5 La voix de l’enseignant(e) et de l’enfant dans la construction des identités professionnelles

Conceição Leal da Costa et Teresa Sarmento

Ce texte[1] résulte d’une enquête internationale qui cible la construction de la connaissance sur les identités professionnelles et la vie des enseignant(e)s. Ce qui a réuni les chercheuses du Portugal et du Brésil, c’est l’intérêt partagé pour la recherche biographique en éducation, pour la formation et les récits d’enseignant(e)s ainsi que l’écoute des enfants dans leur travail. L’enquête s’inscrit dans le cadre d’une communauté d’apprentissage, ce qui nous a permis d’élargir le nombre de récits étudiés devant l’amplitude territoriale et spatio-temporelle du projet.

Nous appartenons à un groupe qui croit à la transformation telle qu’elle est entendue par Nóvoa (2017), comme un chemin qui se poursuit et ne nous enferme pas. En effet, les déterminismes « sont insuffisants et incapables de traduire la complexité de la profession enseignante et de ses processus de formation » (p. 118). Il y a des aspects qui relèvent toujours d’une dimension collective et qui affectent les enseignant(e)s face à l’improvisation, à la prise de décision, aux réalités diverses, à des expériences vécues, aux rencontres et événements qui dépendent des groupes et des contextes auxquels ils·ou elles appartiennent. Ces aspects montrent aussi les possibilités de développer une capacité d’agir dans l’intervention consciente et autonome qui permet de changer les enseignant(e)s eux-mêmes, les autres et les contextes. Les approximations entre les dimensions de la vie individuelle et collective partent du présupposé qu’il est possible de préétablir un ensemble de caractéristiques qui peuvent définir l’avenir professionnel.

Le projet, intitulé : « Que faire face à ce que l’on nous fait… Identités professionnelles en (re)construction », a pour but l’analyse des transformations des identités professionnelles au niveau des principes et finalités éducatives des enseignant(e)s. Il part de la question suivante : « Comment les enseignant(e)s intègrent-ils/elles les transformations sociales des dernières décennies (au niveau de la société et du système éducatif en particulier) à leur identité professionnelle et à leur vie personnelle? »

Parmi les quatre dimensions que ce projet veut atteindre – formation, expérience, interactions et insertion dans des organisations –, nous avons sélectionné, pour ce chapitre, la compréhension des interactions avec les enfants comme élément constitutif et (re)constructeur des identités professionnelles.

Au niveau méthodologique, nous considérons que la méthode biographique et les entretiens narratifs auprès d’enseignant(e)s sont les approches les plus adéquates pour répondre aux objectifs de la recherche. En effet, ils permettent de connaître les personnes dans leurs processus d’apprentissage et de construction professionnelle, au cœur de leur insertion dans un groupe professionnel en développement dans la contemporanéité et dans un contexte de travail, ce qui permet également de reconnaître « la fusion de ce double mouvement [qui] signifie reconstruction dialectique entre la société et l’individu en particulier » (Ferrarotti, 2013 : p. 65). L’approche biographique permet de réfléchir et d’enquêter sur les dimensions épistémique et biographique de l’individu, face à la complexité de la profession. Dans ce rapport émerge une construction partagée de savoirs que valorise l’écologie du développement professionnel. Enfin, l’écoute des récits des enseignant(e)s participant(e)s permet de comprendre comment les interactions avec les enfants se diversifient au long du parcours professionnel, produisant un changement de regard sur l’enfant et impactant de diverses façons le travail avec les élèves. Dans ce contexte, nous soutenons qu’écouter est un art.

Récits biographiques et accès à la connaissance des identités professionnelles des enseignant(e)s

Dans son aspect le plus profond, ma connaissance de moi-même
est obscure, intérieure, non dite, secrète comme une complicité.

Marguerite Yourcenar, Mémoires d’Hadrien

 

Les récits, oraux ou écrits, constituent une puissante méthode d’étude en sciences de l’éducation. En paraphrasant Marguerite Yourcenar, la connaissance de soi est une matière obscure, intérieure, secrète, inexprimée, mais qui peut devenir extérieure par la médiation. L’écoute, la réflexion, l’analyse de contenu et la (ré)interprétation permettent de rencontrer l’histoire et la mémoire, de confronter la voix intérieure avec celle extérieure, et d’atteindre des espaces et temporalités qui dévoilent la construction des connaissances professionnelles des enseignants. Dans l’approche biographique, le rapport chercheur(se)-participant(e) permet l’émergence d’une construction partagée de savoirs qui valorise l’écologie du développement professionnel.

