38 Sandra X.

Audrey Plante-Grenier

Sandra a décidé de quitter le Salvador en 1994 pour fuir la violence qui faisait encore rage depuis 1979, année marquant le début de la guerre civile. Celle-ci opposait le gouvernement de droite en place au Front Farabundo Marti de libération nationale (le FMLN). Même si le conflit a pris fin en 1992, des violences continuait d’être commises les gangs de rues. Il a créé une dévastation économique et la grande violence présente au Salvador représente toujours une source d’importants problèmes sociaux.

La vie au Salvador

Depuis sa naissance, Sandra vivait dans la campagne salvadorienne avec sa famille. Toute la famille X. était solidaire et unie. Leur langue maternelle est bien évidemment l’espagnol, mais les enfants apprenaient le français à l’école.

La vie dans la campagne salvadorienne était très différente de celle qu’on vit ici. Les campagnes étaient peu modernisées et on y vivait simplement. Aucune voiture ne se rendait dans les montagnes; tout le monde se déplaçait en cheval. Les maisons sont Configurées complètement différemment, les toilettes des maisons se trouvaient à l’extérieur et il n’y avait pas d’eau courante.

De plus, en campagne, les habitant-e-s avaient du pain sur la planche. Il y avait constamment des choses à faire. Impossible de s’ennuyer! Ils et elles se levaient très tôt, entre 4 heures et 5 heures du matin, pour accomplir toutes les tâches, car, contrairement aux villes, il n’y avait pas de magasin en campagne. Les gens devaient donc tout confectionner à la main et avoir leurs propres animaux pour se nourrir.

Pour la famille, le choix d’habiter en campagne plutôt qu’en ville était surtout une question de liberté et de sécurité. Même, elle ne visitait que très peu la ville, car c’était un endroit plutôt dangereux.

Le départ du Salvador, l’arrivée au Québec

La famille avait trois choix pour l’immigration : le Canada, les États-Unis ou l’Australie. Le Québec a finalement été choisi par ses grands-parents, car il y était plus facile de s’adapter à cause de la langue, le français, qu’ils apprenaient déjà à l’école. Toute la famille a immigré au Canada, ses grands-parents, ses parents, son frère et elle.

Les X. sont arrivé-e-s en pleine tempête à l’aéroport de Montréal le 16 février 1994. Son père avait acheté une voiture, mais il avait malencontreusement oublié les manteaux d’hiver. En plus d’être traumatisée par toute cette neige, la famille n’avait que des vêtements d’été. Il avait préalablement trouvé un petit appartement à Québec, un 2 ½ pour toute la famille. Les premières semaines, ils ne sortaient pas de la maison en raison du froid extrême; les températures les plus froides qu’ils avaient vécues au Salvador, en hiver, tournaient autour de 20 degrés Celsius.

Ce sont des religieuses qui les ont accueilli-e-s à Québec. Elles ont aidé la famille à s’acclimater, à s’habiller, à se meubler et à se trouver un plus grand appartement. Elles ont aussi aidé Sandra et son frère à s’inscrire à l’école. Comme il n’y avait pas de maternelle au Salvador, Sandra a dû recommencer son parcours scolaire depuis le début. Les religieuses ont effectué un suivi avec les enfants jusqu’à ce qu’ils atteignent 15 ans. Elles ont aussi aidé les deux parents de Sandra à se trouver du travail pour faire vivre la famille en plus de représenter leur plus grande aide financière. Sandra m’a raconté un moment qui a vraiment marqué son arrivée au Québec. Un jour, les religieuses l’ont amené, elle et son frère, dans un magasin de jouets, ce qu’ils n’avaient jamais vu de leur vie, et elles leur ont dit qu’ils pouvaient choisir tous les jouets qu’ils voulaient. Elle s’en souvient comme d’un réel bonheur. Ils sont aussi allés choisir un animal de compagnie ensemble, un petit chien nommé Heidy, qui est resté dix ans avec la famille.

La vie au Québec

Ce qui a été le plus difficile pour ma famille lors de nos premiers mois au Québec a vraiment été le froid!

La famille n’avait jamais vécu de véritable hiver ni vu de neige. Les enfants étaient habitués, dans leur pays natal, à passer la grande majorité de leur temps dehors, dans la rue, à jouer avec les autres enfants. Mais ici, il n’y avait personne avec qui jouer dehors. Une fois l’été arrivé, il a cependant été plus facile de s’intégrer.

Sandra m’a mentionné qu’elle n’avait jamais vécu de racisme au Québec, malgré qu’il n’y avait que deux immigrant-e-s dans son école. Les autres enfants s’intéressaient à elle et désiraient, eux aussi, assister au suivi qu’elle avait durant les récréations. Sandra a eu de la facilité à se faire des ami-e-s à l’école. Les X. ont eu de l’aide pour le français ainsi que pour s’intégrer. Ils avaient un suivi constant et de l’aide d’un centre jeunesse.

Les valeurs

La valeur des Québécois-es que Sandra apprécie le plus est celle de l’entraide. Sa famille a reçu beaucoup d’aide et elle en sera toujours très reconnaissante. Sandra trouve par contre que l’esprit familial n’est pas le même ici qu’au Salvador. Les Québécois-es lui semblent moins uni-e-s. La famille est très importante pour les Latino-Américain-e-s qui organisent d’ailleurs des événements familiaux fréquemment. Par exemple, la mère de Sandra appelle sa mère (qui est encore au Salvador) à chaque jour sur Skype. C’est très important pour elle.

Selon Sandra, les Québécois-es voient les Latino-Américain-e-s « comme des gens chaleureux, qui représentent la chaleur. On nous associe à des gens qui mettent de l’ambiance, qui aiment la musique et qui mangent bien sûr de la nourriture épicée! ».

Ses recommandations

Sa recommandation pour les nouveaux et nouvelles arrivant-e-s est de trouver des personnes-ressources qui pourront les aider. Elle suggère qu’il y ait plus d’espaces pour que les immigrant-e-s se rencontrent ou aient accès à des personnes-ressources, car aujourd’hui ils et elles sont davantage laissé-e-s à eux-mêmes. Elle dirait aux Québécois-es qui craignent l’immigration que la très grande majorité des immigrant-e-s sont gentil-le-s et apportent une diversité nécessaire à la société.

Et la suite?

Présentement, Sandra habite à Québec avec son conjoint et ses deux enfants âgés de cinq et huit ans. Elle réside tout près de la maison de ses parents. Ils se voient souvent et ses parents fréquentent aussi les autres membres de la famille qui habitent à Ottawa, à New York et au Salvador.

Elle aimerait bien retourner au Salvador pour faire découvrir son pays d’origine à ses enfants et à son conjoint. Elle attend « qu’il y ait une diminution des violences, pour y voyager en toute sécurité avec sa famille ». Étant donné que son mari a la peau blanche et que sa fille a des yeux pâles, elle craint que la famille attire dangereusement les regards.

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