Donner leur place aux amateurs et amatrices

5 De quelques formes de créativité dans le cinéma amateur

Roger Odin

Introduction

Dans cet article, je me propose d’étudier comment se manifeste la créativité dans trois espaces de communication relevant du champ du cinéma amateur : celui des clubs de cinéma amateur, celui du film de famille et celui de la communication ordinaire.

Les termes de cet énoncé programmatique méritent quelques mots de commentaire.

  • Le champ du cinéma cinéaste amateur : en général, on définit le cinéma amateur comme le cinéma non professionnel, mais dès que l’on cherche à préciser ce que veut dire professionnel, les ennuis commencent : est-ce une question de statut? De revenus? De formation? De savoir-faire? De format utilisé? De temps de pratique (loisir vs travail)? De contraintes? De circuit de diffusion? D’investissement personnel? Aucun de ces axes n’est, en lui-même, décisif. Mais il y a plus : ce qu’on appelle le cinéma amateur constitue non seulement un champ aux limites incertaines et mouvantes, mais aussi un champ extrêmement hétérogène. Qu’y a-t-il de commun entre un film de famille, la production de fin d’année d’un élève dans le cadre d’une classe de cinéma dans un lycée, un film de fiction réalisé dans le cadre d’un club de cinéma amateur et un film militant témoignant de l’engagement social ou politique de celui qui l’a tourné, pour ne m’en tenir qu’à quelques exemples?[1] C’est là qu’intervient la notion d’espace de communication.
  • Espace de communication. J’appelle espace de communication, un espace à l’intérieur duquel le faisceau de contraintes pousse les actants à produire du sens sur le même axe de pertinence. Un espace de communication est une construction effectuée par le théoricien. Il s’agit d’un outil méthodologique à visée heuristique. C’est dire que quoique puisse laisser entendre le mot même d’espace, un espace de communication n’a rien de concret : c’est le théoricien qui choisit l’axe de pertinence et l’extension (en termes d’objet, d’espace et de temps) qui assure la consistance de l’espace de communication sur lequel il va travailler (Odin, 2011).

Voici la définition des trois espaces de communication sur lesquels je vais travailler dans le cadre de cet article.

  • J’appelle espace de communication des clubs de cinéma amateur, l’espace constitué par les clubs dans lesquels des amateurs se réunissent avec l’intention de faire du cinéma, c’est-à-dire de faire des films destinés à un public (vs la famille). Les clubs de cinéma amateur ont commencé à se développer dans les années 30, ont connu un essor tout particulier dans les années 50 au moment du grand boom associatif (entre 1950 et 1980, la Fédération Française de Cinéma et de Vidéo rassemblait 5000 à 6000 membres, répartis dans 250 clubs) et perdurent toujours aujourd’hui malgré une baisse des effectifs.
  • J’appelle espace de communication du film de famille, l’espace dans lequel un membre d’une famille filme la vie de sa famille pour sa famille. L’espace du film de famille tel que je le définis ici ne concerne que les productions tournées sur pellicule dans le cadre de la famille traditionnelle; on peut donner une fourchette approximative de dates pour délimiter cet espace : entre 1945 et 1975; après, avec l’évolution de la famille et le passage à la vidéo, on change d’espace de communication, un espace qui ne sera pas étudié ici.
  • J’appelle espace de la communication ordinaire, l’espace dans lequel le langage cinématographique est utilisé par tout un chacun de façon quotidienne. Je m’intéresserai ici à ce qui se passe aujourd’hui dans l’usage de ce langage.

Créativité : je n’envisage pas de donner dès maintenant une définition de cette notion; au contraire la question « qu’est-ce que la créativité? » est l’axe de pertinence qui me guidera dans l’analyse de ces espaces de communication.

Mais avant d’aller plus loin, on me permettra une petite digression liée à mon histoire personnelle.

Petite digression sur Goutelas et la caméra Urfée

imageIntervenant sur le cinéma amateur dans le cadre du château de Goutelas qui n’est autre que la demeure du druide Adamas dans le roman pastoral L’Astrée d’Honoré d’Urfé (1612-1627), un endroit où les deux héros, Astrée et Céladon, aiment à venir se rencontrer et se promener (leur histoire nous y est rappelée dans multiples panneaux), je ne peux pas ne pas me souvenir que la première caméra achetée par mon père, au tout début des années cinquante (j’avais alors 11 ans) était de marque « Urfée » (sic).

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C’était une caméra 8mm ou plus exactement une caméra double 8, un format dérivé du 16mm américain : à la prise de vues, on commençait par impressionner une moitié de la pellicule puis, il fallait retourner la bobine pour impressionner l’autre moitié; ensuite, lors du traitement au laboratoire, la pellicule était coupée en deux dans le sens de la longueur pour obtenir deux bandes 8mm qui étaient ensuite collées bout à bout. La caméra Urfée était fabriquée de façon artisanale, à Saint-Etienne, la ville même où nous habitions (et où d’ailleurs je suis né). Je me souviens être allé plusieurs fois avec mon père dans le quartier de La Rivière, au 14 rue Joseph Pupier où se trouvait l’atelier de Charles Blanchard et Jean Jourjon, les deux créateurs de l’appareil.

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L’originalité majeure de cette caméra tient, à coup sûr, à son nom. En général, les caméras se contentent de prendre le nom de la firme qui les produit : Kodak, Siemens, Eumig, Revere, Ercsam, Paillard, Pathé, Bell & Howell… Dans les premiers temps du cinéma, les dénominations étaient plus variées : la solution la plus fréquente, outre le nom de l’inventeur (le Lapiposcope construit par Lapipe, le Kammatograph fabriqué par L. Kamm et Co.), était une dénomination faisant référence au cinéma (la Cinex, la Cinetasca, la Kinamo) ou à l’une de ses caractéristiques : le mouvement (la Movikon 8, La Movette), l’enregistrement (le Cinégraphe Bol), la capacité à restituer la vie (La Biokam). Parfois le nom souligne une spécificité propre à telle ou telle caméra : le Spirograph (1913) de la maison Charles Urban prend des images en spirale sur film circulaire, la Motocamera Pathé-Baby est la première caméra à moteur de la firme, La Ciné SEPT se charge de sept mètres de films permettant 22 secondes de projection, L’Ensign Daylight loading camera (de la Maison Houghtons Lts, Londres, 1914) est la première caméra à permettre le chargement en plein jour, la Reflex 8 de Camex possède évidemment la visée réflexe… Quelques dénominations font preuve d’un peu plus d’originalité : L’Oly’Ywood (1928) est une caméra 35 mm pour amateurs dont la publicité garantie qu’elle assure une « projection aussi nette que celle des films professionnels » car elle est équipée d’un objectif Zeiss Krauss; La Buddy 8 (1934) de la maison américaine Stewart Warner tient dans le creux d’une main et peut ainsi vous accompagner comme un copain dans toutes les circonstances; le Cinébibliographe inscrit la caméra dans la lignée de la littérature ou du moins du livre; le Mirographe de Reulos et Goudeau (1898) me rappelle Stendhal et sa définition du roman comme « un miroir qu’on promène le long d’un chemin », définition qui convient parfaitement à une caméra. Mais à ma connaissance, la caméra « Urfée » est la seule caméra (peut-être au monde) à porter le nom d’un écrivain. On notera, de plus, la bizarrerie consistant à utiliser le nom propre Urfé de façon adjectivale : la caméra « Urfée » (avec un e) ou en nominalisant l’adjectif, une « Urfée ».

