11 Abandon scolaire au secondaire des adolescents et jeunes dans l’arrondissement de Tchaourou : profil et conséquences

Judicaël Kouassi Fernando

Résumé

Le présent article propose un profil des adolescents et jeunes décrocheurs du secondaire dans l’arrondissement de Tchaourou dans un premier temps et cherche à savoir ce que sont devenus les adolescents et jeunes décrocheurs après leur abandon sur le plan professionnel. Les résultats issus de l’analyse des données montrent que les adolescents et jeunes décrocheurs enquêtés sont en majorité de sexe féminin. La plupart de ces cas de décrochage surviennent au premier cycle du secondaire à un âge moyen de 18 ans. Après le décrochage, un peu plus de la moitié de ces décrocheurs enquêtés n’ont pas reçu une formation professionnelle et un peu moins d’un cinquième de ces décrocheurs enquêtés ont déjà fini une formation professionnelle. Parmi ceux ayant déjà fini une formation professionnelle, la moitié n’ont pas acquis le diplôme de fin de formation. Au sein des décrocheurs enquêtés, ils sont 51,39 % qui possèdent une activité génératrice de revenus. Ceux-ci sont le plus souvent à leur propre compte ou des employés et sont dans le domaine du commerce.

Mots-clés : décrochage, adolescents, jeunes, profil, formation professionnelle

 

Introduction

L’éducation est le socle de l’épanouissement individuel de tout homme et des transformations sociétales. C’est dans cette optique que l’éducation occupe une place très importante dans le développement économique et social des nations. Selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, « toute personne a droit à l’éducation » (ONU, 1948). Ainsi, le pacte des droits économiques sociaux et culturels établit clairement que seul l’enseignement de base est universel et obligatoire.

Cependant, le constat fait aujourd’hui est que dans les pays les plus industrialisés et développés, les populations ont un niveau d’instruction élevé. Joanis (2002, cité par Noumba, 2008) déclare : « il apparaît de plus en plus évident que le niveau d’éducation atteint par les individus qui composent une économie constitue un déterminant majeur de son succès sur l’échiquier économique mondial et partant du niveau de vie de ses citoyens ». Avec une évolution du monde et du marché de l’emploi, tout individu n’ayant pas fini le cycle secondaire constitue un handicap pour le développement du capital humain de la société à laquelle il appartient. Les compétences acquises uniquement à l’école primaire ne peuvent permettre à un individu de s’épanouir convenablement et de se prendre en charge. Cela affecte négativement le développement socioéconomique communautaire. Par ailleurs, le fait que des individus ne terminent pas le cours secondaire constitue un gaspillage des ressources allouées à l’enseignement secondaire et est à la base de plusieurs problèmes sociaux. Pour l’UNESCO (1998), l’accroissement du nombre d’individus qui ne sont pas capables de contribuer d’une manière dynamique à la vie économique, sociale, politique et culturelle de la communauté à laquelle ils appartiennent est l’une des grandes menaces de ce monde actuel.

Le présent article a pour objectif de connaître non seulement les caractéristiques des adolescents et jeunes décrocheurs du secondaire de l’arrondissement central de Tchaourou, mais également d’appréhender les conséquences du décrochage dans leur vie professionnelle. Ainsi, les questions de recherche auxquelles nous répondrons dans notre article sont les suivantes :

  • Quelles sont les caractéristiques des décrocheurs de l’enseignement secondaire de l’arrondissement central de Tchaourou?
  • Quelles sont les effets du décrochage au secondaire dans la vie professionnelle?

Outre l’introduction et la conclusion, le présent article comporte trois parties à savoir la revue de la littérature, la démarche méthodologique et les résultats empiriques.

1. Revue de la littérature

D’après Pauli et Brimer (1971), « l’abandon scolaire ou le décrochage scolaire est le fait qu’un élève quitte l’école avant la fin de la dernière année du cycle dans laquelle il est inscrit ». Le taux d’abandon scolaire au secondaire se situe entre 10 % et 20 % avec une moyenne de 13,5 % dans la majorité des pays européens selon Remi (2013). Au Québec, le taux de décrochage au secondaire était en 2003 de 18,5 % chez les jeunes de 19 ans tandis qu’aux États Unis un élève du secondaire décroche toutes les neuf secondes (Remi, 2013).

