18 Sara Larraín (1952-), Chili

Rose Esther Alce

sara Larrain

Sara Larraín, de son nom complet Sara Larraín Ruiz-Tagle, n’a pas laissé entrevoir à l’âge de 20 ans qu’elle serait aujourd’hui l’une des figures incontournables de la lutte pour l’environnement au Chili. De la jeune fille bachelière en esthétique à la militante engagée pour l’environnement, nous pouvons apprécier un long et intéressant parcours. Pédagogue, écologiste, femme politique, elle est sur tous les fronts qui peuvent contribuer à sauver le monde!

Coup d’œil sur sa vie

Née à Santiago de Chili le 23 février 1952, Sara Larraín fit des études classiques au Collège universitaire anglais. Elle s’intéressa à l’anthropologie, ce qui l’amena à s’inscrire en 1972, l’année de ses vingt ans, à l’Université de Chili. Optant pour des études supérieures en arts plastiques à l’école des Arts de l’Université Catholique, elle en sortit diplômée après la soutenance de sa thèse sur « Les espaces publics et le patrimoine culturel ».

En 1977, à vint-cinq ans, Sara commença une carrière dans l’enseignement, en pédagogie des arts plastiques. Une année plus tard, elle fut reçue comme professeure et chercheuse à l’Institut de philosophie de l’Université Catholique et à l’Université métropolitaine des sciences de l’éducation (UMCE) dans le domaine de l’esthétique. Elle y exerça son métier jusqu’en 1989. Mariée à Manuel Baquedano, sociologue et actuel directeur exécutif de l’Institut d’écologie politique (au sein de Chile Sustentable), la fille de Mario Larraín et de Sara Ruiz-Tangle, mit au monde deux enfants : Constance et Francisco.

Femme intelligente, croyante chrétienne, Sara est reconnue pour sa grande sensibilité. Elle est très réceptive aux nouvelles idées, mais reste une personne peu influençable. Elle a un grand sens pratique. Elle est exigeante envers elle-même et envers les autres, ce qui fait parfois d’elle une solitaire. Très habile avec ses mains, c’est une artiste talentueuse.

Bonne lectrice, Sara est portée vers tout ce qui peut exciter ses neurones. C’est une femme qui sait comment affronter les difficultés sans jamais perdre de vue son objectif. Cette mère de famille, qui se remarque par son altruisme, se montre très intéressée par les problèmes liés à l’environnement. Le début de sa militance peut se situer en 1984.

Entre engagement et militance, il n’y a qu’un pas

De 1984 à 1987, Sara œuvra, à titre de co-fondatrice, au sein du Comité chilien pour le désarmement et la dénucléarisation. Entre 1987 à 1989, elle participa à la fondation de la « Red Nacional de Acción Ecológica » (RENACE) et en fut coordonnatrice de 1994 à 1997. D’autres organisations qui portaient intérêt à la globalisation bénéficièrent également de sa collaboration. De 1989 à 1993, elle contribua à la fondation du Bureau de Greenpeace en Amérique Latine (Oficina Greenpeace Pacífico Sur en Chile).

En 1997, la militante de quarante-sept ans se retrouva à la tête du programme « Chile Sustentable » (Chili durable). Et elle y est encore aujourd’hui. De 1997 à 1999, Sara fut membre du Forum pour le développement centré sur les personnes aux États-Unis et du Forum international sur la mondialisation, et fut parmi les conseillers du Fonds des Amériques. En 2001, elle intégra le Conseil consultatif de la commission nationale de l’environnement du Chili (CONAMO).

Aujourd’hui, le Chili est le plus grand producteur de cuivre au monde, ce qui va de pair avec l’augmentation des dommages environnementaux. Un individu consomme 130 à 200 litres d’eau par jour, alors que cela ne représente que 1,5% de la consommation d’une compagnie minière (Cliquet, 2013). Le combat de Sara est de taille. Comment obtenir que ces compagnies utilisent moins d’eau, et en recyclent le plus que possible ?

