44 Rodrigo X.

Louis-Michel Fleury

Rodrigo X. est un jeune homme de 22 ans originaire du Mexique, vivant maintenant à Québec. Il étudie le droit avec ma cousine et c’est grâce à ce lien que j’ai pu le connaître. Malgré son jeune âge, Rodrigo a su affronter différents défis dans sa vie en lien avec son immigration au Canada, alors qu’il n’avait que onze ans.

Une enfance coupée en deux entre le Mexique et le Québec

Rodrigo arriva au Québec à l’âge de onze ans. Il passa donc la grande partie de son enfance au Mexique avant de venir s’installer au Québec avec sa famille. Au Mexique, sa famille était assez aisée. Le jeune Rodrigo allait à l’école privée, avait plusieurs ami-e-s et était un garçon très social et scolarisé. En bref, il vécut une enfance heureuse.

Tout allait bien pour lui jusqu’au jour où on lui annonça que sa famille et lui déménageaient au Québec. Pourquoi partait-elle alors qu’elle vivait très bien au Mexique? Son père avait le goût de l’aventure. Il souhaitait venir vivre au Canada depuis sa propre adolescence. De plus, ses parents savaient qu’ils vivaient bien au Mexique, mais que c’était loin d’être le cas pour la majorité. Ils voulurent donc offrir toutes les chances du monde à leurs enfants d’avoir une belle vie dans le futur, et le Canada semblait être la destination parfaite.

Lorsque Rodrigo arriva au Québec, il ne connaissait personne, sauf une cousine d’une amie de sa mère qui eut l’amabilité de les accueillir pendant trois jours. Par la suite, son père dénicha un appartement à Laval, tout près d’une école qui offrait un programme de francisation pour les nouveaux et nouvelles arrivant-e-s. C’est à ce moment précis que le processus d’adaptation s’enclencha pour Rodrigo. Il dut, d’une part, apprendre une nouvelle langue et un nouveau système d’éducation, et, d’autre part, se faire des ami-e-s et oublier, en quelque sorte, la vie qu’il menait auparavant.

Cette adaptation fut longue et difficile. À son arrivée au Québec, il se renferma de plus en plus sur lui-même. Il croit, avec le recul, qu’il avait de la difficulté à accepter la perte de ses ami-e-s et de sa vie mexicaine. Dans sa classe de francisation, personne n’était au même niveau, il fut donc ralentit dans ses apprentissages pour rester au même rythme que la majorité du groupe. À la maison, il fit quelquefois des crises puisqu’il n’acceptait pas ce changement imposé dans sa vie. Ainsi, le jeune homme passa d’un petit garçon très social à une personne très introvertie.

L’acceptation

Cette période se prolongea jusqu’à l’âge de 16 ans. Enfin, il accepta finalement la situation. Cette acceptation lui permit de se concentrer davantage sur l’apprentissage du français et, ainsi, de sortir un peu plus de la coquille qu’il s’était forgée. Il habitait à Montréal dans un quartier francophone. Il fit quelques séjours dans son pays natal, ce qui lui permit de constater que la qualité de vie était supérieure au nord de la frontière.

Rodrigo devint plus social, se refit un cercle d’ami-e-s et commença à voir le Québec d’un bon œil en voyant l’avenir s’ouvrir devant lui. Aujourd’hui, il est étudiant à l’Université Laval en droit. Il se considère Mexicain et Québécois, et ne songe pas à retourner vivre au Mexique.

Quelques différences et similitudes

Dès son arrivée au Québec, il se rendit vite compte de quelques différences et similitudes entre le Mexique et le Canada, et plus particulièrement le Québec. Il est évident que la langue constitue une énorme différence, mais ce n’est pas le seul point qui nécessitait une adaptation pour lui.

Tout d’abord, il constata d’entrée de jeu que les gens sont plus difficiles d’approche ici.

Au Mexique, le groupe veut t’accueillir et vient te chercher. Ici, tu dois approcher ce groupe, sinon tu ne te fais pas d’ami-e-s. J’aurais aimé que le groupe vienne me chercher lorsque j’étais plus renfermé sur moi-même.

Ensuite, il considère que, même si les gens sont moins ouverts à devenir ton ami, ils sont paradoxalement plus enclins à t’aider. Dans son pays, les gens l’aidaient seulement s’il y avait un lien de parenté entre eux, tandis que, ici, il se rappelle avoir eu beaucoup d’aide de personnes inconnues. Finalement, il trouve que les enfants ici sont trop matures et ne restent pas assez enfants. Ce phénomène a contribué au fait qu’il s’est renfermé sur lui-même à son arrivée au pays, selon lui.

Pour ce qui est des similitudes, il venait d’une partie très américanisée du Mexique alors certaines choses ressemblaient beaucoup à ce que nous avons au Québec. La religion est la même qu’ici et n’avait pas une forte présence dans sa ville, comme à Québec. Pour ce qui est de la nourriture, bien qu’il considère que les gens au Québec font un peu plus attention à ce qu’ils mangent, la nutrition et ce que nous retrouvons dans notre assiette se ressemblent beaucoup entre le Mexique et le Québec.

Les qualités du peuple québécois

Bien que son adaptation ne fût pas facile au départ, Rodrigo adore le Québec et son peuple dont il fait maintenant partie. Il me confirma que les Québécois-es possèdent plusieurs caractéristiques qui font de cette province un endroit où il fait bon vivre et où les personnes sont attachantes.

Comme mentionné auparavant, sa famille reçut beaucoup d’aide pour s’adapter à la réalité québécoise. Rodrigo croyait et croit toujours que le Québec est une province d’accueil où les gens sont prêts à aider plus facilement. Il était également étonné de constater à quel point les Québécois-es sont respectueux et respectueuses des lois et de l’autorité. Dans le même ordre d’idées, il ne s’ennuie pas du manque de ponctualité des Mexicain-e-s.

Je sais que si je dis à mes ami-e-s latinos de venir à 18 h, ils ne seront pas là avant 19 h. C’est totalement le contraire avec les Québécois-es et j’apprécie cela.

Il considère également que nous avons une plus grande ouverture sur le monde et que nous parlons beaucoup plus de ce qui se passe outremer.

En lien avec ce dernier point, il aimerait lancer le message suivant aux Québécois-es : bien que les Québécois-es soient accueillant-e-s, ils et elles ne laissent parfois pas assez de temps aux immigrant-e-s pour s’adapter. Il n’est pas rare d’entendre que si une personne ne fait pas exactement comme les locaux, il faut qu’elle s’adapte le plus vite possible ou retourne chez elle. La vérité c’est que chaque personne possède son propre rythme d’adaptation. Il est vrai que certaines personnes adoptent les mœurs du pays et acceptent leur immigration en quelques mois seulement, mais pour d’autres, comme Rodrigo, il faut plusieurs années. Il se considère chanceux de vivre au Québec et adore vivre ici, mais il lui a fallu cinq ans pour accepter son sort et s’acclimater à son nouvel environnement. Laissons les gens s’adapter à leur rythme et ne leur mettons pas trop de pression. Les nouveaux et nouvelles arrivant-e-s seront encore plus heureux et heureuses de vivre ici sachant que nous les accueillons tout en les comprenant.

Le Québec : sa maison

Rodrigo ne désire pas retourner au Mexique. Il adore son pays natal et ses souvenirs qui y sont rattachés, mais il est conscient que sa qualité de vie est meilleure ici et que son avenir se déroulera en sol québécois. Il n’est plus seulement un immigrant mexicain, il est maintenant un Québécois et fier de l’être.

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