6 Jane Goodall (1934-), Grande-Bretagne
Jade Stefanini
Jane Goodall, née le 3 avril 1934 à Londres, en Angleterre, est une pionnière dans les recherches sur les rapports humain-animal et s’investit depuis toute petite dans la préservation de la vie animale sauvage d’Afrique. D’une petite fille rêveuse, Jane a grandi pour devenir une scientifique aventurière doublée d’une activiste. Dre Jane Goodall est aujourd’hui une primatologue, anthropologue et éthologue reconnue à travers le monde entier.
Portrait d’une femme passionnante et passionnée.
Les chimpanzés en Famille – Enfance à Londres
Valerie Jane Morris-Goodall est née à Londres le 3 avril 1934, d’un père ingénieur et d’une mère auteure. Jane, qui a une sœur, Judy, est tombée amoureuse de la vie sauvage dès son enfance. Petite déjà, au lieu de jouer avec les enfants de son âge, Jane préférait rester seule dans la nature, à observer les animaux dans le jardin, à relater et à faire des dessins de ce qu’elle voyait. Jane pouvait rester des heures cachées dans son jardin, ce qui inquiétait ses parents au point de la déclarer « disparue » au poste de police.
Un jour, lorsqu’elle avait un peu plus d’un an, son père lui ramena un jouet à l’effigie d’un bébé chimpanzé né au zoo de Londres, qui marqua les prémices d’une vie entière passée avec ces primates. Était-ce un signe ?
Lorsqu’elle était plus jeune, Jane racontait que ce qu’elle souhaitait par-dessus tout, c’était de vivre auprès des animaux en Afrique, et d’écrire. Il est vrai que cela pouvait semblait irréaliste, voire même utopique, mais la mère de Jane, ayant compris l’excitation de sa fille pour ce projet, n’essaya pas de la dissuader, l’encouragea à atteindre son rêve, en lui répétant ce que tout parent devrait dire à son enfant : « Jane, si tu veux vraiment quelque chose, si tu travailles dur, si tu saisis chaque opportunité et que tu n’abandonnes pas, alors d’une façon ou d’une autre, tu y arriveras. »
À cette époque, la Seconde Guerre mondiale commence en Europe, et le père de Jane partit pour une certaine période pour devenir ingénieur dans l’armée britannique. En revenant quelques années plus tard, les parents de la petite Jane divorcèrent.
Après avoir passé des années à explorer le jardin familial qu’elle aimait tellement et après avoir décroché son diplôme d’étude secondaire, Jane enchaîna les emplois, ne pouvant pas payer pour des études universitaires à son plus grand regret.
En mai 1956, une amie invita Jane à passer des vacances au Kenya, dans la ferme familiale. Après une année passée à gagner de quoi payer le bateau, Jane prit le large et s’en alla un peu plus près de son rêve. C’était là, le début de la vie sur le continent africain du Dre Jane Goodall.
Les premiers pas de Jane en Afrique…
Lors de son voyage au Kenya, en avril 1957, Jane Goodall, alors âgée de 23 ans, rencontra le reconnu anthropologue et paléontologue Dr Louis S. B. Leakey. Celui-ci effectuait à cette époque des fouilles dans la Corne de l’Afrique. Jane bluffa le Dr. Leakey avec ses connaissances à tel point qu’il lui offrit une opportunité qu’elle ne put refuser, celle de devenir son assistante, et de l’accompagner sur des fouilles archéologiques en Tanzanie.
Après avoir étudié les fossiles à Olduvai Gorge en Tanzanie, le duo a commencé à étudier les chimpanzés sauvages près du lac Tanganyika, toujours dans ce pays. Dr Leakey avait pensé auparavant à mener une longue étude de terrain, car il pensait que les animaux pouvaient être encore à l’origine de nombreuses découvertes. Leakey proposa à Jane de mener cette étude, étant convaincu que celle-ci saurait s’adapter et qu’elle avait le tempérament adéquat à un isolement à long terme.
