1 Malena X.

Élizabeth Murphy

Malena X., de Buenos Aires en Argentine, vit au Québec depuis 23 ans. Elle travaille présentement à l’Université Laval au département des Lettres et des sciences humaines où elle est professeure de linguistique et syntacticienne en anglais, en français et en espagnol. Elle a deux enfants de 19 et 21 ans qui sont nés à Québec.

La vie en Argentine

Pour elle, la vie en Argentine ne fut pas toujours facile. En effet, elle vécut la dictature. Pendant son adolescence, il y avait des disparu-e-s partout : sous la dictature de Pinochet au Chili, 30 000 personnes disparurent entre 1976 et 1990.

Avant de venir au Québec, Malena avait déjà quitté son pays natal pour aller étudier aux États-Unis. Elle y rencontra son mari, un Bostonien. Elle y fit son doctorat et son postdoctorat, et elle était prête à entrer sur le marché du travail. Elle eut alors l’opportunité de travailler à l’Université Laval. En allant passer son entrevue, elle ne parlait pas français. Cependant, elle avait une bonne prononciation et sa détermination la rendit convaincante. Elle obtint le poste!

Arrivée au Québec

Passer d’une ville de 15 millions d’habitant-e-s à une ville d’un peu plus de 500 000 habitant-e-s, c’est une grosse différence. À son arrivée à Québec, Malena ne se sentit pas bien accueillie. Heureusement, ses collègues du département des Lettres et des sciences humaines furent très accueillant-e-s. Elle loua un appartement à un directeur de théâtre qui lui fit connaitre plusieurs personnes à Québec.

Selon elle, en Argentine, il y a une culture de confrontation qui n’existe pas au Québec. On pourrait dire qu’en Argentine, ils et elles « se disent les vraies affaires » et les points de vue sont clairement exprimés, mais les conflits éclatent souvent. En arrivant au Québec, elle dut s’adoucir. Ceci fut source d’apprentissage, ce qui amuse son mari encore à ce jour. Elle sut s’adapter et s’est effectivement adoucie avec le temps. D’un autre côté, elle aime cette franchise du peuple argentin. Elle constata aussi une différence culturelle à propos du lien d’amitié. En Argentine, le lien d’amitié est plus fort, il y a moins de barrières émotionnelles et on parle de ses sentiments. Au Québec, elle sent que la population est un peu plus froide, ce qui, selon elle, a sans doute à voir avec la température.

Malena considère toutefois avoir été privilégiée. Elle trouva un bon travail et obtint un très bon salaire. Pour la plupart des personnes immigrantes, les premières années sont très difficiles. Les gens qui ont une profession dans leur pays natal ne trouvent pas toujours d’emplois dignes de leur formation. Il faut souvent s’attendre à une ou deux années très difficiles. Bien que les choses changent, elle suggère toutefois aux personnes immigrantes de ne pas se regrouper seulement avec des gens de leur communauté; il faut aller vers les Québécois-es pour s’intégrer.

Le Québec selon elle

Lorsque je demandais à Malena quelles sont les valeurs québécoises qu’elle apprécie le plus, elle me répondit qu’elle n’aimait pas l’idée de « valeurs québécoises », qu’elle aimait plutôt l’idée de valeurs humaines. Elle dit apprécier beaucoup de choses au Québec et la société québécoise en général : « Ici, il n’y a pas de gens scandaleusement riches ou scandaleusement pauvres. J’aime que la société soit égalitaire. J’aime payer des impôts pour qu’il y ait une redistribution ».

Selon elle, l’Argentine est beaucoup plus solidaire pour ce qui est des échanges un à un, mais que l’Argentine n’est pas solidaire au niveau de la société, quoique cela semble changer depuis son départ de l’Argentine il y a plus de 30 ans.

Les premières années après son arrivée, elle trouvait que les Québécois-es pensaient que tous les pays de l’Amérique du Sud étaient sensiblement identiques. Elle ajouta en souriant qu’aujourd’hui, elles et ils voyagent beaucoup plus dans ces pays apprenant à les connaître donc davantage. Les Québécois-es ont une attitude très chaleureuse et positive envers l’Amérique latine. Nombreux-ses sont ceux et celles qui apprennent et parlent très bien l’espagnol et s’impliquent dans des oeuvres humanitaires dans ces pays.

Malena n’a jamais subi ni discriminations ni racisme, mais, à sa grande surprise, elle a entendu des propos antisémites. Elle vécut toutefois de la xénophobie et se fit souvent dire « Nous, au Québec, on fait ça comme ça », comme si notre façon de faire était meilleure que la sienne…

Aujourd’hui

Elle ne se sent toujours pas complètement intégrée. Elle sent que tout le monde a déjà une vie établie et que personne n’a besoin d’elle. Ses amis sont presque tous et toutes des immigrant-e-s, mis à part quelques exceptions. D’ailleurs, Malena a toujours un lien très fort avec l’Argentine. Elle y retourne au moins une fois par année, puisqu’elle a des nièces là-bas.

Réflexion

Si elle avait un message pour les Québécois-es qui s’inquiètent de l’arrivée des personnes immigrantes, elle leur dirait qu’il faut tout simplement s’ouvrir. Être une société tolérante ne suffit pas, une société accueillante serait mieux. Elle conseille aussi de ne pas réagir à l’accent des gens. Elle dit qu’il faut s’intéresser aux gens, puisque la personne immigrante est fondamentalement seule. Chacune de ces personnes est différente. Il faut arrêter toutes les mettre dans le même bateau. Leur contexte et leur histoire sont distinctes.

Buenos Aires. Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/a/a9/Buenos_Aires_Cityline_at_Night_-_Irargerich.jpg

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