34 Liette Vasseur (1963), Québec

Vincent Leboeuf Gadreau

Liette

Qui aurait cru que cette petite fille de la campagne, qui aimait dessiner des animaux et aider son papa fleuriste deviendrait un jour cette femme accomplie qui a tant apporté à la recherche sur les changements climatiques et le développement durable? Qui aurait cru que sa passion pour l’environnement et pour les communautés l’amènerait un jour à travailler avec des scientifiques de renom à l’autre bout de la planète et à influencer le changement de plusieurs politiques environnementales?

Enfance

Liette Vasseur est née le 29 avril 1963 à Laval, au Nord de Montréal, sur une ferme. Ses parents possédaient des poulets, des moutons, des chèvres et des lapins, en plus de cultiver des légumes. Ils avaient également une serre qui servait à la production de chrysanthèmes. En effet, son père et son grand-père paternel étaient fleuristes. Elle avait à peine 5 ans et son grand-père lui montrait à dessiner les plantes, les arbres et les animaux.

Sa mère et son père étaient présents pour elle et les activités avaient une couleur très familiale. En effet, il était important pour la famille de prendre des vacances ensemble au moins une fois par année. Cela a d’ailleurs permis à Liette de visiter plusieurs des provinces canadiennes et l’est des États-Unis, de la Floride au Vermont et au Michigan. Son tout premier voyage a eu lieu quand elle avait seulement deux mois. Ses parents avaient décidé de l’amener à Québec, au Château Frontenac. Liette était tellement petite que sa mère l’avait confortablement installée dans un tiroir qu’elle avait tapissé de couvertures. Le poupon avait alors dormi à poings fermés.

À l’âge de 12 ans, Liette commença à aider sa famille avec le commerce : faire les préparations, les arrangements et servir les clients. Elle aimait bien aller explorer les boisés à l’arrière du domicile familial et l’hiver venu, elle et une de ses voisines allaient y « ouvrir » les pistes de ski de fond.

C’est cette proximité constante avec la nature qui, dès un très jeune âge, lui a donné le goût de l’écologie. Sa famille, son éducation familiale et le milieu dans lequel elle a grandi l’ont également amenée à penser aux communautés rurales. Elle a toujours voulu rester proche de la nature, ce qui a développé son besoin de la protéger et la préserver.

Études

Les études primaires de Liette ont débutée en 1969, à une époque où, à Laval, les écoles « grandissaient ». Elle a commencé son primaire à l’école Jean XXIII pour le terminer à l’école Simon Vanier. Elle a fait ses deux premières années secondaires à l’école St-Martin pour finalement faire sa troisième, quatrième et cinquième année à l’école St-Maxime. Elle a fait son CEGEP au Collège Ahuntsic.

C’est à l’Université de Sherbrooke qu’elle a fait son Baccalauréat en biologie & écologie. Elle a obtenu son diplôme en 1985 après un parcours très formateur sur plusieurs aspects. En effet, en plus des connaissances qu’elle y a acquises, ses études ont intensifié son goût pour l’environnement et pour les enjeux de représentativité du genre féminin dans les sciences naturelles. Les professeurs qui l’ont encadrée l’ont ouverte à la passion de l’écologie et de l’environnement. Les plus marquants ont été M. Legault, Jean-Marie Bergeron et Colette Ansseau. Cette dernière, avec qui elle travaille encore étroitement aujourd’hui, l’a beaucoup inspirée en tant que « femme de science » et lui a donné l’intérêt de créer des cours sur les femmes en sciences. Elle l’a également sensibilisée aux injustices et à la discrimination envers le genre féminin dans le milieu scientifique.

Liette a ensuite fait sa maitrise en Biologie à l’Université de Québec à Montréal (UQAM) où elle a obtenu son diplôme en 1987. Elle a alors travaillé sur la conservation de l’ail des bois. Elle a alors pu faire une partie d’une équipe de recherche de l’Université de Montréal en génétique des populations avec Jean-Pierre Simon. Combiner l’écologie et la génétique n’était pas chose fréquente à l’époque. Cela lui donne un avantage notable aujourd’hui, car elle a continué à travailler avec cette approche multidisciplinaire. Cette maitrise lui a aussi fait réaliser l’importance des recherches fondamentales pour bien comprendre ce qui se passe dans les écosystèmes.

