12 Sebastián X.

Jasmin Roy

Sebastián X., originaire de Santiago, a grandi à Valparaiso et habite la ville de Québec depuis maintenant trois ans. À 29 ans, il est en voie de terminer sa maîtrise en science politique à l’Université Laval. Il s’implique dans la communauté étudiante de l’université et il travaille bénévolement pour l’organisation Oxfam-Québec, notamment pour l’Observatoire Jeunesse Oxfam-Québec.

Une enfance teintée d’influences politiques

Né d’une mère enseignante et d’un père infirmier, Sebastián passa son enfance dans la ville portuaire de Valparaiso, non loin de la capitale du Chili, Santiago. Pendant quelques années, sa famille s’exila en Belgique lors du règne de terreur du général Pinochet à la fin des années 1970. À la suite de cette période trouble, sa famille retourna au Chili après avoir appris les rudiments de la langue française.

Sebastián fit son école secondaire à Santiago où il s’intéressait déjà à l’histoire, aux sciences sociales, à la politique et aux langues. Il poursuivit donc ses intérêts en s’inscrivant au baccalauréat en histoire à l’Université pontificale catholique du Chili (Pontificia Universidad Católica de Chile). Il s’impliqua dans la communauté étudiante de l’université en devenant, plus tard, le secrétaire général de la Fédération des étudiant-e-s de l’Université Catholique du Chili (FEUC). En 2011, la FEUC prit part aux nombreuses manifestations étudiantes qui eurent lieu au Chili pour dénoncer le système d’éducation public qui ne finançait que 25 % des frais universitaires.

Une arrivée au Québec en deux étapes

Quelques mois avant l’éruption de ces mouvements étudiants chiliens, en 2010, sa sœur immigrait à Québec avec son mari et son fils. Elle invita alors Sebastián à vivre avec elle et sa famille pendant un an. Après ces mois mouvementés au Chili, il avait envie de changer d’air. Il s’intéressait également aux manifestations étudiantes similaires au Québec, lors du printemps 2012. Avec ces motivations, il accepta la proposition de sa sœur et il arriva dans la ville de Québec grâce au programme vacances-travail.

Il étudia au Centre d’auto-apprentissage de français immigrant (CAFI) du Cégep de Sainte-Foy pendant près de dix mois. Bien qu’il maîtrisait parfaitement l’espagnol et l’anglais, il avait un grand intérêt à perfectionner son français.

Je ne voulais pas utiliser l’anglais comme solution facile : il me fallait apprendre le français.

Après son séjour d’un an, il retourna au Chili pendant quelques mois, mais il désirait connaître en profondeur la société québécoise. Il contacta alors Diane Lamoureux, professeure de sciences politiques à l’Université Laval, et il lui proposa une recherche comparative entre le printemps érable au Québec et le mouvement étudiant au Chili. Deux sociétés lointaines qui ont pourtant vécu des changements similaires. Il fut accepté à la maîtrise en science politique à l’Université Laval et revint à Québec en 2014.

Un accueil chaleureux, mais difficile

Lors de son premier séjour chez sa sœur, il aidait régulièrement celle-ci en gardant les enfants. C’était une vie très familiale et chaleureuse, mais aussi difficile puisqu’il ne connaissait personne d’autre.

C’est un sentiment difficile de recommencer à zéro parce que tu vois des gens qui ont déjà des trajectoires, des vies, et tu dois t’insérer. Si j’étais resté au Chili, cela aurait été plus facile, mais c’est aussi faux. Dès que tu pars, les gens changent aussi, ce monde de rêve dans ton pays d’origine n’existe plus.

Sa sœur participait aux loisirs et activités du quartier. Cela permit à Sebastián de connaître les gens et le voisinage. De plus, les enseignant-e-s du Cégep étaient aussi très accueillant-e-s et qualifié-e-s dans l’apprentissage du français aux immigrant-e-s.

