(Im)possible neutralité scientifique
7 Les pratiques d’évaluation par les pair-e-s : pas de neutralité
Samir Hachani
L’évaluation ou le contrôle par les pair-e-s (peer-reviewing), étape indispensable dans le monde de la publication scientifique et technique, a engendré une multitude de critiques allant de la lenteur au conservatisme en passant par la cupidité et l’inaptitude à déceler les fraudes pour ne citer que les plus prépondérantes. Parmi celles-ci, les préjugés (positifs ou négatifs), qu’ils soient ad hominem, institutionnels, religieux ou alors nationaux, se sont taillé la part du lion dans un processus dominé par l’expertise en aveugle. Cette manière de faire a encouragé les experts et expertes (protégés par l’anonymat du processus) à se laisser aller à certaines pratiques d’élimination, d’ostracisme et de partialité. Un de ces préjugés a été abondamment documenté et discuté : soit celui qu’auraient les personnes expertes à l’encontre des femmes, que ce soit dans l’acceptation des soumissions ou dans leur présence sur les comités éditoriaux, deux phénomènes étroitement liés.
Pour contribuer à la compréhension de cette discrimination, j’analyse dans ce texte quelques références sur le sujet, ainsi que la composition des comités éditoriaux de quelques revues influentes, nommément : JAMA (Journal of the American Medical Association), NEJM (New England Journal of Medicine), PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America), PLOS ONE (Public Library of Science), Science, et Nature, ainsi que d’un éditeur de services pour les chercheurs et chercheuses dans les sciences de la vie, F1000. La question centrale de ce chapitre est de savoir si les femmes, en tant que scientifiques soumettant un texte à ces revues, ont les mêmes chances que leurs collègues masculins de faire publier leur texte et si cet éventuel déséquilibre se retrouve aussi dans la composition des comités éditoriaux.
J’ai réalisé une recherche analogue sur le thème de la présence des chercheurs et chercheuses des Suds dans les comités éditoriaux de ces revues, ainsi que sur les taux d’acceptation de leurs travaux. Le résultat fut le constat d’une nette corrélation entre ces deux variables : faiblesse de la présence dans les comités éditoriaux et taux d’acceptation des soumissions bien moindre des textes issus des pays des Suds. De plus, cette recherche a mis en lumière une autre donnée : une inquiétante fuite des cerveaux de la part de ces mêmes scientifiques vers le Nord industrialisé, aggravant la situation largement documentée de fracture numérique déjà incapacitante (Hachani, 2016a; Hachani, 2016b).
La publication scientifique est-elle misogyne?
Un bon nombre de discriminations à l’œuvre lors de l’évaluation par les pair-e-s ont été abondamment documentées. Qu’elles soient personnelles, institutionnelles, esthétiques ou religieuses (Shatz, 2004), elles plombent tout le processus et en font un terrain de conflits et de luttes qui a, dans certains cas, débordé du cadre feutré de la science. Une de ces discriminations est celle qui concerne les femmes et l’influence de la variable « genre » sur les résultats de leur effort de recherche et de publication. De nombreuses et récurrentes dénonciations ont été faites par les femmes subissant ce préjugé et sont corroborées par des recherches documentant des cas de discrimination à leur encontre, en voici quelques-unes.
De la fin des années 90 à la fin des années 2010, le nombre de femmes publiant s’est accru de manière constante selon un rapport utilisant les résumés et la base de données de citations Scopus (Elsevier, 2017; voir aussi Bernstein, 2017). Malgré cet accroissement, les femmes publient moins que leurs collègues masculins et elles sont moins nombreuses que ceux-ci, soit de 38 à 49 % de la totalité des personnes chercheuses selon les pays (Elsevier, 2017). En outre, les chercheuses ont moins de chances de publier dans leur première année en tant que postdoc bien qu’elles aient investi le même nombre d’heures dans la recherche. Cela conduit à une autre donnée : le nombre et le taux de femmes dans les positions de professorat. Leur retard ne leur permet pas de postuler aux postes tant désirés : elles ne représentent que 29 à 36 % du corps professoral (Kuo, 2017).