Elle a ensuite choisi de faire son doctorat en biologie à la Queen’s University (Kingston, Ontario) dont elle a obtenu le diplôme en 1991. Elle a finalement entamé un postdoctorat avec Catherine Potvin à l’Université McGill. Ses recherches postdoctorales l’ont d’ailleurs familiarisée avec les changements climatiques, un sujet qui, jusqu’à aujourd’hui a occupé une place importante dans ses projets de recherche. Elle a développé des habiletés en interdisciplinarité et a pu approfondir ses connaissances dans différents domaines de recherche environnementale. Ses excellents résultats et son implication importante a motivé le financement total de ses études par le NSERC (Conseil de la Recherche en Sciences Naturelles et en Génie).

Recherches scientifiques

En tant que biologiste, Liette Vasseur a mené des recherches qui intègrent divers aspects de l’écologie phénotypique individuelle et portent sur les réponses génétiques des écosystèmes relatives aux changements environnementaux. Elle a également un intérêt particulier pour les questions de représentativité du genre féminin dans les sciences.

En tant que chercheuse interdisciplinaire, elle s’intéresse aux questions liées à l’agriculture durable, à la résilience et à l’adaptation aux changements climatiques, au développement durable, à la gestion communautaire des écosystèmes (y compris l’évaluation et la restauration de la biodiversité), ainsi qu’à la santé environnementale globale. Bien qu’elle ait commencé à travailler comme une écologiste pure et qu’elle continue de faire de la recherche fondamentale, elle utilise une approche multidisciplinaire dans ses travaux sur les écosystèmes.

Elle a de l’expérience et des connaissances toutes particulières dans les domaines liés à la gestion d’écosystèmes basées sur les communautés, des prises de décisions et du développement durable. Elle est d’ailleurs membre du Environmental Sustainability Research Centre à la Brock University.

Bien que son principal champ de recherche soit l’environnement et son lien avec les communautés, ses travaux sur le développement durable lui ont permis de contribuer significativement au développement de plusieurs politiques environnementales. Son plus important projet de recherche porte sur les réponses des écosystèmes, de la composition et des structures des variations environnementales qui sont déclenchées par les actions humaines et les changements climatiques, plus particulièrement dans les communautés rurales. L’accent est d’ailleurs mis sur les écosystèmes agricoles, côtiers et forestiers. Son postulat actuel avance que pour une meilleure compréhension des enjeux liés au développement durable, il est nécessaire de développer une meilleure compréhension et conservation de la biodiversité et de meilleurs services en lien avec les écosystèmes.

En 1995, Mme Vasseur a accepté une assignation en tant que professeure assistante à la Saint Mary’s University où elle s’est impliqué dans le programme d’Études Environnementales qui, à l’époque venait d’être créé. Elle a rapidement installé son propre programme de recherche, financé non seulement par le NSERC, mais également par d’autres organisations comme Environnement Canada et Parcs Canada. Son travail avec Parcs Canada lui a d’ailleurs donné l’opportunité de commencer à interagir avec des gens d’autres universités et d’autres organisations.

En 1996, elle a pris une charge d’associée de recherche à l’Université de Sherbrooke où elle a dirigé une équipe de recherche. Cette équipe a travaillé sur un gros projet de EcoResearch nommé STOPER qui avait pour but l’élaboration d’un modèle de prise de décision multicritère basé sur la communauté avec la ville de Lac-Mégantic. L’équipe a finalement reçu le Prix de l’Excellence en recherche Fondation Estrienne en Environnement (1996). Ce projet a été décisif pour le renforcement de l’intérêt que porte Mme Vasseur aux communautés rurales. Elle a ensuite continué à développer ce modèle qui a servi de base pour plusieurs projets nationaux et internationaux de gestion d’écosystèmes basés sur les communautés.

En 1998, elle a introduit une série de nouvelles conférences annuelles (en novembre, de 1998 à 2000) en Nouvelle-Écosse. Ce projet a amorcé des travaux de recherche en collaboration avec plusieurs parcs nationaux ainsi que diverses organisations environnementales. Ces recherches ont d’ailleurs amené le directeur de Parcs Canada, Nik Lepoukine, en 1998, à inviter Liette Vasseur à devenir membre de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN). Cette entrée l’a rapidement menée à devenir également membre de la Commission de la gestion des écosystèmes (CEM) de l’UICN puis à devenir la dirigeante d’un groupe thématique sur l’adaptation aux changements climatiques plus tard en 2013. En tant que membre actif, elle a été invitée plus d’une fois à contribuer à la rédaction de chapitres de publications de l’UICN ainsi qu’à participer au World Parks Congress en Australie (2014).

