43 Adriana X.

Jean-François Hébert

Cela fait 42 années qu’Adriana X. vit au Québec. Voici le récit d’une Mexicaine prédestinée à devenir Québécoise.

La jeunesse au Mexique

Adriana X. est originaire de la ville de Mexico au Mexique. Née dans une famille bien nantie, elle fut élevée dans une grande maison. Adriana était, en quelque sorte, prédisposée à mener une vie en français. En effet, elle s’ouvrit d’abord sur le monde en étudiant en anglais au secondaire. Par la suite, elle étudia en immersion française dans un lycée français tout proche d’où elle vivait. En raison de son apprentissage du français, Adriana fut recrutée par une agence touristique pour accompagner des groupes de touristes au Mexique. Un jour, elle accompagna un groupe de touristes québécois-es dans lequel se trouvait son futur mari. Elle avait alors 18 ans.

Le début de la vie adulte au Québec

Lorsque les deux jeunes gens décidèrent de vivre une vie commune, le Québec s’imposa comme un choix qui allait de soi : son futur mari était Québécois et elle parlait déjà le français. En 1975, ils s’envolèrent ensemble vers le Québec où ils se marièrent quelques mois plus tard. Douze ans d’âge les séparent. Arrivée au Québec, l’intégration fut difficile. D’abord, son premier hiver permit de tester son endurance. Ne sachant pas que les bottes antidérapantes existaient, elle se promena en souliers jusqu’à ce qu’elle «pique sa première débarque».

Une fois au Québec, c’est principalement la famille de son mari qui l’a accueillie.

Ma belle-mère était très réticente. Elle trouvait que le mariage représentait beaucoup de responsabilités pour une fille de 18 ans.

Malgré cette réticence à son égard, cette dernière lui apprit à cuisiner. Adriana pense que sa belle-mère l’a fait, car elle voulait s’assurer que la femme de son fils devienne une bonne compagne et une bonne maman. Ces plats québécois furent longtemps les seuls qu’elle savait cuisiner puisque, au Mexique, c’était les «bonnes» qui travaillaient chez elle qui faisaient les repas. Malgré tout, la nourriture représentait un des aspects qu’elle trouvait difficile à intégrer.

Tu passes de la cuisine mexicaine qui est classée dans le patrimoine culturel immatériel de l’UNESCO à la cuisine steak-blé d’Inde-patate.

En effet, Adriana avait de la difficulté à faire la transition entre cuisine mexicaine et cuisine québécoise. Aujourd’hui, elle s’est habituée.

La cuisine québécoise a beaucoup évolué et s’est ouverte sur le monde. Tu trouves de tout maintenant.

Finalement, elle trouva difficile de vivre dans un petit appartement de la rue d’Auteuil, seule avec son mari. La vie au Mexique était plus mouvementée : ils étaient cinq enfants dans la maison et les «bonnes» étaient toujours présentes. Impossible qu’il ne se passe rien. Les Québécois-es ne sont pas aussi spontané-e-s qu’au Mexique.

Ici, on appelle toujours avant de visiter quelqu’un. On ne débarque jamais à l’improviste, sinon on dérange. Parfois, des gens m’envoient des textos pour me demander s’ils peuvent m’appeler. Pourquoi n’appelles-tu pas à la place?

Malgré ces défis d’intégration, Adriana passa sa première année dans la ville de Québec sans problème.

« La Mexicaine qui vole nos jobs »

Elle déménagea ensuite à Shawinigan pour suivre son mari dans son emploi. Une fois installés, ils démarrèrent une entreprise de savons artisanaux. La boutique réussit bien et c’est ce qui rendit certains Shawiniganais-es jaloux et jalouses, selon elle. À son arrivée dans la région, elle a fréquemment entendu des gens dirent qu’elle volait leurs emplois. Pour elle, cette mentalité est difficile à comprendre.

Auraient-ils préféré que je ne travaille pas et que je profite du bien-être social?

Sans parler des «Mexicain-e-s qui viennent récolter les asperges parce que les Québécois-es ne veulent pas le faire». Peu importe, Adriana résida à Shawinigan pendant les 15 années suivantes. Durant l’année 1981, elle devint professeure d’espagnol au Cégep de Shawinigan et mère de son premier enfant. Par la suite, elle exerça au Cégep de Trois-Rivières et eut son second fils.

De Shawinigan à la ville de Québec

C’est en 1990 qu’elle revint à Québec. Durant cette même année, elle obtint un poste d’enseignante au Cégep de Sainte-Foy et tomba enceinte de son troisième enfant. En 1993, elle eut son quatrième et dernier enfant.

Sa relation avec le Mexique

Depuis son arrivée, Adriana resta toujours en contact avec des membres de sa famille au Mexique. Elle garde contact avec son frère, son oncle et sa tante; son autre frère, sa sœur et ses parents sont décédés. Adriana retourna au Mexique à quelques reprises pour visiter les siens, mais, actuellement, en raison des cartels et de la corruption, plusieurs régions du Mexique comme le Sinaloa ou le Chiapas sont à éviter puisque des braconniers s’en prennent même aux touristes.

Les valeurs québécoises

Pour Adriana, les plus belles valeurs qu’elle observa sont la solidarité et l’entraide. Lorsqu’une situation requiert qu’une communauté se soutienne, les Québécois-es n’hésitent pas. De plus, elle croit que les Québécois-es sont accueillant-e-s et ouvert-e-s aux nouveaux et nouvelles arrivant-e-s.

Cependant, si les Québécois-es sont solidaires en situation de crise, elle déplore un manque de valeurs familiales et un individualisme marquant. D’abord, les familles ici sont moins nombreuses et elle ne sent pas qu’il s’agit d’une priorité pour tous et toutes, alors que, au Mexique, la famille est un pilier dans la vie et représente une partie de soi-même. Là-bas, les gens n’attendent pas d’être invités pour aller chez les gens. Elle pense que cet individualisme s’explique notamment par la température. Par exemple, lorsqu’il fait froid, les gens prennent moins le temps de discuter lorsqu’ils rencontrent quelqu’un et sont moins enclins à marcher dans leur quartier.

Les stéréotypes

Elle croit que les Québécois-es ont certains préjugés envers les Mexicain-ne-s, par exemple : les Mexicain-e-s sont des individus paresseux qui aiment la danse et la fête. Toutefois, elle n’a jamais vraiment vécu de racisme, sauf à Shawinigan.

L’intégration des nouveaux et nouvelles arrivant-e-s

Elle pense que certain-e-s immigrant-e-s profitent de l’accueil chaleureux des Québécois-es.

Je suis peut-être plus Québécoise après 42 ans, mais je suis intolérante face à certains individus abusant le système.

À Rome, comme les Romains. Au Québec, comme les Québécois.

Elle croit qu’un-e immigrant-e se doit de travailler le plus rapidement possible. Elle comprend que les contextes peuvent être différents, mais a connu trop d’individus profitant du système québécois. Selon elle, ces individus donnent raison à ceux et à celles qui se positionnent contre l’immigration, bien que ces cas particuliers sont loin de représenter la majorité. Son seul conseil pour aider l’intégration d’un-e nouvel-le arrivant-e est d’apprendre la langue le plus rapidement possible. Apprendre la langue permet de trouver du travail rapidement, puis connaître les coutumes favorisera l’intégration.

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