15 Evelin X.

Olivia Tremblay

Evelin X. arriva au Québec en 2007, alors âgée de 13 ans. Elle est née à Magangue, ville de la province de Bolivar, en Colombie, une région côtière située à des milliers de kilomètres de la capitale du pays, Bogotá. Elle habita toutefois la capitale durant les dernières années de sa vie en Colombie.

Partir

Quitter la Colombie ne fut pas la décision d’Evelin, mais bien celle de sa famille, pour le bien de celle-ci, l’idée provenant de son oncle. Il souhaitait trouver un meilleur endroit pour sa famille, plus sûr, qui allait être bénéfique pour le futur de tout le monde. L’oncle d’Evelin visita donc plusieurs pays pour finalement arrêter son choix sur le Québec, car on y trouvait de nombreuses opportunités pour les familles, comme l’aide financière aux études ou familiale. La famille entama donc les démarches pour quitter la Colombie et immigrer au Canada.

Le premier contact avec le Québec

Evelin et sa famille arrivèrent au Québec au mois de mars. C’était une froide fin d’hiver et la température était glaciale. Pour Evelin, ce fut un petit choc puisque « Magangue, on peut la comparer au Québec en automne. Parfois, on a des journées chaudes et parfois, il fait froid, mais jamais au point d’avoir de la neige ». Sa famille et elle n’avaient pas prévu une température aussi froide, ils et elles n’étaient donc pas habillé-e-s en conséquence à leur sortie de l’aéroport. Son oncle, arrivé quelque temps avant eux, vint les chercher à l’aéroport et les hébergea quelques mois.

Vivre son adolescence dans un nouveau pays

La première journée à l’école secondaire ne fut pas facile pour Evelin. Le système scolaire québécois lui demanda de l’adaptation, étant bien différent de le celui de la Colombie. Lorsqu’elle quitta la Colombie, elle était en septième année du secondaire. Au Québec, cela équivalait à la première année du secondaire. Les horaires et codes vestimentaires n’étaient pas les mêmes. En effet, en Colombie, l’école commençait à 7 h du matin et se terminait à 15 h. Les élèves avaient plusieurs courtes pauses et dînaient à leur sortie des classes. De plus, en Colombie, les élèves portaient des uniformes, ce qui n’était pas le cas dans les écoles publiques du Québec. L’intégration ne fut pas facile. Lors de sa première journée à l’école, elle ne parlait pas un mot français. Elle était complètement hors de sa zone de confort. Non seulement elle débarquait dans un pays dont la température était déroutante, mais elle était aussi complètement immergée dans une langue qui n’était pas la sienne. Elle se sentait un peu comme une « bibitte » à travers tous ces gens qu’elle ne comprenait pas. Elle était pourtant une jeune fille très sociable qui aimait parler avec les gens, ce qui la rendit très triste. Elle ne devait pas simplement apprendre une nouvelle langue, mais aussi de nouvelles valeurs, s’adapter à de nouveaux horaires, prendre l’autobus et se faire des nouveaux et nouvelles ami-e-s ne parlant pas la même langue qu’elle.

À la maison, ce ne fut pas facile non plus. Evelin et sa famille habitèrent pendant neuf mois chez son oncle, car ils n’arrivaient pas à trouver une maison. Jeune fille de 13 ans en plein développement, elle n’avait aucune intimité. Son pays lui manquait. Ses ami-e-s et les autres membres de sa famille resté-e-s en Colombie lui manquaient aussi. Elle ne pouvait pas vraiment vivre son deuil paisiblement et ce manque d’intimité ne l’aida pas à s’adapter. La jeune Evelin était très triste et souhaitait retrouver son pays.

Dix ans plus tard, la vie au Québec

Evelin a finalement réussi à bien s’adapter au Québec. Cela lui a pris du temps, mais, au final, sa vie est désormais ici. Elle va à l’école et travaille dans un restaurant pour subvenir à ses besoins et payer ses études. Elle entrera bientôt dans un programme de psychologie à l’université. Sa meilleure amie et son amoureux sont tous les deux Québécois-es. Elle dit que, grâce à eux, elle découvre de plus en plus la culture québécoise et ses traditions. Elle adore particulièrement découvrir « ses mets et ses lieux fantastiques ». Elle peut maintenant dire que malgré le froid, auquel elle n’est toujours pas habituée, elle aime le Québec. Elle garde toujours contact avec les membres de sa famille resté-e-s en Colombie. En 2016, elle a fait un voyage de deux mois pour aller voir son frère et sa grand-mère. Ce voyage lui a permis un retour aux sources ainsi qu’une réconciliation avec la culture qui lui manquait tant.

La dichotomie des cultures

Selon Evelin, au Québec, ce qui diffère le plus de la culture colombienne, c’est l’individualisme. Pour elle, les Québécois-es manquent de proximité et de considération pour leurs proches. C’est étrange pour elle d’isoler les personnes âgées dans des résidences plutôt que de s’en occuper. Elle trouve aussi que de laisser les enfants aussi longtemps à la garderie ou dans les services de garde est assez perturbant. C’est un peu comme si les Québécois-es délaissaient les aîné-e-s et les jeunes pour prioriser leurs carrières et leur propre vie. Le haut taux de divorce est aussi une grande différence avec la Colombie. Là-bas, les valeurs familiales sont beaucoup plus ancrées et importantes.

Evelin a souvent remarqué que les Québécois-es ont une vision bien particulière des Colombien-ne-s. En effet, deux opinions ressortent majoritairement. La première est que les Colombien-ne-s sont travaillants et enjoués. La deuxième est qu’ils et elles consomment beaucoup de drogue en raison d’un environnement plus propice. Toutefois, c’est un stéréotype de croire cela. C’est un peu comme de dire que tous et toutes les Québécois-es portent des ceintures fléchées et des chemises carreautées.

Des conseils

Si Evelin devait conseiller un-e immigrant-e, elle lui dirait de commencer à apprendre le français avant son arrivée pour faciliter son intégration. Elle conseille aussi de se préparer à la température et de s’informer par rapport aux traditions québécoises avant de quitter son pays.

Le message d’Evelin pour les Québécois-es d’origine est de laisser une chance aux immigrant-e-s. Quitter son pays est très difficile et l’adaptation aussi. Il faut une grande force de caractère pour s’immerger et s’adapter complètement à un nouvel environnement. Ce n’est pas facile. Ça l’est encore moins lorsqu’on vit du rejet. Lorsque Evelin est arrivée au Québec, certain-e-s de ses nouveaux et nouvelles ami-e-s ont même appris quelques mots dans sa langue pour lui expliquer ce qu’elle ne comprenait pas. L’important, c’est d’oublier les différences culturelles et de se concentrer sur les ressemblances.

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