Durant son séjour à la Saint Mary’s University, elle a également dirigé deux projets de l’Agence Canadienne de Développement International (ACDI) : un projet sur la gestion des ressources aquatiques au Cambodge, ainsi qu’un projet sur la gestion de la conservation environnementale en Chine et au Vietnam. Ces deux projets se basaient sur le modèle de prise de décision précédemment abordé et ces partenariats à l’international ont été très bénéfiques à long terme, plus particulièrement en Chine. En effet, Mme Vasseur travaille aujourd’hui même en Chine sur le développement d’autres projets en lien avec ce modèle.

Ses projets avec Parcs Canada et Environnement Canada ont bien sûr été remarqués. Son travail ainsi que celui des étudiants qu’elle supervisait à l’époque lui ont valu le prix Patricia Roberts-Pichette, en 2000 pour son leadership, son enthousiasme et son implication remarquable dans l’avancement des recherches et de la supervision environnementale au Canada.

En 2001, elle approfondit sa collaboration avec Parc Canada en acceptant la chaire en développement durable en recherche K. C. Irving à l’Université de Moncton. Le Fond d’Action pour les Changements Climatiques a alors offert un financement plus important pour un de ses projets d’éducation en collaboration avec D. Pruneau, ainsi que pour un projet dirigé par R. Daigle portant sur l’augmentation du niveau de la mer. Son implication sur ces projets d’envergure ainsi que le fait d’être activement impliquée dans le Canadian Climate Impacts and Adaptation Research Network-Atlantic lui ont donné l’opportunité d’être auteure principale du chapitre de Atlantic Canada dans le rapport sur les changements climatiques « From Impact to Adaptation : Canada in a Changing Climate 2007 », publié en 2008.

Pendant cette période de travail à Moncton, elle a également été membre de la Première Table Ronde du Nouveau-Brunswick sur l’Économie et l’Environnement, ainsi qu’ambassadrice pour la Réserve de la Biosphère de la Baie de Fundy. Elle a dirigé un projet de gestion d’écosystèmes basé sur la communauté au Burkina Faso, ce qui a conduit ultérieurement à la rédaction de deux chapitres à propos de l’agriculture durable.

Durant cette période, elle s’est grandement impliquée dans le Ministère des Pêches et Océans Canada (DPO) en poussant ses recherches sur les écosystèmes côtiers et la pêche. Cette implication aura plus tard contribué à ce qu’elle publie quelques chapitres dans un livre sur les défis environnementaux en milieu côtier en 2015 et à ce qu’elle soit élevée au titre de membre du Conseil Consultatif Scientifique du DPO (2005-2009). Elle fut également invitée à devenir membre de la Fondation pour la Pérennité du Homard de l’Atlantique.

En 2004, elle a assumé la position de vice-présidente en recherche à la Laurentian University, tout en continuant sa recherche sur l’impact, la vulnérabilité et l’adaptation aux changements climatiques à travers un vaste projet impliquant plusieurs organisations. Ce projet était commandé par la Nickel District Conservation Authority (NDCA). Une fois ce projet terminé, le NDCA a commandé un rapport qui sera plus tard à l’origine du Consortium sur les Changements Climatiques du Grand Sudbury. À cet effet, Liette Vasseur recevra le Prix des Pionniers de la Conservation pour ses travaux en 2011.

En 2009, elle s’est installé à Brock University en tant que vice-rectrice à la recherche, mais a quitté ce poste pour travailler en tant que professeure et chercheuse à temps plein au Département des Sciences Biologiques.

Elle est présentement membre du Center for Women and Gender Studies ainsi que du Environnemental Sustainability Research Center à la Brock University. Finalement, elle est titulaire depuis 2014 de la chaire UNESCO sur la viabilité des communautés : du local au global.

Les femmes et les sciences

En tant que « femme de science », Liette Vasseur s’est impliquée dans plusieurs causes et projets de recherche en lien avec les conflits et les inégalités de genre. Elle a publié quelques travaux de recherche d’analyse des sexes dans le domaine de la recherche. Elle a collaboré avec plusieurs autres femmes de science dans des organisations scientifiques au Canada et à l’international.