Dans cette perspective, nous relevons la quantité d’études dédiées à comprendre la formation, la professionnalisation, les parcours de vie, la pensée réflexive et d’autres dimensions qui concernent les enseignant(e)s. Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est l’étude des identités professionnelles (Leal da Costa et Nunes, 2016; Sarmento, 2002, 2016 et 2017). Sous cet angle, nous mettons en avant l’enseignant(e) en tant que professionnel(le) de l’humain, un(e) inventeur(trice) plus ou moins conscient(e) et critique de son rôle social, dont l’action se développe dans l’interaction avec d’autres. Selon Nóvoa (1992 : p. 9), « être enseignant oblige à faire des choix en permanence qui croisent notre manière d’être avec notre manière d’enseigner et qui dévoilent notre façon d’être à partir de notre façon d’enseigner ». Ainsi, être enseignant(e) signifie être à la fois une personne et un(e) professionnel(le). Dans ce texte, nous soulignerons les façons de configurer et d’associer les expériences vécues, ainsi que les enjeux qui les rendent méconnues ou non reconnues. Les pensées qui orientent la vie des enseignant(e)s, pris(e)s par le quotidien, restent parfois cachées (non explicitées), autant pour eux-mêmes que pour les autres. L’enseignant(e) reste donc en quelque sorte otage de sa pensée, et seul(e), il·(elle) se trouve incapable de mettre en valeur et de transformer ses connaissances. Cependant, ce qui devient plus fort dans la mémoire est aussi ce qui rend possible l’activité biographique, notamment ce que les individus transforment à travers les expériences vécues (Pineau et Legrand, 2013). Il s’agit donc de considérer tout ce qui s’est passé lors du parcours de (re)construction identitaire professionnelle des enseignant(e)s depuis leur formation initiale.

Enquêter sur les souvenirs d’expériences (moments vécus, événements, relations au cours de la vie) demande d’opérer une réflexion sur les gestes qui permettent un retour sur soi pour déclencher un nouvel intérêt (Breton, 2018). En d’autres termes, cela fait référence à notre rôle de formateur(trice)s d’enseignant(e)s et à l’intérêt d’une compréhension mutuelle qui présuppose un regard sur des processus singuliers. La communication avec un feedback réflexif est donc précieuse, elle offre en effet des possibilités de « fabrication du monde intérieur de la vie extérieure » (Delory-Momberger, 2016 : p. 141), de métabolisation et d’appropriation singulière pour l’individu des environnements qui ont composé son histoire. En tant que professeures et chercheuses à l’université, nous mettons en avant la relation intime et indissociable entre la biographisation[2] et l’enquête narrative dans le processus de configuration identitaire des enseignant(e)s.

Nous nous appuyons sur les contributions de Roldão (2017) pour éclairer le sens de la fonction d’enseigner. Selon cet auteur, il existe une trame de significations qui se sont développées historiquement de façon idéologisée, sans neutralité, et qui ont produit quelques contradictions (p. 1138). Ainsi, devenir enseignant(e) se situe entre « la transmission d’un savoir » et « la promotion intentionnelle de l’apprentissage de ce savoir à autrui », ce qui souligne que la construction de la connaissance professionnelle repose sur des conceptualisations qui peuvent être vues sous différents angles (Roldão, 2017 : p. 1138). L’évolution socio-historique de l’école et de l’éducation scolaire montre que les fonctions des enseignant(e)s se sont élargies face à la nature et la construction de la connaissance professionnelle. Bien qu’il y ait encore une grammaire scolaire et professionnelle perpétuée, il existe actuellement une ferme conviction du besoin de changer la formation et la profession (Loughran et Hamilton, 2016; Nóvoa, 2017). À partir de la compréhension de l’idée qu’enseigner peut se caractériser par la « figure d’une double transitivité et par la place de la médiation » ainsi que par le fait d’« apprendre quelque chose à quelqu’un » (Roldão, 2007 : p. 95), il est possible de voir que cette action d’enseigner fait recourt à de multiples types de connaissances, réunissant et incorporant les savoirs théoriques, didactiques, relationnels, pratiques et issus de la propre histoire de l’enseignant. Dans le cadre de la construction identitaire professionnelle, Montero (2005) met d’ailleurs en évidence cette nécessité d’incorporer les savoirs que mobilisent les enseignant(e)s au travers de leurs propres expériences formatives et de l’action directe dans la salle de cours. Cette incorporation rend possible la construction professionnelle :

Manifestées dans leur ensemble à partir de la complexité exigée, de l’incertitude, de la singularité et du conflit de valeurs inhérent à l’activité professionnelle, ces situations représentent à la fois des occasions d’apprendre de nouvelles connaissances et de se développer professionnellement (p. 31).

Cette perspective dialogue avec Nóvoa (2009), pour qui la réalité contemporaine de l’école oblige à aller plus loin. Dit autrement, il ne suffit pas d’instruire, il est nécessaire de collaborer dans un esprit de socialisation, d’inclusion sociale, de partage de valeurs (p. 31). La construction des savoirs professionnels ainsi que l’identité professionnelle des professeur(e)s sont donc intimement liées[3]. L’identité de l’enseignant(e) se construit sur la base de différents éléments et, partant de ce principe, cela signifie qu’il est important de considérer « l’incorporation d’un ensemble de dispositions pérennes » (Nóvoa, 2017 : p. 119) et de se soucier de la possibilité de transférer ce patrimoine par un processus de socialisation professionnelle.

Dorénavant, avec cette compréhension et ce consensus autour de l’incertitude et de la complexité liée à la profession enseignante, nous considérons qu’une approche sur les identités des enseignant(e)s ne peut pas ignorer leurs histoires de vie. En effet, ces dernières nous permettent de connaître leurs expériences et le sens que les enseignant(e)s leur attribuent en tant qu’éléments fondateurs de leur propre individualité dans leur fonction professionnelle (Connely et Clandinin, 1990).

