33 Ingrid Betancourt (1961-), Colombie
Cassandra Fortin
Femme de conviction, c’est depuis son jeune âge qu’Ingrid Betancourt s’est engagée dans la politique colombienne. À la défense de la démocratie, elle consacra sa vie à lutter contre la corruption, allant jusqu’à mettre de côté sa vie personnelle. À l’âge de 54 ans, elle a déjà un parcours impressionnant. Elle est connue principalement pour sa carrière politique, caractérisée à la fois par son désir de combattre la corruption et son désir d’améliorer l’environnement des Colombiens.
Enfance
Ingrid Betancourt est née le 25 décembre 1961 à Bogota, en Colombie, de l’union de Gabriel Betancourt et Yolanda Pulecio. Elle a une sœur, Astrid, qui est née en 1960. Les dix premières années de la vie d’Ingrid Betancourt sont marquées par plusieurs déménagements, de Bogota à Paris, en passant par Washington. Au cours de ses années, son père occupa différents postes dont un à l’UNESCO et un autre en tant que Ministre de l’Éducation de Colombie. Sa mère s’impliquait beaucoup dans la cause des enfants moins fortunés et occupait également le poste d’assistante du maire de Bogota., ce qui a d’ailleurs fait d’elle une des premières femmes à occuper un emploi au sein de l’administration de la ville. Quelques années plus tard, les parents d’Ingrid divorcèrent. Malgré les difficultés engendrées par son divorce avec Gabriel Betancourt, Yolanda Pulecio parvint tant bien que mal à être élue au conseil municipal de la ville de Bogota. Cette force de caractère et ce combat furent une source d’inspiration pour Ingrid et lui permirent de comprendre toute l’importance d’une bataille pour la justice, aussi petite qu’elle puisse être.
Ayant passé sa jeunesse dans un monde dont la politique était partie intégrante, Ingrid Betancourt développa très tôt son intérêt pour ce domaine. De plus, à cause de la carrière de ses parents, elle était habituée à fréquenter des personnalités politiques. Par exemple, c’est sous un piano, alors qu’elle était encore une enfant, qu’elle entendit une conversation entre son père et une autre personne qui lui fit comprendre à quel point la situation colombienne était exécrable. Ce moment eut une importance de premier ordre dans sa passion pour la politique. Un jour, alors qu’elle était âgée de seulement dix ans et avait vécu à la fois dans des conditions de vie misérables en Colombie et prospères en France, le père d’Ingrid lui rappela la chance qu’elle avait de vivre ainsi et lui dit qu’elle aura une dette à rembourser à la Colombie. Cette parole et ce sentiment de redevance, elle les garda en tête le reste de sa vie.
Une carrière musclée
À l’âge de 18 ans, Ingrid Betancourt entama sa carrière politique. Avec la volonté d’agir sur le présent, elle poursuivit ses études en sciences politiques à l’École de Sciences Politiques de Paris. Son objectif principal était de participer concrètement et activement dans la gestion de son pays. Durant ses années d’études, elle rencontra Fabrice Delloye avec qui elle entretint une relation pendant les sept années suivantes et eut deux enfants, Lorenzo et Mélanie. Grâce à sa mère très investie en politique colombienne, Ingrid Betancourt est informée régulièrement de la situation dans son pays, et par le fait même, des problèmes qui concernent les citoyens et citoyennes. Alors que, de son côté, elle vit confortablement à Paris avec sa famille, elle voit assez rapidement que les choses ne s’améliorent pas pour les Colombiens. Elle décida de s’y rendre avec sa fille afin de visiter sa mère. Durant son séjour, elle put constater l’état des lieux. C’est à la suite de ce voyage qu’elle décida de se lancer en politique.
