13 Nathalie Petit
Mathéa Boudinet, Léo Le Roux
Nathalie Petit, âgée de 30 ans, vit en ville avec sa mère[1]. Elle est née avec un handicap moteur qui la limite dans ses déplacements et son élocution. Elle n’est plus salariée depuis juillet 2019 et recherche un emploi dans le domaine des ressources humaines.
Nathalie Petit effectue sa scolarité en milieu ordinaire. Elle déclare y accorder beaucoup d’importance, considérant que son niveau était trop élevé pour être scolarisée en milieu protégé. Ses bons résultats lui permettent d’entrer dans un lycée général où elle obtient un bac littéraire, option anglais. Le médecin du lycée la pousse alors à faire une demande de reconnaissance de handicap par la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées). Pour Nathalie, il s’agit d’une démarche difficile, car cela implique de reconnaître que l’« étiquette handicapé » s’applique à elle. Ses demandes de statut particulier et d’allocations (dont l’Allocation aux adultes handicapés) sont rejetées, ce qui la conduit à contracter un prêt étudiant.
Après l’obtention de son baccalauréat, Nathalie s’oriente vers une licence d’anglais, littérature et civilisation anglophone. Elle justifie cette orientation par sa passion pour le Royaume-Uni. En parallèle, elle apprend le japonais en autodidacte avec le CNED (Centre national d’enseignement à distance). Elle demande des aménagements au médecin de l’université, mais ceux-ci ne sont pas mis en place dans les cours où elle est inscrite. Elle explique qu’elle se heurte à l’attitude hostile d’une partie du corps enseignant. À la fin de sa deuxième année, elle demande à partir en séjour Erasmus (Programme d’action européen pour la mobilité des étudiants), mais celui-ci lui est refusé par une professeure. Nathalie considère que ce refus est lié à son handicap.
Nathalie parvient toutefois à organiser une année d’échange avec l’Angleterre. Ce séjour boucle son cycle de licence, et elle poursuit son cursus par un master de recherche en civilisation anglophone.
En 2013, Nathalie Petit se casse une jambe, ce qui l’empêche de terminer son master de recherche. Elle obtient, la même année, une reconnaissance officielle du handicap par la MDPH (RQTH ou reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé), mais sa demande d’AAH est rejetée. Ne souhaitant pas retourner à l’université immédiatement après sa convalescence, la jeune femme s’inscrit à Pôle emploi (Service public de l’emploi en France), qui transfère son dossier à Cap Emploi (Organismes de placement spécialisés exerçant une mission de service public).
Nathalie Petit est au chômage pendant plus d’un an, elle vit principalement du soutien financier que lui procure sa mère. Durant cette période, elle propose sa candidature dans plusieurs entreprises et postule dans la fonction publique, sans succès. Son analyse est que le refus des employeurs éventuels est lié au fait que son dossier fait apparaître la mention du handicap, ce qui entraîne le rejet et des réactions négatives. Elle se montre également très critique vis-à-vis de Cap Emploi quant à l’accompagnement qui lui est proposé : elle estime que les propositions qui lui ont été faites n’ont pas été concordantes avec l’emploi recherché (comptabilité dans le secteur bancaire, pour ne citer qu’un exemple). Pour elle, Cap Emploi ne l’a pas réellement aidée, et elle s’est sentie seule pour effectuer la majeure partie des recherches d’offres d’emploi.
Les difficultés qu’elle rencontre pour son insertion professionnelle poussent Nathalie Petit à consulter ses anciens professeurs. Elle décide alors de devenir professeure d’anglais dans le secondaire. Parallèlement, elle commence l’écriture d’un roman. Nathalie Petit reprend donc ses études dans un master des métiers de l’enseignement, toujours soutenue financièrement par sa mère. Durant ses études, elle apprend l’existence de la procédure spéciale destinée aux bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), procédure qui permet d’être dispensée du diplôme du Capes (Certificat d’aptitude au professorat du second degré). Néanmoins, elle passe tout de même le diplôme. Elle explique être motivée par les jalousies de ses camarades, et envisage l’obtention du Capes comme « un plus » pour ses futures candidatures.
À la fin de son master, Nathalie Petit postule en tant que bénéficiaire de l’obligation d’emploi, pour devenir professeure d’anglais avec un statut de contractuelle. L’académie la plus proche de chez elle refuse sa candidature, car on redoute que son handicap « [la] fatigue et [la] mette en difficulté ». Elle propose ensuite sa candidature dans plusieurs autres académies, et est acceptée à plusieurs centaines de kilomètres de chez elle.