Narrer ses propres expériences vécues amène l’individu à leur donner du sens et participe à son apprentissage et à la construction identitaire (Josso, 2007). Ce qui nous intéresse, c’est la reconnaissance de la valeur attribuée aux souvenirs. Ceux-ci constituent des repères de la formation professionnelle qui soulignent les interactions établies au cours de la vie auprès de personnes importantes, dans des contextes sociaux où chaque enseignant(e) se (re)construit (Leal da Costa et al., 2018; Leal da Costa et Cavalcante, 2017; Leal da Costa et Sarmento, 2018).

La construction d’une histoire de vie déclenche des interactions et des relations de force entre les personnes où chacun(e) exprime sa position dans la relation à soi et aux autres, ce qui permet de comprendre cette construction en tant que processus (Nóvoa, 2017). Bien que ce chemin soit propre à chacun(e), il ne peut se détacher des contextes où il se produit et des personnes qui exercent une influence dans la construction de sens (Dubar, 2000). Ce processus se fonde sur le vécu, les expériences de vie et leurs différentes configurations. Selon Josso (2007), le chemin de vie attribue du sens à une nouvelle connaissance chez l’individu-enseignant, influant sur sa façon d’être et d’agir. À partir de l’enchaînement des relations entre le passé, le présent et le futur, les connaissances de chaque enseignant(e) prennent une forme propre qui montre comment chacun(e) reconstruit le passé et définit ses projets d’avenir en dialogue avec les exigences du moment présent (Connelly et Clandinin, 1988; Passeggi, 2011).

L’accès aux récits d’enseignant(e)s permet d’énoncer quelques idées centrales pour étudier leurs identités professionnelles. D’abord, il est évident que la profession enseignante est une « profession de l’humain » (Boltanski, 1982) où l’individu est le centre autour duquel les actions pédagogiques prennent sens. Cela relève l’importance de la formation personnelle tout au long de la vie en tant que moyen permettant (ou non) la construction de compétences relationnelles. Celles-ci ouvrent à la reconnaissance d’autrui (élèves, enseignant(e)s, parents) comme individus avec qui l’éducation est promue (Sarmento, 2009 : p. 326). Marcelo souligne que pour enseigner, au-delà de la connaissance du contenu, les enseignant(e)s ont besoin d’avoir d’autres connaissances : « la connaissance du contexte (où on enseigne), des élèves (à qui on apprend), de soi-même et aussi de comment on apprend » (2010 : p. 13). L’auteur met en avant que « l’identité n’est pas un attribut fixe chez une personne, mais un phénomène relationnel » (p. 20) qui se construit selon un processus évolutif de réinterprétations continues des expériences et qui donne forme aux apprentissages tout au long de la vie. Dans ce sens, la formation initiale et continue sert de support aux identités professionnelles, et Severino (2006) pointe que la « formation signifie la propre humanisation de l’homme (…) l’individu naturel devient un être culturel, une personne » (p. 621).

Cette référence à l’enseignant(e) en tant qu’individu renvoie au concept d’apprentissage tout au long de la vie qui admet différents niveaux et croisement de perspectives : macro, méso et micro. La perspective micro nous intéresse ici, en dialogue avec Passeggi (2011) et Alheit (2009), et sa proposition quant au concept de connaissance biographique[4]. Selon cet auteur, dans le cadre de l’apprentissage tout au long de la vie[5], chacun intègre de nouvelles expériences à partir de son individualité. Toutefois, ce processus est social et les interactions façonnent les individus en permanence, ce qui les rend capables de changer leur monde social. Si on considère les enseignant(e)s comme un groupe professionnel, la construction identitaire peut alors être comprise comme une action collective entre enseignant(e)s, élèves et la communauté, sachant que l’éducation est aussi une action collective (Passeggi, 2017). C’est dans le cadre des interactions des enseignant(e)s avec les élèves et les communautés que se tissent les apprentissages essentiels (non techniques) et fondamentaux à l’exercice de la profession. Lors de situations réelles, au contact des élèves, de la diversité de la population, les enseignant(e)s reconfigurent leurs façons de voir le monde, ce qui les oblige à rationaliser émotionnellement leurs actions en tant que personnes qui enseignent, qui transmettent, et surtout qui doivent rendre des savoirs significatifs aux élèves tout comme à eux-mêmes afin d’atteindre la finalité de l’éducation : promouvoir le développement de chacun(e) en tant qu’individu sans mettre de côté que les métamorphoses de l’existence visent un bien-être commun (Leal da Costa, 2018).

Le projet : « Que faire face à ce que l’on nous fait… »

Les enseignant(e)s sont des acteur(trice)s sociaux avec un mandat propre – ils·(elles) répondent à des finalités éducatives déterminées qui se distribuent selon des fonctions comme l’instruction, la socialisation, la personnalisation – et ils·(elles) développent leurs actions dans des écoles situées socio-historiquement.