Une discrimination plus subtile semble aussi à l’œuvre. Une étude a ainsi conclu que les membres du corps professoral jugent les candidats masculins comme plus compétents et plus aptes à l’embauche que les candidates féminines (Moss-Racussin et coll., 2012). Ils leur accordent de surcroit un salaire de débutant plus élevé et plus d’aide de type mentorat (Moss-Racussin et coll., 2012).
Selon l’étude d’Uhly, Visser et Zippel (2015), dans les couples où mari et femme sont universitaires, les maris profitent plus de la situation maritale que leur conjoint féminin. Par exemple, les femmes effectuent généralement moins de collaborations internationales. Cette étude allait même jusqu’à conclure que les arrangements entre conjoints impactaient plus la progression des femmes dans leur carrière que certaines barrières comme la présence des enfants.
Une autre étude concernant la présence des femmes aux postes de direction des universités du Royaume-Uni dans les spécialités science et technologie a conclu que leur faible représentation s’expliquait par la réalité institutionnelle – les arrangements de travail temporaire, les réseaux à prédominance masculine, l’intimidation et le harcèlement – et par des raisons individuelles telle que le manque de confiance en soi des femmes (Howe-Walsh et Turnbull, 2014).
Feldon et ses collègues (2017) soulèvent que bien que les sciences biologiques soient, aux États-Unis, parmi les spécialités les plus équitables en matière d’attribution de doctorats avec un taux de 52,5 % de femmes, il n’en demeure pas moins que leurs collègues masculins ont 15 % plus de chances d’être cités comme premier auteur dans les publications, et ce, même si les femmes consacrent plus de temps à leurs tâches.
Les femmes économistes travaillant dans les plus prestigieuses universités nord-américaines ont-elles moins confiance en elles que leurs homologues masculins? Il semblerait que oui : elles sont moins « extrêmes » dans leur degré d’acquiescement ou de rejet de réponses aux questions concernant l’économie et elles ont moins confiance en la justesse de leurs réponses (Sarsons et Xu, 2015).
Une autre étude de la même auteure conclut à une autre injustice dans l’avancement de carrière (Sarsons, 2015). En économie, la publication avec coauteurs nuit à l’obtention de la permanence pour les femmes, mais pas pour les hommes. Cela est particulièrement prononcé pour les femmes publiant avec un ou des hommes (plutôt qu’avec une ou des femmes).
Dans une étude portant sur la présence d’auteures et de femmes dans les comités éditoriaux de revues savantes espagnoles entre 1999 et 2008, les auteures ont conclu que les femmes étaient en nombre inférieur dans les fonctions d’auteures, d’éditrices et de membre de comités éditoriaux. Cette disparité semble toutefois diminuer dans temps, les écarts rétrécissant particulièrement dans les fonctions d’auteures et à un degré moindre dans les comités éditoriaux (Mauleón et coll., 2013).
Lors du Peer Review Congress, la question du sexisme dans le contrôle par les pair-e-s a été posée en prenant l’exemple des revues en épidémiologie (Dickersin et coll., 1998). Dans quatre revues d’importance en épidémiologie[1], les femmes étaient surtout présentes comme auteures et réviseures (27 % et 28 %), très peu comme rédactrices (editors), soit seulement 13 %. De plus, une seule femme avait alors occupé le poste de direction de la rédaction contre six hommes. Les postes décisionnels apparaissent ainsi peu ouverts aux femmes.
