36 Teresa X.

Laura Fitzback

De 1979 à 1992, le Salvador a été la proie d’une guerre civile violente. Durant ces années de noirceur, de nombreux enfants ont dû quitter leur famille et leur pays illégalement afin de se réfugier ailleurs. Teresa X. était l’une de ces enfants.

Enfance

Elle est née à Ilopango, une petite ville située à quelques kilomètres de San Salvador, la capitale du Savaldor. Alors que son père travaillait à l’aéroport d’Ilopango, sa mère restait à la maison pour s’occuper d’elle, de son frère et de ses deux sœurs. Avec son lac et son volcan portant le même nom, Ilopango est un endroit d’une beauté extraordinaire. Toutefois, Teresa n’a pas pu profiter pleinement de son enfance et de ce magnifique paysage en raison de la guerre civile qui y fit des ravages.

Fuir le pays

Quitter le Salvador était réellement la meilleure solution pour protéger les enfants qui souffraient quotidiennement des conséquences de la guerre. Cependant, c’était loin d’être chose facile, car le gouvernement contrôlait les entrées et les sorties du pays. Or, en 1984, alors âgée de 15 ans, Teresa eut l’occasion de fuir l’horreur du Salvador en compagnie de sa grand-mère. Laissant derrière son enfance et le reste de sa famille proche, elle embarqua illégalement à bord d’un autobus pour s’exiler chez un oncle vivant à Los Angeles. Le voyage ne fut pas de tout repos puisque, pour se rendre en Californie, l’autobus dut traverser la frontière du Guatemala, du Mexique, puis finalement des États-Unis.

Nouvelle vie

Arrivée à Los Angeles, Teresa resta quelques mois chez son oncle pour s’adapter à son nouvel environnement et apprendre l’anglais. Ensuite, elle se rendit chez un autre oncle en attendant d’avoir 16 ans et de se trouver un appartement ainsi qu’un emploi pour pouvoir vivre par elle-même. Puisque Teresa était encore jeune, elle tenta de reprendre ses études afin d’avoir une meilleure qualité de vie. Par contre, avec son nouvel emploi au restaurant Jack in the Box et un appartement à payer à elle seule, il lui fut impossible de poursuivre ses études. Malgré tout, elle réussit rapidement à bien gagner sa vie. Au restaurant, malgré son jeune âge, elle était respectée de tous et toutes grâce à son travail de qualité et son assiduité exemplaire. Elle était d’ailleurs considérée comme la gérante du restaurant, même si on ne pouvait lui accorder ce titre compte tenu de son trop jeune âge.

Après avoir occupé des emplois dans divers domaines, Teresa décida de suivre les traces de son père et d’aller se chercher un travail à l’aéroport de Los Angeles. Là-bas, elle commença à travailler pour une compagnie de location d’automobiles. C’est d’ailleurs à cet endroit qu’elle aperçut pour la première fois l’homme qui changerait sa vie à nouveau.

Idylle québécoise

En 1999, Teresa travaillait à l’aéroport de Los Angeles lorsque deux hommes entrèrent pour louer une voiture. Il s’agissait de deux Québécois qui entamaient un voyage en Californie. Le trio s’entendit immédiatement, mais des liens se tissèrent davantage entre Teresa et l’un des deux Québécois. À la fin du voyage, l’autre homme décida de rester vivre à Los Angeles, faisant en sorte que le prétendant de Teresa pouvait passer la voir à chacune de ses visites pour voir son ami. Au fil du temps, ils développèrent une très belle complicité. Toutefois, tous deux étaient en couple à l’époque. Ce n’est que quelques années plus tard, en 2006, qu’ils purent finalement aller souper ensemble.

Au départ, ils correspondaient surtout par lettres, mais lorsque les courriels sont devenus plus populaires, ils ont commencé à échanger grâce à cette nouvelle technologie. Pendant cette période, ils se visitèrent également dans leurs villes respectives à plusieurs reprises. C’est donc à ce moment que Teresa vint à Québec pour la première fois et qu’elle tomba sous le charme de la ville et de ses paysages. Un an et trois mois après leur rencontre, Teresa prit la décision de rejoindre son amoureux à Québec de manière définitive.

Québec

Même si son conjoint est originaire du Québec et que le français est sa langue maternelle, Teresa ne parlait aucunement la langue de Molière à son arrivée. Ils avaient plutôt l’habitude de communiquer en anglais durant les premiers temps de leur relation. Ainsi, deux mois après son arrivée, Teresa s’inscrivit au Centre Louis-Jolliet pour suivre des cours en francisation. Grâce à sa détermination et à son nouvel entourage québécois, elle parvint à passer du niveau débutant au niveau intermédiaire en deux ans. Après avoir complété le niveau intermédiaire, elle cessa ses cours en francisation afin d’apprendre par elle-même, notamment en parlant avec son conjoint et les parents de ce dernier.

Ça a pris cinq ou six ans avant que je puisse vraiment bien parler et bien comprendre. Je suis maintenant fière de parler trois langues (espagnol, anglais et français), même si ce n’est pas parfait et que j’ai encore beaucoup à apprendre.

Lors de ses premiers mois à Québec, Teresa fut surprise par la beauté de la ville. Elle souligne que, contrairement à Ilopango et à Los Angeles, la nature se trouve partout, et ce, même en plein cœur du centre-ville. Elle adore l’ambiance et le rythme de vie calme qui règnent au sein de la ville. Elle mentionne même que, de toutes les villes où elle a habité, c’est Québec qu’elle préfère. Avant de déménager ici, Teresa était craintive du froid. Cette crainte était due au fait qu’elle n’avait pas encore véritablement connu ce type de température. Cependant, l’adaptation au froid, parfois extrême, de la région fut plus facile que ce à quoi elle s’attendait et, après un ou deux ans, elle y était complètement habituée.

Dès son arrivée à Québec, Teresa remarqua que les Québécois-es possèdent des valeurs similaires à celles des Latino-Américain-e-s, ce qui lui plut tout de suite. Par exemple, elle aime que les Québécois-es accordent beaucoup d’importance à leur famille. D’ailleurs, elle trouve peu de choses à redire sur l’accueil et l’ouverture d’esprit des Québécois-es. Elle souligne néanmoins qu’elle a tout de même vécu quelques situations où elle avait l’impression d’être discriminée à cause de son accent. Par contre, elle précise « qu’il s’agit d’exceptions puisque ce n’est qu’arrivé que trois fois en dix ans ». Aujourd’hui, Teresa a réellement développé un sentiment d’appartenance pour la ville de Québec et pense y demeurer pour le reste de sa vie.

Compte tenu de sa belle expérience, elle recommande sans hésiter aux immigrant-e-s de venir vivre à Québec. Son premier conseil pour ces personnes est « de ne pas être trop durs envers eux-mêmes et d’accepter la façon de vivre et les lois d’ici. Il faut se donner du temps pour s’adapter ».

Il est inutile de comparer son pays d’origine et sa nouvelle ville, car il y a certainement des différences. Chaque ville a son propre système et il faut apprendre à le respecter. Si on trouve quelque chose de négatif, mieux vaut essayer de comprendre pourquoi c’est ainsi.

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Hôtel de ville d’Ilopango. Crédit : Teresa X.

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