Sarmento (2007 et 2017) a mis en avant qu’il n’y a pas un concept universel de société, mais des sociétés concrètes, localisées dans des espaces et des temps spécifiques. Cependant, quelques phénomènes de la contemporanéité nous obligent à comprendre ce monde en tant qu’une vaste société soumise à une globalisation qui masque, et parfois fait émerger, les traces identitaires de chaque communauté. La globalisation est multidimensionnelle, elle englobe et affecte les dimensions politique, culturelle, environnementale, sociale et technologique, traversant également l’éducation et le travail des enseignant(e)s. Plusieurs auteur(e)s ont montré, même de façon indirecte, la relation de proximité entre la globalisation et la vision dominante actuelle du domaine de l’éducation et de la formation des enseignant(e)s. La relation étroite entre le pouvoir économique et la tendance croissante d’une formation de base reproductive répondent aux intérêts de l’idéologie néolibérale. Cela a des répercussions sur la construction identitaire des enseignant(e)s et provoque des effets négatifs à partir du moment où ils·(elles) se voient dans un rôle passif de simples transmetteur(trice)s. Refusant ces positionnements extrêmes, nous nous engageons avec chercheur(se)s et enseignant(e)s qui croient que l’on trouve du sens en questionnant l’hégémonie de ces postures. Il importe donc d’écouter ce que les enseignant(e)s ont à dire sur comment, dans les sociétés contemporaines, ils·(elles) (re)construisent leurs identités au long de leur parcours professionnel (McLeod, 2011).

Ce texte résulte d’une enquête internationale, développée par des chercheuses portugaises et brésiliennes, portant sur la construction de connaissance sur les identités professionnelles et la vie des enseignant(e)s. Cette enquête[6] s’intègre à d’autres en cours, et son objectif est d’approfondir la connaissance du domaine biographique. Dans le cadre d’une communauté d’apprentissage, nous avons décidé que les études liées à ce projet pourraient être réalisées : a) de façon individuelle ou collective, suivant la taille du groupe; b) dans le cadre d’une équipe toute entière ou au sein de groupes restreints; c) dans un seul pays ou dans les deux. Ce choix nous a permis d’élargir le nombre de récits étudiés compte tenu de l’amplitude territoriale et spatio-temporelle du projet.

Fondée sur l’idée de « faire face à ce que l’on nous fait… identités professionnelles en (re)construction » et avec le but d’analyser les transformations des identités professionnelles au niveau des principes et finalités éducatives des enseignant(e)s, l’enquête part de la question suivante : « Comment les enseignant(e)s intègrent-ils(-elles) les transformations sociales des dernières décennies (dans la société en général et dans le système éducatif en particulier) à leur identité professionnelle et leur vie personnelle? »

Au niveau des objectifs principaux, il s’agit de comprendre comment l’évolution des connaissances en sciences de l’éducation, les changements organisationnels, la formation à l’enseignement, les dynamiques sociales, le(s) idéologie(s) éducationnelle(s) en vigueur, les interactions avec les enfants/élèves[7] et avec d’autres acteur(trice)s sociaux et les expériences de la vie personnelle se répercutent au niveau de la construction des savoirs et des identités professionnelles. Dans ce but, les questions principales sont les suivantes : les enfants et les personnes responsables de leur éducation influencent-ils la définition du travail des enseignant(e)s? Quel est le rôle des enseignant(e)s dans la vie des enfants et de leurs familles? Une autre question oriente notre enquête : comment ce travail fait-il émerger des réflexions plus profondes sur ce que pourrait être notre rôle de formateur(trice)s d’enseignant(e)s dans une université? Autrement dit, comment cette recherche affectera la formation, le travail et l’enquête avec les professeur(e)s coopérants dans la supervision de la formation de futur(e)s enseignant(e)s?

Les participant(e)s à la recherche sont des enseignant(e)s qui s’occupent d’enfants brésiliens et portugais âgés de trois à dix ans. Ils·(elles) ont plus de vingt ans de pratique enseignante et sont reconnu(e)s comme de bon(ne)s enseignant(e)s par la communauté professionnelle et dans le monde universitaire. Ils·(elles) ont été choisi(e)s de façon aléatoire au travers de différents critères comme leur connaissance personnelle, leur travail et coopération dans la formation de futur(e)s enseignant(e)s et collègues, leur implication dans la vie de l’école et leur participation à des syndicats, critères retenus de façon à tenir compte de l’engagement des participant(e)s dans une volonté à se (re)construire professionnellement. À partir du postulat que « l’histoire implique passé et expérience » (Sarmento, 2002 : p. 273), le temps de l’expérience professionnelle s’est révélé central pour cette recherche. En parallèle, nous comprenons que les identités résultent de constructions que chacun des acteur(trice)s sociaux a mené au travers des interactions et dans des contextes variés, d’où notre choix de professionnel(le)s enseignant(e)s expérimenté(e)s.

Puisque ce chapitre se focalise sur la compréhension des interactions avec les enfants en tant qu’élément constitutif et (re)constructeur d’identités professionnelles, nous n’aborderons ici que les questions de départ pour cette partie de l’étude, à savoir : les enfants et les responsables de leur éducation influencent-ils(-elles) la définition du travail des enseignant(e)s? Quel est le rôle des enseignant(e)s dans la vie des enfants et de leurs familles?