Au Bénin, selon les Annuaires statistiques 2005-2006 et 2006-2007 des établissements publics d’enseignement secondaire général, le taux d’abandon était respectivement de 12,10 % et de 7,39 % dans les établissements publics d’enseignement secondaire général au cours des années scolaires 2004-2005 et 2005-2006. Noumba (2008) estime le taux d’abandon au secondaire au cours de l’année scolaire 2002-2003 à 8,2 % au Cameroun.

Les causes liées au phénomène d’abandon scolaire au secondaire sont multiples. La majorité des auteurs ayant étudié ledit phénomène, comme Deblé (1964) et Ministére de l’Éducation du Québec, MEQ (1991), ont regroupé ces nombreuses causes en trois grandes catégories à savoir les causes personnelles ou individuelles, les causes académiques ou scolaires et les causes familiales et sociales.

En ce qui concerne les causes académiques, selon Théorêt et Hrimech (1999), Parent et Paquin (1994) et le Ministère National de l’Éducation de l’Enfance et de la Jeunesse (2013), l’échec scolaire, la mauvaise orientation et la démotivation pour poursuivre la formation sont les causes de l’abandon scolaire au secondaire. Ils sont les principales origines du décrochage au secondaire au Luxembourg, à Montréal et au Québec. Le coût élevé de la scolarité (Noumba, 2008), la hausse des exigences scolaires et un encadrement insuffisant (MEQ, 1991; cité par Kantabaze, 2010) sont aussi à la base de ce phénomène.

Au niveau des causes personnelles, « la faible estime de soi, le désir de l’affranchissement, les comportements délinquants jouent un rôle très importants dans l’abandon scolaire au secondaire » (MEQ, 1991; cité par Kantabaze, 2010). Par ailleurs, une vie sexuelle très active peut conduire à des grossesses et à des mariages précoces qui selon Noumba (2008) sont des motifs du phénomène d’abandon scolaire au secondaire au Cameroun.

Pour ce qui est des causes de l’abandon scolaire au secondaire relatives à l’environnement familial, la décision d’un élève d’interrompre ses études secondaires peut être due à une situation familiale conflictuelle (MEQ, 1991). Outre cela, le faible niveau de vie et le faible niveau d’instruction des parents peuvent entraîner un faible investissement de leur part dans la scolarité de leurs enfants. C’est dans ce sens que certains auteurs comme Noumba (2008, p. 54) trouvent que la pauvreté et le niveau d’instruction des parents sont des facteurs déterminants de l’abandon scolaire au secondaire. Janosz (2000, p. 113) juge que le rejet social et le fait de s’associer à des pairs déviants sont des causes importantes du phénomène d’abandon scolaire au secondaire. Quant à Rumberger (1990), « le style parental permissif contribue au dit phénomène étudié » (cité par Potvin, Deslandes, Beaulieu, Marcotte, Fortin, Royer et Leclerc, 1999).

D’après Noumba (2008), les décrocheurs camerounais sont en général de sexe masculin, ils proviennent des ménages de taille inférieure ou égale à cinq individus, ont des parents travaillant dans le secteur privé, proviennent d’établissements publics et du milieu rural. De leur côté, pour identifier les caractéristiques personnelles des décrocheurs au Québec, Fortin et Picard (1999, p. 359) indiquent que les décrocheurs se différencient clairement par plus de délinquance sociale, plus de troubles du comportement et par plus de comportements affirmatifs. Pour Beauchesne (1991) cité par Parent et Paquin (1994, p. 700) et pour Bernard et Michaut (2014, p. 9), les décrocheurs sont majoritairement de sexe masculin. Par ailleurs, Beauchesne (1991) ajoute que les décrocheurs ont plus de 12 ans à leur arrivée au secondaire, fréquentent les écoles publiques, habitent surtout les régions périphériques, proviennent d’écoles francophones, accusent de plus un retard scolaire et sont issus des minorités ethniques. Une enquête du Ministère de l’Éducation Nationale de l’Enfance et de la Jeunesse du Luxembourg réalisée auprès des jeunes décrocheurs en 2013 indique que les garçons, les élèves de nationalités étrangères, les élèves inscrits au régime technique ou professionnel et les élèves avec un retard d’au moins deux années courent un plus grand risque de décrocher. Selon Potvin, Deslandes, Beaulieu, Marcotte, Fortin, Royer et Leclerc (1999, p. 441), les dimensions les plus significatives pour le risque d’abandon scolaire au secondaire sont le soutien affectif parental, l’engagement, l’encadrement parental et la communication avec les enseignants. Selon Dardier, Laïb et Robert-Bobée (2013, p. 11), il existe en France trois grands profils de décrocheurs au secondaire. La première catégorie de décrocheurs est composée des jeunes ayant un faible niveau d’études qui ont massivement redoublé au collège. La deuxième catégorie, quant à elle, regroupe des jeunes qui ont un meilleur niveau d’études à l’entrée au collège, mais qui échouent au CAP et au BEP. Enfin, la troisième catégorie englobe des jeunes qui sont passés par des enseignements spécialisés au collège. D’après Giroux (1989), le décrochage scolaire au secondaire au Québec intervient surtout à l’âge de 17 ans en troisième année du secondaire.

