14 Petra Kelly (1947-1992), Allemagne

Carol-Ann Lussier Dubé

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Être une femme en politique n’est guère une tâche facile. En effet, peu importe les continents ou le moment de l’histoire, lorsqu’une femme s’investit dans le milieu politique, il ne s’agit pas d’un choix de vie évident. Selon l’Union parlementaire, il y aurait seulement en 2015 22,5 % de femmes qui occupent un poste dans une chambre parlementaire, et ce, sur le nombre total de sièges. Ce qui veut dire qu’encore aujourd’hui, les hommes occupent beaucoup plus de place dans le milieu politique ou, à tout le moins, en chambre parlementaire. Cette statistique peu encourageante, entre autres, m’a montré l’importance de parler des femmes en politique. Je me suis penchée sur Petra Kelly, une femme qui a marqué la politique allemande. Tout au long de sa vie, elle a su partager ses idées concernant l’importance de l’environnement et de la paix dans le monde. Portrait d’une femme admirable à la hauteur de ses ambitions.

Jeunesse

Petra Karin Lehmann est née le 29 novembre 1947 dans la ville de Günzburg en Allemagne. Son père abandonna la famille lorsque Petra avait tout juste 7 ans. Après que sa mère se soit remariée avec un officier de l’armée américaine nommé John E. Kelly, le nom de famille de Petra changea pour celui du nouveau mari de sa mère. Petra Kelly avait 12 ans lorsqu’elle et sa famille quittèrent l’Allemagne pour s’établir aux États-Unis.

Pendant ses études universitaires, Petra fut active dans le milieu politique. Elle avait un très grand respect pour Martin Luther King qui était l’un de ses héros. Elle s’impliqua, entre autres, dans la campagne électorale de 1968 de Robert F. Kennedy et Hubert Humphrey. En 1970, elle obtint un diplôme en science politique à l’American University. C’est lors de ses études aux États-Unis qu’elle s’intéressa beaucoup à la littérature qui traitait de la paix. Elle croyait fermement que la violence ne règle absolument rien aux conflits. Petra a aussi fréquenté l’Université d’Amsterdam où elle obtint un diplôme de l’Institut européen en 1971. De 1971 à 1983, elle travailla pour la Commission européenne.

Le parti vert : un parti avec une mission ambitieuse

En 1979, Petra Kelly cofonda le Die Grünen, le parti vert allemand. Ce parti mettait au centre de sa mission des valeurs environnementalistes et de paix. Il n’y a pas à dire, le parti vert allemand n’a rien à voir avec les autres partis politiques. Dans son article « The need of eco-justice », Petra Kelly explique l’importance de ce nouveau parti. Selon elle, les autres partis (le parti conservateur, le parti libéral et le parti travailliste) ne prennent aucune responsabilité en ce qui a trait aux conséquences de l’humain sur l’environnement. Ils repoussent les problèmes aux générations futures sans avoir de volonté de changer quoi que ce soit au moment présent. Petra Kelly croyait au contraire que les humains doivent agir maintenant pour un monde meilleur. L’économie est au centre des valeurs des autres partis, et ce, sans aucune considération pour le bien-être des humains et de l’environnement. Selon Petra Kelly, il est au contraire important de garder un certain équilibre entre les facteurs économiques et environnementaux :

[w]e need eco-justice – ecological balance in the context of economic justice and economic justice in the context of ecological sustainability.

Petra Kelly voyait la Terre comme un environnement prêté aux humains dont il est important d’en prendre soin, pour que les générations futures puissent en jouir tout autant que les générations antérieures. C’était une femme de faits et d’action, c’est-à-dire qu’elle prenait très au sérieux les faits scientifiques et essayait de voir ce qu’elle pouvait faire pour changer les choses. Elle était consciente que si rien ne changeait, la Terre courrait à sa perte. L’injustice présente partout dans le monde la déconcertait.

