4 La mise en place du régime colonial

A. Données historiques

Dans les différentes régions d’Afrique Noire, c’est avec le début de la période d’administration des colonies que correspond la création des premières écoles.

1. Au Sénégal :

Création

  • de l’École mutuelle de St Louis (1816); de l’École des Otages (1847);
  • des écoles de Podor, Sedhiou, Dagana, Bakel, Dakar Louga, Rufisque, Matam (1857-95);
  • de l’École Faidherbe (1903);
  • de l’École Normale de St Louis (1903);
  • de l’école professionnelle Pinet-Laprade à Dakar (1903).

2. Dans les autres régions de l’Afrique occidentale :

Des écoles sont également créées :

  • Haut Sénégal Niger à partir de 1896;
  • Guinée à partir de 1896;
  • Côte d’Ivoire;
  • Dahomey.

Un premier décret organise l’enseignement en A.O.F. et précise son fonctionnement en 1896. Après la création du gouvernement général de l’A.O.F. en 1904, prend corps une organisation de l’enseignement à l’échelle fédérale, dont la structure est la suivante :

Dans chaque colonie, l’enseignement devait comporter :

  • des écoles préparatoires (2 ans),
  • des écoles élémentaires,
  • des écoles régionales,
  • une école primaire supérieure.

À l’échelon de la Fédération et pour toute l’A.O.F. :

  • l’École Normale de St-Louis (1907) transférée à Gorée en 1913 et qui deviendra l’École Normale William Ponty.
  • École des Pupilles mécaniciens de la marine à Dakar, créée en 1912.
  • École de Médecine de Dakar créée en 1916, réorganisée en 1918.

Les seuls établissements d’enseignement secondaire étaient :

  • le Cours Secondaire de St-Louis (1847-49) qui deviendra Lycée Faidherbe (1919).
  • le Cours Secondaire laïque et privé de Dakar (créé en 1917) qui deviendra public en 1925, puis Lycée Van Vollenhoven en 1937.

B. Étapes de l’organisation générale de l’enseignement

Si l’installation des établissements scolaires de différents types s’est étalée tout le long de celle de l’appareil administratif de domination politique des peuples de l’Afrique Occidentale, l’organisation de l’enseignement n’en a pas néanmoins été laissée au hasard comme le montre l’exposé suivant du Gouverneur général Roume :

1. L’enseignement avant 1903

L’apparition des premières écoles au Sénégal remonte à 1817, époque de la reprise de possession définitive de la Colonie. Faidherbe essaya bien de développer l’instruction des indigènes, Gallieni fit de même au Soudan en créant les premières écoles régimentaires. Mais ils n’eurent ni le temps, ni les moyens de réaliser pleinement leurs projets. Vers 1900, on pouvait compter, sur toute l’étendue du territoire, 70 écoles environ, établies dans les principaux centres de l’intérieur et surtout de la côte. Elles étaient fréquentées par 2.500 élèves à peine. Elles étaient tenues par les missions ou dirigées par des maîtres dont une dizaine au plus étaient des instituteurs de carrière, engagés par contrat. Il n’existait, en commun, ni service organisé de l’Enseignement, ni cadre permanent du personnel.

Il faut arriver à 1903 pour trouver une première organisation générale de l’enseignement en A.O.F. La fédération des Colonies en un solide faisceau politique ne datait que de 1895. La pacification s’achevait vers 1900. Les premières préoccupations du Gouvernement général furent de doter le groupe de ses organismes vitaux les plus indispensables. Il fallait établir les services importants d’administration générale avant de songer aux services d’intérêt social et économique. Il fut donc dans l’ordre logique d’une saine administration que l’organisation méthodique des services d’instruction suivit l’installation politique. Cette organisation venait à son heure.

2. L’organisation de 1903

Le 15 octobre 1903, le Lieutenant Gouverneur du Sénégal M. C. Guy, agrégé de l’Université, présentait au Conseil de gouvernement un rapport sur l’organisation de l’Enseignement dans les Colonies et territoires de 1’A.O.F. A ce rapport étaient joints trois projets d’arrêtés que le Gouverneur général Roume signait le 24 novembre 1903 et qui constituent la première charte de l’enseignement dans ce pays. Le premier de ces arrêtés organiques réglementait, sous divers titres, l’enseignement primaire élémentaire, l’enseignement professionnel, l’enseignement primaire supérieur et commercial, et l’enseignement des filles. Un chapitre prévoyait la création de l’École Normale pour la formation des maîtres indigènes. Les deux autres arrêtés constituaient le cadre du personnel européen et celui du personnel indigène.