Les entretiens avec les huit enseignant(e)s portugais qui ont participé à cette étude ont été menés à deux à trois semaines d’intervalle de façon à rendre possibles la transcription, la communication du matériel transcrit aux participant(e)s pour relecture et la mobilisation de nouveaux souvenirs. Selon la perspective défendue par Nóvoa (1992 : p. 37) : « Une méthodologie qualitative a une responsabilité sociale et éthique qui oblige le chercheur à être vigilant et critique envers soi. » Simultanément, nous voulions produire un feedback réflexif afin de faire émerger des réflexions plus profondes et avec d’autres perspectives (Breton, 2018). Dans un premier temps, les questions ont été proposées de façon plutôt ouverte, afin de privilégier des interactions directes, l’obtention d’informations initiales et l’établissement de liens de confiance avec les participant(e)s (Bertaux, 1997; Cohen et Manion, 1990; Poirier et al., 1995). Chaque entretien a été transcrit et soumis à une catégorisation en appliquant une analyse thématique, exercice qui a permis une première appropriation des contenus et de leur sens. Le second moment, guidé et dirigé par l’analyse initiale, a cherché à délimiter les questions concrètes en vue de recueillir des données répondant aux objectifs du projet.

Écoute des enfants et coconstruction des savoirs – L’importance centrale des interactions

Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules,
et c’est fatigant, pour les enfants, de toujours et toujours
leur donner des explications.
Antoine de Saint-Exupéry, Le Petit Prince

 

Les récits des enseignant(e)s participant(e)s révèlent comment les interactions avec les enfants/élèves[8] se diversifient lors de leur parcours professionnel en lien avec le cycle éducatif dans lequel elles ont lieu et en référence à la plus ou moins grande dépendance à la réglementation de l’éducation et à leurs conditions de vie[9]. Les changements vécus dans leur parcours sont des moments qui jalonnent la vie professionnelle des enseignant(e)s et qui produisent un changement de regard sur l’enfant, ce qui se traduit par des manières diverses de travailler.

Sachant que l’enfant d’aujourd’hui est assez différent de celui·(celle) qu’ils·(elles) ont été dans leurs propres vies, les enseignant(e)s s’appuient sur leurs souvenirs de leur propre enfance en dialogue avec leur engagement à défendre les droits inscrits dans la Déclaration universelle des droits de l’enfant et la Déclaration de Salamanca. Les enseignant(e)s finissent donc par repenser leurs actions : « J’ai fait des choses que les gamins d’aujourd’hui n’arrivent pas à faire ou n’ont pas l’occasion de faire » (Ana, EI).

Dans sa narration, Cristina réfléchit à son action pédagogique à partir de ses souvenirs d’enfance :

Nous agissons, parfois, comme des adultes, par exemple, j’avais beaucoup de difficultés à manger et ma mère me donnait une assiette. Je trouvais toujours qu’il y avait beaucoup de nourriture et je sais à quel point je souffrais en regardant la nourriture sans avoir l’envie de manger, sans réussir à manger, mais en étant obligée de manger. Parfois c’est difficile de passer en face de la cantine et de voir les enfants obligés de manger sans le vouloir… J’invente un jeu et imagine que la moitié de la nourriture disparaît !… Ils ont le droit de ne pas aimer, de ne pas aimer faire une chose spécifique, de ne pas manger un aliment spécifique, ils ont le droit d’aimer faire plus une chose qu’une autre (Cristina, EI).

Dans l’articulation entre passé et présent, les regards des enseignant(e)s composent à partir de leurs points de vue, de leur soi et de leur façon de penser ce qui impacte leurs pratiques professionnelles. La personne ou la professionnelle se transforme grâce au contexte, aux interactions entre les enseignant(e)s (leurs croyances, savoirs, valeurs et pratiques) et le contexte (les enfants, les conditions sociales, les connaissances, les orientations globales).

L’analyse des récits a aussi mis en évidence que l’enseignant(e) apprend tout en enseignant aux élèves de nouveaux savoirs et de nouvelles connaissances. Les enseignant(e)s apprennent avec les élèves (Pramling-Samuelsson et Johansson, 2009; Sarmento, 2015). Selon Cristina (EI), « les groupes façonnent notre travail, il y a des groupes que nous devons faire bouger et d’autres qui nous font progresser, qui sont toujours dans la quête de nouvelles choses », ou comme le souligne Dulce :

Les enfants ont des réactions bizarres jusqu’au moment où nous arrivons à comprendre le pourquoi de leur réaction et, quand ce moment a lieu, il faut les comprendre… En général, face à ces situations je me rends compte que j’ai besoin encore d’apprendre beaucoup de choses soit pour aborder les parents, soit pour mieux les écouter quand ils questionnent (Dulce, 1CC).

Dans cette dynamique interactive, on remarque que, partant de ce qu’ils·(elles) savent, et non de leurs lacunes, « les enfants prennent une place centrale et deviennent des acteurs, de leur propre formation et de celle des adultes » (Leal da Costa et Nunes, 2016 : p. 133).

À partir du récit d’Isabel, comme chez d’autres, il est possible de constater l’expression d’engagement vis-à-vis des enfants, ce qui renforce le caractère humain de la profession d’enseignant(e) :

Je m’engage éthiquement dans ma pratique professionnelle à respecter le droit de chaque enfant de bénéficier d’un environnement éducatif de qualité, où la salle de cours devient un espace qui lui appartient, un microcosme d’une société démocratique et de citoyenneté créée par les enfants. Je garde mon engagement éthique avec les enfants les plus vulnérables (CDE[10], 1989, art. 28 et 29), comme le droit de chaque enfant de bénéficier d’une égalité d’opportunités d’apprentissage et d’où rayonne une vie communautaire (Isabel, EI).