imageOn peut, bien évidemment, voir dans le choix de ce nom, la volonté du fabricant de profiter de la notoriété d’une personnalité locale : l’Astrée connut un immense succès dans toute l’Europe et apparait dans les histoires de la littérature comme « le roman des romans », le premier roman fleuve de la littérature française (plus de 5000 pages). Or, le château de la Bâtie d’Urfé où Honoré d’Urfé en commença la rédaction, se trouve à quelques kilomètres de Saint-Etienne et fait partie des hauts lieux touristiques et culturels de la région. C’est une belle bâtisse Renaissance avec sa galerie à deux étages dans le plus pur style italianisant, sa grotte de rocaille à motifs mythologiques (Neptune, le dieu Pan) et son petit temple circulaire à colonnes dans le jardin. C’est d’ailleurs une représentation stylisée de ce temple qui sert de logo à la caméra « Urfée ».

Le berceau de la famille Urfé, lui, est le château des Cornes d’Urfé qui tel « un nid d’aigle au milieu des bois des Monts du Forez, à 930 m d’altitude, offre une magnifique vue à 360° sur les Alpes et le Puy de Dôme » (Guide touristique). Ce château dont il ne reste pas grand-chose est surtout célèbre pour le drame qui est censé s’y être joué. L’histoire se raconte ainsi : Jean d’Urfé, le chef de famille, venait de réunir une très forte somme d’argent pour acheter la terre de Crémeaux, voisine de son fief; ses domestiques en ayant eu connaissance, massacrent toute la famille présente au château et s’emparent du butin. Mais un tout petit enfant, Antoine, qui dormait dans son berceau, échappa à la tuerie. Quand les assassins le découvrirent, il s’éveilla et leur sourit, ce qui désarma le meneur : « A quoi bon tuer cet enfant? dit-il, il ne nous trahira pas », mais ses complices n’étaient pas d’accord : « Nous allons en juger », dit alors le chef. Avisant une coupe de fruits, il prit une belle pomme et une grosse pièce d’or parmi le butin étalé sur la table; il offrit les deux présents à l’enfant en disant : « S’il prend la pièce d’or, je vous l’abandonne, mais s’il choisit la pomme, nous le laisserons vivre ». Tendant ses menottes vers la pomme, le bambin eut la vie sauve (d’après Chaperon, 1989). On le voit, en admettant qu’il se soit véritablement produit, ce qui est très fortement contesté, ce drame aurait pu entraîner la disparition de la lignée Urfé avec toutes les conséquences qui en aurait découlé : Honoré ne serait pas né, L’Astrée n’aurait pas été écrite, la caméra « Urfée » n’aurait pas existé, mon père n’aurait peut-être pas fait de cinéma amateur et je n’aurai certainement pas écrit cet article[2].

L’espace des clubs de cinéma amateur

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Très rapidement après l’achat de la caméra Urfée, mon père s’est inscrit au Caméra Club Forezien, un club affilié à la Fédération française des clubs de cinéma amateur. Je l’y ai souvent accompagné avant d’en devenir membre moi-même pendant plusieurs années. Dans ce cadre, j’ai réalisé plusieurs films et participé aux concours organisés chaque année au niveau régional et national. C’est dire que je connais le cinéma des clubs amateurs de l’intérieur.

L’une des préoccupations majeures de mon père, après l’achat de la caméra Urfée et d’une petite visionneuse permettant le montage, était de sonoriser ses films. A l’époque, les caméras amateurs étaient muettes, elles ne sont devenues sonores qu’avec le super huit, mais outre que le matériel sonore était assez onéreux, il était d’une utilisation complexe, ce qui décourageait pas mal d’amateurs; de fait, ce n’est qu’avec la vidéo que le son direct s’est généralisé sur les productions amateurs. Reste qu’il était impensable de montrer un film muet aux membres du club. Au début, la sonorisation se faisait en passant des disques pendant la projection; le club disposait d’une platine à double plateau permettant de changer de disque sans rupture quand on le souhaitait; mon père ne tarda pas à construire une telle platine pour s’entraîner à la maison; il perfectionna même le système en plaçant sur l’ampli un jeu de potentiomètres qui lui permettait de faire des fondus sonores pour éviter les ruptures dans le passage d’un disque à l’autre. Cette sonorisation en direct était assez délicate à mettre en œuvre : il fallait bien préparer à l’avance la pile de disques que l’on allait utiliser, sous peine de mettre un morceau au mauvais moment et il fallait assurer le commentaire live comme le bonimenteur des premiers temps du cinéma.

Les choses se sont bien améliorées avec l’arrivée du magnétophone : il devenait alors possible de combiner commentaire et montage musical. Je me souviens des séances d’enregistrement de commentaire dans notre maison de Beaulieu : il se faisait toujours en direct pendant la projection du film afin d’assurer la synchronisation avec les images; pour éviter le bruit du projecteur, le micro était placé très loin dans une autre pièce d’où le commentateur (rôle qui m’était souvent dévolu) pouvait voir le film grâce à un ingénieux système de miroir. Le montage musique-commentaire se faisait ensuite sur la bande magnétique qui avait l’avantage de pouvoir être coupée et collée. Mais le gros problème était la synchronisation entre le magnétophone et le projecteur. Mon père avait inventé un incroyable dispositif pour asservir le projecteur au magnétophone : un système de topage était inscrit sur la seconde piste de la bande magnétique qui asservissait un petit moteur capable de faire varier le moteur même du projecteur (autrement il fallait faire varier la vitesse du projecteur à la main en jouant sur le potentiomètre de vitesse pendant la projection).

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Mais mon père avait fait une autre création dont il était très fier : s’inspirant du Nagra 1 qui venait juste de sortir (1950), il avait construit un magnétophone portable.

Le magnétophone tenait dans une petite valise mais l’ensemble était assez lourd car la partie enregistrement était alimentée par une série de six piles; il fallait remonter le moteur mécanique avec une manivelle pour faire tourner les bobines ce qui n’assurait qu’une autonomie réduite de prise de son. Mon père était le seul dans le club à pouvoir faire de la prise de sons en extérieur là où il n’y avait pas de courant électrique, mais les autres membres n’étaient pas en reste en termes de fabrication de matériel. L’un d’eux avait lui-même construit son projecteur; un autre avait modifié le trépied qui servait à stabiliser la caméra en lui adaptant un petit moteur, ce qui lui permettait de faire des panoramiques réguliers à 360 degrés; un autre s’était fabriqué une titreuse ultra sophistiquée. De fait, en raison des moyens limités dont on dispose, tourner un film en amateur demande à chaque instant de faire preuve d’inventivité : comment par exemple faire un travelling alors que l’on n’a pas de rail ni de chariot? Comment éclairer pour avoir une profondeur de champ suffisante sans faire sauter le compteur? Les revues de cinéma amateur consacrent de multiples articles à donner des conseils pour résoudre ces problèmes; la plus célèbre est significativement intitulée Cinéma pratique.