Dans une étude ayant ciblé 16 revues biomédicales proéminentes d’Amérique du Nord et du Royaume-Uni (Jagshi et coll., 2008), les auteures ont conclu que les avancées des femmes dans ces revues étaient substantielles tant du point de vue de leur présence dans les comités éditoriaux que comme rédactrices en chef. Malgré ces progrès, la plupart des rédacteurs et rédactrices en chef des revues étudiées demeuraient des hommes et la représentation des femmes dans les comités éditoriaux de certaines publications, faible.
Pire encore, une expérimentation conduite par Handley et collaboratrices (2015) a trouvé que les hommes, particulièrement en sciences, apportaient moins de crédit que les femmes aux études montrant la discrimination que subissent ces dernières dans les STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), d’où le titre un peu provocateur de l’article (« Quality of evidence revealing subtle gender biases in science is in the eye of the beholder » – la valeur des preuves de la discrimination est dans l’œil de qui les lit).
Il est clair par ces recherches (et de nombreuses autres qu’il serait fastidieux d’exhaustivement citer) qu’il existe un préjugé anti-femmes dans les institutions scientifiques.
L’évaluation par les pair-e-s est-elle aussi (sinon plus) misogyne?
Si la publication scientifique semble ne pas être objective en raison de la discrimination que les femmes subissent, il serait intéressant de voir si une révision par les pair-e-s discriminatoire en est la cause ou le résultat. En d’autres mots : est-ce que le faible taux de publication des femmes malgré les qualités intrinsèques de leur travail vient de leur faible présence dans le processus d’évaluation ou si leur faible présence dans ce processus résulte de ce plus faible taux de publications? Il est hasardeux de répondre d’une manière définitive et assertive à cette question, mais on pourrait émettre l’hypothèse suivante : l’ostracisme dont sont victimes les femmes dans leurs efforts de publication a conduit à ce qu’elles soient moins nombreuses dans les positions de décision, ce perpétue la discrimination à laquelle elles sont confrontées, notamment dans l’évaluation par les pair-e-s. Un cercle vicieux accentuant, en somme, la fracture sexuelle à leur détriment.
Cette hypothèse se trouve confrontée par les différentes études de cas et recherches entreprises sur le sujet. Dans une étude sur la composante des experts des 20 revues savantes publiées par l’American Geophysical Union entre 2012 et 2015, Lerback et Brooks (2017) sont arrivés à la conclusion que les femmes étaient moins demandées que les hommes en tant qu’expertes, aussi bien par les femmes que par les hommes (voir aussi Brookshire, 2017). Plus précisément, ils sont arrivés aux statistiques suivantes : les auteurs hommes ont suggéré des expertes dans seulement 15 % des cas, les editors l’ont fait à hauteur de 17 %. D’un autre côté, les auteures ont suggéré des expertes dans 21 % des cas et les editors femmes l’ont fait à hauteur de 22 %. En plus, les femmes refuseraient plus souvent d’évaluer un texte. Il en résulte que les femmes ne représentent que 20% des expertes alors qu’elles constituent 28 % des membres de l’American Geophysical Union, par exemple. Malgré cela, les textes des femmes étaient plus souvent acceptés. L’auteure fait l’hypothèse que c’est peut-être parce que celles-ci soumettent des manuscrits plus aboutis et à des revues plus adéquates (elles prendraient moins de risques, peut-être parce qu’habituées à la discrimination…).
Dans un éditorial au titre des plus explicites « Nature’s sexism », la revue Nature reconnait ses errements quant à la composante de ses contributeurs et contributrices (Nature, 2012). Si 54 % des editors et reporters internationaux sont des femmes, il n’en demeure pas moins que les chiffres suivants traduisent une discrimination des plus criardes : des 5514 personnes évaluatrices (referees) seules 14 % étaient des femmes, des 34 chercheurs objets d’un reportage seulement 18 % étaient des femmes et que 19 % des articles internationaux et commentaires incluaient au moins une auteure. Nature suggère que plusieurs facteurs sont en cause, mais insiste sur le côté inconscient des discriminations : les editors (la plupart du temps masculins) sollicitant peu leurs collègues féminins pour une contribution.
