35 Yanick X.

Alec Jon Banville

L’histoire de Yanick a commencé le 14 janvier 1993 dans le petit village Golfito Puntarenas, au Costa Rica. Situé au centre sud de la côte pacifique, l’endroit est réputé pour son côté touristique avec ses hôtels, ses bars, ses restaurants, ses plages ainsi que son large inventaire d’activités. Yanick naquit au milieu d’une famille de trois garçons. Il se dit métis puisque son père est natif du Costa Rica, tandis que sa mère est québécoise.

Enfance au Costa Rica : de la montagne à la grande ville

Dès son plus jeune âge, Yanick travaillait avec ses frères et sa mère sur le terrain familial dans la montagne. Il était obligé de porter de longues bottes pour se promener à l’extérieur en raison des araignées ou des serpents venimeux.

Aussitôt que nous avions les capacités physiques, ma mère nous amenait avec elle pour faire du jardinage, couper du bois, chasser ou bien cuisiner.

Dès l’âge de cinq ans, il commença à fréquenter l’école primaire. Il était important d’être bien habillé et coiffé, à défaut de quoi il perdait des points. L’école commençait à 7 heures avec l’hymne national du Costa Rica et se terminait à 14 heures. L’école n’était pas aussi importante qu’ici au Québec; les enfants y allaient si leur famille avait les moyens et les outils nécessaires.

Yanick viva avec ses parents sa vie d’étudiant jusqu’à l’âge de 17 ans, pour ensuite partir en appartement à ses 18 ans. Le travail était rare là-bas, les emplois disponibles étaient surtout dans le domaine touristique ou dans celui de la construction. Yanick travailla seulement une trentaine d’heures enregistrées avant de partir pour le Canada. Dès sa majorité, il décida donc de partir au Canada, plus précisément à Québec, pour terminer ses études et pour rencontrer la famille de sa mère qu’il n’avait jamais rencontrée. Le fait qu’il ait une mère québécoise facilita son expatriation au nord. De plus, Yanick était lassé de sa vie dans son pays d’origine. Plusieurs fois, sa mère lui avait parlé du Québec et il attendait impatiemment ses 18 ans pour s’exiler.

L’immersion québécoise : la famille et l’amour

En 2011, quand Yanick arriva au Québec, il passa les deux premiers mois chez son oncle. Ce dernier l’aida d’abord avec la langue, puis pour lui trouver un logement et un emploi.

Yanick connaissait quelques bases de français grâce à sa mère, mais il était incapable de suivre une conversation complète. Son immersion totale de deux mois dans la famille de sa mère le força à apprendre et à se débrouiller. Après seulement six mois, Yanick était devenu très à l’aise avec la langue. Il vivait seul en appartement et terminait ses équivalences pour entrer au cégep. Son adaptation se passait relativement bien malgré l’ennui causé par la séparation avec son pays d’origine, sa famille et ses ami-e-s.

L’adaptation au climat a été difficile. La température m’a fait faire une genre de dépression pendant trois mois…

Quelques mois plus tard, toujours durant sa première année d’immersion, Yanick rencontra une jeune femme qui changea les quatre années suivantes de sa vie. Elle l’aida beaucoup à parfaire son français, comprendre les valeurs, la culture et les croyances du Québec. Elle le motiva à l’école et au travail.

Sa vie maintenant et son futur

Dès son arrivée ici, Yanick aspirait à terminer ses études pour devenir ingénieur web. Il étudie présentement en informatique au Cégep de Sainte-Foy.

Je veux rester ici jusqu’à ce que j’aie ma profession et peut-être même après parce que j’aime vraiment ça, le Québec… sauf l’hiver!

Yanick est attaché au Québec. Il aime comment il a été accueilli ici, il trouve les gens chaleureux, ouverts d’esprit et très sympathiques. Par contre, il s’ennuie de ses frères et de ses ami-e-s. Il aimerait d’ailleurs aider son petit frère à venir étudier au Québec. Il reste toutefois raisonnable et préfère faire confiance à la vie pour la suite. L’ouverture d’esprit est la valeur des Québécois-es qui le touche le plus. Par contre, il explique que cette valeur n’est pas partagée par tous et toutes les Québécois-es. En effet, les préjugés de plusieurs personnes sur les immigrant-e-s l’ont dérangé, voire marqué.

Ce n’est pas méchant, mais ça dépend toujours de si tu y es exposé ou pas. Si t’as jamais voyagé, si t’as jamais rencontré ou eu des amis immigrants, tu vas peut-être avoir d’autres conceptions du monde ou d’autres valeurs.

Yanick parle aussi de l’individualisme de notre société qui diverge totalement des valeurs de son pays. Toutefois, il ajoute qu’il croit que cela est relatif à chaque personne, mais que, en général, l’individualisme est plus fort ici qu’au Costa Rica. Il fait aussi référence au côté consommateur enragé des Québécois-es. Il trouve cela inconcevable de consommer autant alors que, dans certaines régions du monde, la pauvreté et la famine règnent. Il ajoute cependant que, même sur le plan personnel, depuis son arrivée au Canada, son niveau de consommation a augmenté graduellement.

Comme recommandation aux Québécois-es, Yanick croit que nous devrions faire confiance aux immigrant-e-s, essayer de les comprendre et faire fi des préjugés qui pourraient affecter notre jugement. Il croit que l’éducation est la clé du changement, autant pour nous que pour les immigrant-e-s.

Dans mon pays, il y a des personnes qui pensent que les gens de l’Amérique du Nord sont de riches consommateurs qui ne se soucient de personne. Comme ici, il y en a qui jugent avant même de connaître.

Expérience personnelle : négative/positive

Yanick m’a raconté une situation où il a vécu au racisme. Alors qu’il sortait dans un bar à Québec avec des amis latinos, les esprits se sont échauffés entre son groupe et la sécurité. Yanick est métis, donc plus blanc que ses autres amis d’Amérique latine. Alors qu’ils se chicanaient avec un garde de sécurité, un autre agent a sorti avec force un ami de son groupe dont la peau était plus foncée, même si ce dernier n’avait rien fait. Selon lui, la couleur de la peau et la langue a clairement eu un impact sur la décision raciste de l’employé du bar.

D’un côté plus positif, Yanick explique que les événements haineux restent rares. Que ce soit au travail ou à l’école, la plupart des Québécois-es sont sympathiques et s’intéressent beaucoup à sa culture et au mode de vie des gens issus du Costa Rica.

Souvent, les gens prennent deux ou trois minutes pour me questionner, pour en savoir plus sur moi ou sur mon pays d’origine. Je trouve ça agréable et respectueux.

Yanick X. ne regrette pas son choix d’avoir immigré au Canada, mais il ne peut oublier le lien de sang et de coeur avec son pays d’origine.

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