On le voit, la créativité du cinéaste amateur est d’abord une créativité technique. Mais peut-être serait-il plus approprié de parler d’ingéniosité que de créativité : on est dans le domaine du bricolage. A ce titre, les clubs de cinéma amateur fonctionnent comme les clubs d’aéromodélisme ou d’automobile : ils sont là pour aider les adhérents à résoudre les problèmes techniques, mais ils sont aussi le lieu d’une compétition entre les membres. On y compare les performances de son matériel avec celui du voisin, on fait tout pour épater les autres. Finalement, l’amateur passe souvent plus de temps à régler des problèmes techniques qu’à élaborer ses films. Dans les réunions de club, les discussions portent d’ailleurs beaucoup sur la technique et savoir parler technique est un vrai critère d’intégration au milieu.

Mais qu’en est-il de la créativité au niveau des films eux-mêmes? L’obsession des membres des clubs de cinéma amateur (je me mets dans le lot) est de faire des films qui soient comme les films « pros ». L’amateur met ainsi en œuvre une esthétique spécifique, une esthétique du bien fait. Dans l’espace amateur, une belle image est avant tout une bonne image. De même, le montage doit être sans sautes, sans ruptures; l’amateur cinéaste est le champion des raccords en tous genres, de tout ce qui peut contribuer à huiler le déroulement filmique. Plus généralement, l’esthétique amateur invite à un respect strict de la « grammaire cinématographique ». L’amateur est un peu comme un romancier qui écrirait pour mettre en pratique Le Bon Usage de Maurice Grevisse[3].

En dehors de ces critères techniques et grammaticaux, l’esthétique amateur est caractérisée par un goût prononcé pour la nature idéalisée, le monde d’avant l’industrialisation (Patricia Zimmerman [1995, p. 35-38] parle d’un retour au pictorialisme). Un paysage, par exemple, ne doit pas laisser voir de poteaux ou de fils électriques. Le cinéaste amateur cherche souvent à reconstruire filmiquement l’espace dans sa forme ancienne : grâce à un travail de cadrage et de montage, on éliminera les voitures et les maisons récentes qui font tache devant la cathédrale du Puy pour donner le sentiment d’une ville qui en serait restée au Moyen Age.

Enfin, le cinéma amateur se caractérise par un certain type de sujets. Il y a d’abord des sujets quasiment interdits. Les statuts de la Fédération spécifient que « L’association […] s’interdit formellement toute action politique, philosophique ou religieuse ». Du coup, les films présentés dans ce cadre sont le plus souvent complètement déconnectés des problèmes de la vie réelle. Les documentaires concernent essentiellement la vie des animaux, la nature, le sport, les artisans, les fêtes locales, le folklore… Les films de voyage s’en tiennent aux beaux paysages, au pittoresque, à l’exotisme et n’abordent quasiment jamais la situation politique et les questions sociales des pays visités.

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Mais le vrai film pour les amateurs, celui qu’ils rêvent de faire, c’est le film de fiction, la catégorie la plus prestigieuse dans les concours; celle qui vous classe vraiment comme un « cinéaste ». Et c’est là que la relation à l’espace professionnel tourne à la fatalité. Les amateurs n’ont en effet ni les moyens techniques ni les acteurs ni la compétence (en termes d’écriture de scénario, de direction d’acteurs) pour réaliser une fiction qui tienne vraiment de bout en bout. Du coup, ces productions n’arrivent le plus souvent pas à la hauteur de leurs ambitions. Le pire est que l’amateur en a conscience : s’il y a un « style amateur, remarque un lecteur dans un courrier à Le Cinéma Pratique, ce n’est pas parce que nous le désirons; c’est parce que nous ne pouvons faire autrement »[4]. L’amateur cinéaste est un amateur malheureux. Contraint et forcé, il fait un autre cinéma que le professionnel, mais il ne fait pas du « cinéma autrement »[5].

C’est que cet espace est prisonnier de l’idéologie et de la morale qui prévalent dans les classes sociales dont sont originaires les membres de ces clubs. En termes de recrutement, ces clubs sont, en effet, tout à fait semblables aux photo-clubs « esthétisants » décrits par Pierre Bourdieu[6] : ils comprennent peu de jeunes (la moyenne d’âge se situe entre 40 et 45 ans; les jeunes recrues ont entre 30 et 35 ans), un assez grand nombre de cadres moyens et subalternes, des commerçants et des représentants des professions libérales (médecins, dentistes). Le cinéma amateur est un cinéma de classe. Dans « Un coup d’œil sur le cinéma amateur », Raymond Bordes (1957), le fondateur de la Cinémathèque de Toulouse, a bien analysé ce phénomène : « Lorsque la censure décourage les réalisateurs de métier et que les distributeurs rejettent les projets qui leur semblent inhabituels, nous aimerions que les amateurs prennent la relève et fassent eux-mêmes le cinéma dont on les prive », malheureusement, force est bien de constater que pour le moment ce cinéma est fondamentalement « conformiste » et sans « audaces sociales ». C’est que, poursuit-il, les amateurs « ont devant le réel une réaction de classe » et s’adonnent à la « démagogie de l’agréable ».

Les films les plus créatifs dans cet espace sont ceux qui, loin de vouloir s’aligner sur les productions professionnelles, se servent, au contraire, de la contrainte amateur (le manque de moyens) pour filmer de façon innovante. Ce n’est pas un hasard si ces films se trouvent souvent dans la catégorie « chanson filmée », un genre qui à l’époque n’existait pas chez les professionnels[7]; faire pro n’a donc ici pas de sens, ce qui compte, c’est l’inventivité dans la mise en image de la chanson : par exemple, La môme aux boutons (chanson de Pierre Louki et Jacques Lacome, créée par Lucette Raillat) donne lieu à un film d’animation intégralement réalisé à partir de boutons; l’histoire de La fille de Londres (chanson sur des paroles de Pierre Mac-Orlan) n’est racontée qu’à travers des objets; souvent, le jeu consiste à détourner le texte de la chanson : Les baladins de Gilbert Bécaud sera interprétée comme une histoire rigolote sur les voyageurs de commerce. Les réussites sont, il faut bien le dire, beaucoup plus rares dans la fiction; de fait, le seul film que j’ai encore en tête est Message sur ruban de Jean Toutain : pour contribuer à la réflexion philosophique sur les relations entre l’homme et la mort, un homme décide d’enregistrer son suicide sur magnétophone; on le voit installer le fusil, mettre en place le système d’horlogerie qui déclenchera le tir, visser la chaise où il s’attachera avec des cadenas afin de ne pas pouvoir arrêter le processus même s’il change d’avis (ce qui bien évidemment se produira); outre une économie de moyens remarquable, la trouvaille est que tout le film est tourné en caméra subjective : non seulement cela évite tout problème de direction d’acteur (on ne voit que les mains en gros plan) mais cette forme de cadrage produit une implication forte du spectateur dont le point de vue est identifié à celui du personnage[8].