A la tête du programme « Chile Sustentable » comme directrice exécutive, et trésorière à la direction de cette même organisation qui encourage la discussion et qui propose des réformes pour l’institutionnalisation et la réglementation en matière d’énergie, d’eau, de biodiversité, des ressources génétiques et des droits sociaux environnementaux, Sara Larraín travaille à la consolidation d’un espace pour permettre la participation citoyenne dans la prise des décisions relatives aux politiques publiques. Elle encourage le travail conjoint des organisations afin de rendre significatifs leurs impacts dans les champs politique, social et environnemental. D’ailleurs, les objectifs généraux de l’organisation sont de :

Stimuler un vaste débat et promouvoir un effort de concertation intellectuelle et sociale orienté en vue de systématiser et de quantifier les objectifs et les actions pour réorienter le processus de développement chilien vers la durabilité ; renforcer l’action citoyenne et sensibiliser la classe politique et le peuple sur les fondements politiques pour une proposition de durabilité pour le Chili. (Site officiel de Chili Sustentable)

Son combat pour l’environnement

Fidèle à ses engagements et déterminée à remettre les pendules à l’heure, Sara Larraín décréta la permanence dans ses actions pour changer la situation environnementale de son pays. En 2005, la Directrice de Chile Sustentable fut appréhendée par la police. Le gouvernement avait ordonné son arrestation, ainsi que celle de quelques célébrités et activistes manifestant contre la pollution de la rivière « cruces » par les métaux lourds et les dioxines que l’entreprise Arauco y déversait par un tuyau non approuvé par les autorités. Ils réclamaient la fermeture de la Valdivia, usine de cellulose et station de production d’électricité. Sara Larraín se révolta et condamna cette irresponsabilité du gouvernement qui avait entraîné la décimation et la migration de milliers de cygnes et de canards. Sur 5000 canards, il ne restait que deux dans cette zone polluée (Olco, 2005).

En 2008, l’écologiste dénonça le déversement de 13.000 gallons d’huile à partir de la mine « los Pelambres ». Elle critiqua l’irresponsabilité des autorités chiliennes qui, non seulement n’avaient pas tenu informée la population comme elles le devraient, mais aussi n’avaient ouvert aucune enquête sur cette contamination de la nappe d’eau souterraine. Défendant toujours la cause populaire, elle prit une fois de plus parti pour les citoyens touchés par le problème, et traduisit son indignation en ces termes :

Cette situation démontre une fois de plus l’impunité totale, dans laquelle agit le secteur minier, ce qui est le résultat de leur grande influence sur les organes de l’Etat.

En mai 2011, elle fut en opposition au projet HidroAysén qui visait l’installation de cinq barrages hydroélectriques en Patagonie chilienne, une zone que les écologistes considèrent « comme un patrimoine naturel de l’Humanité pour sa vaste diversité et comme une des plus grandes réserves d’eau douce de la planète » (Jarroud, 2014). Sa militance lui coûta à nouveau une arrestation. Après une nuit derrière les barreaux, Sara Larraín sortit encore plus motivée et rejeta la faute sur le gouvernement dont elle critiquait la politique environnementale.

En 2013, l’écologiste s’indigna que durant la quatrième année consécutive de sécheresse, il y eut des zones où l’on distribuait à la population de l’eau de qualité douteuse dans des camions citernes. Alors que les usines continuaient à bien fonctionner, que les stations hydroélectriques ne réduisaient pas leur production d’un mégawatt, la population vivait dans l’insatisfaction totale de ses besoins en eau de consommation. Sara reprocha l’irrationalité des droits hydriques, particulièrement du Code de l’eau en vigueur depuis 1981. Elle lutta pour que l’eau ne soit pas uniquement disponible pour usage à but lucratif.

En juin 2014, avec Juan Pablo Orrego, Sara Larraín parvint à mobiliser tout le pays contre le projet HidroAysén. La campagne lancée « pour une Pantagonie sans barrages », amena le gouvernement de Michelle Bachelet à rejeter le projet après six années de lutte juridique.

Briguer des postes politiques, une arme pour la lutte en faveur de l’environnement ?

Pour ce qui est de la Présidence qu’elle avait briguée en 2000, c’est une question à laquelle on n’aura pas de réponse, puisque dans la joute politique, bien que Sara Larraín fut soutenue par les groupes écologistes, la candidate indépendante ne totalisa que 31,319 votes sur 7,271,584 soit 0,44% du suffrage. On ne saura jamais à quel point elle aurait rallié le peuple chilien à ses idées :

Impulsar la iniciativa política ciudadana ; implementar una reforma ecológico de Chile ; fin al servico militar obligatorio; sociedad pluriétinico; infancia con plenos derechos – promouvoir l’initiative de politique publique; mettre en œuvre une réforme écologique du Chili; fin au service militaire obligatoire ; une société multi-éthnique ; enfants de plein droit.