Si l’arrêté organique de 1903 pouvait s’adapter aux écoles du Sénégal déjà anciennes, il ne fut pas toujours possible de l’appliquer intégralement dans les autres colonies du groupe, où l’instruction n’avait pas atteint le même développement. Celles-ci s’efforcèrent néanmoins d’en appliquer les principes à mesure que grandissaient leurs moyens intellectuels et financiers. L’arrêté de 1903 constitua pour elles un admirable programme d’enseignement. Elles prirent de cet arrêté ce qui pouvait convenir à leurs écoles. C’est alors que parurent ces règlements scolaires locaux, tous inspirés de l’arrêté organique, et qui restèrent en vigueur jusqu’en 1912.

3. La réorganisation de 1912

De 1903 à 1912, au cours d’une dizaine d’années d’efforts poursuivis dans le même sens et tendant au même but, l’instruction dans les colonies s’éleva sensiblement au même niveau. Aussi le Gouverneur général Ponty, sans vouloir imposer uniformément le programme de 1903, mais en respectant toutefois les principes posés, invita les colonies, par circulaire du 24 août 1911, à soumettre à sa signature un arrêté local qui s’adaptât aux besoins et au niveau scolaire de chacune d’elles. Conformément à cette circulaire, parurent les divers arrêtés locaux qui réorganisèrent, en 1912, le Service de l’enseignement dans chacune des colonies du groupe. La Côte d’Ivoire avait même devancé l’appel avec son arrêté du 16 juillet 1911. Suivant de près les arrêtés du 2 janvier 1912 pour la Guinée, du 2 novembre 1912 pour le Haut-Sénégal Niger et le Territoire militaire du Niger, du 30 janvier 1913 pour le Dahomey et le Sénégal lui-même. Les arrêtés locaux, tous inspirés de l’arrêté général de 1903, furent appliqués jusqu’en 1918. [1]

C. Le personnel enseignant et les objectifs de l’enseignement

Ainsi la mise en place et l’organisation de l’enseignement s’étend de la conquête coloniale à la fin de la Première guerre mondiale. Les premiers maîtres étaient recrutés parmi les autochtones sachant parler, lire et écrire le français, les anciens élèves des écoles élémentaires et régionales. Plus tard, l’École Normale a fourni en plus des instituteurs.

Des instituteurs européens assumaient d’abord exclusivement la direction des écoles régionales, celle des écoles élémentaires était confiée aux instituteurs indigènes.

L’enseignement visait à produire essentiellement le personnel subalterne indigène nécessaire à la bonne marche de l’administration coloniale :

  • Commis et interprètes,
  • Employés de commerce,
  • Infirmiers de santé et infirmiers vétérinaires,
  • Instituteurs et moniteurs,
  • Médecins auxiliaires et vétérinaires auxiliaires,
  • Ouvriers de différentes spécialités.

II ne s’agit plus seulement de doter nos écoles de maîtres indigènes destinés à suppléer au manque de maîtres européens. Il s’agit encore de doter toutes les branches de l’administration, de l’industrie, de l’agriculture, des services d’hygiène et d’assistance, d’un personnel indigène apte à seconder un personnel européen trop restreint et, dans une certaine mesure, à le remplacer le cas échéant.

Ces agents, ouvriers, employés, aides médecins, recrutés parmi les indigènes, appelés à exercer parmi leurs compatriotes des métiers ou des fonctions auparavant réservés aux Européens, méthodiquement préparés à exercer ces métiers ou fonctions et non plus seulement chargés au petit bonheur, après un apprentissage plus ou moins empirique, d’emplois au-dessus de leurs connaissances et de leurs moyens, ne voit-on pas quelle influence ils pourront avoir sur l’évolution des sociétés indigènes?

Ce sera une source de confiance, de la part des populations encore si distantes de nous-mêmes, dans des principes et des méthodes que nous ne saurions imposer par la force et que nous n’arriverons que bien difficilement à instaurer par la seule vertu de la persuasion, si la propagande était faite directement par nous.

De même qu’il nous faut des interprètes pour nous faire comprendre des indigènes, de même il nous faut des intermédiaires, appartenant aux milieux indigènes par leurs origines et au milieu européen par leur éducation, pour faire comprendre aux gens du pays et pour leur faire adopter cette civilisation étrangère pour laquelle ils manifestent, sans qu’on leur en puisse tenir rigueur, un misonéisme bien difficile à vaincre. (Maurice Delafosse in Bull. de l’Ed. en A.O.F., N° 33, juin, 1917)


  1. Journal officiel de l'A.O.F., n° 1024 du 10 mai 1924.

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