34 Luis Antonio X.

Raphaël Houle

Luis Antonio X. grandit dans la ville de Cúcuta près de la frontière vénézuélienne. Luis arriva au Québec le 18 septembre 2003 avec sa famille. Il était alors âgé de 24 ans et était prêt à quitter ses racines afin de vivre une meilleure vie. Aujourd’hui, il est un père et un conjoint heureux. Il est aussi grandement passionné par l’entreprise qu’il dirige.

Devenir un homme

Luis raconte qu’il a grandi dans une « petite » ville de plus d’un million d’habitant-e-s. Ayant six enfants, sa mère travailla beaucoup afin de leur offrir la meilleure vie possible. Chacun des enfants eut la chance d’aller à l’école. Luis est extrêmement reconnaissant des différents sacrifices que sa mère eut à faire. Le jeune Luis poursuivit ses études à l’université. Il fit un baccalauréat en administration et en comptabilité. C’est à 23 ans, peu de temps après sa collation des grades, qu’il eut sa fille unique, maintenant âgée de 15 ans.

Le départ

Le départ de Luis au Canada fut provoqué par une triste histoire. Lors des années 1990, la Colombie se retrouva dans une situation difficile lorsque plusieurs conflits éclatèrent. À cette époque, il y avait trois groupes différents qui tentaient d’obtenir le pouvoir : la guérilla, les paramilitaires et les narcotrafiquants. Ils s’affrontaient de façon violente et sournoise. La famille de Luis fut impliquée dans ce conflit un peu malgré elle. Il n’était pas possible de faire confiance à quiconque puisqu’il était impossible de savoir qui défendait quel groupe. En 1987, le mari de sa mère, qui travaillait dans le transport de marchandises à travers le pays, fut kidnappé pendant une énorme vague d’attaques similaires. Dix-neuf transporteurs furent kidnappés et tués par la suite. Cette histoire eut beaucoup d’impact dans les médias colombiens. Aucun des corps ne fut retrouvé, mais les familles des victimes comprirent le message et la menace de cette tragédie. À la suite de cet événement funeste, les familles se regroupèrent et se mirent à travailler ensemble afin de régler cette situation. La mère de Luis travailla très fort auprès d’un organisme pour la défense des droits humains. Après plusieurs années, durant lesquelles elle reçut des menaces de mort et fut victime de tentatives de meurtre, elle réussit, en 2003, à obtenir le statut de réfugiée politique pour elle et sa famille, environ 16 ans après le kidnapping de son mari. Pour Luis, lorsque sa mère eut l’opportunité de quitter le pays, il était hors de question de ne pas la suivre. Alors âgé de 24 ans, il quitta donc son pays avec sa mère, sa grand-mère et ses frères et sœurs pour aller vivre ce qu’ils croyaient être le « rêve américain ».

L’arrivée

La destination ne fut pas un véritable choix pour sa famille. Lorsqu’une opportunité d’immigration au Canada s’est présentée, la famille n’a pas hésité. Par contre, Luis dit qu’il préférait rester en Amérique plutôt que d’aller en Europe à cause de l’accueil difficile réservé aux immigrant-e-s dans certains pays européens. Une des raisons qui explique le choix de la province de Québec est la proximité linguistique entre le français et l’espagnol. Avant de s’informer sur le sujet, il croyait que l’ensemble de l’Amérique parlait juste anglais. Selon lui, la langue joue un rôle important dans l’intégration d’un-e immigrant-e dans une nouvelle culture. Dès leur arrivée, ils furent parrainés par le Centre multiethnique de Québec. Ce centre communautaire est selon lui un outil très important pour les nouveaux et les nouvelles arrivant-e-s. C’est souvent le premier contact avec le peuple québécois. Les valeurs que le centre communautaire défend sont des valeurs extrêmement importantes pour Luis. Le respect, l’ouverture, l’égalité et l’écoute sont les valeurs qui l’ont lié au Québec. Luis a tout de suite été frappé par la grande diversité culturelle des citoyen-ne-s. Ainsi, il a toujours senti qu’il avait sa place au Québec.

Le travail

Dès son arrivée dans la ville de Québec, Luis suivit des cours de francisation afin de maîtriser la langue. Il poursuivit son apprentissage à l’Université Laval. Après deux ans d’étude du français, Luis se sentit prêt à intégrer le marché du travail. Par contre, il n’est pas évident pour un-e immigrant-e de se trouver un premier emploi dans son pays d’adoption, et ce, malgré son expérience dans le domaine. Luis dit : « Deux plus deux donne toujours quatre ». Aussi simple que ce principe puisse paraître, la comptabilité ne tient pas qu’à ça. Le fait que Luis ait une bonne maîtrise de la comptabilité n’était pas suffisant; il lui manquait une expérience de travail québécoise pour que les employeur-e-s d’ici lui donnent sa chance. Après avoir cherché en vain, Luis décida de retourner sur les bancs d’école afin d’avoir une formation québécoise dans son curriculum vitæ. Comme il aimait son domaine d’étude, mais qu’il n’avait pas envie de retourner à l’université, il décida d’aller au cégep pour compléter une technique en comptabilité et gestion. Ayant déjà une grande majorité des notions en tête, la formation ne dura qu’un an et demi. En 2007, peu après cette formation, Luis fut engagé au Vélo vert en tant qu’agent administratif. Grâce à ses connaissances et à son expérience dans l’entreprise, Luis gravit les échelons. En 2013, il devint le directeur général de cette entreprise à but non lucratif. Depuis ce temps, il adore son poste en plus d’être passionné par l’objectif principal de l’entreprise, qui est d’intégrer, par l’emploi, des personnes qui ont des difficultés d’ordre socioprofessionnel. Luis est extrêmement fier du travail de l’entreprise qui a remporté le prix lauréat national Desjardins Entrepreneurs en 2016. Il retrouve beaucoup de ses valeurs dans cette entreprise. Il a trouvé un travail dans lequel il lui était possible de s’accomplir en tant qu’individu, mais aussi en tant que membre de la société.

Aujourd’hui, Luis vit très bien à Québec et il n’a pas pour objectif de quitter cette ville. Ce qu’il aime des Québécois-es, c’est leur côté chaleureux et aimable. Québec est une ville où il fait bon vivre, les gens sont respectueux et pacifiques, et ce sont des valeurs très importantes pour lui. Il considère que les systèmes d’éducation et de santé québécois permettent au Québec de se démarquer en tant que société. Évidemment, la Colombie manque à Luis, mais il est conscient que le choix familial fut un choix important et positif pour toute sa famille.

Mots aux futur-e-s immigrant-e-s

Il est bien conscient qu’il existe certains préjugés entourant son pays d’origine. D’un point de vue positif, il sait que les Colombien-ne-s sont perçu-e-s comme étant des personnes travaillantes, chaleureuses et généreuses. Par contre, il y a aussi des stéréotypes plus négatifs concernant la drogue, par exemple. Par contre, Luis dit ne jamais avoir été victime de ces stéréotypes lors de ses interactions. Selon Luis, le Québec est un excellent endroit où immigrer, malgré la température. Finalement, il est, selon lui, important que les immigrant-e-s fassent un bout de chemin afin de mieux s’intégrer. Dans la plupart des cas, ce bout de chemin se fait en apprenant la langue. L’intégration linguistique est un premier pas nécessaire dans l’immigration au Québec.

Église Del Rosario, Cúcuta. Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/8/82/Iglesia_del_Rosario_de_C%C3%BAcuta.jpg

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