Une étude du journal Functionnal Ecology s’intéressa aux origines géographiques, au genre et aux années d’expérience des editors et personnes évaluatrices (Fox, Burns et Meyer, 2016). Parmi les résultats les plus intéressants, on peut citer : la majorité des editors masculins sélectionnaient un taux assez bas d’évaluatrices, contrairement aux editors féminins. Hommes et femmes favorisaient les experts et expertes géographiquement proches. Invitées à expertiser, les femmes le faisaient sans tenir compte du genre de l’editor alors que les hommes avaient tendance à moins répondre à la demande d’une femme. La proportion de femmes invitées à expertiser diminuait avec l’ancienneté des editors masculins, alors qu’elle augmentait avec celle des editors féminins. Les conclusions de cette étude ont fait ressortir que le genre des editors, leur âge et leur origine géographique influaient sur le choix des évaluateurs et évaluatrices.
Une autre recherche (Buckley et coll., 2014) concernant la sélection des évaluateurs et évaluatrices et le taux de publication va dans le même sens. Selon cette étude, le taux de publication au New Zealand Journal of Ecology n’était pas influencé par le genre du soumissionnaire ni par celui de l’editor. En revanche, les editors (surtout masculins) avaient plus tendance à choisir des évaluateurs masculins.
Un groupe de psychologues (Gunther, Scott et Von Stumm, 2017) a analysé la représentation et visibilité des femmes dans leur spécialité, soit l’étude des « différences individuelles ». Elles ont étudié les ratios homme-femme dans 157 articles publiés par une revue savante du domaine (Personality and Individual Differences), 30 chapitres d’un manuel (Handbook of Individual Differences) et 25 conférences (avec conférenciers ou conférencières d’honneur des sociétés savantes suivantes : Behaviour Genetics Association, British Society for the Psychology of Individual Differences, European Association of Personality Psychology, International Society for Intelligence Research et International Society for the Study of Individual Differences). Les résultats sont sans appel : les femmes publient à peu près autant que les hommes, mais sont pratiquement exclues de la rédaction des manuels et il est très rare qu’elles soient conférencières invitées, les psychologues femmes sont donc très peu visibles. Les auteures de l’étude proposent diverses pistes de solution pour accroitre la présence et la visibilité des femmes dans les rôles prédominants : un quota de 25 % de femmes sur les comités de sélection scientifique, et la mise à disposition, lors des congrès, des ressources financières pour le soin des enfants ou encore des services de garde gratuits.
D’un autre côté, Helmer et collaborateurs (2017) ont constaté chez les hommes, mais aussi chez les femmes editors la tendance à chercher des personnes évaluatrices de même genre, la discrimination était cependant plus prononcée chez les hommes. Les auteurs expliquent cette situation non pas par un préjugé conscient, mais par des différences dans les réseaux des hommes et des femmes (avec surreprésentation de personnes du même genre) et par la supposée tendance humaine à nous associer à qui nous ressemble. Certaines femmes le font peut-être aussi consciemment pour contrer les discriminations qu’elles ont elles-mêmes subies (Ross, 2017).
Une autre forme de préjugé a été rendue visible quand deux chercheuses reçurent une expertise de la revue scientifique PLOS ONE qui leur demandait d’inclure un ou deux biologistes masculins afin d’éviter des « extrapolations qui s’éloigneraient un peu trop des évidences empiriques vers des hypothèses idéologiquement biaisées » (Cochran, 2015). Cette expertise suscita l’ire des chercheuses qui y virent une sorte de paternalisme de la part de cet indélicat expert. En effet, cette manière d’agir semble conditionner la scientificité de cette soumission à la présence d’un ou deux biologistes de sexe masculin afin d’éviter des « hypothèses idéologiquement biaisées ». Cette affaire anima la blogosphère pendant quelque temps et démontra un manque de tact et une manière d’agir des plus préjudiciables pour la science et son développement.
