14 Natalia X.
Chloé Pilon-Carrière
Natalia X. naquit en Colombie, à Bogotá, et arriva au Québec en avril 2015. Elle arriva en Amérique du Nord avec son mari et son petit chien. Aujourd’hui âgée de 31 ans, elle est résidente permanente au Canada.
Les raisons
Natalia et son mari décidèrent de quitter leur pays d’origine, la Colombie, pour « vivre une expérience dans un autre pays ». Elle considérait son pays comme dangereux pour la vie quotidienne. C’était plus facile de venir au Canada que d’aller dans un autre pays, puisque « le gouvernement a un programme d’immigration officiel avec le Canada ». Le gouvernement canadien cherchant avant tout des professionnel-le-s désireux et désireuses de migrer comme travailleur-e-s qualifié-e-s, le couple trouvait que c’était une bonne idée de s’installer au Canada, car ça leur permettait de trouver d’autres opportunités de travail.
L’arrivée au Québec
Natalia avait déjà des ami-e-s colombien-ne-s à Québec. Elle pense que cela a facilité son processus d’intégration, puisqu’ils et elles s’occupèrent beaucoup d’elle dans les premiers temps.
Au début, je ne comprenais rien de la culture du Québec : mes ami-e-s m’ont grandement aidée quant aux habitudes québécoises!
Natalia dut s’adapter au froid même si elle arriva au printemps; la température était bien différente de celle de son pays d’origine. Elle voyait son expérience comme le commencement d’une nouvelle vie : « Tout est nouveau! Les personnes, les locations [d’appartements], les espaces… ». Lors de son arrivée, elle se rendit au centre multiethnique de Québec pour avoir des informations sur la vie en général : comment apprendre le français, comment faire ses impôts, etc. Elle adora l’aide que le centre lui donna. Elle se sentit bien dès qu’elle commença à apprendre le français, et ce, malgré les difficultés rencontrées. Avant son arrivée, elle s’était imaginé plusieurs scénarios différents de la réalité. Elle pensait n’avoir qu’à étudier six mois le français et qu’ensuite elle aurait un bon emploi stable. Elle réalisa rapidement que l’expérience n’allait pas être comme elle l’avait imaginée.
Ce n’est pas facile de rentrer [au Canada] et d’être acceptée.
Par contre, elle trouve que les conditions de vie sont meilleures ici que dans son pays d’origine. Selon Natalia, les conditions d’immigration sont mieux établies au Canada qu’aux États-Unis.
L’éducation
Natalia est étudiante à la maîtrise à l’Université Laval. Elle affirme que le système d’éducation québécois est très différent et plus difficile que celui de la Colombie. Elle explique que, pour intégrer le nouveau programme dans lequel elle voulait postuler, elle devait avoir terminé ses études et parler l’anglais. Elle indique que, selon elle, ses études étaient valides pour le gouvernement, mais que ce sont les entreprises privées qui ne les reconnaissaient pas. Natalia ajoute également que les immigrant-e-s qui arrivent de l’Amérique du Sud sont fortement désavantagé-e-s par rapport aux Européen-ne-s et aux Américain-e-s. Elle trouve d’ailleurs que les ordres professionnels sont très sévères concernant la reconnaissance des diplômes des immigrant-e-s.
L’apprentissage du français
Avant de prendre l’avion pour immigrer au Québec, Natalia ne parlait pas un mot français. Dès qu’elle fut établie à Québec, elle suivit un premier cours de français. Après celui-ci, un employé du ministère de l’Immigration l’appela pour procéder à la francisation officielle. Elle réussit à accomplir deux niveaux supplémentaires. Malgré ses cours, elle ne trouvait pas que son français était assez bien pour aller à l’université et pour travailler : « Je pense que [mon français] était bien pour un travail moins qualifié ». Elle s’inscrivit donc à l’Université Laval au certificat de langue française, langue étrangère. C’est à la suite de son certificat qu’elle commença sa maîtrise. Natalia trouve que l’apprentissage de la prononciation des mots francophones était très difficile.
Les voyelles du français sont très différentes de l’espagnol.
Concernant le français écrit, elle eut un peu plus de difficulté au départ, mais elle s’adapta rapidement.
Avec la pratique, on commence à penser en français!