Tel est le cinéma amateur que j’ai connu lors de ma vie de membre du Caméra Club Forezien. Aujourd’hui les choses ont-elles changées? Force est de reconnaître que les évolutions qu’a connues cet espace, passage à la vidéo, puis au digital, n’ont pas conduit à un bouleversement radical. Certes, la qualité technique des productions s’est améliorée, mais, précisément, dans les clubs, les questions techniques sont toujours au premier plan et l’amateur est toujours obsédé par la recherche du matériel le plus performant : il suffit de feuilleter la revue de l’association, L’Écran, pour s’en convaincre[9]. lecran-1Et si on y trouve des analyses de films témoignant d’une ouverture louable sur la culture cinématographique – ce qui était loin d’être le cas avant (« je ne vais pas au cinéma, j’en fais » m’avait dit un jour un membre du Caméra Club Forérien auquel je faisais part de mon étonnement devant le fait qu’il n’avait pas vu un seul film de Renoir) on n’y trouve quasiment pas de réflexion sur ce que pourrait être la spécificité des productions amateurs.lecran-2

Une chose est certaine, faire pro est plus que jamais d’actualité; significativement, la F.F.C.C.A. (Fédération française des clubs de cinéma amateur) est devenue en 1987, la Fédération française de cinéma et vidéo (F.F.C.V.) dénomination qui gomme toute référence à l’amateur. Les membres des clubs se définissent d’ailleurs eux-mêmes désormais comme faisant du cinéma auto produit.

Examinons rapidement le film qui a obtenu le Grand prix du président de la République au Congrès de la F.F.C.V. 2015 à Vichy : Romy de Rémy Arché (un sétois, agent de la circulation à la SNCF)[10].

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 Le film raconte l’histoire d’un père recherché par les gendarmes et en fuite avec sa petite fille de cinq ans. Le film se prête à une lecture symbolique sur l’aventure de tous les migrants (rom / romy) et les séparations dramatiques au passage de la frontière (le père devra laisser sa fille partir seule, ne pouvant passer une palissade qui barre le chemin). Il s’agit assurément d’un bon court métrage, sensible, juste, touchant. Très bien joué, il est certain qu’il a demandé un travail considérable, mais, au niveau de la forme, il est de facture extrêmement classique. Un tel film pose clairement le problème du cinéma amateur : un film d’amateur mal fait est simplement un mauvais film, mais quand le film est bien fait, on a affaire à un bon film comme on peut en voir en nombre chez les professionnels : comparé aux courts métrages professionnels, un film comme Romy n’a rien d’exceptionnel; le festival de Clermont propose chaque année des dizaines de films de cette qualité et souvent plus inventifs formellement. En tout cas, le cinéma amateur même de qualité ne propose toujours pas une forme nouvelle de cinéma (comme le fait par exemple le cinéma expérimental).

On peut se demander pourquoi. Une réponse peut être trouvée dans cette formule de Jean-Luc Godard dans Six fois deux (rappelée par Alain Bergala), dans la partie consacrée à Marcel, le cinéaste amateur : « l’amateur est à la fois celui qui travaille et ne travaille pas son désir » (1994, p. 39). Chez le cinéaste amateur, le désir de faire pro est le signe (plus que la cause) d’une absence de désir créatif propre. L’amateur veut avant tout bien faire, c’est à dire effectuer une opération de « distinction » (Bourdieu) par rapport au cinéaste familial qu’il a été. Il n’est pas animé par la nécessité intérieure de faire passer quelque chose qui représenterait pour lui un véritable enjeu. On peut dire du cinéma amateur ce que dit Alain Sevestre à propos de ce qu’il appelle « l’Art modeste » (la peinture amateur) : « L’art qui est un travail, une existence, une carrière, une souffrance, une mort au monde, une œuvre-vie, est ici un passe-temps, un hobby [..]. La nécessité, l’urgence ne trouve aucune modalité de représentation dans l’Art modeste » (1995, p. 78).

Pourtant les amateurs revendiquent leur volonté de faire de l’Art, mais leurs productions restent dans un « monde de l’art » (Becker, 1988) bien particulier : des auteurs – car il y a bien des auteurs (c’est la condition même d’existence d’un monde de l’art : « l’art est une question de nom propre », dit Ben) – sont certes reconnus (on parle dans les concours d’un film de X ou de Y), mais uniquement dans le monde de l’art amateur, un monde qui malgré les tentatives d’ouvertures de ces dernières années (grâce à Internet et aux relations avec certaines télévisions) reste un petit monde, séparé, rejeté ou au mieux traité avec condescendance par le monde du cinéma. Les passerelles sont rarissimes même si elles existent parfois. On peut parler d’une créativité artistique bornée : délimitée par des bornes, mais aussi enfermée sur elle-même.

L’espace du film de famille

A la différence du film d’amateur dont je viens de parler, le film de famille, bien que méprisé et, jusqu’à ces toutes dernières années, ignoré des histoires du cinéma[11], a une forme bien identifiable : un ensemble de figures suffisamment caractéristique et reconnu par l’espace public pour que les cinéastes professionnels le reprennent lorsqu’il s’agit de produire un effet film de famille dans un film de fiction (Journot, 2011) ou dans une publicité. Dans les années 80, Tang a ainsi décliné une série de films convoquant ce jeu de figures pour promouvoir ses jus de fruits dans les familles[12].

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Cette forme se laisse décrire ainsi :

Figures du contenu :

– euphorisation : le film de famille ne donne à voir que des moments heureux;

– stéréotypie : rien ne ressemble autant à un film de famille qu’un autre film de famille.

Figures formelles :

– absence de structuration : le film de famille donne à voir des bribes de situation sans relations entre elles autres que chronologiques; il n’y a pas de récit d’ensemble;

– figures héritées de la rhétorique photographique : la pause, les photos de groupe, le regard et l’adresse à la caméra (on a pu parler de « Photographic Hangover » [Hove, 2014]);

– figures qui conduisent au brouillage de la perception : images floues, bougées, panoramiques filés, coups de zoom intempestifs et à répétition.

Figure pragmatique :

– le bruit du projecteur; avec le film de famille le projecteur est dans la pièce où l’on projette. Les films professionnels usent et abusent de cette figure pour produire l’effet film de famille.

Je voudrais maintenant montrer que, figure pragmatique mise à part, ces figures (que j’ai pu caractériser ailleurs comme des figures du « mal fait » [Odin, 1979]) sont la manifestation d’une certaine forme de créativité relevant de l’esthétique relationnelle.

