La science ouverte, le projet SOHA : analyses et témoignages

33 Un avenir meilleur est possible grâce au libre accès aux documents numériques

Mayens Mesidor

Mayens Mesidor est né aux Cayes, troisième ville d’Haïti. Après ses études primaires, il quitte sa ville natale pour poursuivre ses études secondaires et universitaires à Port-au-Prince. Il obtint une licence à l’Institut supérieur d’études et de recherches en sciences sociales de l’Université d’État d’Haïti en géographie en 2012. Il termine actuellement un master 2 en risques et vulnérabilités de l’Université Paris 8 délocalisé à l’Université d’État d’Haïti. Son rêve le plus cher est de poursuivre ses recherches sur la problématique des milieux littoraux en Haïti. Il est membre du projet SOHA depuis juillet 2015. Pour lui écrire : mayensmesidor@gmail.com

Le libre accès aux documents numériques constitue un élément incontournable pour répondre aux défis du 21e siècle. Il permettra de réduire l’injustice cognitive entre les savoirs produits dans les pays du nord et ceux produits dans les pays des Suds, qu’il s’agisse des sciences médicales, des sciences humaines et sociales, etc. Ce partage de savoirs constitue une réponse concrète et effective pour faire face aux défis actuels du point de vue environnemental, économique, sanitaire, etc. Grâce au web, ce partage culturel pourra se faire en un temps record entre les extrémités de la terre avec des citoyens qui savent que nous vivons dans un espace commun et que nous devons le protéger dans une perspective de développement durable, en tenant compte des disparités qui existent entre eux.

Ma découverte du libre accès en Haïti est un phénomène récent. Elle débute à la suite d’un colloque réalisé en 2016 à Port-au-Prince dont la principale initiatrice était la professeure Florence Piron. À la suite de ce colloque dont les participants étaient en majorité des jeunes étudiants et étudiantes de l’Université d’État d’Haïti, certains d’entre eux ont décidé de former un club connu sous le nom de Réseau des jeunes bénévoles des Classiques des sciences sociales (REJEBECCSS) dans le but de militer pour une science ouverte dans le monde et en particulier en Haïti. Après le colloque, plusieurs billets de blogs, articles dans les journaux et témoignages ont été rédigés pour exprimer leur satisfaction.

Pour moi, ce colloque a été très enrichissant. Il arrivait au moment où je rédigeais mon mémoire de master 2 qui porte sur la problématique des littoraux en Haïti, plus précisément celui de la commune de Caracol dans le département du nord-est du pays. Cette commune côtière s’est recomposée à la suite de l’implantation d’un parc industriel dans la zone, ce qui a entraîné la littoralisation des activités avec son lot de conséquences sur l’environnement marin et les usagers du littoral. Le thème des littoraux en Haïti est peu abordé par les chercheurs et chercheuses d’Haïti. Je n’ai pu recenser que deux recherches locales sur ce sujet pour réaliser mon mémoire, des travaux qui ont été réalisés par des géographes qui ne sont pas haïtiens. De ce fait, plusieurs questions me sont venues. Comment trouver de l’information sur mon sujet de recherche, compte tenu de la carence en documentation scientifique en Haïti? Quelle sera la pertinence de mon étude? Le colloque de Port-au-Prince m’a donné la possibilité de répondre à ces questions.

En tant qu’apprenti chercheur, je m’efforce de participer à des activités scientifiques qui me permettent toujours d’améliorer surtout ma capacité critique et parfois d’acquérir des guides méthodologiques. Ce colloque m’a donné la possibilité non seulement de combler mes attentes, mais il m’a aussi fait entrer dans un autre univers où tout le monde prône un accès libre pour toutes et à tous. Bien que je fasse partie du groupe Facebook du projet SOHA depuis le mois de juillet 2015, je ne comprenais pas trop l’intérêt de la science ouverte en Haïti. À cette époque, je ne portais aucune attention à mes notifications du groupe sur Facebook, peu importait la quantité de temps que je passais sur Internet. Le colloque a marqué une rupture avec cette attitude. Il a ajouté plusieurs notions à mon vocabulaire, par exemple les notions de justice cognitive et de libre accès. Je me souviens de toutes les présentations du colloque, notamment celles de la professeure Florence Piron, du professeur Jean-Marie Tremblay sur l’apport de la Bibliothèque des Classiques des Sciences Sociales, de la professeure Diéyi Diouf, du professeur Schallum Pierre, etc. Toutes convoquent la notion d’injustice cognitive pour expliquer les disparités existantes entre les savoirs du Nord et ceux des Suds. Cette notion semble être la nouvelle piste à explorer pour répondre aux problèmes que traverse l’humanité actuelle et à nos aspirations pour un monde juste et équitable pour la population actuelle et celle à venir.

Ce colloque donna naissance à plusieurs groupes Facebook thématiques comme le Réseau SOHA des sociologues et des philosophes, le Réseau SOHA des sciences de l’environnement, etc. Ces différents groupes ont pour objectif de rapprocher les universitaires haïtiens et africains selon leur discipline ou leurs intérêts. Certains d’entre nous font partie de tous ces groupes, peu importe leur discipline, pour enrichir leurs connaissances. Grâce à ces groupes, j’ai pu trouver plusieurs articles dont certains traitent essentiellement de la problématique du littoral et de ces enjeux face à la mondialisation, ce qui constitue ma principale préoccupation. Maintenant, je regarde toujours avec intérêt le signal d’une notification de l’un de ces groupes Facebook thématiques du projet SOHA. Mes notifications deviennent aussi importantes que des textos. C’est ce que mes collègues appellent la magie du libre accès.

Le billet d’Anderson Pierre sur le partage numérique m’a beaucoup marqué en raison de sa manière d’utiliser les ressources numériques en libre accès partagées dans nos groupes Facebook SOHA : il raconte qu’il fait « un clic pour ouvrir ces liens afin de lire les articles, mais [qu’il prend ] aussi le soin d’aller aimer les pages Facebook d’où ils venaient, [lui] permettant l’accès à d’autres pages similaires [qu’il aimait] (like) aussitôt! ». J’ai décidé de suivre la même démarche. Ainsi, dans un laps de temps assez court, je me suis constitué un large réseau de sources d’information. Au même moment, dans un temps record, j’ai rédigé mon mémoire de master et obtenu une mention bien (16/20)! Chaque jour, j’ai à ma disposition plusieurs articles à lire. Certains proviennent d’organisations progressistes qui se battent pour un monde meilleur, alors que d’autres sont issus de journaux quotidiens, hebdomadaires, mensuels qui me permettent de me connecter avec le monde. Le groupe du réseau SOHA est un réseau international qui me permet de discuter sur des sujets importants avec mes collègues africains. Dans le but de contribuer à ce vaste mouvement, j’ai créé une page Facebook (Groupe de Recherches et de Réflexions en Géographie GREG Haïti) pour partager les articles que je trouve intéressants avec mes amis et avec toutes les personnes qui s’y abonnent.

Pour citer ce texte :

Mesidor, Mayens. 2016. « Un avenir meilleur est possible grâce au libre accès aux documents numériques ». In Justice cognitive, libre accès et savoirs locaux. Pour une science ouverte juste, au service du développement local durable, sous la direction de Florence Piron, Samuel Regulus et Marie Sophie Dibounje Madiba. Québec, Éditions science et bien commun. En ligne à https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/justicecognitive1

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Justice cognitive, libre accès et savoirs locaux Droit d'auteur © 2016 par Florence Piron est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

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