9 Armelle Maignan
Mathéa Boudinet, Léo Le Roux
Armelle Maignan est une femme de 31 ans, originaire de l’Ouest de la France[1]. Elle est célibataire sans enfants. Elle est actuellement en recherche d’emploi, et souhaiterait obtenir un poste d’assistante de gestion ou de communication. Depuis sa naissance, elle est atteinte d’un handicap moteur à la suite d’une lésion de la moelle épinière. Elle a également un trouble de l’attention.
Les parents adoptifs d’Armelle travaillent dans le secteur de la santé. Dès la maternelle, elle est scolarisée dans une école ordinaire où elle bénéficie d’une AVS (Auxiliaire de vie scolaire). Elle se déplace en fauteuil roulant pour les trajets quotidiens, mais peut marcher seule sur de courtes distances en intérieur. Ses parents effectuent des démarches auprès de la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées) pour obtenir une carte de stationnement, ainsi que l’AEEH (Allocation d’éducation de l’enfant handicapé). Ils obtiennent également de l’école que la salle de classe de leur fille soit au rez-de-chaussée ou que celle-ci puisse emprunter l’ascenseur.
Le collège de secteur public dont Armelle Maignan dépend ne possédant pas d’ascenseur, ses parents sont contraints de l’inscrire dans un collège privé, afin qu’elle puisse continuer à bénéficier des aménagements qui lui sont indispensables. Elle raconte le harcèlement scolaire dont elle a été victime au cours de cette période du fait de son handicap. Si la plupart des aménagements rendus nécessaires à cause de son handicap moteur ont bien été effectués par l’établissement, elle devait par elle-même « anticiper » d’autres problèmes : les déplacements d’un endroit à l’autre en fauteuil roulant, ou encore la difficulté qu’elle rencontrait dans la réalisation de travaux de groupe du fait de son trouble de l’attention.
Après avoir obtenu son Brevet des collèges, Armelle poursuit ses études par un BEP secrétariat. Elle estime que cette orientation est principalement le choix de son établissement scolaire ; Elle considère a posteriori que celle-ci est liée à la fois à son sexe et à son handicap : elle précise que ses résultats étaient « dans la moyenne » et qu’elle se sentait capable de poursuivre un cursus général. Pour autant, elle explique qu’elle s’épanouit au cours de ces deux années de formation Grâce à son réseau familial, elle effectue un premier stage dans une association qui se consacre aux personnes ayant un handicap moteur, et un autre dans une agence immobilière.
Armelle obtient son BEP en 2006, et décide de poursuivre ses études pour passer un baccalauréat STG (Sciences et technologies de la gestion). Son objectif est d’obtenir « au moins le bac », afin d’avoir un diplôme qu’elle estime « plus reconnu » qu’un BEP. Elle obtient son bac STG en 2008, après avoir bénéficié des mêmes aménagements, et au sein du même lycée. Elle est alors intéressée par un BTS (Brevet de technicien supérieur) en communication, et se souvient que, plus jeune, elle avait exprimé le désir de devenir attachée de presse. Elle postule dans différents établissements proposant un BTS à proximité de chez ses parents, et est acceptée dans une structure située à une heure de route.
En 2010, Armelle s’installe seule dans un studio, et commence son BTS. Elle touche l’AAH (Allocation aux adultes handicapés), qu’elle a obtenue directement à sa majorité. Pour elle, les démarches effectuées pour obtenir cette aide sont dans la droite ligne dans de celles de ses parents. Elle utilise cet argent pour couvrir ses dépenses quotidiennes, et sa famille lui envoie un peu d’argent en complément chaque mois. Sa première année d’études est difficile. Armelle raconte qu’elle a connu des problèmes psychiques et souffert d’un sentiment de solitude qu’elle associe à une forte charge de travail. Elle décide alors de passer le permis de conduire. Sa deuxième année universitaire doit être effectuée en alternance. Elle s’inscrit à Pôle Emploi mais c’est grâce à l’aide de l’école qu’Armelle finit par trouver en répondant à diverses offres. Pour ce faire, elle « minimise » son handicap, surtout en ce qui concerne ses capacités de déplacement. Toutefois, elle n’hésite pas à faire figurer sa RQTH sur son CV et parle de son handicap au moment de sa demande d’entretien.
Elle est embauchée au sein d’une entreprise d’aéronautique deux jours par semaine, et suis ses cours les trois autres jours. Elle décrit ce rythme comme « épuisant », les locaux étant éloignés de son domicile et de son école. Elle qualifie tout de même cette expérience d’enrichissante. Au terme de sa deuxième année, elle n’obtient pas son BTS, du fait de notes insuffisantes. Elle décide alors de ne pas redoubler et de commencer à travailler.