Dans une contribution concernant la manière dont les soumissions à quatre revues scientifiques en économie (American Economic Review, Econometrica, Journal of Political Economy et Quaterly Journal of Economics) sont expertisées, Hengel (2016) est arrivée aux conclusions suivantes : les résumés écrits par les femmes sont plus lisibles que ceux écrits par les hommes, l’écart de lisibilité entre les textes des femmes et ceux des hommes s’accroit au cours du processus de publication, et la capacité de bien écrire des femmes augmente avec le temps alors que celle des hommes stagne. L’auteure en conclut que les femmes sont, lors de l’expertise, soumises à des critères plus stricts. Cette dernière affirmation est corroborée par le fait que les soumissions des femmes demandent six mois de plus que celles des hommes pour être acceptées.
À la lumière de ces études, il est clair qu’un préjugé contre les femmes existe et est à l’œuvre dans la révision par les pair-e-s. Bien que celui-ci ait tendance à s’estomper et à se réduire et que la condition des femmes se soit notablement améliorée dans les 50 à 60 dernières années, il n’en demeure pas moins présent et même prépondérant. La seule question qui s’impose et dont les différentes études essayent de démêler l’écheveau est à quel point et à quel degré ce préjugé est encore présent. Il est difficile de donner une réponse claire et définitive, mais il apparait que (faire) changer les vieilles habitudes est une mission des plus ardues à accomplir. D’un autre côté, le contrôle par les pair-e-s (et la publication scientifique en général) devient de plus en plus ouvert et transparent grâce à Internet. D’un processus fermé et secret propice à toutes les manipulations et à tous les écarts, il est devenu (dans certains cas assez pionniers il est vrai) ouvert et justifiable. Dans un monde où la moindre information est répercutée, analysée, décortiquée pratiquement en temps réel à l’autre bout du monde, il n’est plus question de permettre ces agissements des plus préjudiciables à la bonne marche de la science.
Afin de pousser plus loin la recherche sur la place actuellement accordée aux femmes dans les comités éditoriaux, j’examinerai maintenant la composition éditoriale de quelques titres proéminents qui rendent ces informations publiques, soit JAMA (Journal of the American Medical Association), NEJM (New England Journal of Medicine), PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America), Science, Nature, PLOS ONE (Public Library of Science) et l’éditeur de services F1000 (Faculty of 1000). Cette étape permettra de voir en quelle proportion les femmes sont présentes dans ces revues et chez cet éditeur de services et de répondre, ne serait que d’une manière indirecte, à la question qui sous-tend cette recherche.
JAMA (Journal of the American Medical Association)
Le Journal of the American Medical Association est l’une des plus prestigieuses revues en sciences médicales du monde. Fondée en 1883, c’est la revue officielle de l’American Medical Association. Le site de la revue décrit les différents postes occupés, comme le montre cette liste correspondant au printemps 2017.