Face à l’agression que constitue toujours plus ou moins le fait d’être filmé, les sujets se mettent en scène. Souvent, on s’inspire de ce que l’on connait déjà, c’est-à-dire de la photographie : on s’arrête de bouger, on prend la pause, on regarde la caméra, on sourit sans même y penser, répondant à l’injonction habituelle dans la situation de prise de vues ou bien, au contraire, on prend un air boudeur, histoire de manifester que l’on est quelque peu perplexe face à cet appareil qui prend notre image.

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Parfois, refusant d’être réduit au statut de filmé, on échange avec celui qui filme. Le geste se joint alors au regard, et même la parole; pourtant, on sait bien que la prise de vues est muette, mais c’est au filmeur que l’on s’adresse, un filmeur qui est en général un membre de la famille, souvent le père. On invente des stratégies de séduction ou au contraire d’évitement : on fait des grimaces, on tente d’échapper en courant à celui qui filme l’obligeant à des mouvements de caméra rapides et complexes, on met sa main entre son visage et l’objectif. On s’arrange pour s’approprier la mise en scène prévue, voire pour la démolir.

Un père a demandé à ses deux enfants de manifester leur joie devant les cadeaux qu’ils sont censés découvrir sous le sapin de Noël; les deux enfants lèvent bien les bras en signe de découverte admirative, mais aussitôt ils se tournent vers la caméra et vers le père en riant aux éclats avant de recommencer à lever les bras en riant encore plus fort, dénonçant la supercherie qui voulait faire croire à une scène naturelle, détruisant avec un plaisir immense toute la mise en scène du père. Tout cela toutefois se fait dans la bonne humeur. Ces mini conflits aident, de fait, à négocier les relations d’amour et de pouvoir entre les membres de la famille contribuant ainsi à maintenir la cohésion familiale. Le film de famille ne peut pas se passer d’euphoriser.

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Voir la vidéo sur Vimeo, accessible avec le mot de passe « urfée »

La figure de l’euphorisation se manifeste d’ailleurs souvent de façon tout à fait explicite et conduit notamment à inventer ce qu’on peut appeler des dispositifs d’« assignation » de beauté et de bonheur[13] . Une femme filmée par son mari, dans le cadre des chutes du Niagara, n’arrête pas de faire de grands gestes pour montrer à la caméra, comme c’est beau et comme elle est heureuse d’être dans un tel paysage. Un homme filme sa femme ou sa petite amie au coucher de soleil sur une plage au bord de la mer; les couleurs sont rougeoyantes, les ombres donnent à l’image de la profondeur; la petite amie tient à la main des ballons rouges qui flottent au-dessus de sa tête et virevolte dans une sorte de danse de joie; puis on voit celui que l’on devine être le cameraman entrer dans le cadre et venir s’asseoir dos à la mer face à la caméra bientôt rejoint par la jeune fille aux ballons; après quelques secondes, l’homme se lève et court arrêter la caméra.

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Dans une autre scène, la même jeune fille est les pieds dans l’eau, de profil au centre du cadre, se détachant en ombre chinoise sur la mer; marchant le long de l’eau, l’homme s’approche délicatement, embrasse tendrement son amoureuse et repart à nouveau en courant.

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Dans un article « C’est beau ici : se regarder voir dans le film de famille », Karl Sierek, s’inspirant de Robert Musil (1978, p. 523), a bien mis en évidence ce qui se joue dans ce type de mise en scène : au lieu de fixer leur présence dans l’instant, filmeurs et filmés construisent pour le futur un état qui sera éprouvé comme heureux et beau; ils sortent d’un état de présence pour entrer dans un état de pré-futur se réjouissant déjà du souvenir qu’ils auront plus tard; ils s’orientent d’après des critères futurs et pensent : « ici, cela aura été beau » (Sierek, 1995, p. 63-78). On peut parler d’un processus de poétisation de ce qui deviendra le passé.

Parfois, le tournage d’un film de famille donne lieu à d’authentiques « performances » privées (le terme de « performance » est à prendre ici au sens qu’il a dans le domaine de l’art) : un père (quelque peu pervers) demande à son enfant d’inviter un pigeon à venir manger dans sa bouche; à moins que ce ne soit l’enfant qui l’ait proposé à son père; on sent clairement qu’il n’aime pas vraiment ça et qu’il a conscience d’une certaine prise de risque, mais qu’il le fait parce qu’il est animé par un désir éperdu de plaire à son père : « aime moi comme je t’aime » semble-t-il lui dire; il y a dans de telles scènes quelque chose d’un peu pathétique.

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Voir la vidéo sur Vimeo, accessible avec le mot de passe « urfée »

Il faut insister sur la force des relations qui se nouent dans ces échanges cinématographiques : relations œdipiennes, relations amoureuses, relations au groupe familial, et sur l’importance que représente une telle expérience pour celui qui la vit (ce qui est jeu n’est rien moins que la construction de son identité). On est bien loin du film d’amateur. Ici le désir et la nécessité travaillent les images et s’y expriment presque à l’état brut.

Il y a toutefois un problème : la figure de la stéréotypie semble venir contredire ce mouvement de créativité. Si, comme le dit Pierre Bourdieu, dans le film de famille comme dans la photo de famille, « rien ne peut être photographié en dehors de ce qui doit être photographié » (1965, p. 45), si tout est déjà prédéterminé par l’institution, où se loge la créativité? Bourdieu a raison : indiscutablement le film de famille est soumis aux contraintes de l’institution famille. Toutefois, il faut se méfier de la notion de stéréotypie et des connotations négatives qu’elle véhicule. L’analyse que fait Bruno Duborgel du fonctionnement des dessins d’enfant, des dessins qui, en apparence, comme les films de famille, se ressemblent tous plus ou moins, peut nous aider à mieux comprendre ce qui se passe.

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Duborgel note que cet effet de ressemblance « ne signifie pas forcément stéréotypie, mais commerce de l’âme avec des images tonifiantes pour elle, avec des images si riches de résonances symboliques qu’elles semblent moins se répéter mécaniquement que naître et renaître à chaque instant comme des figurations multiples et fugitives d’un sens inépuisable », et que cela n’empêche pas ces images d’être « l’expression d’un sujet actif et capable de métamorphoser une nécessité en une découverte » (1976, p. 182-189), puis il ajoute : « une image banale peut désigner […] une image originelle et qui à l’inverse de l’apparente originalité de l’image conforme à quelque réalisme du pittoresque, est aussi fondamentale qu’un archétype » (p. 220-221). Ainsi, la force esthétique du dessin d’enfant n’est pas dans la « lettre » du dessin, mais dans ce qui s’y exprime et qui provient de l’imaginaire de l’enfant.

Quelque chose d’analogue se produit avec le film de famille, mais ici, c’est à la réception que se met en œuvre le processus créatif. En effet, on parle beaucoup lors de la projection d’un film de famille.

