12 Sara Lacroix

Juliane Anger, Léo Le Roux

Sara Lacroix est née dans une famille de commerçant-e-s[1]. Elle est de nationalité française, âgée de 48 ans, mariée, sans enfant. Elle est atteinte d’une spondylarthrite ankylosante et d’une fibromyalgie.

Sara se décrit comme ayant été une élève moyenne. Après avoir redoublé sa classe de seconde, elle s’oriente vers un baccalauréat scientifique qu’elle obtient en 1993. Elle décide de s’inscrire dans une classe préparatoire où elle « [ne tient qu’] un trimestre ». Elle n’apprécie pas l’ambiance de compétition inhérente aux classes préparatoires, et s’oriente vers une licence de biochimie-chimie. Elle termine son DEUG en deux ans, puis passe sa licence avec succès la troisième année. Elle a pour but de présenter l’IUFM (Institut de formation des maîtres) et de devenir professeure des écoles. Après deux années passées à l’IUFM, Sara obtient son diplôme d’institutrice.

Elle travaille dans différentes écoles parisiennes pendant cinq ans, puis obtient sa titularisation au sein d’une école REP (Réseau d’éducation prioritaire). Elle y reste durant sept ans, avant de déménager avec son mari dans une autre grande ville française, et d’y demander sa mutation.

Pendant ses études supérieures, au milieu des années 1990, Sara Lacroix commence à souffrir de douleurs chroniques. Il s’agit de douleurs d’origine inflammatoire. Très sportive, Sara attribue ces douleurs à des courbatures ou des blessures liées à sa pratique intense. Son médecin lui prescrit un test génétique pour dépister la spondylarthrite ankylosante. Le résultat est positif. Sara explique qu’elle redoute alors la survenue d’autres maladies chroniques potentiellement liées à la spondylarthrite, comme la maladie de Crohn. Elle vit l’annonce de ce diagnostic « comme un drame », et ne trouve pas au sein de sa famille l’écoute dont elle aurait tant besoin, ce qui la conduit à ne pas évoquer sa maladie devant ses proches.

Sara décide alors de se tourner vers les médecines douces. Elle décide de modifier son alimentation dans le but d’atténuer les douleurs. Elle déplore une certaine incompréhension de la part des spécialistes, notamment des différent-e-s rhumatologues qu’elle a pu consulter. Elle décrit une situation d’« errance thérapeutique » entre 2003 et 2018, vécue par elle de manière violente. Elle relate des consultations médicales traumatisantes et parle de médecins « autoritaires », ou tenant ses douleurs pour quantité négligeable ce qui la conduit à se détourner de la médecine conventionnelle. Un homéopathe consulté en 2007 dans la région parisienne évoque l’existence de douleurs « myalgiques », sans qu’un nouveau diagnostic soit posé.

Sara continue d’exercer son métier d’institutrice à temps plein, tout en passant de multiples examens pour comprendre l’origine des douleurs qu’elle ressent. En 2017 son médecin généraliste lui conseille de consulter une nouvelle rhumatologue « plus jeune ». Sara a un bon contact avec cette nouvelle médecin, qui la réfère à d’autres spécialistes lesquels concluent à l’existence d’une fibromyalgie, probablement liée à la spondylarthrite.

Sara est alors hospitalisée durant cinq jours dans un service d’algologie. Elle vit cette expérience de manière très négative. Elle décrit la vétusté des locaux, le caractère « autoritaire » des médecins du service, et les nombreuses crises de larmes qui la submergent alors. Elle se « met à distance » à la suite d’une altercation avec l’algologue et sort de l’hôpital. Elle fait elle-même le lien entre sa fibromyalgie et son vécu traumatique – elle a été victime de sexisme -, ce qu’elle retrouve également chez d’autres femmes de sa connaissance atteintes par cette maladie.

Sara décrit un quotidien comme centré sur son travail d’enseignante. Elle se rend au travail à pied, jardine et s’occupe de son intérieur. Elle apprécie particulièrement son travail, qui lui fait se sentir utile.

En 2019, elle obtient « très facilement » la RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé) après en avoir discuté avec un collègue. Elle explique qu’elle a mis du temps à effectuer cette demande de reconnaissance car, se souvenant de ce qu’elle a vécu dans sa famille, elle n’aime pas parler de ses maladies. Elle obtient également la carte « Station debout pénible », ainsi que des aménagements de son poste de travail, en accord avec l’Éducation Nationale. Cela lui permet de conserver son emploi à plein temps, mais de ne plus être obligée de surveiller la récréation, ce qui la fait bénéficier de pauses dans la journée. Elle déplore que les activités qu’elle n’est pas en mesure de faire avec ses élèves, comme les sorties à la piscine, incombent à ses collègues et non à une personne dédiée. Elle fait alors le choix de les assurer elle-même « pour ne pas priver » ses élèves.

Pendant la pandémie de Covid-19, Sara a fait le choix de suspendre son suivi médical car elle redoute de contracter la maladie, étant fragilisée par la spondylarthrite ankylosante, qui se trouve être une maladie auto-immune. Elle n’a pas non plus souhaité se faire vacciner, ce qui lui complique l’accès à l’hôpital, du fait de la mise en place du pass vaccinal. Sara se contente de prendre des compléments alimentaires et préserve sa qualité de vie en limitant les activités susceptibles de la fatiguer. Elle est particulièrement reconnaissante envers son mari de lui apporter son soutien. Elle explique qu’il est toujours à son écoute et ne manque pas de l’accompagner à ses nombreux rendez-vous médicaux.

Après avoir rencontré à l’hôpital d’autres femmes atteintes de la même pathologie, Sara Lacroix est devenue membre de l’association Fibromyalgie France. Il lui tient à cœur de faire mieux connaître la maladie et de contribuer à créer un espace de parole bienveillant à ce sujet.


  1. Les prénom et nom ont été modifiés. Portrait préparé par Léo Le Roux à partir d’un entretien réalisé par Juliane Anger.

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