Editor in Chief : Howard Bauchner
Executive Editor : Phil B. Fontanarosa
Deputy Editors : Michael Berkwits, Robert M. Golub, Ronna Henry, Edward H. Livingston, Jody W. Zylke
Executive Managing Editor : Annette Flanagin
Managing Editor : Stacy L. Christiansen
Senior Editors : Philip Greenland, Demetrios N. Kyriacou, Mary McGrae McDermott
Associate Senior Editor : Roxanne K. Young
Associate Editors : Derek C. Angus, Ethan Basch, Charlene Breedlove, Anne Rentoumis Cappola, Thomas B. Cole, W. Gregory Feero, Donald C. Goff, Jill Jin, Karen E. Joynt, Preeti N. Malani, David H. Mark, George T. O’Connor, Eric D. Peterson, Richard Saitz, Jeffrey L. Saver, Deborah Schrag, Wolfgang C. Winkelmayer
Statistical Reviewers : Joseph S. Wislar, Naomi Vaisrub, Lars W. Andersen, Thomas D. Koepsell, Roger J. Lewis, Matthew L. Maciejewski, Christopher J. Paciorek, Michael J. Pencina, Denise M. Scholtens, Alan B. Zonderman
Former Editors : Nathan S. Davis (1883-1888), John B. Hamilton (1889, 1893-1898), John H. Hollister (1889-1891), James C. Culbertson (1891-1893), Truman W. Miller (1899), George H. Simmons (1899-1924), Morris Fishbein (1924-1949), Austin Smith (1949-1958), Johnson F. Hammond (1958-1959), John H. Talbott (1959-1969), Hugh H. Hussey (1970-1973), Robert H. Moser (1973-1975), William R. Barclay (1975-1982), George D. Lundberg (1982-1999), Catherine D. DeAngelis (2000-2011) Editor in Chief Emerita
Sources : sites http://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/2612622 et http://jamanetwork.com/journals/jama/fullarticle/1667096, consultés le 25 mars 2017
Il apparait ainsi que les femmes sont assez bien représentées dans le Journal of the American Medical Association. Ainsi, parmi les postes les plus hauts dans la hiérarchie de la revue, il y a deux deputy editors sur cinq alors que l’exectutive managing editor et la managing editor sont de sexe féminin. Parmi les 17 associate editors, il y a 6 femmes et parmi les 10 statistical reviewers, seules 2 sont de sexe féminin. On remarquera cependant qu’une seule une femme[2] a pu se glisser dans le club très fermé des rédacteurs en chef – editors in chief, au nombre de 16 depuis 1883 et à l’inclusion de l’actuel editor in chief, aussi un homme.
PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America)
Les Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America sont publiés toutes les semaines depuis 1915. Le site affiche les informations suivantes : le rédacteur en chef, les rédacteurs et rédactrices associés et les noms des chercheurs et chercheuses des 31 spécialités de la revue. On remarquera que le rédacteur en chef est de genre masculin alors que sur les 11 rédacteurs associés, seules 3 sont des femmes. Quant aux 31 spécialités, elles sont composées de 67 chercheurs et de 35 chercheuses. On remarquera que le comité de rédaction comprend 11 membres de genre féminin sur un total de 18. Il nous semble que les femmes sont relativement présentes dans les différents niveaux de la hiérarchie des PNAS, quoique peu aux niveaux les plus élevés.
(Sources : sites http://www.pnas.org/, http://www.pnas.org/site/misc/masthead.xhtml et http://www.pnas.org/site/misc/Staff_Directory.xhtml, consultés le 25 mars 2017).
Science
Science est un des plus prestigieux titres de la publication scientifique. Il a été fondé en 1880 aux États-Unis et se distingue, à l’instar de son rival Nature, par le fait qu’il ne soit pas spécialisé contrairement à l’immense majorité des grands titres. Au printemps 2017, la rédaction de Science se compose comme suit.
Managing Editor : John Travis
International Editor : Richard Stone
Deputy News Editors : Elizabeth Culotta, David Grimm, David Malakoff, Leslie Roberts
Deputy Editor, Emeritus : Barbara R. Jasny
Senior Editors : Caroline Ash, Gilbert J. Chin, Julia Fahrenkamp-Uppenbrink, Pamela J. Hines, Stella M. Hurtley, Paula A. Kiberstis, Marc S. Lavine, Ian S. Osborne, Beverly A. Purnell, L. Bryan Ray, H. Jesse Smith, Jelena Stajic, Peter Stern, Phillip D. Szuromi, Sacha Vignieri, Brad Wible, Laura M. Zahn
Associate Editors : Brent Grocholski, Priscilla Kelly, Keith T. Smith
Source : site http://www.sciencemag.org/about/team-members, consulté le 25 mars 2017
On remarquera que les femmes sont assez bien représentées dans la hiérarchie de la revue Science. Ainsi sur les 4 deputy news editor, il existe une parité parfaite alors que la seule deputy editor, emeritus est une femme. C’est dans les senior editors que les femmes sont les mieux loties à raison de 9 femmes sur un total de 17 personnes. Quant aux associate editors, s’y trouve une seule femme sur un total de 3 personnes.