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Il faut dire que la forme du film de famille s’y prête : dans l’énumération des figures caractéristiques du film de famille, j’ai cité la figure de l’absence de structuration; à la projection, cette figure prend toute sa valeur créative. Je l’ai souvent dit : pour bien fonctionner, un film de famille doit être « mal fait » (c’est-à-dire non structuré); le film de famille doit être une forme « ouverte », une forme à remplir, une forme qui exige une réponse que chaque spectateur doit produire activement lui-même. Une performance communautaire s’effectue alors, avec en parallèle une production de sens individuelle. Le film n’est pas l’œuvre : il est le catalyseur de l’expérience esthétique collective et individuelle. L’œuvre, ce sont les spectateurs qui la produisent en faisant retour sur leur vécu, collectivement en créant le mythe familial toujours euphorique, et individuellement, en revenant chacun sur son expérience personnelle de la famille, souvent bien moins euphorique; mais on se garde bien d’en faire part aux autres membres de la famille : l’ordre familial n’en sera donc pas perturbé.

Dans une thèse toute récente, Giuseppina Sapio a proposé la notion d’ « esthétique du lien » pour désigner ce qui se passe à la prise de vues et lors du visionnement du film de famille; il me semble que cette proposition rejoint assez précisément nos analyses : « L’esthétique, écrit Sapio, est entendue ici comme une manière d’être au monde et d’être ensemble, elle se configure comme un vecteur de sociabilité et son fondement est le lien » (2015). Puis elle cite Michel Maffesoli : « l’esthétique en question n’est nullement celle que l’on peut cantonner dans le domaine des beaux-arts : elle les englobe, mais aussi s’étend à l’ensemble de l’existence sociale. La vie comme œuvre d’art, en quelque sorte, ou encore l’esthétique comme manière de sentir et d’éprouver en commun » (1993, p. 28). Cette conception de l’esthétique qui valorise l’expérience liée à la vie plutôt que les œuvres[14], rapproche le film de famille de certaines productions de l’art contemporain (ex. : Joseph Beuys) qui donnent à voir des objets en eux-mêmes sans grand intérêt (feutre, ordures, graisse), mais qui conduisent à une expérience esthétique par relation avec la vie de l’artiste et/ou du spectateur[15]. Le film de famille s’en distingue toutefois par le fait qu’il est vu en dehors du « monde de l’art ». Il faudra attendre le cinéma expérimental pour que des artistes s’emparent des figures et de l’esthétique du film de famille et le fasse entrer dans le monde de l’art (Allard, 1995, p. 113-126).

A noter, pour conclure sur cet espace, que cette expérience esthétique remarquable est au service d’une fonction idéologique proprement réactionnaire : préserver l’Institution familiale en favorisant la négociation entre les membres de la famille et la création collective d’une histoire familiale mythique. La force d’une expérience esthétique ne garantit pas sa valeur progressiste. La créativité à l’œuvre dans le film de famille est de fait un opérateur d’ordre.

De la créativité au quotidien

Dans L’écran global, Gilles Lipovetsky et Jean Serroy notent que notre relation au « cinéma » s’est modifiée : « Moins le public visite les salles obscures et plus il y a de désir de filmer […]. L’époque qui commence est celle qui consacre la cinévision sans frontière, la cinémania démocratique de tous et par tous. Loin de la mort proclamée du cinéma, la naissance d’un esprit cinéma animant le monde » (2007, p. 26-27). Une manifestation remarquable de cet « esprit cinéma » est l’entrée en force des effets spéciaux dans la vie quotidienne. Avec les petits appareils de photos, avec les tablettes, mais surtout avec le téléphone portable, nous avons sur nous, quasiment en permanence, dans notre poche, une machine à fabriquer des effets spéciaux, des effets directement accessibles via le menu de l’appareil ou importables d’un simple clic à partir d’Internet.

Quelle différence avec ce qui se passait avant, du temps du cinéma amateur! Les cinéastes amateurs ont toujours aimé les effets spéciaux, mais ils étaient très difficiles à réaliser et l’éventail des possibles était assez limité. Aujourd’hui, un clic, et je vois sur l’écran de mon smartphone, un dinosaure entrer dans mon salon; j’entends ses pas lourds tandis qu’il circule entre les meubles; un autre clic, et c’est la troupe des sept nains de Blanche neige qui vient faire la ronde autour de la table de la salle à manger; un autre clic, transforme mon bureau en aquarium : des bulles montent du sol faisant de curieux glouglou, des poissons nagent entre la bibliothèque et l’ordinateur. Si ces effets sont amusants, il faut bien reconnaître qu’ils sont fort peu créatifs : ils ne font qu’activer un programme déjà inscrit dans mon appareil. Il en va de même pour l’effet miniature (tilt shift) qui touche à la forme même du représenté : il consiste à donner à des paysages ou des scènes urbaines l’aspect de maquettes.

D’autres effets permettent de travailler la forme même du cadre (effet panorama, effet fish eye) ou l’image elle-même : effets de grains, de texture, de couleur, de brillance, effet de couleur sélective (ce trucage permet de faire ressortir un élément en désaturant la couleur d’arrière-plan : par exemple, donner à voir un taxi new-yorkais jaune sur fond noir et blanc). Dans ce type d’effets, les plus prisés actuellement visent à recréer l’expérience d’une certaine chair de l’image et d’une certaine matérialité qui auraient disparu avec le numérique. On peut parler d’opérateurs rétro (dans certains menus, la commande de ces effets s’appelle d’ailleurs « retro »). Ces effets s’inscrivent dans la lignée du retour aux disques vinyles, aux objets ruraux (vieux soufflet transformé en table basse, cruche en terre servant de pied de lampe), à l’amour des produits « authentiques » (confiture « bonne maman », pull en « laine sauvage », etc.). Ici la créativité se teinte de nostalgie : effet cinéma muet (noir et blanc, scintillement, mouvement accéléré, absence de son); effet film de famille ou effet super 8 : rayures, sautes, dominantes colorées (bleu, jaune, verte), bruit du projecteur, bruit des collures qui passent dans le couloir de projection, perforations parfois visibles. L’effet polaroid est l’objet d’une curieuse transformation : le propre du polaroid est, on le sait, de donner la possibilité de voir la photo aussitôt après l’avoir prise, or cela n’est plus du tout aujourd’hui un effet, c’est la norme; l’effet polaroid change donc de nature : il s’agit de retrouver le format carré à marges blanches et les couleurs saturées du polaroid; c’est un effet qui concerne la forme de l’image, non son statut.

Quant aux Gifs et aux Vines qui fonctionnent à l’effet loop (boucle) (Manovich, 2001, p. 264), ils nous ramènent à l’époque du pré-cinéma (Zootrope, Praxinoscope) et du cinéma des premiers temps (celui du Kinetoscope d’Edison); la contrainte de produire une séquence à partir d’un nombre très limité d’images (moins d’une dizaine) pousse très certainement à l’inventivité : il faut repérer, dans le monde, une situation ou une scène qui se prête à ce traitement (jeux d’eau, jeux de lumière, mouvements répétitifs) ou au contraire jouer sur le décalage entre l’effet boucle et la situation représentée[16].