Les conséquences du décrochage scolaire dans l’enseignement du second degré sur le plan individuel et collectif sont importantes. Sur le plan collectif, la recrudescence de l’abandon scolaire au secondaire a des effets néfastes et désastreux sur la performance économique d’un pays, sur l’accroissement des salaires, sur sa productivité, sur sa capacité à créer des richesses et sur son PIB (Jolicoeur, 2008, p. 78). La vulnérabilité du marché de l’emploi (Demeuse et Friant, 2011, p. 5), le manque à gagner pour un État en matière d’impôt sur le revenu (Catterall, 1987; cité par Janosz, 2000, p. 107), l’accroissement des demandes de services sociaux (Demers, 1991 et Sullivan, 1988) sont autant de conséquences du décrochage scolaire au secondaire sur la société.

Sur le plan individuel, les décrocheurs subissent d’importantes séquelles dont les problèmes de comportement (la délinquance, l’alcoolémie, la toxicomanie et l’abus des psychotropes), la détérioration des liens familiaux (Demeuse et Friant, 2011, p. 5), le difficile accès à l’emploi ou le chômage, un faible revenu, les problèmes de santé mentale (Demers, 1991 et Sullivan, 1988), des problèmes d’adaptation et d’insertion sociale (Le Blanc, Janosz et Langelier-Biron, 1993).

2. Démarche méthodologique

Pour atteindre nos objectifs, nous avons considéré comme population d’étude l’ensemble des décrocheurs âgés de 12 à 24 ans du secondaire de l’arrondissement central de Tchaourou. Autrement dit, la population d’étude ici est l’ensemble des adolescents et jeunes âgés de 12 à 24 ans de l’arrondissement central de Tchaourou ayant quitté le système éducatif secondaire sans le baccalauréat ou tout autre diplôme équivalent.

Les données utilisées sont issues de l’enquête « Activités économiques, partage des ressources au sein des foyers et santé de la reproduction des adolescents de l’arrondissement central de Tchaourou » effectuée en mai 2016 dans l’arrondissement central de Tchaourou. Elle a été organisée par l’École Nationale de Statistique de Planification et de Démographie de l’Université de Parakou. Il est question ici d’une enquête basée sur un échantillon de 2 283 foyers issus d’un échantillonnage aléatoire stratifié avec allocation proportionnelle dont la population mère a été l’ensemble des foyers de l’arrondissement central de Tchaourou.

Dans le cadre de ce travail, les données collectées ont été analysées grâce à des méthodes descriptives. D’abord, nous avons effectué une analyse descriptive à travers des tris à plat et des tableaux croisés. Ces analyses ont été appuyées par des tests statistiques comme le test de comparaison des proportions de Marascuilo, le test de comparaison des proportions en colonne et le test d’indépendance de Chi-2. Ensuite, nous avons réalisé une analyse des correspondances multiples (ACM) qui met en évidence à travers une représentation graphique les rapprochements et les oppositions entre caractéristiques des individus. Enfin, nous avons procédé à une classification hiérarchique ascendante (CHA). Elle fournit une chaîne de partition binaire qui permet de partitionner un ensemble d’individus en des sous-groupes homogène d’individus.

3. Résultats de l’analyse des données

3.1. Caractéristiques socioéconomiques des adolescents et jeunes décrocheurs du secondaire de l’arrondissement central de Tchaourou

La population d’adolescents et de jeunes décrocheurs enquêtée est fortement dominée par des individus de sexe féminin avec une proportion de 70,29 %. Le test de Marascuilo fait ressortir une différence significative au seuil de 5 % entre la proportion de décrocheurs et la proportion de décrocheuses (p – value = 0,000). Dès lors, nous pouvons faire la remarque que les individus de sexe féminin contribuent le plus au décrochage. Ce résultat obtenu est contraire à celui de Nomba (2008) et de Beauchesne (1991). Cette contradiction serait due d’une part au fait que l’arrondissement central de Tchaourou est un milieu semi-rural et d’autre part, aux grossesses et aux mariages précoces.