La culture québécoise
Natalia ne pratique aucune religion, donc elle n’eut aucune difficulté concernant cet aspect. Elle trouve que notre vie politique est très différente de celle en Colombie. Pour la culture en général, Natalia donna un exemple de la vie de tous les jours pour différencier les deux cultures : en Colombie, tout le monde (sans exception) prend sa douche le matin, alors que, au Québec, beaucoup prennent leur douche le soir. Au début, elle ne comprenait pas cette pratique. Pour les Colombien-ne-s, prendre sa douche le soir veut dire aller au travail et aller à l’école sans se laver. Pour elle, c’était choquant d’apprendre cela.
La nourriture est très différente entre les deux pays. Même si le couple essayait de faire la même nourriture qu’en Colombie, c’était impossible. Les aliments en épicerie sont trop différents pour faire les mêmes repas que dans leur pays d’origine.
Natalia ne s’est pas fait beaucoup d’ami-e-s au Québec. Elle voit souvent ses ami-e-s colombien-ne-s qui sont déjà installé-e-s ici. Elle voit cela comme une erreur, puisqu’elle n’a pas développé de relations d’amitié avec des Québécois-es.
Elle trouve également que les valeurs québécoises et colombiennes sont bien différentes. Selon elle, l’égalité entre les femmes et les hommes est très bien reconnue ici, comparativement à la Colombie. Elle indique que son pays est « officiellement égalitaire dans les droits entre les femmes et les hommes », mais qu’il y a encore beaucoup d’injustices. La valeur entre hommes et femmes est très importante aux yeux de Natalia. Par contre, elle trouve que la valeur de l’acceptation n’est pas entièrement pratiquée au Québec. Elle pense que la population n’est pas toujours juste envers les immigrant-e-s.
La population doit réaliser que la province a besoin d’immigrant-e-s.
La carrière
Natalia travaille dans un ministère. Cependant, elle eut préalablement un petit boulot pendant un an. En effet, la possession d’un diplôme universitaire n’a pu lui permettre de se trouver un emploi dans son domaine. Elle dut travailler dans une entreprise qui prenait des employé-e-s sans diplôme. Recommencer à zéro son parcours professionnel fut un gros défi.
Liens avec le pays d’origine et la famille
Tous les jours, Natalia discute avec sa mère. Toute sa famille habite encore en Colombie : « Toute ma vie est encore là-bas ». Bien qu’elle soit encore très proche de son père, de sa belle-mère, de ses neveux et de ses sœurs, Natalia accepte que cet éloignement fasse partie du processus d’immigration. En deux ans et demi, quelques membres de la famille de Natalia vinrent la visiter au Québec. Elle est retournée dans son pays d’origine une seule fois, au tout début de son immigration.
La perception des Québécois-es sur la Colombie
Avec la montée en popularité de la série télévisée Narcos, Natalia mentionne que beaucoup de Québécois-es pensent que la Colombie est un « pays de drogué-e-s ». Les gens connaissent Pablo Escobar ainsi que tout ce qu’il a fait en Colombie, et pensent que cela représente le pays au complet. Elle pense qu’ils et elles sont mal informé-e-s concernant son pays de naissance et l’Amérique latine en général.
Les gens ont une image un peu mauvaise de l’Amérique du Sud : c’est dangereux, il y a beaucoup de drogues, etc.
Discrimination
De façon indirecte, Natalia fut victime de discrimination. Elle donne l’exemple des groupes qui doivent se former à l’école pour des travaux. Lorsqu’elle écrivait sur un forum pour se chercher une équipe, elle remarquait que seul-e-s les autres immigrant-e-s lui répondaient et que les Québécois-es répondaient uniquement aux autres Québécois-es. Par ailleurs, Natalia dit avoir été victime des stéréotypes.
Le stéréotype de la femme colombienne, de la femme qui vient du pays de la drogue, etc.
Elle comprend toutefois la situation et elle mentionne même avoir déjà eu des préjugés envers les Québécois-es.
Recommandations aux autres immigrant-e-s
Selon Natalia, il faut reconnaître que ce ne soit pas une expérience facile pour les immigrant-e-s. Il faut savoir qu’il y a des professions où c’est plus facile que d’autres pour se trouver un emploi. De plus, la langue a une importance majeure. Le français devrait être appris rapidement par tous et toutes les immigrant-e-s.