30 Monica X.

Laurence Bourget

Voici le portrait d’une femme passionnée par l’aventure et la nouveauté.

Ses origines

Monica X. naquit en 1973 à Pasto, une ville au sud de la Colombie, près de la frontière de l’Équateur. D’une culture andine, plus autochtone, elle fut vite attirée par la découverte de la nouveauté et des autres cultures. C’est d’ailleurs ce qui la poussa à s’exiler de son pays et à aller découvrir d’autres parcelles géographiques. Son choix de partir était personnel, sans obligation, puisque la jeune femme menait une très belle vie dans son pays natal.

Elle estime qu’elle et son conjoint furent chanceux et chanceuse d’accéder à des études supérieures puisque, en Colombie, l’instruction n’était pas accessible à tout le monde. C’est donc avec reconnaissance et gratitude qu’elle obtint son baccalauréat en communication et sa maîtrise en éducation. Elle se trouva ensuite un emploi dans son domaine comme chef d’équipe en communication pour un organisme public. Avant d’entamer son périple au Canada avec sa famille, elle obtint un poste comme consultante dans une agence de coopération allemande à Quito, en Équateur.

Bien que nous étions en attente dans notre processus de demande d’immigration, nous n’avons jamais cessé de faire des projets dans notre pays. On a vécu pleinement jusqu’à notre départ.

Mais pourquoi quitter? Son conjoint et elle se considéraient comme des gens sensibles aux enjeux sociaux et ils rêvaient depuis longtemps d’offrir une éducation à leur enfant dans un pays avec des valeurs plus égalitaires.

Nous voulions trouver un endroit où nous retrouverions nos valeurs, dans lequel nous nous sentirions bien pour nous réaliser personnellement et professionnellement, tout en continuant d’évoluer en tant que personne.

Bien qu’ils hésitèrent entre plusieurs pays, le Canada leur semblait une destination de choix. Effectivement, les Canadien-ne-s semblaient être de bon-ne-s citoyen-ne-s, gentil-le-s et ouvert-e-s aux autres cultures. Ils voulaient repartir à zéro, se lancer dans le vide, mais pas à n’importe quel prix; ils ne voulaient pas laisser mourir leurs rêves.

C’est ainsi que commença le long périple vers l’aventure…

Le processus migratoire

Bien avant de venir s’installer dans leur petit cocon au Québec, ce fut un long et dispendieux périple. En effet, il y avait énormément de paperasse, beaucoup de documents à remplir pour prouver qu’ils étaient légaux, intelligents, en santé, etc. La démarche fut d’ailleurs plus compliquée parce qu’ils l’amorcèrent juste après le 11 septembre 2001. Une fois la destination choisie, ils durent opter pour une province en particulier. Après une vaine demande à l’Ontario, ils optèrent pour le Québec, car ils avaient entendu dire que c’était une province plus ouverte à l’immigration et qu’il y faisait bon vivre.

Après l’examen de leur dossier par le gouvernement du Québec, ils durent suivre des cours de français dans leur pays afin de prouver leur intérêt à apprendre la langue française. Puisque les cours dans cette langue étaient dispendieux, son conjoint fut le seul à y participer. Par la suite, ils envoyèrent une nouvelle demande et elle fut acceptée immédiatement. Une fois cette étape achevée, ce fut l’obtention de leur visa qui prit à son tour beaucoup de temps. C’est pourquoi ils n’arrêtèrent pas de voyager et de profiter de la vie dans leur pays en attendant.

Leur but premier en s’installant au Québec était de pouvoir déménager en Ontario par la suite puisqu’ils ne désiraient pas s’engager dans l’apprentissage complet d’une troisième langue. En effet, le couple parlait déjà l’anglais avant leur arrivée au Canada. Par contre, ils réalisèrent rapidement la beauté de la province et à quel point ils y étaient à l’aise. C’est ce qui les convainquit de demeurer au Québec et de s’y installer pour de bon. Après réflexion, Monica est très heureuse du choix qu’elle a fait en venant s’établir ici puisqu’elle s’y sent comme chez elle. Son conjoint et elle se considèrent maintenant comme des Québécois-es. Ils sont d’ailleurs plus impliqués dans la vie sociale et politique que certain-e-s citoyen-ne-s d’origine québécoise.

Ses réflexions sur l’intégration

L’apprentissage du français a commencé six mois après leur arrivée. Entre-temps, ils apprenaient la langue à travers divers médias, tels que la télévision, la radio et les journaux. Elle considère qu’il s’est écoulé trois ans avant d’être à l’aise et de pouvoir s’exprimer librement, ce qui lui causa plusieurs moments de frustration. Cependant, ils n’ont pas vécu d’exclusion. C’est plutôt la présence d’une ignorance qui était palpable. Les gens avaient tendance à penser que, étant donné qu’elle ne pouvait pas s’exprimer en français, elle n’avait simplement pas d’opinions. Mis à part la frustration qu’elle ressentit, elle n’a jamais senti de méchanceté de la part des gens qu’elle côtoyait.