Un quart des décrocheurs enquêtés (soit 25,10 %) ont atteint la classe de 4e. Ainsi, un peu plus de trois-quarts (soit 75,70 %) des décrocheurs enquêtés ont quitté le secondaire au premier cycle. Ce résultat corrobore celui de Giroux (1989) qui indique que les décrocheurs de l’enseignement secondaire du Québec abandonnent les études surtout lors de la troisième année du secondaire. L’analyse selon le sexe indique que 84,27 % des décrocheuses enquêtées ont abandonné au premier cycle tandis que chez les décrocheurs, ils sont 54,79 % à avoir laissé les études au premier cycle. Le test de comparaison des proportions en colonne montre qu’au seuil de 5 %, la proportion des adolescentes et jeunes décrocheuses ayant abandonné au premier cycle du secondaire est supérieure à la proportion des adolescents et jeunes décrocheurs ayant abandonné au premier cycle du secondaire. Ainsi les adolescentes et jeunes sont les plus nombreuses à laisser les études au premier cycle du secondaire. Nous pouvons en déduire donc qu’au second cycle du secondaire les adolescents et jeunes décrocheurs de sexe masculin sont les plus nombreux à abandonner les études.

Concernant l’âge de nos enquêtés qui décrochent au secondaire, une grande partie d’entre eux ont lâché les études à 17 ans. Ce résultat va dans le même sens que celui de Giroux (1989). Ce dernier estime que l’âge modal au décrochage scolaire au secondaire au Québec est de 17 ans.

Concernant l’acquisition d’une formation professionnelle post-décrochage, un peu plus de la moitié des décrocheurs enquêtés soit 52,19 % n’ont pas reçu de formation professionnelle après leur décrochage. En faisant une analyse selon le sexe, plus de la moitié des adolescents et jeunes décrocheurs enquêtés, soit 63,01 %, n’ont pas reçu de formation professionnelle après leur décrochage tandis que parmi les adolescentes et jeunes décrocheuses enquêtées, elles sont 47,75 % à n’avoir pas reçu de formation professionnelle. Le test de comparaison des proportions en colonne révèle que la proportion des adolescents et jeunes n’ayant pas reçu de formation professionnelle parmi les décrocheurs est supérieure au seuil de 5 % à la proportion des adolescentes et jeunes n’ayant pas reçu de formation professionnelle parmi les décrocheuses. Les adolescents et jeunes décrocheurs sont ainsi les plus nombreux à ne pas avoir reçu de formation professionnelle post-décrochage. Pour ce qui est du cycle du secondaire où a eu lieu le décrochage, le test de Chi-2 met en évidence une liaison significative au seuil de 5 % entre le fait de recevoir ou pas une formation professionnelle à la suite du décrochage et le cycle du secondaire où a eu lieu le décrochage (Chi-2 = 19,58; ddl = 2; p-value = 0,000). 73,77 % des adolescents et jeunes enquêtés ayant abandonné au second cycle du secondaire n’ont pas reçu de formation professionnelle alors que du côté des adolescents et jeunes ayant décroché au premier cycle du secondaire ce pourcentage est de 45,26 %.

Parmi les 18,33 % d’adolescents et jeunes décrocheurs enquêtés qui ont déjà fini une formation professionnelle, 52,17 % d’entre eux seulement ont reçu un diplôme de fin de formation. Cela pose un véritable problème de validité et de crédibilité de la formation professionnelle reçue, car seul le diplôme de fin de formation peut attester qu’un individu a les qualifications requises pour exercer une profession.