Cela tombait à pic, car Jane voulait rester parmi les chimpanzés pour en apprendre plus et parce qu’elle voulait « apprendre des choses que personne d’autre ne savait, découvrir des secrets par le biais d’observations patientes ». Ce fut donc la mission que Leakey lui assigna.
Bien sûr, il ne fut pas simple pour Jane d’obtenir les autorisations de rester vivre avec les chimpanzés en Afrique, l’État britannique n’étant pas forcément enthousiaste à l’idée de laisser une compatriote seule, au milieu de l’Afrique, dans la réserve de Gombe en Tanzanie. Après de nombreuses batailles, Leakey eu une idée brillante, qui peut sembler aussi saugrenue que le projet en lui-même : envoyer avec Jane, sa mère, Vanne, pour les trois premiers mois sur place. Et les autorités acceptèrent !
Munies d’un carnet de notes, de jumelles et de quelques affaires, Jane et Vanne arrivèrent en Tanzanie le 4 juillet 1960, pour ce qui allait être « la plus longue étude de terrain des animaux sauvages dans leur environnement naturel. »
La vie avec les chimpanzés – My life among the chimpanzees
Se rapprocher toujours un peu plus était le but de Jane, qui a mis énormément de temps avant de gagner la confiance des chimpanzés de la réserve. Jane ne voulait pas les brusquer et prendre le risque de les faire fuir. Alors elle usa de patience, de beaucoup de patience. Cela prit un peu plus d’un an avant qu’elle puisse seulement voir un repas.
Au début, Jane ne pouvait s’approcher qu’à cinq cents mètres maximum, ce qui pouvait laisser présager la difficulté d’acceptation. Un an après, seuls trente mètres séparaient Jane des familles de grands singes. C’est après deux longues années teintées de patience et d’optimisme que Jane fut enfin acceptée, et qu’elle put créer un contact.
Jane avait créé un rituel qu’elle aimait surnommer le « banana club » : chaque matin, elle se levait tôt pour aller donner, toujours à la même heure, une banane à chaque chimpanzé. Cela avait établi un lien de confiance, qui allait se renforcer le long de son séjour.
Jane menait une expérience, une quête avec comme seules armes sa patience, sa détermination et sa plume. À l’inverse des spécialistes, elle n’avait pas de diplôme. Des scientifiques ont critiqué sa façon peu conventionnelle de faire son étude. Jane avait, par exemple, donné des prénoms aux chimpanzés, car elle avait compris qu’ils avaient une personnalité, une conscience, alors que cette idée était encore rejetée par les spécialistes qui voulaient plutôt leur donner des numéros. En ce sens, Jane était pionnière. La jeune femme ne considérait pas les chimpanzés comme des « animaux de laboratoire » ou des sujets de recherche, mais comme des êtres vivants avec une conscience.
Découvertes
Pour s’intégrer dans le monde des chimpanzés, Jane s’est énormément investie, allant jusqu’à passer des heures dans les arbres avec les primates, à imiter leurs comportements, ou encore à manger leur nourriture, qu’elle trouvait parfois meilleure que ses propres provisions. En vivant avec les chimpanzés, Jane découvrit des choses qui étaient jusqu’alors inconnues.
Pour extraire des termites de la terre, les chimpanzés choisissaient la branche la plus fine et la plus solide d’un arbre, à laquelle ils enlevaient toutes les feuilles, pour pouvoir attraper les termites. Jane a tout de suite compris qu’il s’agissait là d’une découverte : le chimpanzé fabrique et utilise des outils. L’humain était considéré jusque-là comme le seul être vivant capable de se fabriquer des outils pour se nourrir. Jane fut la témoin d’une situation qui allait changer le rapport homme-animal.