Nature
Nature est aussi un titre prestigieux de la publication scientifique. Il a été fondé en 1869 au Royaume-Uni et est considéré comme le pendant européen de Science. Selon le site de la revue, il semblerait que les femmes occupent une proportion des plus respectables dans l’organigramme et la hiérarchie de ce prestigieux titre. Si le rédacteur en chef est un homme, les femmes dominent le reste des postes les plus importants de la revue. Par exemple, les postes de Nature editorial director et de Chief Magazine Editor sont tous deux occupés par des femmes. Quant aux deux spécialités dans lesquelles Nature publie (sciences biologiques et sciences physiques, chimiques et de la Terre), les femmes occupent en tant qu’editors la majorité des postes. Ainsi en sciences biologiques sur les 18 editors, 13 sont des femmes en plus de la responsable de section. Quant aux sciences physiques, chimiques et de la Terre sur les 11 editors, 7 sont des femmes. Ces statistiques donnent une idée de la place des femmes dans la revue Nature, où elles occupent les postes les plus importants et en des proportions des plus respectables.
(Source : site http://www.nature.com/nature/index.html, consulté le 25 mars 2017)
PLOS ONE
PLOS ONE est une revue scientifique, éditée quotidiennement par la Public Library Of Science et diffusée exclusivement en ligne. Elle couvre tous les domaines de la science sans distinction. Lancée fin 2006, PLOS ONE se propose de publier des articles scientifiques évalués par un comité de lecture. À cet effet, cette revue a 82 editors de section qui conseillent le comité éditorial sur des sujets bien précis – seulement 13 sont des femmes. Quant aux membres du comité éditorial et qui travaillent en étroite collaboration avec les 82 editors de section, ils sont au nombre de 76, s’y retrouvent seulement 19 femmes. Ce comité éditorial est secondé par des conseillers statistiques dont la tâche est d’analyser les données des manuscrits. Ils sont au nombre de 15 et seulement 3 sont des femmes. Contrairement à Nature où les chercheuses semblent occuper quantitativement et qualitativement une place de choix, la composition de PLOS ONE ne donne pas aux femmes une prépondérance des plus accrues.
(Source : site http://journals.plos.org/plosone/, consulté le 25 mars 2017)
Faculty of 1000 (F1000)
Faculty of 1000 est un site qui pratique le post contrôle par les pair-e-s, c’est-à-dire qu’y sont choisi des articles déjà publiés et expertisés afin d’être expertisés à nouveau. Pour ce faire, le site s’appuie sur un nombre d’experts et d’expertes repartis à travers le monde et dont la mission est de revoir les articles et de les mettre en avant. Il existe au sein de F1000 un conseil consultatif international composé de sommités et qui désigne les doyens de facultés. À leur tour, ces doyens de facultés désignent les 789 chefs de section, les 3835 membres de facultés et les 3241 membres de facultés associés. On remarque que le conseil consultatif international est composé de 12 membres dont un seul est une femme. Quant aux 32 spécialistes en médecine, leurs membres sont au nombre de 89 dont seules 15 sont des femmes. En somme, les femmes ne sont pas particulièrement bien représentées dans la hiérarchie de F1000.
(Source : sites http://f1000.com/ et http://f1000.com/prime/thefaculty, consultés le 25 mars 2017)
Conclusion
Il serait tautologique de dire que le contrôle par les pair-e-s est un processus miné par les préjugés et la subjectivité. Comment ne le serait-il pas alors qu’il est fait par des êtres humains et qu’il conditionne l’accès à la publication scientifique considérée comme la porte d’entrée vers les avantages liés à cette activité? Les innombrables formes que prend cette opération ont été largement et abondamment documentées et analysées. Les protagonistes s’accordent sur le fait que le processus a besoin d’être profondément reformé.