Au niveau de l’activité génératrice de revenus, 51,39 % des décrocheurs interviewés ont déclaré avoir une activité génératrice de revenus. Un examen selon le sexe montre qu’au sein des adolescentes et jeunes décrocheuses (individus de sexe féminin), 55,62 % ne disposent pas d’activité génératrice de revenus. Tandis que parmi les adolescents et jeunes décrocheurs (individus de sexe masculin), ils sont 41,10 % à ne pas avoir d’activité génératrice de revenus. Selon le test de Chi-2, la possession d’une activité génératrice de revenus dépend du sexe (Chi-2 = 4,37; ddl = 1; p-value = 0,03). Elle résulte aussi de l’acquisition d’une formation professionnelle après le décrochage (Chi-2 = 16,03; ddl = 2; p-value = 0,000). Ainsi, parmi nos enquêtés n’ayant pas reçu de formation professionnelle, 45,80 % ne disposent pas d’activité génératrice de revenus. Par contre, parmi ceux qui ont déjà fini leur formation professionnelle, ils sont 36,69 % à ne pas avoir une activité génératrice de revenus.

Les enquêtés ayant une activité génératrice de revenus sont majoritairement soit 75,41 % dans l’auto-emploi. Les employés ne constituent qu’une proportion de 24,59 %. Dans ces conditions, la moitié des décrocheurs enquêtés ayant une activité génératrice de revenus ont comme activité le commerce. L’artisanat vient en seconde position avec une proportion de 26,23 %. Cette prédominance du commerce peut trouver son explication d’une part dans le fait que le plus grand marché de la commune de Tchaourou se trouve dans l’arrondissement central de Tchaourou et d’autre part dans le fait qu’on n’a pas besoin d’une formation professionnelle pour faire du commerce.

3.2. Relation entre les caractéristiques socioéconomiques des adolescents et jeunes du secondaire de l’arrondissement central de Tchaourou

Pour cette analyse des correspondances multiples, nous avons eu 19 valeurs propres qui engendrent chacune un axe factoriel. Le critère du « coude » appliqué à ces 19 valeurs propres nous a permis de choisir les deux premiers axes factoriels pour notre analyse. Le premier axe factoriel explique 11,68 % de l’inertie totale tandis que le second facteur contient 10,92 % de l’information totale. L’inertie cumulée par ces deux premiers axes factoriels fait 22,60 %.

Le premier axe factoriel discrimine, à gauche, le groupe des jeunes décrocheurs âgés de 20 à 24 ans ayant reçu une formation professionnelle post-décrochage avec un diplôme de fin de formation, qui ont une activité génératrice de revenus et, à droite, le groupe des adolescents décrocheurs ayant un âge compris 16 et 19 ans, qui sont en cours de formation professionnelle post-décrochage et ne possèdent pas d’activité génératrice de revenus. Ce facteur est donc celui de l’autonomie des décrocheurs.

Le second facteur qui est l’axe du cycle du secondaire où a eu lieu le décrochage et celui de la formation professionnelle post-décrochage, confronte le groupe des adolescents et jeunes décrocheurs de sexe féminin ayant abandonné au premier cycle du secondaire à un âge compris entre 16 et 19 ans et ayant reçu une formation professionnelle post-décrochage au groupe des adolescents et jeunes décrocheurs de sexe masculin qui ont laissé les études au second cycle du secondaire à un âge compris entre 20 et 24 ans et qui n’ont pas reçu de formation professionnelle post-décrochage.

3.3. Classification des adolescents et jeunes décrocheurs du secondaire de l’arrondissement central de Tchaourou

La classification nous a permis d’identifier six profils différents d’adolescents et jeunes décrocheurs de l’arrondissement central de Tchaourou dont quatre parmi eux sont très importants.

Le premier profil est celui des adolescentes et jeunes décrocheuses Yorouba/Nago et apparentées musulmanes du premier cycle du secondaire, qui sont en cours de formation professionnelle post-décrochage. Cette première catégorie de décrocheurs comprend 72,97 % des adolescents et jeunes décrocheurs en cours de formation professionnelle, 48,95 % des adolescents et jeunes décrocheurs ayant abandonné les études au premier cycle du secondaire et 48,88 % des adolescentes et jeunes décrocheuses. Au sein de cet ensemble d’adolescents et jeunes décrocheurs, 97,89 % ont abandonné les études au premier cycle du secondaire, 91,58 % sont de sexe féminin et 56,84 % sont en cours de formation professionnelle post-décrochage.