Armelle se met à la recherche d’un emploi entre juillet 2012 et janvier 2013, et accepte la proposition de Pôle Emploi pour une remise à niveau. Entre 2013 et 2014, elle fait le choix d’effectuer une mission de service civique au sein d’une radio associative. Pour elle, le monde associatif se montre plus compréhensif vis-à-vis du handicap. Bien que les locaux soient difficilement accessibles, elle dit s’épanouir à son poste, et elle apprécie particulièrement d’être suivie dans son travail par un encadrant. Elle touche alors le salaire alloué pour un service civique, plus un complément de l’AAH.
Armelle Maignan prend alors la décision d’emménager seule dans la ville dont elle est originaire, et poursuit sa recherche d’emploi. Sa conseillère Pôle Emploi la recommande pour un CDD de trois mois en tant que secrétaire au sein de l’agence Pôle Emploi qui la suit. Cette expérience professionnelle la satisfait, son environnement de travail et ses collègues se montrent compréhensifs. À la fin de son CDD, Armelle, toujours à la recherche d’un emploi, s’inscrit dans des agences d’intérim. Elle est alors contactée pour réaliser plusieurs missions au sein d’un groupe bancaire entre juillet 2015 et mai 2016. Elle effectue des tâches administratives dans l’entreprise, qui est entièrement accessible aux personnes porteuses de handicap, mais se sent limitée dans le choix des postes auxquels elle pourrait prétendre, du fait de la non-obtention de son BTS. En septembre 2016, elle décide alors de reprendre ses études pour tenter d’obtenir un BTS d’assistante de gestion. Ce second BTS est effectué en alternance dans une entreprise de transports. Au cours de cette année, elle subit des remarques « misogynes » de la part de son supérieur qui cherche à la faire démissionner. Armelle obtient tout de même son diplôme en 2018, toujours avec les mêmes aménagements.
En septembre 2018, elle décide de s’inscrire en Bachelor de communication. Elle qui voulait dans un premier temps arrêter ses études après l’obtention de son BTS, exprime le désir d’approfondir le domaine de la communication, pour « plus de polyvalence ». À cette époque, elle tient un blog sur le parcours des femmes handicapées, et sur sa vie personnelle. Elle est également bénévole dans plusieurs associations où elle s’occupe de la communication. Dans le cadre de sa Licence, elle effectue son alternance au sein d’une mairie. Malheureusement, le parking du bâtiment est inaccessible une journée par semaine en raison du marché, mais la municipalité ne propose pas de solutions. D’autre part, sa hiérarchie ne l’aide pas à trouver des aménagements en dépit des propositions qu’Armelle fait (réduction des déplacements, place de parking adaptée). Elle arrive à la fin de ses droits dans le courant de l’année, et tente d’obtenir des aides de la part de l’Agefiph (Association nationale de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées) pour terminer son cursus, mais ne percevra plus que l’AAH jusqu’à la fin de l’année universitaire. Elle obtient son Bachelor en 2019.
Après l’obtention de son diplôme, Armelle Maignan se met à la recherche d’un emploi. Elle décrit une période très difficile, faite de nombreux entretiens, dont aucun ne débouche sur une proposition d’embauche. Elle mentionne la RQTH sur son CV, mais craint que son handicap et les aménagements qu’il nécessite soient à même de décourager d’éventuels employeurs. Bien que n’ayant jamais vécu de situation explicite de discrimination du fait de son handicap, elle a le sentiment que certains recruteurs ont pu l’écarter pour cette raison.
Le premier confinement lié à la pandémie de Covid constitue une période particulièrement difficile pour Armelle. Sa seule source de revenus est l’AAH, et elle éprouve des craintes pour sa santé physique qui se dégrade.
Elle trouve de nouveau un emploi en septembre 2020, par l’intermédiaire de Pôle Emploi. Elle exprime son « besoin de travailler », d’une part car il n’est pas envisageable pour elle de vivre uniquement de l’AAH sans toucher de salaire, et d’autre part, pour assurer une continuité dans ses expériences professionnelles, pour que son CV reste « rempli ». S’ensuivra alors des périodes de chômage et contrats courts.
Armelle traverse une période de remise en question quant à son avenir professionnel et à ses désirs pour l’avenir. Elle exprime son souhait de travailler à temps partiel, afin de pouvoir se reposer, s’occuper de sa santé et développer son blog. Elle se promet d’être plus exigeante quant aux propositions d’emploi qu’elle sélectionne, et de n’accepter que les offres qui correspondent à ses compétences et lui offrent une autonomie financière suffisante.
- Portrait préparé par Léo Le Roux à partir d’un entretien réalisé par Mathéa Boudinet. ↵