Dans certains récits, il est possible d’observer l’ambiguïté de l’utilisation d’un discours où l’enfant est reconnu(e) en tant qu’acteur(trice) social(e) participant aux processus de décision mais où la normativité est aussi marquante. En d’autres termes, ces récits semblent manifester l’idée d’une éducation de qualité qui présuppose que les enfants ont l’opportunité d’interagir avec les autres, avec les adultes et avec l’environnement dans le sens défendu par Katz (2006). Ainsi, une enseignante nous a dit : « Dans cette dynamique de travail, tous participent, tous planifient leurs activités, tous réfléchissent sur les problèmes et trouvent des solutions ensemble » (Teresa, EI). Cependant, bien que ces paroles montrent une bonne volonté, il est possible de repérer aussi l’existence d’un discours fortement normatif dans lequel le « devoir » est passablement présent : « L’éducateur est celui qui oriente, qui suscite chez l’enfant l’envie de construire sa propre connaissance » (Teresa, EI), ce qui révèle une posture transmissive où la connaissance et la volonté d’apprendre sont apportées à l’enfant. Dans cet exemple, il semble important de souligner que l’enseignante valorise le langage qui permet de mettre en place et de maintenir les interactions sociales (Sim-Sim et al., 2008). D’ailleurs, elle reconnaît que les enfants ont besoin d’interactions nombreuses et continues avec des adultes de référence (Katz, 2006) qui soient enrichissantes et impliquantes. Toutefois, son discours montre simultanément une contradiction à partir du moment où les enfants ne sont pas vus en tant que participants actifs d’une idée du monde qui les entoure, ni même comme des personnes capables de trouver du sens aux propres expériences à travers l’échange, le dialogue et les discussions avec les autres.

Quand les enseignant(e)s narrent leurs expériences pédagogiques, ils·(elles) prennent du recul afin d’analyser leurs positionnements, ce qui montre que la réaction des enfants dirige ou influence leurs actions professionnelles, tel qu’évoqué par Elizabeth :

Malgré l’agitation du groupe et le besoin d’intervention de l’adulte, dans beaucoup de situations de conflit, les soucis dans la salle ont diminué; le fait d’enregistrer les situations passées dans un « carnet » afin d’en discuter après, lors de la réunion du conseil[11], peut aider à la gestion. Mon espoir de réussir à réguler quelques comportements moins appropriés n’a pas disparu et je compte sur les réunions du conseil pour accomplir cette tâche (Elizabeth, 1CC).

Face à cette situation, relevons que la mise en place d’apprentissages de base holistiques et diversifiés, avec une valorisation de l’erreur suite au questionnement, peut aider à démocratiser la participation et l’expérience et favoriser ainsi une écoute attentive de l’enfant. La participation de plusieurs acteur(trice)s (professeur(e)s, enfants) et la réflexion rendent possibles l’élargissement et la négociation du sens (du vécu, de l’expérience) favorisant ainsi la construction d’une pratique pédagogique de qualité (Folque et al., 2016).

Dans les récits émergent également plusieurs réflexions qui mettent en exergue les préoccupations des enseignant(e)s face aux difficultés des parents à répondre adéquatement à leurs enfants, ce qui produit des résonances dans les relations parents-enfants et parents-enseignant(e)s.

Puisque les gens n’ont pas le temps, les parents n’ont pas le temps, ils ne sont pas disponibles pour les écouter (…) ils ont besoin de parler, d’écrire parfois… (…) Quand la relation, par exemple, d’un membre de la famille n’est pas très bonne, qu’il y a des problèmes entre les parents, ils en souffrent beaucoup (Maria, 1CC).

Les changements au niveau des structures et dynamiques familiales sont souvent présents dans les récits et sont mobilisés pour expliquer leur influence dans les représentations et pratiques des professionnel(le)s :

En même temps que le nombre de modèles familiaux augmente, ce qui est dramatique, c’est qu’il se crée une sorte d’égalité, un ressenti de parallélisme qui permet le partage. Ils disent, par exemple, « Je suis égale à Maria car la même chose s’est passée avec elle », parfois (…) eux-mêmes se retrouvent dans ce contexte et ce qui se passe devient normal (…) il y a un schéma qu’ils reconnaissent et qui est en train de se construire à mon avis, mais où ils s’intègrent et n’ont pas de sentiment de solitude (Manuel, 1CC).

Par l’expression « ce qui est dramatique », l’enseignant montre son positionnement face aux changements sociaux qui ont eu lieu et qui l’obligent à réviser ses interactions afin d’accepter les nouveaux schémas familiaux et d’offrir plus de sécurité et d’accueil aux enfants. En d’autres termes, il est important que ces enseignant(e)s prennent le risque d’écouter la voix des enfants en mettant en cause les conceptions non questionnées auparavant afin d’apprendre « à partir de différents points de vue pour provoquer l’émergence d’une nouvelle culture – une culture de l’apprentissage » (Correia et al., 2002 : p. 24).