Elle est devenue membre de l’AFFESTIM (Association de la Francophonie à propos des Femmes En Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques) dont elle fut membre du conseil d’administration de 2010 à 2015 et présidente de 2011 à 2013. Son expérience à l’AFFESTIM l’a aussi menée à siéger sur le comité exécutif de la International Network of Women Engineers and Scientists (INWES) dont elle a été secrétaire générale, vice-présidente et présidente en 2014 (jusqu’en 2017).

En 2011, elle a remplacé Diane Easton en tant que représentante de la Brock University à la Canadian Coalition of Women in Engineering, Science, Trades and Technology (CCWESTT) dont elle est devenue membre du conseil d’administration en 2012. Elle est présentement Présidente de la CCWESTT et travaille à la préparation de la conférence de 2016 qui aura lieu à Ottawa. Cette conférence visera à créer un forum de politiques sociales avec la Status of Women Canada afin de faire avancer les causes pour les femmes en science au Canada à travers l’analyse et le développement de politiques.

Prix

-1996 : Prix de l’Excellence en recherche, Fondation Estrienne en Environnement

-2000 : Prix Patricia Roberts-Pichette

-2011 : Prix des pionniers de la conservation A. D. Latornell (Conservation Ontario)

Il est plutôt ardu de résumer les accomplissements détaillés de Liette Vasseur en un court chapitre puisque la liste de ses exploits est assez impressionnante. À cet effet, j’ai personnellement eu la chance de consulter le Curriculum Vitae de Mme Vasseur et force est d’avouer que peu de gens pourront prétendre un jour avoir les connaissances et les expériences de cette femme exceptionnelle. Nos communications, entre elle et moi, avaient pour but de me documenter davantage pour la rédaction de ce chapitre. Sa générosité en terme de partage personnel et son amabilité à répondre à mes questions ont rendu possible ce projet.

Références

Association des Levasseur d’Amérique (2014), « Rassemblement 2014: Québec, Trois-Rivières. Compte-rendu et photos », bulletin de l’Association des Levasseur d’Amérique, vol 26, no 4, Hiver 2014.
http://www.levasseur.org/bulletin/pdf/2014_12_f.pdf (consulté le 02/12/15)

Majtenyi, C (2015), « Brock researchers involved in world forum focused on ecosystem threats », The Brock News, bulletin de la Brock University, 22 octobre.
http://www.brocku.ca/brock-news/2015/10/brock-researchers-involved-in-world-forum-focused-on-ecosystem-threats/ (consulté le 02/12/15)

S.a. (2015), « Brock Launches UNESCO chair in community sustainability », The Brock News, bulletin de la Brock University, 25 juin.
http://www.brocku.ca/brock-news/?p=28727#sthash.KdtxEvxX.dpuf (consulté le 02/12/15)

S.a. (2011), « Rencontrez les membres du C. A. de l’AFFESTIM», Bulletin de l’AFFESTIM, Année 7, no 1, p. 2.
http://www.affestim.org/fileadmin/affestim/intranet-affestim/biographies/Liette–Vasseur.pdf (consulté le 02/12/15)

Verville, M.-H (2013), « La valse-hésitation des sciences au feminin», Gazette des femmes, 11 octobre.
https://www.gazettedesfemmes.ca/7289/la-valse-hesitation-des-sciences-au-feminin/ (consulté le 02/12/15)

Fiche bibliographique de Liette Vasseur sur le site internet officiel de l’AFFESTIM (2010) :
http://www.affestim.org/fileadmin/affestim/intranet-affestim/Autres_documents/biblio-L-Vasseur.pdf
(consulté le 02/12/15)

Fiche biographique de Liette Vasseur sur le site internet officiel de la Brock University  en tant que membre du Environmental Sustainability Research Centre (2010) :
https://brocku.ca/environmental-sustainability-research-centre/who-s-involved-/members/liette-vasseur
(consulté le 02/12/15)

Fiche biographique de Liette Vasseur sur le site internet officiel de la Brock University en tant que membre de Environmental Sustainability Research Centre Associate Faculty of the Women and Gender Studies program (2010) :
https://brocku.ca/mathematics-science/departments-and-centres/biology/people/liette-vasseur (consulté le 02/12/15)

Autobiographie et Curriculum Vitae de Liette Vasseur (2014)

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