La grande mission du parti vert allemand était ambitieuse : les membres du parti voulaient changer la mentalité valorisant la consommation pour une mentalité valorisant la conservation. Petra Kelly était bien au fait qu’il ne s’agissait pas d’une mission évidente, mais ô combien nécessaire pour le bien de tous. Toujours selon l’article «The need of eco-justice»,

[A]n ecologically based economy does not measure the properity of a society in terms of the greatest possible number of goods and services produced […], but rather in production methods wich can serve the environment, protect human health and result in durable, useful consumer goods.

Petra Kelly croyait qu’il fallait arrêter de croire qu’en tant qu’individu, on ne pouvait rien faire pour surmonter les défis environnementaux. Ce sont les suites de petits gestes qui font la différence.

C’est en 1983 qu’elle a été élue en tant que représentante du parti vert au Parlement de l’État libre de Bavière. Il s’agit de la deuxième représentante élue dans le monde pour ce parti. Elle appelait le parti vert « le parti antiparti ». Avec cette appellation, elle voulait transmettre le message qu’un parti ne doit pas agir seulement au niveau du parlement, mais aussi à un niveau beaucoup plus grand. Elle voulait mettre de l’avant l’idée que le parti vert devait aussi devenir un parti engagé contre la violence, contrairement à certains autres partis. Elle se distinguait ainsi des « réalistes » de son parti qui étaient prêts à faire quelques compromis. Petra Kelly était plutôt considérée comme une fondamentaliste.

Selon le texte « Les femmes dans le mouvement pacifiste en RFA », « Petra Kelly était généralement la seule femme à côté des hommes qui se trouvaient aux tribunes, tenaient des discours, participaient aux tables rondes ». Lorsqu’elle travaillait au comité économique et social de la Commission européenne, elle s’est battue pour les droits des femmes en politique et l’équité. Selon Petra Kelly, « no matter how successful a women becomes or is, there is still a man looking over her shoulders putting his paw marks on something… We are still stuck with a set of attitudes that are like a brick of wall ». Malgré la présence importante d’hommes dans le monde politique, Petra Kelly a su faire sa marque en tant que femme et a prouvé à plusieurs reprises que les femmes avaient leur place en politique.

Petra Kelly : Une femme qui se bat pour la paix dans le monde

Non seulement Petra Kelly s’insurgea contre la gestion de l’économie au détriment de l’environnement, mais elle protesta aussi contre les montants faramineux investis dans les armes de guerre. Elle fut une grande militante pour la paix, croyant fermement que tout l’argent dépensé pour la guerre était une perte réelle. Selon elle, si l’énergie qui était mise à déployer des armes était plutôt envoyée dans la protection de l’environnement et la prévention de la pauvreté, entre autres, la Terre s’en porterait beaucoup mieux. Petra Kelly était une femme de principe qui avait confiance en ses moyens. Elle se présentait fièrement en chambre parlementaire, vêtue de vêtements colorés. Elle détonnait des autres qui étaient tous habillés en complet. Selon Caroline Lucas, leader du parti vert en Angleterre et du pays de Galles, Petra Kelly était le visage du parti, et ce, de façon internationale.

Petra Kelly voyageait beaucoup et était présente dans les médias pour promouvoir les idées de son parti et répandre un message de paix. En 1982, elle a reçu le « Right Livelihood Award ». Il s’agit d’un prix qui soulignait principalement son implication pour faire changer les mentalités concernant l’environnement et la justice sociale. Elle a aussi rencontré le Dalaï-Lama qui était pour elle un modèle extraordinaire.

Fighting for Hope : Une œuvre marquante

            En 1983, Petra Kelly publia Fighting for Hope. Dans ce livre, qu’elle dédia à sa sœur décédée très jeune du cancer, Petra explique de façon exhaustive sa vision environnementale. Elle fait un état de la situation actuelle dans le monde et montrent comment les idées du parti vert peuvent aider le cours de l’histoire. Selon elle, la paix est possible et il faut cesser de l’écarter comme solution.