Il fut recruté par International Council for Adult Education qui lui permit de travailler à partir de la maison, mais Sebastián désirait toujours commencer une carrière professionnelle au Québec. Il siégea au conseil d’administration de l’Association des étudiantes et des étudiants de Laval inscrits aux études supérieures (AELIÉS). Il continua à créer son entourage, entre autres, avec des gens ayant des intérêts en politique ou encore des origines communes. Cependant, il ne voulait pas uniquement partager la vision des Chilien-ne-s immigré-e-s au Québec afin d’éviter la ghettoïsation.

La dualité de la fierté québécoise

Quant aux valeurs propres au Québec, Sebastián apprécie la fierté des Québécois-es par rapport à la langue et la culture.

Les gens sont prêts à payer 2$ de plus pour acheter quelque chose d’ici, j’admire beaucoup ça.

Des mobilisations citoyennes se créent lorsqu’il y a des injustices pour former une force. Ce sont des gens qui s’impliquent et qui sont capables de créer des convergences, au-delà des clivages sociaux. Les exilé-e-s politiques chilien-ne-s témoignent de cette solidarité qui est présente au Québec. Au Canada anglais, ces derniers et dernières sont plutôt marginalisé-e-s, alors que, au Québec, ils et elles sont dirigeant-e-s syndicaux, député-e-s ou encore porte-paroles de partis politiques.

Cette fierté est toutefois arrosée d’ambivalence, mentionne Sebastián. Il est plus difficile de « percer » la barrière culturelle réellement puisque les gens n’ont pas de tolérance à l’égard des immigrant-e-s arrogant-e-s et peu intéressé-e-s à la culture locale. Cependant, lorsqu’un-e nouvel-le arrivant-e réussit à percer cette barrière, il ou elle s’intègre pour vrai et partage un sentiment de communauté avec les locaux.

La perception québécoise de l’Amérique latine

Sebastián estime que les Québécois-es ont une vision partielle de l’Amérique latine, d’un côté, pour des raisons géographiques. Le Mexique est à proximité et plusieurs personnes participent à des voyages « tout inclus » dans le sud. Il existe aussi une méconnaissance de la culture autochtone en Amérique latine, comme les Incas et les Mayas.

Sebastián explique qu’il s’agit plutôt de préjugés positifs. Il n’a jamais été victime de racisme ou de discrimination. Il réitère que ce n’est pas une expérience universelle, car il est blanc, donc une minorité invisible. Il vient également d’une famille de la classe moyenne ayant une éducation supérieure à la moyenne.

Quelques conseils pour les nouveaux et nouvelles arrivant-e-s

La première recommandation que propose Sebastián est de laisser son arrogance chez soi. L’immigrant-e doit s’adapter à la façon dont les choses fonctionnent ailleurs, en évitant d’imposer sa propre manière de voir et faire les choses. En respectant les autres, il ou elle sera respecté-e. Sa deuxième recommandation est de bien s’informer pour ne pas tomber dans les pièges stéréotypés. Ce n’est ni l’enfer ni le paradis. Il ne faut pas s’imaginer obtenir un emploi dans l’avion.

Pour finir, dans son parcours, l’apprentissage du français a été sa plus belle réalisation. La langue de Molière lui a permis de rencontrer des gens de différents horizons qui partagent des expériences communes.

La chose qui m’a le plus marquée, dans l’accueil et dans tout mon parcours, c’est la possibilité ici de connaître d’autres cultures. Par exemple, le fait de connaître des gens de différents coins de l’Afrique. J’ai vu concrètement que le fait d’apprendre le français m’a permis de connaître d’autres cultures, en étant ici.

Il reconnaît qu’il est justifié que certain-e-s Québécois-es s’inquiètent de l’arrivée d’immigrant-e-s. Selon lui, le véritable problème est le manque de ressources pour les accueillir. Sebastián suggère que la francisation soit établie comme un droit dans la loi afin que tous et toutes les nouveaux, nouvelles arrivant-e-s aient accès à des cours de français de qualité. Il faut davantage regarder les enjeux qui nous unissent, le droit à l’éducation et à la santé. Il ne s’agit pas d’une concurrence entre les gens d’ici et d’ailleurs, mais plutôt d’une harmonie entre une pluralité de cultures et d’opinions.

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