Après l’assassinat de Luis Carlos Galán, candidat à la présidentielle pour qui sa mère travaillait alors, Ingrid Betancourt quitta son mari afin de retourner vivre à Bogota, parmi les siens. C’est à ce moment qu’elle fit sa première entrée concrète en politique. Elle devint conseillère pour sa mère, Yolanda Pulecio, qui faisait campagne dans un premier temps pour une place au sénat, puis, dans un deuxième temps, pour la présidence. Ingrid Betancourt se trouva ensuite un emploi comme conseillère au bureau du ministre Rudolf Hommes. Après quelques mois de travail, elle constata l’urgent besoin, pour les Colombiens, d’avoir un gouvernement sur lequel compter. Conséquemment, son équipe et elle tentèrent de développer un plan, principalement écologique, qui permettrait aux citoyens de jouer un rôle plus actif en ce qui a trait aux enjeux qui les concernent directement.
Les deux années suivantes sont marquées par des tentatives d’implanter de nouveaux systèmes permettant d’améliorer la qualité de vie des Colombiens, autant sur le plan environnemental que sur le plan personnel. Toutefois, malgré ses efforts, Ingrid Betancourt constata que son travail ne lui permettait pas d’agir et de changer les choses. En effet, bien qu’elle ait eu l’opportunité de proposer des solutions, elle réalisa que le pouvoir décisionnel, elle ne l’avait pas, mais les politiciens l’avaient. C’est pour cette raison qu’elle décida de devenir politicienne. Ensemble, elle et son amie Clara se trouvèrent un bureau de travail et se lancèrent en campagne électorale, sous la bannière du parti libéral. Leurs principaux objectifs étaient le combat contre la corruption et la protection de la démocratie. Leur programme visait la construction d’un nouveau métro, la protection de l’air et de l’environnement et la création d’une politique qui protège les familles et les enfants. En comparant la politique colombienne à une maladie transmise sexuellement, elle fit campagne avec, comme symbole, un condom et, comme slogan, « la meilleure pour nous préserver de la corruption » (Bétancourt, 2001). Quelques semaines plus tard, Ingrid Betancourt fut élue députée en recevant un nombre de votes record pour un candidat du parti libéral. Ce soir là, un espoir était enfin perceptible : elle entrevoyait la possibilité d’un véritable changement et d’une amélioration concrète pour les citoyens et citoyennes.
Toutefois, sa bataille n’était pas gagnée d’avance. En travaillant, elle réalisa que la corruption était encore présente parmi les politiciens, et ce, même chez ceux en qui elle avait le plus confiance. Les années qui suivirent son élection furent marquées par une multitude de combats successifs, dont une grève de la faim d’environ 14 jours. En 1998, un an après son mariage avec Juan Carlos Lecompte, elle fit campagne et fut élue sénatrice, non plus sous la bannière du parti libéral, mais sous sa propre bannière. C’était à la suite à la suggestion de son mari qu’elle créa son propre parti : le parti oxygène. Ses objectifs étaient de lutter contre la corruption, de redistribuer les richesses et de protéger l’environnement. Les symboles de cette campagne étaient un masque anti-pollution et une bonbonne d’oxygène, représentant la malpropreté de l’air et l’ambition de faire de la Colombie un pays plus propre autant sur le plan environnemental que politique.
Enlèvement
Quelques années après avoir gagné sa place au sénat, soit en 2002, Ingrid Betancourt fit campagne et se présenta aux élections pour la présidence de la Colombie. Alors qu’elle était de passage dans le sud de la Colombie, elle fut enlevée le 23 février 2002 par les Forces Armées Révolutionnaires de Colombie (FARC). Elle fut détenue dans la jungle, avec d’autres otages, dont son amie Clara, pendant six ans. Au cours de ces années, des gens de différents continents remuèrent ciel et terre pour sa libération. Ses proches à Paris, dont son ex-mari et ses enfants, manifestèrent dans la rue avec des centaines de personnes, sa famille à Bogota tenta tant bien que mal de lui faire parvenir des messages radio, sans savoir si ceux-ci se faisaient réellement entendre.