La jeune professeure déménage et commence à enseigner en collège en 2016. Seule une partie des aménagements réclamés par elle sont mis en place par l’administration. Pour Nathalie Petit, cette première expérience professionnelle est marquée par un fort sentiment de discrimination. Ses relations avec l’administration de l’établissement et avec ses collègues sont particulièrement tendues. Elle s’estime victime de reproches incessants du fait de son handicap. Des conflits éclatent entre elle et sa hiérarchie au sujet du comportement agressif des élèves, ce qui sera sans conséquences. De manière générale, Nathalie se plaint de la passivité dont fait preuve sa hiérarchie.
Au printemps 2017, l’administration du collège demande à Nathalie Petit de quitter son emploi, ce qu’elle refuse. On lui impose une évaluation de sa capacité à enseigner. Une commission externe est nommée et confirme l’incapacité d’enseigner de Nathalie Petit, en s’appuyant sur les rapports fournis par l’administration du collège. Nathalie Petit décide alors de faire un recours auprès du Défenseur de droits, mais ne réussit pas à obtenir ses coordonnées. Évoquant le milieu de l’enseignement et de l’Éducation nationale, elle dénonce un monde fermé et compliqué.
À la suite de ces événements, Nathalie Petit cherche un nouvel emploi. Elle rencontre en septembre 2017 les représentants d’une entreprise lors d’un forum pour l’emploi organisé dans la petite ville où elle enseigne. Elle décide de se réorienter vers les ressources humaines, considérant que ce secteur sera plus « humain » que celui de l’Éducation nationale. Nathalie Petit trouve alors une formation en alternance, et obtient un contrat de professionnalisation en alternance dans l’entreprise qu’elle avait contactée à l’occasion du salon. Elle occupe le poste de chargée de mission en ressources humaines affiliée à la mission handicap et diversités. Les adaptations de poste sont respectées. Si travailler sur ce thème ne la dérange pas, Nathalie Petit regrette pourtant qu’on ne lui ait pas confié d’autres sujets à traiter. Après une première année de travail dans cette entreprise, poursuivre lui paraît difficilement envisageable. En effet, elle est mise à l’écart par sa tutrice et raconte les moqueries dont elle est l’objet de la part de ses collègues.
Son contrat de professionnalisation se termine en juin 2019, et Nathalie Petit obtient son diplôme en septembre 2019. Les mois précédant la fin de son contrat, elle envoie par Internet de nombreuses candidatures pour un poste dans les ressources humaines. Elle explique qu’elle n’a pas de critères de sélection en ce qui concerne le temps de travail, mais il lui est indispensable de pourvoir accéder aux transports en commun, c’est pourquoi ses recherches se concentrent sur la métropole. À la fin de son contrat d’alternance, elle s’inscrit à Cap Emploi. Sa conseillère lui conseille de faire un stage d’immersion, ce qui est « inconcevable » pour Nathalie, au vu de ses diverses expériences professionnelles. Seule une de ses candidatures débouche sur un entretien.
En 2020, Nathalie Petit est toujours à la recherche d’un emploi, elle vit en colocation avec sa mère depuis la fin de son contrat. Elle affirme être « prête à apprendre », elle n’a pas d’exigence particulière quant au type de poste qui lui sera proposé. Elle se rend également dans des salons spécialisés dans le domaine du handicap, en vain. Elle travaille à la rédaction de son livre et le fait éditer.
Cette période sans emploi est une source d’angoisse pour Nathalie Petit. Outre la fin d’une relation amoureuse empreinte de violence, suivie d’épisodes de harcèlement tant par messages qu’à son domicile, elle subit la pression de son propre père pour trouver un emploi. Elle est également persuadée que sa nouvelle demande d’AAH sera rejetée, du fait que la MDPH a déterminé un taux d’invalidité inférieur à 80 %, et qu’elle a eu un certain nombre d’expériences professionnelles ce qui, à ses yeux, risque de justifier un refus. Ses allocations chômage une fois épuisées, elle estime que le RSA (Revenu de solidarité active) sera alors sa seule source de revenus.
Au moment de l’entretien, la principale préoccupation de Nathalie Petit est de trouver un emploi dans lequel elle « sera bien ». Elle espère également que son livre se vendra, et aimerait pouvoir se consacrer uniquement à l’écriture. Toutefois, elle estime que ces projets pourraient se trouver contrariés par une aggravation de son handicap ou un passage par le RSA.
- Les prénom et nom ont été modifiés. Portrait préparé par Léo Le Roux à partir d’un entretien réalisé par Mathéa Boudinet. ↵