5 Angela Duclos
Juliane Anger, Léo Le Roux
Angela Duclos est une femme de 51 ans de nationalité française[1]. Elle vient d’une région rurale du Sud de la France. Elle vit avec son compagnon depuis 2009, et n’a pas d’enfants. Elle est issue de la classe moyenne, ses deux parents étaient des militaires de carrière. Elle souffre d’une fibromyalgie diagnostiquée en 2013. Suite à la découverte de sa maladie chronique, elle a arrêté en 2019 son activité professionnelle de fonctionnaire en laboratoire de recherches.
Après ses études secondaires, Angela s’inscrit en DEUG d’anglais (Diplôme d’études universitaires générales), ce qui ne lui convient pas du fait des « contours flous » de la formation. Elle se réoriente alors, et opte pour un BTS tourisme (Brevet de technicien supérieur), mais ces deux années d’études ne seront pas sanctionnées par un diplôme. En effet, Angela, intéressée par le tourisme, et par le métier de guide-conférencière (ce qui aurait nécessité une année d’études supplémentaire) connaît des problèmes psychiques : elle ressent « des angoisses » liées à la poursuite de ses études. Elle décide alors de s’engager dans la vie active.
Après un stage dans un hôtel, Angela part pour une durée de trois mois aux États-Unis, ce qu’elle envisage comme une césure avant de démarrer réellement la vie active. À son retour, elle travaille pour des tour-opérateurs. Elle explique qu’elle a « bien aimé » cette expérience dans le domaine du tourisme. En 1993, elle répond à diverses offres d’emplois en région parisienne dans le secteur du tourisme. Elle ne reçoit aucune réponse positive. Une amie de sa mère lui conseille de se présenter aux concours de la fonction publique. Après avoir ainsi passé un concours, elle devient agente d’accueil au sein d’un important établissement public, puis évolue dans différents services où elle travaille à temps plein. Angela apprécie « la polyvalence des tâches » et le fait de « travailler en équipe », mais le « manque de reconnaissance du travail » la blesse : son salaire augmente très peu alors qu’elle effectue des tâches qualifiées.
En 2008, Angela développe les premiers symptômes de sa maladie chronique. Elle traverse alors une période d’angoisse, et consulte un psychiatre qui lui prescrit des antidépresseurs. Au même moment, elle commence à souffrir de fatigue chronique, ce qui la conduit à demander une réduction de son temps de travail à 80 %. Dans cette même période, Angela se met à ressentir des douleurs intenses et il lui devint impossible de pratiquer des activités comme la randonnée. Après avoir vécu trois ans dans deux endroits, elle s’installe avec son compagnon en 2009. En 2010, elle souffre d’un état inflammatoire aigu qui la fait se tourner vers des thérapeutiques comme l’acupuncture ou la naturopathie, plutôt que d’aller à l’hôpital à qui elle reproche « une froideur », qui l’a détournée de la médecine conventionnelle et rapprochée des médecines dites douces.
En 2013, on lui diagnostique une capsulite, et son médecin traitant lui confirme qu’elle souffre de fibromyalgie. Elle se dit « soulagée » par l’annonce du diagnostic car la période d’errance médicale qu’elle a traversée et la survenue de douleurs intenses l’ont énormément fatiguée. On lui explique que cette pathologie serait une répercussion somatique de l’anxiété et des troubles du comportement alimentaire qu’elle a connus au cours de sa vie.
En 2016, une rhumatologue conseille à Angela de consulter dans un centre anti-douleur où elle suit des séances de thérapie de groupe, ce qui l’empêche « de s’enfoncer dans l’isolement, dans la douleur ». Elle se sent comprise par les autres participantes, qui traversent les mêmes difficultés qu’elle. Son parcours médical est aussi marqué par la négation de son diagnostic par un autre rhumatologue, même si elle affirme que la grande majorité des professionnel-les de santé consulté-es avaient connaissance de la pathologie dont elle souffre.
En plus de son suivi en centre de la douleur, Angela demande à son employeur un congé longue maladie fractionné, afin de pouvoir tenir compte de ses douleurs chroniques tout en exerçant son métier. À cette fin, des rendez-vous sont prévus tous les six mois avec des médecins experts. Elle déplore que « des personnes ne comprennent pas » sa pathologie, sous prétexte que celle-ci est « invisible ». Elle fait notamment allusion à des collègues de travail et à certaines connaissances. Pour autant, on ne lui fait jamais de remarque directe, et dans l’ensemble ses collègues se montrent compréhensifs et compatissants, tenant compte « de manière neutre de [s]on état ». Au sein même de son foyer, son conjoint, qui « a du mal avec la maladie », pouvait parfois avoir du mal à supporter sa fatigue chronique. La rencontre avec d’autres malades et des recherches personnelles sur la maladie l’ont aidé à changer d’attitude.
À la suite d’un rendez-vous avec la médecine du travail en 2019, Angela est contrainte de s’arrêter de travailler. Elle explique qu’elle était arrivée « à un tel point de fatigue », qu’elle ne parvenait plus à assurer son activité salariée, même par intermittence. Au moment où elle s’arrête, Angela percevait un salaire mensuel de 1800€ environ. Si initialement Angela avait été étonnée par la décision de la médecine du travail, avec un recul de deux années, elle estime que cette décision était « juste ». Le montant de l’aide financière dont elle bénéficie est alors de 950€ par mois.
Depuis qu’elle s’est arrêtée de travailler, ses journées sont principalement consacrées à ses soins, à la pratique sportive dans le cadre d’une association et aux tâches domestiques. Angela explique que c’est principalement elle qui s’occupe du foyer dans la mesure où son conjoint « travaille à temps plein ». Ses soins sont en grande partie à sa charge puisqu’elle a décidé de se tourner vers les médecines dites « douces » et de poursuivre une psychothérapie. Elle précise qu’elle « étale » ses séances, pour que ces dépenses ne pèsent pas trop sur son budget mensuel. Angela a décidé d’adhérer à l’association Fibromyalgie France. Il lui tient à cœur de faire connaître la maladie en se portant volontaire pour répondre régulièrement à des enquêtes et en se tenant informée par le biais de newsletters.
- Les prénom et nom ont été modifiés. Portrait préparé par Léo Le Roux à partir d’un entretien réalisé par Juliane Anger. ↵