Le 5 décembre 2007, Nicolas Sarkozy demanda la libération d’Ingrid au chef des FARC : « je forme un rêve, celui de voir Ingrid au milieu des siens, pour Noël » (Institut National Audiovisuel, 2008). Son rêve n’est pas entendu, puisqu’Ingrid reste détenue encore plusieurs mois dans la jungle. Le président du Venezuela, Hugo Chavez, se joignit au combat et parvint à faire libérer plusieurs otages, dont l’amie d’Ingrid, en janvier 2008. Finalement, 6 mois plus tard, 15 otages sont libérés à la suite d’une intervention de l’armée colombienne : parmi eux se trouvait Ingrid. C’est ainsi qu’Ingrid Betancourt retrouva sa liberté, le 2 juillet 2008, après 6 années de captivité. Elle renonça ensuite à toute vie politique. Sa libération ne marqua toutefois pas la fin de son combat, il marqua le début d’un autre, celui pour la protection des droits de la personne.
Ouvrages
Ingrid Betancourt a publié plusieurs ouvrages. Certains d’entre eux racontent sa vie et son combat contre la corruption en Colombie comme ses livres Until Death Do Us Part, publié en 2008 et La rage au cœur, publié en 2001 (ce livre est écrit en collaboration avec Lionel Duroy).
Un livre raconte son enlèvement par les FARC en 2002 et sa captivité d’une durée de six ans: Même le silence a une fin, publié en 2010.
Elle a aussi publié :
Betancourt. Ingrid. (2014). La ligne bleue : roman. Paris : Gallimard. 354 p.
Betancourt. Ingrid. (2008). Lettres à maman : par-delà l’enfer. Paris : Éditions du Seuil. 61p.
Prix
En 2008, alors qu’elle était encore détenue en otage par les Forces armées révolutionnaires de Colombie, elle fut nommée présidente d’honneur des Verts mondiaux. À la suite de sa libération en juillet de la même année, elle reçut le Women’s World Award de femme de l’année, le prix Princesses des Asturies et fut élevée au grade de chevalier de la légion d’honneur française par Nicolas Sarkozy. En 2009, Ingrid Betancourt fut de passage au Canada où des honneurs lui furent également décernés. Elle reçu d’une part le Prix international du courage au féminin, par Reporters sans frontières et Radio-Canada, pour souligner son courage et sa lutte pour les droits et libertés de la personne et, d’autre part, un doctorat honorifique pour souligner sa bataille contre la corruption et la violence en Colombie.
Références
Betancourt, Ingrid (2008), Until Death Do Us Part, EPub Edition.
Betancourt, Ingrid (2001), La rage au cœur, Paris : XO Éditions, 248p.
Fundación Princesa de Asturi (2008), Ingrid Betancourt Prince of Asturias : Award for Concord 2008.
www.fpa.es/en/princess-of-asturias-awards/laureates/2008-ingridbetancourt.html?texto=trayectoria&especifica=0 (consulté le 05/11/2015)
Institut National Audiovisuel (2008), Les six ans de calvaire d’Ingrid Betancourt, juillet, vidéo accessible sur ina.fr :
http://www.ina.fr/video/3660929001024 (consulté le 05/11/2015)
Radio-Canada (2009), « Ingrid Betancourt honorée », 25 septembre.
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/National/2009/09/25/001-betancourt-vendredi.shtml (consulté le 05/11/2015)
Radio-Canada (2008), « Ingrid Betancourt libérée », 2 juillet.
http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/international/2008/07/02/009-colombie-betancourt.shtml (consulté le 05/11/2015)
Page Wikipédia d’Íngrid Betancourt (2015) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Íngrid_Betancourt
(consulté le 05/11/2015)
Page Wikipédia d’Oxígeno Verde (2o15) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Ox%C3%ADgeno_Verde
(consulté le 05/11/2015)