40 Julia Butterfly Hill (1974-), États-Unis
Valérie St-Laurent
Après avoir vécu en désobéissance civile durant 738 jours à 180 pieds du haut d’un séquoia âgé d’environ 1000 ans, cette femme à la détermination de fer est reconnue internationalement pour sa persévérance dans sa lutte pour freiner les coupes à blanc des forêts du Parc national des séquoias en Californie aux États-Unis. Grâce à son combat de plus de deux ans, elle a su démontrer qu’une seule personne peut faire la différence, étant donné qu’un accord fut signé, protégeant en permanence le séquoia surnommé Luna. Voici le portrait d’une activiste environnementale exceptionnelle.
Enfance
Née le 18 février 1974 sous le nom de Julia Lorraine Hill, Julia est la cadette d’une famille de trois enfants. Son père, Dale Edward Hill, et sa mère, Kathleen Anne Del Gallo Hill, ont eu deux fils et une fille. Ils fondèrent l’église Freedom Chapel à Harrisburg en Pennsylvanie.
Après sa deuxième année, Julia suivit l’école à la maison, et ce jusqu’à la huitième année. Sa famille et elle vécurent plusieurs années dans une roulotte de trente-deux pieds, étant donné que le père de Julia était prédicateur et prêchait de ville en ville. Julia réalisa que vivre dans un tel espace restreint l’a sans doute préparé pour le défi qui allait l’attendre plus tard. Elle ne considère pas avoir grandi dans une famille normale. Selon elle, sa famille était
très pauvre et nos parent nous ont appris comment épargner de l’argent et être économe. Grandir ainsi nous a appris à apprécier les choses simples de la vie. Nous avons payé nos affaires le plus posisble. J’ai eu mon premier emploi à l’âge de cinq ans en aidant mes frères à passer la tondeuse. Ça ne rapportait qu’un dollar ou deux, mais c’était beaucoup pour nous. Je m’amusais, mais j’ai vraiment appris très jeune ce que signifie être responsable. [traduction libre]
C’est durant une escapade en famille que Julia adopta son surnom. Alors âgée de sept ans, quand sa famille et elle exploraient des rivières, un papillon vint s’installer sur son index et resta accroché à son doigt durant toute la promenade. Depuis ce jour, elle décida d’adopter le surnom « Butterfly ».
Elle commença ses études collégiales à l’âge de 16 ans et c’est à l’âge de 18 ans qu’elle ouvrit son propre restaurant avec son père.
Un accident décisif
En août 1996, âgée de 22 ans, Julia fut victime d’un grave accident qui lui coûta presque la vie. Étant la chauffeuse désignée pour remplacer une amie ivre lors d’une soirée, la voiture dans laquelle elle se trouvait fut percutée par une autre voiture à l’arrière. Lors de l’accident, le volant pénétra le crâne de Julia. Sa rémission dura presque un an. Cette période fut le tournant de sa vie. Après introspection, elle eut un moment de réalisation véritable sur la vie qu’elle menait et sur son obsession du succès, de la carrière ainsi que des biens matériels
Julia décida alors d’apporter un équilibre à sa vie et de diriger son énergie vers des actions qui auraient des conséquences positives sur le futur. Elle réalisa alors l’importance de vivre le moment présent et d’arrêter de toujours vivre dans le futur en planifiant tout d’avance. Elle prit beaucoup de temps pour penser et décida de vivre une vie plus spirituelle. Lorsque son rétablissement serait terminé, elle partirait à l’aventure autour du monde.
Après sa dernière visite chez le médecin, elle partit en voiture avec des amis pour la Californie et c’est durant cette visite qu’elle fit connaissance avec la forêt de séquoias. Passionnée par l’énergie de cette forêt, elle s’embarqua alors dans une quête spirituelle qui la mena à considérer la lutte pour la conservation de l’environnement, joignant alors le mouvement environnementaliste contre la destruction de la plus ancienne forêt de séquoias.
738 jours dans un séquoia
Julia arriva en juin 1996 dans le comté de Humboldt peu après un glissement de terrain qui avait été causé par les coupes à blanc de la compagnie MAXXAM, propriété de Pacific Lumber Company. Dès son arrivée, Julia sentit une forte connexion avec la forêt de séquoias menacée par la compagnie forestière. Elle retourna donc en Arkansas pour vendre tous ses biens dans le but de se consacrer à la conservation de la forêt de séquoias et joignit l’organisation Earth First!. Elle entreprit une protestation dans le comté de Humboldt contre MAXXAM pour prévenir la déforestation massive. Elle se porta volontaire pour séjourner 30 jours dans un séquoia de plus de 1000 ans dans le but d’arrêter les coupes à blanc dans le parc national des séquoias.
