7 Gabrielle Marchal

Mathéa Boudinet, Léo Le Roux

Gabrielle Marchal est une femme française de 50 ans actuellement sans emploi, qui habite dans une ville moyenne du sud de la France avec son mari[1]. Elle a des pertes de mémoires à la suite d’un accident survenu durant son adolescence et vit avec plusieurs maladies chroniques, survenues à l’âge adulte.

Gabrielle effectue sa scolarité dans des établissements publics de secteur, et s’oriente en filière scientifique du fait de ses bons résultats en physique-chimie et mathématiques. Pour elle, cette filière lui permettra de gagner du temps de réflexion sur son orientation future. Durant son année de première, elle est victime d’un accident de voiture qui lui cause un traumatisme crânien. Elle passe 15 jours dans le coma, et doit abandonner le lycée le temps de l’hospitalisation.

À la suite de cet accident, Gabrielle arrête d’aller au lycée, notamment à cause des problèmes de mémoire causés par le traumatisme crânien. Elle connaît une période de dépression : elle ne sort pas de chez elle durant deux ans, et est suivie par un psychiatre. Elle emménage chez sa grand-mère, à la suite de différends avec ses parents qui sont divorcés.

En 1988, à l’âge de 18 ans, elle s’inscrit à l’ANPE (Agence nationale pour l’emploi) car elle souhaite vivre seule et devenir indépendante financièrement. On lui propose alors de suivre une formation de secrétaire, conditionné à un stage de remise à niveau en français et mathématiques. Le professeur assurant ce stage lui déclare que ses compétences sont trop élevées pour suivre cette formation, mais Gabrielle la poursuit néanmoins et travaille pendant deux ans dans des mairies et des cabinets de notaires en tant que secrétaire.

En 1990, Gabrielle suit une initiation à l’emploi dans un garage durant deux ans, en tant que pompiste. Elle rencontre alors le père de son fils, avec qui elle s’installe rapidement. Elle donne naissance à leur enfant en 1994 et reprend directement son emploi après son congé maternité. Pour faire garder leur enfant, son compagnon et elle « se débrouillent », en recourant à des moyens informels de garde (amie qu’ils payent « au noir », grand-mère de Gabrielle). Elle n’a pas d’adaptation d’horaires à son travail suite à l’arrivée de son enfant.  Après son initiation à l’emploi, elle obtient un CDI dans la même entreprise. Au fur et à mesure, elle commence à faire des remplacements à différents postes, vend des voitures au sein de la concession et effectue des tâches de comptabilité. Elle travaille alors 42 heures par semaine. Au bout de huit ans, elle est cependant rétrogradée à son poste de pompiste, et décide de démissionner.

Après sa démission en 1998, Gabrielle partage son temps entre la garde de son enfant, des travaux sur son logement et le soutien à l’activité économique de son conjoint. Elle travaille de manière non déclarée pour son compagnon qui possède une entreprise de transports. Elle effectue la comptabilité de l’entreprise et conduit les camions tous les week-ends pour aller en Angleterre récupérer des marchandises. Son compagnon effectue aussi des travaux de mécanique de manière non déclarée, ce qui leur permet selon elle d’avoir un niveau de vie suffisant. Lors de ses périodes de travail avec son compagnon, Gabrielle recourt à différents modes de garde informels : elle alterne entre une nourrice non déclarée ou la garde par des ami-es de son couple.

Au début de l’année 2000, Gabrielle Marchal se sépare de son conjoint et retourne vivre chez sa grand-mère. En avril 2000, elle part vivre chez son père, avec son fils, afin de trouver un emploi, et s’inscrit à l’ANPE et dans des agences d’intérim. Cependant, elle raconte ne pas arriver à s’occuper de son fils durant cette période chez son père, et décide de confier son enfant à sa propre grand-mère. Une agence d’intérim la rappelle rapidement afin d’effectuer un remplacement de 2 mois dans un supermarché au rayon charcuterie. Après cette mission, elle effectue un remplacement, cette fois-ci au rayon poissonnerie, qui débouche sur un CDI (Contrat à durée indéterminée). Elle est payée au salaire minimum, ce qui la freine dans ses recherches de logement. Durant cette période, le médecin du travail lui diagnostique une fibromyalgie, ainsi que de l’arthrose. Gabrielle explique ne pas s’être rendue compte de l’arrivée de la fibromyalgie à cause de problèmes de neuro-transmetteurs de la gestion de la douleur, qui ont été causés par son traumatisme crânien. Elle dépose un dossier RQTH (Reconnaissance de qualité de travailleur handicapé) à la MDPH (Maison départementale des personnes handicapées), sur les conseils du médecin du travail.

En 2008, elle fait une chute sur son lieu de travail en portant une palette. Elle est mise en arrêt maladie par la médecine du travail pour une durée d’un an, puis déclarée inapte au poste. Elle explique ne pas avoir pu être reclassée dans l’entreprise, faute de postes adaptés disponibles, et est donc licenciée.

En 2009, Gabrielle est sans emploi, et son état de santé se dégrade progressivement, en lien avec sa fibromyalgie. Elle explique ne pas être en mesure de reprendre un emploi au vu de l’évolution de sa maladie. Elle déménage dans le Sud de la France avec son mari, qu’elle a rencontré alors qu’elle était encore chez son père. Elle effectue dans le même temps des démarches auprès de la MDPH et obtient des compensations au niveau de ses trajets en ambulance pour se rendre à ses rendez-vous médicaux. Elle ne demande pas l’AAH (Allocation aux adultes handicapés) lors de la constitution de son dossier, car elle estime que le salaire de son mari sera trop important pour qu’elle puisse la toucher.

Elle renouvelle son dossier à la MDPH quelques années plus tard. Le renouvellement de la RQTH lui est refusée et elle ne reconstitue plus de dossier après cette expérience. Elle pense que ce refus est lié à son type de handicap, « moins pris au sérieux que ceux qui se voient, […] comme les personnes en fauteuil ». Elle s’inscrit de nouveau à Pôle Emploi (Service public de l’emploi), et essaye de trouver des emplois en télétravail.

À cause de ses douleurs chroniques, Gabrielle a du mal à réaliser les activités quotidiennes dans son foyer. Elle consacre la majorité de son temps à la réalisation des tâches ménagères et du jardinage, mais ces activités l’épuisent pendant plusieurs jours.

À l’avenir, Gabrielle souhaite passer une certification afin de pouvoir commencer un élevage de chats de race. Cette certification étant payante, elle compte essayer de la faire rembourser par Pôle Emploi. La période de la retraite est sujet de tensions avec son mari : celui-ci souhaiterait vendre la maison qu’ils ont achetée et voyager, mais Gabrielle Marchal déclare préférer rester dans leur maison actuelle, à cause de ses maladies chroniques.


  1. Le nom de famille a été modifié. Portrait préparé par Léo Le Roux à partir d’un entretien réalisé par Mathéa Boudinet.

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Portraits de travailleuses handicapées Droit d'auteur © par Mathéa Boudinet et Anne Revillard est sous licence License Creative Commons Attribution - Partage dans les mêmes conditions 4.0 International, sauf indication contraire.

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