Leakey commenta après cette découverte de Jane : « Maintenant, nous devons redéfinir la notion d’homme, la notion d’outil, ou alors accepter le chimpanzé comme humain ». C’est de cette observation qu’est née la pensée que les chimpanzés sont les « cousins » des humains, nos semblables. Jane observa de nombreux points communs des humains avec ces primates qui nous paraissent aujourd’hui logiques telle que la notion de famille et la chasse. Chez les chimpanzés, les liens entre membres d’une même famille sont forts et le restent tout le long de leur vie.
Toutes ces années de recherche ont amené à de grandes découvertes sur les chimpanzés, par exemple, comme le fait qu’ils soient non pas végétariens, mais omnivores, qu’il existe au sein d’une tribu un système social ou encore des rituels. Jane démontre même la présence d’un langage, certes primitif, avec plus de vingt sons. Nous avons plus de points en communs avec les chimpanzés que ce que nous imaginions. Nous, humains, sommes capables du pire comme du meilleur, mais ces primates aussi : Jane a été la témoin d’une guerre entre deux clans qui s’est terminée lorsque le dernier membre de l’un des clans est mort. Mais elle a aussi observé des moments de réconfort, de compassion.
Reconnaissance scientifique
Jane, qui avait été jusque là critiquée par les spécialistes de l’époque pour ses méthodes, fut acceptée à l’Université de Cambridge, puis en sortit en 1965 avec un doctorat en éthologie (l’étude du comportement animal). Jane fut une des rares candidates à être acceptée sans avoir de diplômes.
Depuis 1963, les travaux et recherches de Jane étaient commandités par le magazine National Geographic. Il existe aujourd’hui près de 165 000 d’heures de film, de photographies et surtout d’articles parus dans le journal comme « My life among wild chimpanzees ».
Les chimpanzés sont probablement les animaux sur lesquels nous avons le plus de film, et de recherches, grâce aux travaux de la jeune femme. National Geographic a vraiment permis à Dr Goodall de mener ses recherches dans de bonnes conditions, avec d’une part, la présence « journalistique » de ses équipes, mais aussi en construisant la première vraie structure d’observation dans le parc de Gombe, le « Gombe Stream Research Centre ».
En 1977, Jane créa une fondation éponyme, l’Institut Jane Goodall pour la Recherche de la faune, l’Éducation et la Conservation. Jane a œuvré toute sa vie pour la protection des animaux sauvages et essaie toujours aujourd’hui de sensibiliser les nouvelles générations aux dangers de la pollution et de la déforestation sur les animaux sauvages, y compris les chimpanzés.
Pour la petite histoire, c’est lors d’une conférence donnée à Chicago pour son nouveau livre intitulé The Chimpanzees of Gombe : Patterns of behaviour que Jane prit conscience de l’importance de la sensibilisation. C’est avec beaucoup de difficulté, de tristesse, mais aussi d’enthousiasme devant un nouveau challenge que Jane décida de partir de Gombe, de quitter les chimpanzés pour faire retour vers la civilisation humaine.
Vie privée
Lorsque National Geographic décida de commanditer Jane dans ses recherches, le magazine envoya en 1963 un photographe et réalisateur aux côtés de Jane, Hugo Van Lawick. Après avoir presque passé un an ensemble dans la réserve de Gombe, le duo tomba amoureux et se maria en 1964. De cette union naquit un fils, Hugo Eric Louis Van Lawick. Après une décennie passée ensemble, le couple divorce en bons termes en 1974.
En 1975, Jane se remaria avec Derek Bryceson, un membre du parlement de Tanzanie et le directeur des parcs nationaux du pays. Bryceson, qui s’est battu contre le cancer, décéda en 1980.
L’institut Jane Goodall
Crée en 1977 en Californie, l’Institut Jane Goodall est une organisation à but non lucratif qui prend ses racines dans trois dimensions : la recherche, l’éducation et la conservation de la faune. L’institut de Jane Goodall, fort du lien de sa fondatrice avec les chimpanzés, vise aussi à les protéger, à gérer leurs réserves naturelles et à créer des refuges en Afrique. L’Institut est implanté dans 23 pays différents, ce qui permet de varier les missions selon le pays. L’Institut Jane Goodall Canada a ouvert en 1993 et est basé à Montréal, au Québec.