Tous ces effets ne conduisent pas systématiquement à des productions créatives, mais le fait d’avoir en permanence à notre disposition, un appareil permettant de les convoquer est une incitation à la créativité.

Mais le phénomène le plus intéressant du point de vue de la créativité est que le langage cinématographique a changé sinon de nature du moins de statut : avec la présence dans notre poche d’un appareil permettant de filmer, il est devenu, comme la langue, un langage de la vie quotidienne, un langage dont on peut se servir en tout lieu, à tout instant pour communiquer en direct (via Bluetooth) ou à distance (via Internet), pour prendre des notes, pour témoigner, ou tout simplement pour s’amuser. Or, comme le note Christian Metz, le langage cinématographique a ceci de particulier qu’il est un « langage sans langue ». La conséquence est que si « parler la langue de tous les jours, c’est simplement l’utiliser », « il faut être un peu artiste » pour parler le langage cinématographique, « même mal » (1968, p. 85). Le langage cinématographique pousse à la créativité.

Cela se manifeste essentiellement aujourd’hui dans la façon dont nous jouons avec le cadre que constituent les écrans de nos smartphones ou de nos tablettes. Le premier acte créatif dans l’utilisation du langage cinématographique est le fait de cadrer; or voir cadré est devenu aujourd’hui quelque chose d’habituel. Dans un entretien au journal Le Monde, l’écrivain Laurent Jenny, note très justement : « Avez-vous remarqué que les gens utilisent leur téléphone portable non pas pour photographier et archiver, mais pour regarder aussitôt ce qu’ils viennent de prendre? Ils veulent en quelque sorte voir « cadré », se voir eux-mêmes ou ce qu’ils observent dans un cadre… » (Jenny, 2013a). Dans La vie esthétique, le même Laurent Jenny souligne que cette opération n’est pas nouvelle. Il cite à ce propos un passage de La Recherche dans lequel Marcel met en œuvre cette « vision cadrée » (Jenny, 2013b, p. 67 et s. : un chapitre de l’ouvrage s’intitule « visions cadrées »). Dans le train le conduisant à Baalbec, Marcel aperçoit soudain le lever de soleil à travers la vitre du wagon : « Dans le carreau de la fenêtre, au-dessus d’un petit bois noir, je vis des nuages échancrés dont le doux duvet était d’un rose fixé, mort, qui ne changea plus, comme celui qui teint les plumes de l’aile qui l’a assimilé ou le pastel sur lequel l’a déposé la fantaisie du peintre ». Un coude de la ligne lui faisant perdre cette vision magique, Marcel passe son temps à courir d’une fenêtre à l’autre « pour, dit-il, rapprocher, pour entoiler les fragments intermittents et opposites de mon beau matin écarlate et versatile et en avoir une vue totale et un tableau continu » (Proust, 1954, p. 654-655). « Pris dans le train de l’existence, commente Laurent Jenny, il y applique les fenêtres de l’art », puis il ajoute : « Il n’y a rien là bien sûr qui puisse nous étonner, nous qui regardons le monde non plus seulement à travers des fenêtres, mais en promenant sur lui les écrans numériques de nos appareils photos et de nos téléphones portables » (Jenny, 2013b, p. 67-69). Il faut s’interroger sur les effets de cette compulsion à voir cadré.

Tous les théoriciens du cadre le soulignent[17], le cadre est un opérateur mental qui se caractérise par son pouvoir de concentration, d’isolation et d’ostension : il permet de mieux voir. Le cadre est un instrument de découverte du monde. C’est aussi un filtre qui produit de la distance et modifie la perception de la réalité dans la mesure où il introduit des repères (les bords du cadre) qui nous conduisent à construire des relations qui n’existent pas dans la réalité. Cadrer en vient ainsi à changer notre relation au monde filmé. Dans une réunion de famille, celui qui filme se met à cadrer en gros plan une mouche qui court sur la nappe de la table et la suit dans ses déplacements; entièrement pris par le travail du cadre, il en oublie pour un temps les membres de la famille et le guitariste qui s’évertue à animer la réunion et dont, seul le son, maintien la présence dans la séquence.

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Filmant la tour Eiffel, le cadreur se sent tout d’un coup pris du désir de la faire pencher, à gauche, puis à droite, avant de la faire totalement disparaitre du cadre d’un panoramique latéral rapide.

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Une illustration caricaturale de ce processus d’intervention sur la réalité peut être trouvée dans les innombrables images (fixes ou animées) où l’on voit quelqu’un retenir la tour penchée de Pise des deux mains, d’une seule main, du doigt, du pied…; c’est à qui fera preuve d’inventivité dans la mise en scène (un film donne à voir ces petits jeux photo-cinématographiques : È viva la torre di Pisa de Daniele Segre, 2012).

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Souvent le désir de voir « cadré » manifeste une volonté de transformation du monde en un espace esthétique. Déplaçant le cadre sur le monde, je cherche à construire le monde de telle façon qu’il me paraisse beau. Le cadre est un opérateur de beauté (« regarde comme c’est beau »). Il arrive même que le travail du cadre conduise à produire une image bien éloignée de celle que donne le regard; en témoigne cette petite anecdote racontée par Laurent Jenny :

Comme souvent, j’ai l’œil attiré par le pittoresque étalage d’une de ces épiceries new-yorkaises ouvertes jour et nuit et tenues par des Pakistanais qui proposent un hétéroclite panorama de marchandises allant du stylo à bille au bouquet de fleurs […]. Je sors machinalement mon téléphone portable … et toujours pour en voir plus, me voici repris par la manie du grossissement au zoom numérique et concentré sur des effets de transparence entre glaçons et morceaux d’ananas. Le résultat, immédiatement consulté, me remplit d’étonnement. Le sujet devenu totalement méconnaissable, a laissé place à une indiscutable composition cubiste, de cette merveilleuse période des années 1908-1912 où Braque et Picasso rivalisaient au bord de l’abstraction. […] L’ensemble donne l’impression que formes et couleurs ont été comme concassées dans un cadre qui les contient avec peine et d’où elles voudraient s’échapper (2013b, p. 89-91).

Ici, le cadre est l’opérateur d’une création conduisant à voir le monde comme une composition plastique. Ce qui est nouveau aujourd’hui est que ce plaisir de création allant jusqu’à l’abstraction est désormais partagé par le plus grand nombre : « Ce qui était pratique raffinée d’esthète est devenue une sorte d’habitus démocratique », note, un peu désabusé, Laurent Jenny (2013b, p. 69).

Enfin, désormais, tout un chacun est conscient de ce geste mental : cadrer, c’est choisir un point de vue sur le monde et transmettre ce point de vue au spectateur[18]. Cadrer manifeste une volonté de communication. On voit bien, par exemple, comment les participants à une manifestation tiennent à bout de bras leur portable, dans une position parfois acrobatique, pour filmer les violences policières, comment ils cadrent en gros plans le visage tuméfié d’une manifestante tabassée pour faire réagir le spectateur et les plaques avec les noms de rue pour localiser et authentifier. Toute une rhétorique plus ou moins inventive est de la sorte convoquée visant à montrer ce que les médias ne montrent pas, à témoigner, à dénoncer, bref, à intervenir dans le cours du monde[19].