Toutefois, la citoyenne engagée n’abandonna pas ses ambitions politiques. Elle réussit à se dresser comme un des acteurs importants de l’arène politique. Ainsi, en janvier 2001, elle fonda le Parti écologique de Chile (ECOL) qui prônait l’écologisme et la politique verte. À cette même période, la leader fit alliance avec le parti communiste, Eco-comunista. Elle assura la présidence de l’ECOL, ce parti de centre-gauche, jusqu’en mai 2005.

Élue députée de la République depuis novembre 2006, cette femme politique se fit plus tenace dans son combat pour dire non à toute forme de dégradation de l’environnement. Son travail fait avec sérieux, elle obtint le vote de confiance du peuple et fut réélue en 2010. En 2015, elle en est à son troisième mandat qui prendra fin en 2018. Sara Larraín est la première femme écologiste de Chili à accéder au pouvoir.

Ses œuvres : sa plume, une autre arme de combat

En plus de mener son combat par l’action, Sara Larrían sut aussi utiliser les armes de l’écriture. En 2003, elle co-écrit le livre Agua : Donde está y de quién es ? (co-auteurs Patricia Bravo, M. Paz Aedo). Ce document fournit des informations et des analyses sur les difficultés que rencontrait le Chili en termes de ressources hydriques. Selon Sara Larraín, parler de l’utilisation, de la disponibilité, de la gestion, de la propriété de l’eau et du cadre réglementaire qui régit les organisations de citoyens, le public en général et les acteurs intéressés par la politique de l’eau, cela pouvait contribuer à faire la lumière sur la situation du pays et sur les décisions qui devaient être prises à court terme (Larraín et al, 2004). Sara fut aussi l’auteure de « Norte Grande: 500 años después» (1989), co-auteure de « Chile Sustentable. Propuesta ciudadana para el cambio» (2003).

En 2015, cette femme engagée a un riche répertoire d’articles, dont les plus récents sont “Glaciares y cambio climático” (2015), “Glaciares : Gobierno legisla contra compromision international” (2015), “Proteccíon de glaciares no puede esperar” (2015), “Chile frente al cambio climático” (2015); “Escasez e insecuridad hídrica en Chile” (2015), “Glaciares e entereses mineros” (2015). “Proteger los glaciares de la minería” (2015). Ses articles antérieurs “La línea de dignidad como indicador de sustentabilidad socioambiental: avances desde el concepto de vida mínima hacia el concepto de vida digna” (2002) et “Los ciudadanos como garantes de la protección ambiental y el desarrollo sustentable” nous révèlent la tension qui a souvent existé entre l’exécutif et le parlement chiliens. Certains de ses articles dénoncent les exploitations minières qui détruisent les glacières et tournent les projecteurs sur des dérives puisque l’exécutif porte négligence en ce qui concerne la protection des régions vulnérables à la sécheresse.

Sara Larraín continue à faire un plaidoyer pour la protection des glacières. Car si le Chili tient à combattre la sécheresse, la désertification et la chaleur globale, il faut que le gouvernement améliore sa politique environnementale. En août 2015, elle tint également une correspondance avec Pablo Jaeger au cours de laquelle elle exposa les lacunes du Code de l’eau. L’écologiste continue à soutenir que seule la rationalisation de l’exploitation minière peut garantir la survie, le bien être à la population et le développement national du Chili.

L’ensemble des œuvres de Sara charrient sa volonté de contribuer à une plus grande conscientisation, afin que les problèmes de disponibilité, de qualité et de gestion de l’eau fassent l’objet des débats publics. Son désir est de faire comprendre la nécessité de protéger et de mieux gérer les ressources hydriques. L’eau est un bien public et l’accès est un des droits fondamentaux des Chiliens et Chiliennes. Son combat n’aura de fin que quand le Chili parviendra à respecter les droits liés à l’environnement.