Après l’étape de la francisation, sa bonne étoile continua de la guider. Elle entama des études de maîtrise en sociologie et travailla pour une chaire de recherche à l’Université Laval. Par la suite, elle obtint son premier poste officiel au ministère de l’Éducation. Heureusement pour elle, l’adaptation à sa nouvelle vie au Québec fut rapide et naturelle.

Un jour, j’ai eu une révélation alors que je conduisais ma voiture en revenant chez moi après ma journée de travail. Je me suis rendu compte que je chantais la chanson française qui passait à la radio et que je conduisais par une journée d’hiver… Je me suis rendu compte que tout était correct, tout se déroulait bien. J’ai alors réalisé tout ce que j’avais fait avec mon conjoint et tout ce que nous avions traversé pour nous rendre compte que nous étions heureux dans cette nouvelle vie à l’autre bout de la planète. J’ai alors su que nous étions complètement intégrés à notre pays d’accueil.

Bien qu’elle ait gardé contact avec certain-e-s ami-e-s colombien-ne-s qui vivent aussi à Québec, la petite famille préféra élargir son réseau amical. Elle fréquente d’ailleurs des gens de tous les âges, ce qui fait la richesse de son entourage.

Ses voisin-e-s se sont vite montré-e-s chaleureux et chaleureuses à travers divers cadeaux et services.

J’avais une voisine de 80 ans qui m’aidait à corriger mes travaux d’université. Elle passait des heures avec moi pour corriger mon français. C’était long et pénible puisque, pour elle, ce n’était pas suffisant de corriger mes fautes, elle devait comprendre mon travail! Par contre, cela a grandement favorisé l’apprentissage et le peaufinage de mon français.

Monica X. occupe actuellement un poste de coordonnatrice au programme d’éducation à la démocratie au Directeur général des élections du Québec. Elle n’aurait pas pu s’intégrer davantage au système démocratique québécois.

Les différences entre les deux pays

Le climat fut la première différence tangible. Puisque Pasto a un climat tempéré de 14 degrés Celsius tout au long de l’année, l’apprentissage des quatre saisons québécoises fut donc un choc. Outre le climat, ce qui l’a le plus marquée est l’attitude des Québécois-es qui change avec les saisons. En effet, Monica a pu ressentir le côté plus réservé et froid des gens durant la période hivernale. Elle est d’avis que ces derniers et dernières sont beaucoup plus chaleureux, chaleureuses, ouvert-e-s et détendu-e-s lorsque reviennent les saisons plus douces.

Le rythme de vie fut la deuxième différence apparente. En effet, Bogotá, capitale de la Colombie, abrite des millions de personnes qui s’activent jour et nuit. Il y a donc beaucoup plus de bruit et d’action que dans la petite ville de Québec où les commerces ferment à 17 heures et où la majorité de la population dort la nuit. L’absence de bruit, la tranquillité et la liberté l’ont autant surprise que conquise.

Finalement, une troisième différence majeure concerne la sécurité. Étant donné que la Colombie est un pays à haute densité de population, les gens craignent les délinquant-e-s et les voleurs et les voleuses. Il y a donc beaucoup plus de mesures de sécurité en place dans son pays natal que dans la ville de Québec. En effet, des gardes surveillent les entrées des immeubles résidentiels, de jolis barreaux stylisés bordent le contour des fenêtres des maisons et les portes détiennent plusieurs verrous ainsi qu’un système d’alarme.

Au départ, je ne me sentais pas en sécurité lors de mon arrivée quand je voyais qu’il n’y avait qu’un verrou sur la porte pour me séparer de l’extérieur! Je me sentais comme dans la rue!

Malgré les différences, elle est d’avis que les deux cultures se ressemblent grâce à leurs racines latines. Elle apprécie beaucoup certaines valeurs québécoises, dont le respect de l’individu et des différences, la liberté d’expression, l’autonomie qui est enseignée aux enfants ainsi que le féminisme et la liberté de la femme.

Cependant, elle admet avoir plus de difficulté concernant les valeurs individualistes de la culture québécoise qui ne favorise pas l’aspect communautaire. Elle trouve que les liens familiaux sont moins forts qu’ils ne le sont dans son pays natal, ce qui lui manque parfois.

Ses recommandations

Bien que le processus d’adaptation puisse être long et parfois intimidant, Monica soutient qu’il ne faut pas avoir peur de s’investir à fond dans l’apprentissage du français, car c’est la base de l’intégration. Afin d’améliorer leur expérience, elle suggère aux nouveaux et nouvelles arrivant-e-s de faire l’effort d’écouter la télévision et la radio en français. C’est un très bon exercice. Elle est consciente de la difficulté que cela implique, mais elle avance qu’il ne faut pas se décourager.

Par ailleurs, elle conseille aux Québécois-es de ne pas hésiter à poser des questions aux immigrant-e-s, d’essayer d’aller vers eux et elles afin de les découvrir et d’apprendre à les connaître. De cette manière, beaucoup de préjugés et de stéréotypes seront abolis.

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