Il arrive également (et de plus en plus souvent) que l’on retourne le cadre vers soi pour faire un autoportrait; on parle aujourd’hui de selfie. Le selfie consiste le plus souvent à inclure notre image dans un espace. Regardons comment l’on opère avec les perches à selfies (que l’on vend maintenant dans tous les lieux touristiques). Il s’agit à la fois de se filmer et de filmer le cadre dans lequel on se trouve, d’où ces mouvements incessants de la perche qui traduisent la recherche d’un point de vue susceptible d’englober moi et le monde qui m’entoure. Parfois, un passant farceur intervient, faisant les cornes sur la tête de celui qui filme : le hasard s’invite dans la création. Souvent, il s’agit également d’englober les autres membres de la famille qui font de leur mieux pour se distinguer devant l’appareil en faisant des grimaces ou des gestes divers.

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Certains selfies donnent lieu à une véritable création collective : formant un triangle conduisant à celle qui tient la perche à selfie, les membres d’une famille et peut-être des amis tournent en chœur pas à pas autour du centre formé par le téléphone portable, donnant ainsi à voir la totalité de la place de village au centre de laquelle elle se trouve. Il est clair que les participants à cette expérience s’amusent beaucoup et y prennent beaucoup de plaisir, tout en manifestant en acte la cohésion du groupe.

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On le voit, on est ici, dans le contraire des prises de vues familiales (photos de groupe, photos ou films de famille) qui nous étaient imposées et qui étaient en général le fait du père (j’ai montré ailleurs combien cela pouvait être traumatisant, en particulier pour les enfants [Odin, 1995, 1999]). S’autocadrer, seul ou collectivement, est un travail de construction mentale de l’image soi par un geste volontaire de prise de soi. S’inspirant des réflexions de Michel Foucault (2001, p. 304 et s.), Laurence Allard note que ce geste participe des « technologies du soi », c’est-à-dire des « procédures […] qui sont proposées ou prescrites aux individus pour fixer leur identité, la maintenir ou la transformer » (2014). L’opération manifeste à la fois une volonté de mise à distance de soi (on tient l’écran-cadre à bout de bras), mais aussi une volonté d’affirmation de soi.

On le voit, la créativité ordinaire via le geste de cadrer, a une importance qui va bien au-delà de ce que ce geste simple et banal de sortir son téléphone portable pour filmer pouvait laisser croire : elle fonctionne comme un opérateur intervenant dans notre relation avec le monde, avec les autres et avec nous-mêmes. Pensant à Donald Winnicott, on pourrait parler de créativité transitionnelle. Ces petites « séquences » (car il ne s’agit pas vraiment de « films ») témoignent de notre aptitude à « vivre créativement » (1988, p. 48), c’est à dire à conserver tout au long de la vie quelque chose qui fait partie de l’expérience de la première enfance, le sentiment d’avoir la capacité de créer le monde.

Conclusion

Dans cet article, j’ai tenté de poser la question de la créativité via le langage cinématographique dans trois espaces de communication amateurs. Ces analyses montrent que l’on ne saurait se contenter d’une définition générale de la créativité, ni d’assimiler créativité et production artistique; d’abord, parce qu’il existe différents « mondes » de l’art (on l’a vu avec le cinéma amateur), ensuite parce que, plus généralement, la forme et la fonction de la créativité sont fortement déterminées par l’espace dans lequel elle intervient. Chacun des espaces étudiés a ainsi sa spécificité : dans l’espace des clubs, la créativité fonctionne comme un opérateur de « distinction » (par rapport au cinéaste familial), et il s’agit à la fois d’une créativité technique et d’une créativité bornée par les contraintes sociales; dans l’espace de la famille, la créativité se fait sur le mode relationnel et fonctionne comme un opérateur d’ordre (elle travaille au bénéfice de l’institution Famille); enfin, dans l’espace de la vie quotidienne, la créativité modifie notre relation au monde, aux autres et à nous-mêmes.

De telles analyses devraient être poursuivies sur le même axe de pertinence pour d’autres espaces où le cinéma amateur intervient : cinéma amateur et pédagogie, cinéma amateur et espace du sport, cinéma amateur et recherche scientifique, etc. On découvrirait alors, très certainement, d’autres conceptions de la créativité.

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  1. Pour une réflexion plus détaillée sur la notion de cinéma amateur, voir Odin, 2001.
  2. Sur les relations entre Urfé et le cinéma (en particulier, la caméra Urfée et le film de Rohmer, Les amours d’Astrée et de Céladon), cf. (Odin, 2009).
  3. C’est l’une des grammaires françaises les plus célèbres (Grevisse, 1964).
  4. Cinéma Pratique, Revue des amateurs et professionnels du film étroit, n° 71, 1966.
  5. Pour reprendre le titre d’un ouvrage de Dominique Noguez (1977).
  6. Pierre Bourdieu, op. cit., p. 144 et ss.
  7. Certes il existait bien, dans l’espace professionnel, le scopitone, mais il constitue un autre genre que la chanson filmée : le scopitone donne à voir le chanteur; faite à partir du disque, la chanson filmée met la chanson en images.
  8. Ce processus a été conceptualisé par Christian Metz (1977, p. 70-73) comme l’identification au regard caméra.
  9. Depuis mars 2011, cette revue trimestrielle est publiée en ligne : www.ffcinevideo.org
  10. Le film est visible sur le site de la FFCV, rubrique concours : ffcinevideo.org/Concours FFCV.html
  11. Exception : on trouve un bref article « amateur » dans le Dictionnaire du cinéma et de la télévision de Maurice Bessy et Jean-Louis Chardans (1965, p. 75). La seule histoire du cinéma à proposer un chapitre consistant sur le sujet est celle de Gian Piero Brunetta (Odin, 2001).
  12. On peut voir certain de ces films sur le site de l’INA : https://www.ina.fr/video/PUB3214570019 ainsi que sur le blog de Nath-Didile : https://www.youtube.com/watch?v=UutXQoPpMEA (consulté le 11 janvier 2016).
  13. L’expression « assignation de beauté » est d’Hubert Damish (Le jugement de Paris, p. 18), cité par (Aumont, 1998, p. 84).
  14. Sur cette conception de l’esthétique, cf. (Shusterman, 1992, p. 84).
  15. Sur ce courant de l’art contemporain, cf. (Ardenne, Beausse et Goumarre, 1991).
  16. On peut voir certaines productions de ce type sur le site www.vysual.org
  17. Quelques références parmi beaucoup d’autres (Schapiro, 1969, p. 223-42; Stoichita, 1993; Marin, 1988, p.62-81; Polacci, 2012).
  18. Sur le cadre comme dispositif à prévoir le regard du spectateur, cf. (Marin, 1994). L’analyse de Marin concerne la peinture.
  19. Le site Crowdvoices se consacre à réunir ces productions. cf. (El Shafei, 2014, p. 81-83).

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