Sara Larraín, cette femme qui affectionne l’équitation, les randonnées pédestres, et l’escalade, demeure un exemple vivant de citoyenne engagée pour sauver la planète, de femme super « héros-humain » dont la lutte ne peut rester sous silence.

Références

Bravo, Patricia, Aedo, M. Paz et Larraín, Sara (2004), « Agua: Dónde está y de quién es? Chilie », Programma Chile Sustentable des LOM Editiones, accessible en PDF sur :
http://www.chilesustentable.net/agua-donde-esta-y-de-quien-es-para-entender-lo-que-ocurre-con-las-aguas-en-chile/ (consulté le 15/11/15)

Bolivar, Pamela Aravena (1999), « Archivos secretos. El lado oculto de los candidatos », El Mercurio, 12 décembre.
http://diario.elmercurio.cl/detalle/index.asp?id={cef0abbc-0c94-40d4-8eb5-e33fa61ab886} (consulté le 24/10/15)

Cliquet, Benjamin (2013), « Les défis environnementaux des mines chiliennes », Terra Eco, 24 septembre.
www.terraeco.net/Les-defis-environnementaux-des,51348.html (consulté le 15/11/15)

Jarroud, Marianela (2014), « Chile cierra la compuerta a HidroAysén y la Pantagonia celebra », Inter press Service Agencia de Noticias, 10 juin.
http://www.ipsnoticias.net/2014/06/chile-cierra-la-compuerta-a-hidroaysen-y-la-patagonia-celebra/ (consulté le 18/11/15)

S.a. (2008), « Denuncian derrame de 13.000 litros de petróleo de la Minera Los Pelambres », OLCA, 5 décembre.
http://olca.cl/oca/chile/region04/lospelambres34.html  (consulté le 24/10/15)

S.a. (2005), « Gobierno ordena detención de ecologistas en protesta contra Celco », OLCA, 10 juin.
http://olca.cl/oca/chile/region10/cisnes025.html (consulté le 24/10/15)

S.a. (2011), « Ecologista Sara Larraín denuncia trato « abusivo » tras ser detenida en protestas contra HidroAysén », Emol Nacional, 10 mai.
http://www.emol.com/noticias/nacional/2011/05/10/480708/ecologista-sara-larrain-denuncia-trato-abusivo-tras-ser-detenida-en-protestas-contra-hidroaysen.html (consulté le 19/11/15)

S.a. (2013), « Sara Larraín: “El agua se ocupa con fines de lucro y las necesidades básicas no son satisfechas », Dario Uchile, 22 avril.
http://radio.uchile.cl/2013/04/22/sara-larrain-el-agua-se-ocupa-con-fines-de-lucro-y-las-necesidades-basicas-no-estan-siendo-satisfechas]  (consulté le 23/10/15)

S.a. (2015), « Sara Larraín (Chile No Socialista) », Historia alternativa.
http://es.althistory.wikia.com/wiki/Sara_Larraín_(Chile_No_Socialista)
(consulté le 13/10/15)

Références complémentaires

Larraín Sara, Palacios, Karim et Aedo, Maria Paz (2003), Chile Sustentable. Propuesta ciudadana para el cambio, Chile : Lom ediciones. ISBN: 956-7889-12-0.
http://www.archivochile.com/Chile_actual/patag_sin_repre/03/chact _hidroay-3%2000031.pdf (consulté le 20/11/15)

Ramis, Alvaro (2008),  « El gobierno chileno y su amenaza a los ecologistas », OLCA, 16 avril.
http://www.olca.cl/oca/columnas/ramis01.htm
(consulté le 06/11/15)

S.a.(2009), « Ecologistas rechazan propuesta de Enríquez-Larraín-Baquedano de reducir el impuesto a la gasolina », OLCA, 20 mai.
http://olca.cl/oca/chile/prontuario017.htm (consulté le 30/10/15)

Urquieta, Claudia (2008), « Ley de protección de los glaciares en el freezer », OLCA, 3 décembre.
http://www.olca.cl/oca/chile/mineras/mineras036.htm (consulté le 20/10/15)

Pour lire les lettres échangées :
http://e-pistolas.org/debate/modificaciones-al-acodigo-de-agua-necesidades-y-deficiencias/ (consulté le 01/12/15)

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