Les identités professionnelles obligent à analyser les processus éventuels de construction sociale qui s’articulent avec le temps et les circonstances dans la différenciation et la généralisation (Dubar, 1991; Leal da Costa et Nunes, 2016; Leal da Costa et Alves, 2018; Sarmento, 2009). Le récit de Julia (EI), quant à la formation collective des enseignant(e)s, met en avant la réflexion partagée des pratiques pédagogiques, l’intérêt de construire la connaissance au moyen de la formation personnelle/professionnelle : « Avec la richesse des partages, nous apprenons à changer notre regard, à affiner notre sensibilité. »

Giroux (1998) défend l’idée que les enseignant(e)s sont des intellectuel(le)s critiques et transformateur(trice)s qui cherchent dans la formation théorique et dans la réflexion sur leurs expériences les réponses aux questions qui émergent du quotidien. En tant que tel(le)s, les enseignant(e)s exercent « activement la responsabilité de proposer des questions sérieuses à propos de ce qu’ils enseignent, sur la façon dont ils doivent apprendre et sur les objectifs généraux auxquels ils cherchent à répondre » (Giroux, 1998 : p. 176). En amont des contenus académiques, les enseignant(e)s de maternelle et de primaire apprennent à travailler à partir de la relation qu’ils·(elles) construisent avec ces enfants, leurs familles et la communauté, ce qui produit petit à petit des interventions sociales. Pour nous, enseignantes à l’université, formatrices d’enseignants et chercheuses, l’écoute de leurs récits est fondamentale.

En guise de conclusion – Écouter est un art

Vous dites :
– C’est épuisant de s’occuper des enfants.

Vous avez raison.

Vous ajoutez :
– Parce que nous devons nous mettre à leur niveau. Nous baisser, nous pencher, nous courber, nous rapetisser.

Là, vous vous trompez.
Ce n’est pas tant cela qui fatigue le plus, que le fait d’être obligé de nous élever jusqu’à la hauteur de leurs sentiments.
De nous élever, nous étirer,
nous mettre sur la pointe des pieds, nous tendre.
Pour ne pas les blesser.

Janusz Korczak, Le Droit de l’enfant au respect

 

En guise de conclusion, rappelons les idées centrales présentées. Les méthodes biographiques constituent une démarche fondamentale pour comprendre les identités professionnelles des enseignant(e)s, leurs façons de se construire et de se développer professionnellement, ainsi que l’épistémologie de leurs savoirs et le sens qu’ils (elles) attribuent aux interactions avec les enfants (leurs familles et personnes proches) tout au long de leur parcours. Ce qui au début nous a motivées à nous focaliser sur l’identité professionnelle comme objet d’étude, notamment la (re)construction de cette identité par le biais d’une recherche biographique et des entretiens narratifs, nous a aussi orientées vers une quête de sens quant à l’action professionnelle à l’université. Cela a été l’occasion d’affirmer les valeurs intrinsèques de la recherche biographique, qui se penche à la fois sur la constitution de l’individu au sein de la structure sociale, sur le dialogue entre l’expérience singulière et les cadres de l’expérience, et sur la société telle qu’elle est vécue et constituée (Delory-Momberger, 2005, 2014 et 2016).

Le projet « Que faire face à ce que l’on nous fait… Identités professionnelles en (re)construction » a permis aux chercheuses portugaises et brésiliennes de se focaliser sur l’analyse des identités professionnelles, soit en abordant différentes dimensions (formation, interactions, organisation de l’éducation, etc.), soit en abordant des thématiques de manière articulée.

Considérer les interactions des enseignant(e)s avec les enfants permet de lever quelques ambiguïtés présentes, d’un côté, dans les discours qui défendent les interactions horizontales entre l’enfant et l’adulte et, de l’autre, dans les descriptions de pratiques centrées sur l’action de l’adulte et mettant l’enfant dans une place de répondant(e). Par ailleurs, les récits relèvent des propos et principes éducatifs relatifs à la défense du bien-être et à la valorisation des droits des enfants. Nous rappelons, comme nous l’avons lu chez Korczak (2009), « que le premier et le plus indiscutable des droits de l’enfant est celui qui lui permet d’exprimer librement ses idées et de prendre une part active au débat qui concerne l’appréciation de sa conduite et de [si nécessaire] sa punition » (p. 123).

Il est possible de mettre également en avant les transitions idéologiques relatives à la conception de l’enfant chez les enseignant(e)s qui partent, d’une part, d’un modèle de famille et de société idéales imprégnées par leurs propres expériences personnelles et, d’autre part, de réalités diverses auxquelles ils·(elles) se confrontent actuellement. C’est pourquoi ces enseignant(e)s sont amené(e)s à reconsidérer leurs pratiques et leurs interactions avec les familles des enfants qu’ils·(elles) accompagnent.

Notre analyse insiste sur le besoin de comprendre les personnes et les contextes où les pratiques professionnelles se développent, afin de véritablement accompagner les actuel(le)s et futur(e)s enseignant(e)s et sur la nécessité d’encourager les relations de coopération entre les universités, les enseignant(e)s et les futur(e)s enseignant(e)s dans leurs contextes professionnels. Travailler dans le champ de la formation d’enseignant(e)s nous permet, aussi, d’attribuer un sens opérationnel au soin déployé dans l’accompagnement comme dimension structurante du développement humain. Notre activité auprès des enseignant(e)s nous permet d’inscrire une certaine dimension opératoire du concept de soin dans la pratique professionnelle éducative et d’affirmer qu’il peut signifier aussi se projeter, valoriser les souvenirs, savoir écouter et apprendre ensemble. La participation à des processus d’investigation collaborative nous motive donc à continuer sur cette route et à questionner les savoirs inachevés. Finalement, cheminer signifie pour nous la certitude que « le voyage ne commence pas quand nous parcourons les distances, mais quand nous traversons nos frontières intérieures » (Couto, 2006 : p. 234).

