modernes de contraception chez les femmes qui en ont besoin. Le faible niveau général d’utilisation de ces méthodes suscite des interrogations quant à l’efficacité des nombreux projets/programmes de promotion de la contraception moderne. C’est pourquoi il s’avère très important d’étudier de façon plus pointue les femmes présentant les caractéristiques faisant obstacle au recours à la contraception moderne.
Références bibliographiques
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Chae, S., Woog, V., Zinsou, C. et Wilson, M. (2016). Obstacles à la pratique contraceptive des femmes au Bénin. Guttmacher Institute & ABMS, Cotonou, Bénin, 8 p.
INSAE[12] (2016). Principaux indicateurs sociodémographiques et économiques du département du Borgou. Rapport définitif RGPH-4[13], Cotonou, Bénin, 35 p.
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INSAE (2015). RGPH 4 : Que retenir des effectifs de population en 2013? Résultats définitifs du 4e Recensement Général de la Population et de l’Habitation du Bénin, 33 p., www.insae-bj.org/recenseent-population.html
INSAE (2012). Enquête sociodémographique de santé et à indicateurs multiples du Bénin. Rapport préliminaire, Cotonou, Bénin, 40 p., www.insae-bj.org/recenseent-population.html
Locoh, T. (1991). « La fécondité des adolescentes : synthèse des résultats des enquêtes nationales ». Revue Vie et Santé, n° 8, 20p.
Ministère de la Santé (2013). « Plan d’Action National Budgétisé pour le Repositionnement de la Planification Familiale 2014-2018 au Bénin », Direction de la Santé de la Mère et de l’Enfant (DSME), Cotonou, Bénin, 90 p.
Nasah, B. T. (1998). « Planification familiale, sexualité et santé reproductive des adolescents en Afrique subsaharienne ». In Kuate-Defo, B. Sexualité et santé reproductive durant l’adolescence en Afrique, Cameroun, Edi conseil, Boucherville.
Nouetagni, S (2004). Crise économique, pauvreté et modification de la fécondité dans les deux métropoles camerounaises (Douala et Yaoundé). Thèse de doctorat, 2004, Paris.
Rwenge, M. (1994). « Déterminants de la fécondité des mariages selon le milieu d’habitat au Bénin : Examen par les variables intermédiaires ». Les cahiers de l’IFORD, Cameroun, 125 p.
Sala-Diakanda, M. (1996). Les positions des gouvernements vis-à-vis des politiques démographiques en matière de fécondité : De la conférence de Bucarest à celles du Caire. Addis-Abeba, 26 p.
Shapiro, D. et Tambashe, O. (1994). « The impact of women’s employment and education on contraceptive use and abortion in Kinshasa, Zaire ». Studies in family planning, pp. 95-105.
Zra, I. (Août 2008). Facteurs associés à la non-utilisation de la contraception moderne chez les femmes en union dans la partie septentrionale du Cameroun. Mémoire de DESSD[14], IFORD, Université de Yaoundé II, 115 p.
ANNEXE
Tableau A1 : Répartition des femmes ayant des besoins en matière de planification familiale selon le recours ou non aux méthodes modernes de contraception
Recours aux méthodes modernes de contraception | Effectif | Pourcentage (%) |
Oui | 126 | 7,8 |
Non | 1 493 | 92,2 |
Total | 1 619 | 100,0 |
Source : Nos travaux à partir des données de l’enquête ENSPD 2016
Tableau A2 : Répartition des femmes ayant des besoins en matière de planification familiale selon les variables explicatives
VARIABLES EXPLICATIVES | Effectif | Pourcentage (%) |
Milieu de socialisation |
||
Urbain |
508 | 31,38 |
Tchaourou | 318 | 19,64 |
Rural | 793 | 48,98 |
Âge |
||
Moins de 20 ans |
196 | 12,11 |
20-24 | 385 | 23,78 |
24-29 | 383 | 23,66 |
30-34 | 279 | 17,23 |
35-39 | 188 | 11,61 |
40-49 | 188 | 11,61 |
État matrimonial |
||
Célibataire |
269 | 16,62 |
Non célibataire | 1 350 | 83,38 |
Niveau d’instruction |
||
Non scolarisée | 679 | 41,94 |
Primaire | 498 | 30,76 |
Secondaire ou plus | 442 | 27,3 |
Entretien des enfants | ||
Partielle |
427 | 37,07 |
Complète | 725 | 62,93 |
Source : Nos travaux à partir des données de l’enquête ENSPD 2016
- PF : Planification Familiale. ↵
- MS : Ministère de la Santé. ↵
- Cas de l’Association Béninoise pour le Markéting Social et la communication pour la Santé (ABMS), de l’ONG ADEF (Association pour le Développement et l’Épanouissement de la Famille). ↵
- Rapport d’étude, LASDEL, 2014. ↵
- ABMS, ADEF. ↵
- Le taux net de scolarisation dans la commune de Tchaourou est de 42,2 %, indiquant qu’environ 60 % des enfants scolarisables demeurent non scolarisés. ↵
- De nombreux enfants scolarisés abandonnent le système scolaire. ↵
- ENSPD : École Nationale de Statistique, de Planification et de Démographie, Université de Parakou. ↵
- ODeSPoL : Observatoire Démographique et Statistique des Populations Locales. ↵
- Population Reference Bureau. ↵
- GRIPPS = Groupe International des Partenaires Population-Santé. ↵
- INSAE : Institut National de la Statistique et de l’Analyse Économique. ↵
- RGPH : Recensement Général de la Population et de l’Habitation. ↵
- DESSD : Diplôme d’Études Supérieures Spécialisées en Démographie. ↵