Sa vie amoureuse : la politique toujours au centre

Selon Sara Parkin, auteure du livre The Life and Death of Petra Kelly, Petra Kelly a toujours fréquenté des hommes plus vieux qu’elle. Elle trouvait les hommes de son âge plutôt ennuyeux. C’est en 1980 qu’elle rencontra Gert Bastian, un général de l’armée qui devint son partenaire de vie. Plusieurs trouvaient que cette relation n’avait pas de sens considérant le fait que Petra ressentait un profond malaise envers le fonctionnement de l’armée. Cependant, il semblerait que Petra ait réussi à faire changer plusieurs idées concernant l’armée et la guerre à son partenaire. Gert Bastian est d’ailleurs aussi un des cofondateurs du parti vert.

Comme l’explique Sara Parkin, les circonstances de la mort de Petra Kelly restent nébuleuses. Le 1er octobre 1992, elle aurait été tuée par balle, pendant son sommeil, par Gert Bastian. Il se serait donné la mort ensuite. Selon l’auteur, Gert Bastian aurait craint que Petra Kelly trouve des dossiers prouvant qu’il avait déjà été impliqué avec la police de l’Allemagne nazie. Il aurait eu peur qu’après avoir découvert ces dossiers, Petra le quitte avec haine. Certains prétendent qu’il s’agirait d’un double suicide. Cependant, la plupart des gens qui l’entouraient ne croient pas à cette dernière théorie. Les personnes qui l’auraient vu avant sa mort ont toutes trouvé qu’elle avait l’air positive et qu’elle n’aurait jamais pensé au suicide.

Petra Kelly aujourd’hui

Aujourd’hui, plus de 20 ans après sa mort, Petra Kelly continue à inspirer les gens à s’investir pour un monde meilleur. Caroline Lucas a même souligné que si ce n’était de Petra Kelly, elle ne se serait probablement jamais impliqué en politique. En 2006, l’agence de l’Environnement du Royaume-Uni plaça Petra Kelly en 45e position des personnes ayant tout fait en leur pouvoir pour sauver la planète.

Reconnaissances à titre posthume

Petra Kelly a été récipiendaire du prix Nobel alternatif en 1982, « pour une nouvelle vision unissant des inquiétudes écologiques au désarmement, à la justice sociale et aux droits de l’homme ».

À titre posthume, Petra Kelly a reçu le prix Lumière de la vérité en 2002. Il s’agit d’un prix décerné par le Dalaï-Lama pour exprimer sa gratitude.

La Fondation Heinrich Böll, qui est une fondation pour la politique allemande, a créé le prix Petra Kelly. Ce prix récompense, tous les deux ans, une personne s’étant démarqué pour faire avancer les droits de l’Homme et la paix dans le monde.

Il existe un parc à Barcelone qui porte son nom. Il a été inauguré le jour de la Terre en 1993.

Références

EcoPolítica (2015), « Petra Kelly ». Great Lives — BBC (2011) », 22 février, vidéo accessible sur youtube.com
https://www.youtube.com/watch?v=DEouqJckO7U (consulté le 21/10/15)

Gabriel, Nicole (1985), « Les femmes dans le mouvement pacifiste en RFA », Nouvelles Questions Féministes. no 11/12., p. 95-112

Kelly, Petra (1990), « The need of eco-justice. (It’s not Easy Being Green : Ecopolitics in the 90s) », The Fletcher Forum of World Affairs, vol. 14, no2, p. 327-331

Kelly, Petra (1984), Fighting for Hope. Boston : South End press, 121p.

S.a. (2015), Les femmes dans les parlements nationaux, site internet officiel de l’Union interparlementaire.
http://www.ipu.org/wmn-f/world.htm

Parkin, Sara (1994), The Life and Death of Petra Kelly, Londres : Pandora, 230 p.

Page Wikipédia de Petra Kelly (2015) :
https://fr.wikipedia.org/wiki/Petra_Kelly (consulté le 21/10/15)

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