Depuis sa création, l’Institut a développé de nombreux programmes novateurs comme le fameux Roots & Shoots, qui est en fait un programme humanitaire pour les jeunes afin de développer leur prise de conscience et leur implication dans la préservation de notre planète.
La reconnaissance de son travail
Les heures passées à regarder les chimpanzés manger, à attendre patiemment le moment où ils ne se mettraient pas à fuir en la voyant, à attendre les premiers contacts, rien de tout cela ne fut vain. Son travail, ses recherches et ses efforts ont été reconnus par les plus grandes organisations de ce monde telle que l’Organisation des Nations Unies.
Le 16 avril 2002, le Secrétaire général des Nations Unies de l’époque, Kofi Annan nomma Jane comme messagère de la Paix. Ban Ki Moon renouvela ce statut lorsqu’il devint Secrétaire général.
Dre Goodall est aussi membre du Club de Budapest, qui est, selon son fondateur Ervin Laszlo, « une association informelle de personnes créatives dans différents domaines de l’art, la littérature et de la spiritualité. Il se consacre à la proposition que c’est seulement en nous changeant nous-mêmes que nous pouvons changer le monde – et que pour nous changer nous-mêmes nous avons besoin de ce genre de pénétration et de perception que l’art, la littérature et les domaines spirituels peuvent le mieux procurer ». Le Club de Budapest cherche à développer un nouveau courant de pensée, ainsi qu’à développer une nouvelle éthique basée sur les constatations des enjeux de notre société, de notre monde.
Jane, d’origine britannique, a été nommée Commandeur de l’Empire Britannique en 1995 par Sa Majesté la reine Elizabeth II, puis Dame Commandeur de l’Empire Britannique en 2004 par le Prince Charles.
Parmi les autres prix que Dre Goodall a reçus, il y a le prestigieux pris japonais Kyoto pour la Science.
Graines d’espoir. Sagesse et merveilles du monde des plantes. – Où en est Jane aujourd’hui ?
Une vie paisible en banlieue londonienne ? Que nenni ! Jane voyage toujours trois cents jours par année pour alerter l’opinion publique et pour faire de la sensibilisation sur les dangers qu’encourt notre planète. Dre Goodall se déplace encore à travers le monde pour des conférences, des colloques, des symposiums…
Dre Jane Goodall a aussi animé deux discussions TED, la première sur ce qui nous sépare des chimpanzés et la seconde sur la cohabitation entre humains et animaux.
Jane est une activiste née, qui continuera de défendre ses valeurs et de prendre position sur le traitement des animaux. Le dernier combat du Dre Goodall concerne les recherches sur les animaux en laboratoire, qu’elle voudrait voir prendre fin, même si l’éthologue sait pertinemment que cela n’arrivera pas. De ce fait, elle canalise ses efforts sur la nouvelle génération de scientifiques, en leur demandant d’avoir un peu plus de compassion envers ces animaux.
Au cours de ses années à Gombe, Jane a connu trois générations de chimpanzés, créant des liens forts avec les familles. Aujourd’hui, un peu plus de cinquante ans après, Dre Goodall encourage les pays africains à développer des programmes de tourisme « nature-friendly » pour élargir la prise de conscience.
Références
Fiche biographique de Jane Goodall sur le site biography.com :
http://www.biography.com/people/jane-goodall-9542363 (consulté le 28/11/15)
Fiche biographique de Jane Goodall sur le site officiel du National Geographic :
http://www.nationalgeographic.com/explorers/bios/jane-goodall/ (consulté le 27/11/15)
Sites internet officiels de Jane Goodall : www.janegoodall.org et www.janegoodall.ca (consultés le 26/11/15)