La seconde catégorie est celle des adolescents et jeunes décrocheurs de sexe masculin du second cycle du secondaire âgés de 20 à 24 ans qui n’ont reçu aucune formation professionnelle après le décrochage. Cette classe englobe 70,49 % des adolescents et jeunes décrocheurs ayant laissé les études au second cycle du secondaire, 69,39 % des adolescents et jeunes décrocheurs ayant abandonné à un âge compris entre 20 et 24 ans et 37,40 % des individus n’ayant pas acquis de formation professionnelle post-décrochage. Tout décrocheur appartenant à cette catégorie d’adolescents et jeunes a une probabilité de 82,69 % d’avoir abandonné au second cycle du secondaire, 65,38 % de chance d’avoir abandonné à un âge compris entre 20 et 24 ans et 94,23 % de chance de ne pas avoir reçu de formation professionnelle post-décrochage.

La troisième et la quatrième catégorie de décrocheurs regroupent presque tous (97,83 %) les adolescents et jeunes décrocheurs ayant reçu une formation professionnelle post-décrochage. Ainsi, au sein de ces catégories, tous les adolescents et jeunes décrocheurs ont acquis une formation professionnelle après leur abandon. La différence entre ces deux catégories de décrocheurs est que la troisième catégorie de décrocheurs est composée de 95,83 % des adolescents et jeunes décrocheurs qui ont acquis un diplôme de fin de formation et que la quatrième catégorie contient tous les adolescents et jeunes décrocheurs n’ayant pas acquis de diplôme de fin de formation. Dans ces conditions, la troisième catégorie peut être considérée comme celle des adolescents et jeunes décrocheurs élites, tandis que la quatrième catégorie est celle des adolescents et jeunes décrocheurs ayant acquis une formation professionnelle après le décrochage mais qui n’ont pas reçu de diplôme de fin de formation.

Conclusion

Notre recherche qui a porté sur les adolescents et jeunes décrocheurs du secondaire de l’arrondissement central de Tchaourou, indique que les filles sont les plus décrocheuses. La majorité de ces cas de décrochage a lieu au premier cycle à 17 ans. Par ailleurs, les filles sont les plus nombreuses à décrocher au premier cycle du secondaire, tandis que les garçons sont les plus nombreux à abandonner au second cycle du secondaire. Après le décrochage, un peu plus de la moitié des décrocheurs n’ont reçu aucune formation professionnelle. Ceux-ci sont dominés par les individus de sexe masculin. Le fait de recevoir une formation professionnelle post-décrochage ou non dépend du cycle du secondaire où a eu lieu le décrochage. Parmi les 18,33 % d’adolescents et jeunes décrocheurs ayant déjà fini leur formation professionnelle, seulement la moitié d’entre eux ont acquis un diplôme de fin de formation. Par ailleurs, ils sont 51,39 % à posséder une activité génératrice de revenus. Dans ces conditions, le fait d’avoir une activité génératrice de revenus ou non dépend du sexe dans un premier temps et du fait d’avoir acquis une formation professionnelle ou non dans un second temps. La moitié de ces adolescents et jeunes décrocheurs ayant une activité génératrice de revenus sont dans le domaine du commerce.

L’analyse des correspondances multiples avec le premier facteur sépare, d’un côté, les jeunes décrocheurs âgés de 20 à 24 ans qui peuvent se prendre en charge et de l’autre, les adolescents décrocheurs ayant un âge compris entre 16 et 19 ans qui sont encore dépendants de leurs parents. Le deuxième facteur quant à lui fait une discrimination selon le sexe en opposant décrocheurs du second cycle du secondaire et décrocheuses du premier cycle du secondaire.

Enfin, à l’aide de la classification, six types d’adolescents et jeunes décrocheurs dans l’arrondissement central de Tchaourou ont été identifiés, dont quatre sont très importants : les décrocheurs élites, les décrocheurs ayant acquis une formation professionnelle après le décrochage mais qui n’ont pas reçu de diplôme de fin de formation, les décrocheurs de sexe masculin du second cycle du secondaire âgés de 20 à 24 ans qui n’ont reçu aucune formation professionnelle après le décrochage et les décrocheuses Yorouba/Nago et apparentées musulmanes du premier cycle du secondaire qui sont en cours de formation professionnelle post-décrochage.

Au vu des résultats de cette étude, il apparaît comme urgent de rendre obligatoire l’acquisition d’une formation professionnelle pour les adolescents et jeunes ayant abandonné les études au secondaire. Ces formations professionnelles doivent être dans des domaines où la commune de Tchaourou a besoin de main d’œuvre. Bien que l’auto-emploi soit important chez les décrocheurs ayant une activité génératrice de revenus, il faut inciter les décrocheurs à entreprendre dans d’autres domaines que le commerce.

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