Le 10 décembre 1997, Hill et un autre activiste de l’organisation réussirent à monter en haut du séquoia, malgré les agressions commises par un groupe de bûcherons lors de cette journée. Malheureusement, l’activiste qui accompagnait Julia dut redescendre pour des raisons de santé émotionnelle le 4 janvier 1998. Julia termina son premier séjour de 30 jours et décida d’en entreprendre un second qui l’amena à y rester pendant une durée beaucoup plus longue qu’elle ne l’avait d’abord imaginé.
Seule pendant ce périple, elle dut affronter de nombreux obstacles. Endurant des températures extrêmes causant des gelures et mettant en péril sa santé, elle continua toutefois de lutter pour sa cause en restant dans l’arbre. Sa détermination lui permit de persister malgré les nombreuses menaces faites par l’entreprise et leurs moyens de pression. Les tactiques utilisées par la compagnie pour la forcer à descendre furent nombreuses. Il y eut d’abord une intimidation par hélicoptère. Par la suite, la compagnie engagea des gardes pour empêcher les gens de l’organisation de donner du ravitaillement à Julia. Des lumières à forte intensité et des haut-parleurs à haute puissance furent également utilisés pendant la période d’intimidation. Julia persista pendant toutes ces épreuves. Elle a dû combattre la solitude au haut de cet arbre, ainsi que les bruits constants de tronçonneuse. L’arbre ancien est devenu un repère, un ami, une présence, un compagnon pour Julia dans ce long périple.
Je laissais le meilleur professeur et ami que j’avais eu. La personne que j’étais en montant dans l’arbre et celle que j’étais en descendant étaient si profondément différentes que je ne savais plus si j’allais être capable de vivre dans le monde de nouveau. Je n’avais pas touché le sol pendant deux ans et huit jours. Quand j’ai mis pied sur terre, il y avait beaucoup d’émotions. Une joie extrême parce que nous avions protégé l’arbre et ses arbustes, alors que tout le monde disait que ce serait impossible. Mais j’avais aussi de la tristesse. J’avais tellement fait partie de cette arbre et il faisait tellement partie de moi que je ne savais plus si je pourrais vivre avec les autres. Même si j’avais quitté l’arbre, il faisait tellement partie de qui j’étais que je pouvais juste fermer les yeux et être dans ses branches de nouveau. [Traduction libre]
Cette aventure souleva évidemment l’attention des médias et éduqua le public sur cette polémique. Julia donna plusieurs entrevues pendant son séjour dans l’arbre pour expliquer ses motivations et inciter les gens à appuyer son combat face à l’environnement. Elle continua après sa descente à défendre sa cause. Malgré sa réticence à apparaître dans les médias, elle comprit que cet outil allait être son arme le plus fort. Elle accorda plusieurs entrevues du haut de cet arbre majestueux pendant son périple.
C’est après un long combat de plus de deux ans que finalement les efforts et acharnements de cette femme furent récompensés par un règlement signé par la compagnie forestière protégeant le séquoia Luna et les trois âcres qui l’entourent. De plus, un montant de 50 000 dollars fut remis à l’université de l’état de Humboldt afin de poursuivre des recherches sur l’afforestation.
Au final, elle séjourna 738 jours sur une plateforme de six pieds par huit pieds à 180 pieds de hauteur dans un séquoia refusant strictement de descendre malgré les menaces faites par la compagnie d’exploitation forestière et les dangers climatiques. Elle résista à un des hivers les plus rigoureux connus en Californie. Elle détient aujourd’hui le record mondial pour avoir séjourné le plus longtemps dans un arbre.
Quelques faits amusants sur Julia
Julia se définit comme végétalienne et adore préparer toutes sortes de plats qui respectent les gens, la planète et les animaux. Étant très attirée par l’écosystème de la forêt de séquoia, elle a toutefois une attirance pour les endroits tropicaux près de l’océan. Elle est passionnée par la plage et adore se laisser hypnotiser par le bruit de l’océan. Elle écoute semblablement la même musique depuis ses dix-huit ans. Ses groupes de musique favoris sont Sinead O’Connor, Tori Amos, Toool, Nine Inch Nails, Metallica, Beethoven et Mozart. Elle considère la télévision comme un objet qui tue la créativité et notre esprit. Elle a inspiré plusieurs musiciens dans l’écriture de leurs chansons tels que Red Hot Chilly Peppers, Los Suaves, Karrie ‘Jesse Manzanita’ Wallace et Juli Palmer, Trey Anastasio et Tom Marshall.
