24 Anne-Marie Mercier
Juliane Anger, Léo Le Roux
Anne-Marie Mercier est née en 1970[1]. De nationalité française, elle vient d’un milieu populaire : sa mère était sans profession et son père contremaître dans une usine. Elle est mariée, mère de deux enfants. Elle travaille comme secrétaire comptable dans un garage. Sa fibromyalgie a été diagnostiquée en 2015.
Après le collège, Anne-Marie suit des études d’esthétique, mais n’obtient pas son CAP (Certificat d’aptitude professionnelle). Elle décide alors de se réorienter dans le domaine de la vente, qui la motive davantage, et elle décroche son diplôme. Depuis l’adolescence, et pendant ses années d’étude, elle décrit des malaises fréquents. Elle raconte qu’il lui arrive de « tomber dans les pommes », ce qui peut se produire au cours d’une conversation. Elle se plaint également de douleurs dans le dos, mais ces différents symptômes ne suscitent pas d’inquiétude de la part de ses médecins. Très jeune, elle est amenée à consulter régulièrement un-e kinésithérapeute.
Après avoir obtenu son CAP vente, elle commence à travailler dans un supermarché. Elle donne alors naissance à son premier enfant. Elle décrit la situation comme confortable dès lors que son mari « gagne bien sa vie ». Elle part en congé maternité, puis reprend le travail dans une usine. Après six mois dans l’entreprise, elle donne naissance à leur deuxième enfant et demande un congé parental de trois ans à la CAF (Caisse d’allocations familiales). Après la naissance de ses enfants, ses douleurs se manifestent à nouveau, ce qui conduit Anne-Marie à reprendre ses séances de kinésithérapie.
Après son congé parental, elle décide de se réorienter professionnellement, et devient assistante maternelle. Les enfants sont accueillis à son domicile, ce qui finit par poser des problèmes aux enfants du couple. Elle décide donc de changer à nouveau d’orientation. Elle effectue un bilan de compétences, et choisit de passer un baccalauréat professionnel de comptabilité qu’elle obtient. Cela lui permet de concilier une envie personnelle et la préservation du bien-être familial.
Alors qu’elle travaille comme opératrice de saisie dans une compagnie d’assurances, les douleurs dorsales d’Anne-Marie s’accentuent. Elle se sent fatiguée et décide de réduire la durée de son temps de travail à 29 heures afin de pouvoir se reposer. Son mari « est compréhensif », il lui dit qu’elle peut « arrêter de travailler », mais attend d’elle qu’elle s’occupe des tâches ménagères, ce qui occasionne la survenue de tensions dans le couple.
En 2006, Anne-Marie est suivie par un kinésithérapeute qui suspecte l’existence d’une inflammation principalement au niveau dorsal. Divers examens radiologiques, sanguins et génétiques sont effectués, mais « aucun élément n’apparaît ». Anne-Marie consulte également dans un centre de la douleur. Le suivi s’interrompt au bout de quelques années, sans qu’un diagnostic soit établi. Ses douleurs n’étant pas objectivables, Anne-Marie se sent incomprise dans son travail, par le corps médical et même par son entourage proche. Ses recherches sur internet la confortent dans l’idée que ses douleurs et sa fatigue chronique correspondent aux symptômes de la fibromyalgie. Après dix années d’errance médicale, son kinésithérapeute l’encourage à consulter un rhumatologue qui confirme le diagnostic. Pourtant, Anne-Marie remet en question les conclusions du médecin : elle trouve cela « trop facile », lorsque rien n’apparaît aux examens, d’obtenir un diagnostic de fibromyalgie, d’autant plus qu’une IRM récente a révélé des inflammations au niveau du sacro-iliaque. Aussi conteste-t-elle l’exactitude du diagnostic dont elle a fait l’objet, tout comme celui qui a été posé à d’autres personnes fibromyalgiques de son entourage, notamment celles qu’elle est amenée à rencontrer dans le cadre de sa profession. Elle trouve que « c’[est] devenu une facilité de mettre ça dans le sac fibromyalgie ». Pour Anne-Marie, le diagnostic de fibromyalgie peut en réalité en cacher un autre, plus précis. Autrement dit, elle considère qu’il s’agit d’une maladie trop générale : « Lorsque les médecins s’arrêtent à ce diagnostic, c’est comme s’il n’y avait plus rien d’autre à rechercher, et tout est dû à la fibromyalgie… C’est bien trop facile ».
Pendant plusieurs années, Anne-Marie travaille à temps partiel comme secrétaire dans un garage. Lorsqu’elle a commencé, elle ne bénéficiait pas de la RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé). Elle a toutefois signalé ses problèmes de santé à son employeur, « parce qu’il faut ». À la suite d’un rendez-vous avec la médecine du travail, elle fait en 2020 la demande de RQTH, qu’elle obtient en trois mois. Plus récemment, au milieu de l’année 2021, elle fait une demande d’aménagement de poste, qui lui est accordée. Elle considère qu’elle n’a pas rencontré de difficultés particulières pour effectuer ces différentes démarches, et pense que cela est dû en partie à son expérience professionnelle dans le domaine administratif. Toutefois, Anne-Marie se sent incomprise par ses collègues de travail, majoritairement des hommes, qui lui reprochent notamment son manque de flexibilité quant aux horaires. En effet, la fréquence de ses rendez-vous médicaux l’empêche d’accepter des remplacements.
Comme il a été dit plus haut, s’il est vrai que son mari se montre « compréhensif », Anne-Marie fait état de difficultés conjugales liées à sa fatigue chronique et à la limitation des activités que cela entraîne. Elle aimerait pouvoir passer plus de temps avec son mari, et espère que la situation s’améliorera, éventuellement après une cure ou un traitement plus adapté que ceux dont elle a bénéficié jusqu’alors. La réalisation de tâches ménagères est l’un des points majeurs de désaccord dans le couple, alors que les douleurs dont souffre Anne-Marie et sa fatigue persistante, bien qu’elle travaille à temps partiel, constituent une gêne importante.
Anne-Marie décrit un quotidien rythmé par les rendez-vous médicaux et paramédicaux, le travail, et les tâches domestiques. Elle ne parle pas de loisirs éventuels, et dit que cette vie routinière s’est installée de manière « insidieuse ». Du fait de la pandémie de COVID-19, elle a dû restreindre ses sorties pour aller voir des ami-e-s ou des connaissances. Elle publie régulièrement des messages sur un forum dédié au partage d’expérience sur la fibromyalgie, elle est également devenue membre de l’association Fibromyalgie France.
- Les prénom et nom ont été modifiés. Portrait préparé par Léo Le Roux à partir d’un entretien réalisé par Juliane Anger. ↵