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  1. La recherche dont est issu ce texte a été financée par la FCT (Fundação para a Ciência e a Tecnologia), I. P., dans le cadre du UID/CED/04312/2019 et du POCI-01-0145-FEDER-007562.
  2.  Selon Delory-Momberger (2014 et 2016), la biographisation est une construction personnelle en interaction avec le milieu socio-professionnel. Elle est entendue comme une activité de structuration, d’interprétation et d’appropriation de l’expérience menée en particulier à travers des opérations de configuration narrative. L’activité de biographisation se présente comme un processus de formation des enseignant(e)s par lequel les individus configurent leur expérience et leur existence au sein de leur milieu socio-professionnel.
  3.  Shulman (2005) renforce ces liens. En effet, cet auteur associe la construction de savoirs au fait d’apprendre à penser en tant que professionnel(le), à apprendre de la pratique qui permet d’agir en tant que tel, ainsi qu’à l’apprentissage moral associé aux dimensions de la responsabilité et de l’éthique.
  4.  Les études d’Alheit (2009), déjà inspirées de celles d’Alheit et Dausein (2000 et 2006), reposent sur l’idée que l’apprentissage dans et à travers l’histoire de vie est un processus interactif et socialement structuré, sans oublier le caractère individuel produit par la structure spécifique et biographiée de l’expérience. Ce positionnement peut être compris dans une perspective plus large, avec l’approche du concept d’apprentissage tout au long de la vie. Ces idées sont, par ailleurs, poursuivies par Delory-Momberger (2005 et 2014). Dans une perspective macro, il est possible d’inscrire le concept d’apprentissage biographique en tant que microperspective. Cette vision a comme présupposé que la nature de l’éducation de l’être humain provoque des changements dans la contemporanéité au travers des mutations technologiques et sociales vécues. De telles études où biographicité et biographisation constituent des concepts éclaircis montrent que les individus assument actuellement un type de connaissance et de compréhension des sujets qui ne s’appuie pas sur des connaissances spécifiques et permanentes. L’idée d’apprentissage tout au long de la vie, notamment l’auto-apprentissage, montre une cohérence avec ce processus.
  5.  Il existe une traduction brésilienne de Alheit et Dausien (2000), réalisée en 2006 par Teresa Van Acker, de la version française de Christine Delory-Momberger, « Processus de formation et apprentissages tout au long de la vie », publiée dans Orientation scolaire et professionnelle, 2005, n° 1.
  6. Les chercheuses qui intègrent ce projet sont toutes enseignantes dans des universités et engagées dans des cours de formation d’enseignants. Les institutions concernées au Portugal sont l’Université do Minho et l’Université d’Évora, et, au Brésil, l’Université fédérale de Mato Grosso, l’Université fédérale du Rio Grande do Norte et l’Université de l’État de São Paulo.
  7. Il nous importera par la suite de faire la distinction entre les termes enfant et élève en tenant compte que l’élève est « outre un élève, un enfant » (Perrenoud, 1995 : p. 32) dans cet environnement scolaire où il·(elle) consacre une longue période de son enfance.
  8.  Comme déjà exprimé précédemment en note, notre étude s’attache à distinguer le statut de l’enfant de celui de l’élève. Dans la même ligne de pensée que Perrenoud, nous comprenons que l’école s’est traduite, presque exclusivement, par un développement des enfants en tant qu’êtres apprenant des savoirs universels dits fondamentaux, faisant fi très souvent de leur développement global comme personnes. Néanmoins, la personne-enfant est de fait toujours là, et on rapporte fréquemment des situations de sa vie pouvant être écoutées (ou pas) et servant de support à des actions pédagogiques et éducatives. Être attentif(ve) aux narrations biographiques que les enfants réalisent dans leur vie scolaire de tous les jours s’intègre dans la conviction que cette pratique encourage la croissance et le développement d’une culture d’écoute entre tous ceux impliqués dans le travail avec l’enfant, et dans la valorisation et le respect de ses points de vue (Leal da Costa et Sarmento, 2018).
  9.  Les extraits présentés sont identifiés par le pseudonyme de chaque participant(e) suivi du sigle EI pour les enseignant(e)s d’élèves de 3 à 6 ans, ou du sigle 1CC pour les enseignant(e)s d’élèves de 6 à 10 ans, ce qui correspond au premier cycle du primaire au Portugal. Les extraits choisis sont des traductions libres faites par les auteures.
  10.  Convention relative aux droits de l’enfant. Voir https://www.francophonie.org/IMG/pdf/Convention_droits_de_l_enfant_N-Y_1989.pdf
  11. Le carnet et le conseil de classe sont deux instruments pédagogiques propres au modèle pédagogique du Mouvement de l’école moderne au Portugal. Ce modèle valorise l’autorégulation partagée entre les enfants et les enseignants.

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