Écriture
Julia Butterfly Hill n’est pas seulement connue pour son activisme en environnement, mais également pour l’écriture de son roman The Legacy of Luna : The Story of a Tree, a Woman, and the Struggle to Save the Redwoods dans lequel elle décrit le long périple qu’elle a vécu au haut du séquoia Luna. Elle publia également son livre intitulé Becoming, comprenant plusieurs de ses poèmes, ses œuvres d’art et ses histoires.
C’est par la poésie que Julia partage ses réflexions sur la vie au quotidien dans son blogue www.juliabutterfly.com, une plateforme remplie de ressources et d’outils d’information. Ce blogue est également une source d’inspiration pour inciter les gens à faire des actions concrètes qui sauront faire la différence. Les propos de Julia sur son blogue incitent les gens à reconnaître que chaque pensée, mot ou action peut faire une différence. Elle encourage les gens à se questionner sur le genre de différence qu’ils veulent apporter dans ce monde.
Sachez que chaque pensée, mot ou action fait une différence. Vitre votre engagement et votre vision au service de notre famille planétaire non seulement fait une différence, mais crée aussi plus de joie et d’épanouissement dans votre vie. On ne doit pas se demander si une seule personne peut faire une différence, mais quelle différence voulons-nous faire. [traduction libre]
Julia fonda l’organisation à but non lucratif Circle of Life pendant qu’elle séjournait dans le séquoia. Cette organisation continue d’exister et incite le monde à honorer la nature et sa diversité en les éduquant sur la façon de vivre pour y parvenir.
Julia a également été visionnaire pour l’organisation We The Planet. Elle est cofondatrice de Engage Network et est une figure inspirante derrière l’organisation What’s Your Tree.
Agissant comme participante dans l’élaboration de la stratégie de plusieurs autres organisations, Julia exprime régulièrement ses idées et ses convictions dans des établissements universitaires, s’est adressée aux Nations Unies et continue de participer activement à des événements en rapport avec des enjeux environnementaux et sociaux. Elle a été l’inspiration pour le film documentaire Butterfly de Doug Wholens.
Elle espère motiver les gens à faire quelque chose pour l’environnement par ses paroles et éviter que leurs motivations proviennent d’une promenade dans les bois coupés à blanc. Julia Butterfly Hill est sans aucun doute une femme de courage qui fait preuve d’une détermination incroyable. Son unique but :
Inspirer, encourager et mettre en relation des individus, des organisations et des communautés pour qu’ensemble, nous puissions créer des solutions environnementales et sociales qui s’enracinent profondéement dans l’amour et le respect de toutes les interdépendances de la vie [traduction libre].
Références
Gay, Kathlyn, éd. 2012. American dissidents: an encyclopedia of activists, subversives, and prisoners of conscience. Santa Barbara, Calif: ABC-CLIO. 685 p.
Goodman, Leslee (2015), « The Butterfly Effect », The Sun Magazine, avril.
http://thesunmagazine.org/issues/436/the_butterfly_effect (consulté le 13/10/2015)
Hill, Julia (2000), The Legacy of Luna: The Story of a Tree, a Woman, and the Struggle to Save the Redwoods San Francisco. San Francisco: Harper Collins Publishers, Print. 263 p.
Watson, Nessim (2015), « Julia Butterfly Hill », Encyclopedia Britannica.
http://www.britannica.com/biography/Julia-Butterfly-Hill (consulté le 13/10/2015)
Site internet officiel de Julia Butterfly Hill (2015) :
http://www.juliabutterfly.com/-julia.html (consulté le 13/10/2015)
Références supplémentaires
Fitzgerald, Dawn (2002), Julia Butterfly Hill: Saving the Redwoods, Millbrook, Connecticut : Millbrook Press.
Hornblower, Margot (2001), Five Months At 180 Ft, Time.
Martin, Glen (1998), A Year in the Sky, San Francisco Chronicle.
Martin, Glen (1999), Tree-Sitter Recounts Life In the Clouds: Julia Butterfly Hill is tearful and triumphant, San Francisco Chronicle.
Oldenburg, Don (2004), Julia Butterfly Hill, From Treetop to Grass Roots, Washington Post.
Toms, Michael with Julia Butterfly Hill (2000), « The Heart of a Heroine ». Audiobook, Carlsbad, CA: Hay House.