Parmi les problèmes de l’évaluation par les pair-e-s, la discrimination envers les femmes a été le sujet de recherches et d’études nombreuses qui ont conclu à son existence, mais qui ont divergé quant à son étendue. En effet, si le préjugé contre les femmes existe bel et bien et a évolué historiquement, la nature du processus et la manière dont est mené le contrôle par les pair-e-s traditionnel n’a pas permis de l’étudier de façon très exhaustive. La cause principale et maintes fois décriée (pas seulement pour les préjugés contre les femmes) est le secret dont le processus est coutumier. À la lumière des nouvelles manières d’expertiser sur Internet (Open Peer Review), il sera possible de mieux cerner et cibler le problème.
Nonobstant ces changements permis par la transparence, l’ubiquité et la rapidité des réseaux, il n’en demeure pas moins qu’un corpus du sujet a pu déterminer que l’importance quantitative et qualitative des femmes en sciences (surtout dans certaines spécialités où elles représentent la majorité) est très peu reflétée dans le processus éditorial et dans les publications. À part quelques exceptions notables (comme le cas de Nature), elles sont absentes des hautes sphères des comités éditoriaux, sont plus sujettes à des critères astreignants quand elles soumettent, ne sont pas appelées à expertiser souvent, sont moins choisies lorsque le rédacteur en chef est un homme, sont pratiquement ostracisées dans les STIM (sciences, technologie, ingénierie et mathématiques), etc. Ces obstacles sont aggravés par un monde misogyne (le fameux good old boys network), mais qui tend, il ne faut pas le nier, à se départir de cette fâcheuse tendance à marginaliser non sur la base du mérite intrinsèque, mais sur la base de critères exogènes. Le monde étant devenu un petit village, les débordements, iniquités, passe-droits et autres actions douteuses peuvent être dénoncés d’un bout à l’autre du monde en quelques instants. Faut-il le rappeler, dans un monde où le ratio hommes/femmes est pratiquement égal, il n‘y a pas de raisons pour que la moitié de la population n’obtienne pas ses droits les plus élémentaires, droits consacrés par toutes les conventions et autres accords internationaux ayant fondé le monde moderne.
Ces deux petites recherches (celle-ci et Hachani, 2016a, 2016b) montrent que ce processus d’évaluation par les pair-e-s, censé être le garant de la qualité des articles publiés sans égard au genre ou à la nationalité, est au contraire influencé par les caractéristiques des personnes impliquées.
Références
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http://www.sciencemag.org/careers/2017/03/more-female-researchers-globally-challenges-remain
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https://www.sciencenews.org/blog/scicurious/analysis-finds-gender-bias-peer-reviewer-picks
Buckley, Hannah L., Amber R. SciligoKaren L. AdairBradley S. Case et Joanne M. Monks. 2014. « Is there gender bias in reviewer selection and publication success rate in The New Zealand Journal of Ecology? » New Zealand Journal of Ecology 38(2) : 335-339.
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https://www.elsevier.com/research-intelligence/resource-library/gender-report
Feldon, David F., James Peugh, Michelle A. Maher, Josipa Roksa et Colby Tofel-Grehl. 2017. « Time to credit gender inequities of first year PHD students in the biological sciences. » CBE Life Sciences Education 16(1) : ar4.
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Pour citer :
Hachani, Samir. 2019. « Les pratiques d’évaluation par les pair-e-s : pas de neutralité ». In Et si la recherche scientifique ne pouvait pas être neutre? Sous la direction de Laurence Brière, Mélissa Lieutenant-Gosselin et Florence Piron, chapitre 7, pp. 95-111. Québec : Éditions science et bien commun.