37 I. Martinez
Daphnée Paquette
Martinez est établi au Québec depuis 30 ans.
Sa jeunesse au Salvador
Pendant ses 17 premières années, il vécut au Salvador, plus précisément dans la capitale, San Salvador. Il y grandit entouré de sa famille. Malheureusement, les nombreux problèmes liés à la guerre civile qui sévissait à l’époque polluèrent la quiétude et la plaisance de la vie là-bas. Il s’agissait toutefois de la seule ombre qui obscurcit sa jeunesse. En effet, le souvenir qu’il garde de sa terre d’origine est magnifique et chaleureux. Il a vécu sa jeunesse comme la plupart d’entre nous, entre sorties à la plage et en ville, à la seule différence que lui et son groupe d’ami-e-s devaient toujours garder en tête le danger qui les guettait. C’est donc avec prudence, mais amusement, qu’il vécut son enfance au Salvador.
Toutefois, à l’âge de 17 ans, ses parents s’inquiétèrent de la violence et de l’augmentation des guérillas. Les différents clans cherchaient à recruter de jeunes garçons prêts à combattre. De plus, la famille de ses parents comptait dans leur rang des membres reliés à la fois aux forces armées et à la guérilla. En effet, un de ses oncles faisait partie du haut commandement de l’armée et un autre membre de sa famille combattait pour la guérilla. Déchirés entre les deux et certains que leur fils unique n’aurait aucune chance de se souscrire à cette guerre, ils décidèrent de sacrifier une partie de leurs économies pour lui permettre de rejoindre de la famille au Guatemala. Tous ces événements le déstabilisèrent et lui fit vivre une sorte de choc post-traumatique.
J’étais stressé de quitter le pays sans mon père.
Son arrivée au Canada
Cette solution était toutefois temporaire puisque le jeune garçon devait aller compléter ses études secondaires au Mexique. Ce premier voyage fut difficile pour lui puisqu’il quittait sa famille et qu’il n’avait jamais voyagé seul par le passé. Pendant un an et demi, il travailla et étudia dans ce pays. Lorsqu’est venu le temps de choisir où aller pour commencer ses études supérieures, trois choix s’imposèrent à lui. Premièrement, il considéra Cuba, mais son climat instable n’était pas favorable à son épanouissement. Son deuxième choix était la Suisse, mais ce pays l’éloignait considérablement de sa famille et rendrait les futures visites très difficiles.
Finalement, il y avait le Canada, qui semblait être le meilleur compromis des trois. Il mit les pieds pour la première fois au Québec, plus précisément à Montréal, à l’âge de 19 ans. À cette époque, il y avait peu d’immigrant-e-s de l’Amérique centrale et encore moins en provenance du Salvador. De plus, en arrivant, il ne parlait qu’espagnol et anglais, ce qui rendit difficile sa vie au Québec. Il put toutefois apprendre un peu de français grâce à l’Alliance française. Malgré tout, après peu de temps, il préféra déménager à Toronto, où l’anglais lui permit de mieux s’intégrer et de finir ses études avec plus de facilité.
Malheureusement, après avoir entamé un baccalauréat en communication, un terrible tremblement de terre secoua le Salvador. À ce moment, il ne réussit pas à obtenir des nouvelles de sa famille. Il décida donc de retourner au Salvador pour les aider. Heureusement, à son arrivée au pays, toute sa famille était saine et sauve, mais leur maison était abîmée. Son séjour, qui devait seulement être de quelques semaines, se transforma finalement en six mois. Monsieur Martinez était très heureux d’être réuni avec ses proches.
Après ce temps passé avec sa famille, il dut toutefois retourner au Canada afin de poursuivre ses études. Il choisit de s’installer au Québec, ce qui lui demanda beaucoup d’efforts puisque la langue ne lui était pas familière. Il finit tout de même par y construire une nouvelle vie, et est maintenant le fier père de trois enfants devenus adultes, épanouis et qui portent la beauté de la culture salvadorienne et québécoise.
Les confrontations quotidiennes
Il n’a pas véritablement rencontré d’obstacles à son intégration, excepté la langue lors de son arrivée. Somme toute, les valeurs québécoises se rapprochent de celles de son pays. Malgré tout, ce qui continue de l’étonner est le détachement que la plupart des Québécois-es ont par rapport à leurs aîné-e-s et leur famille. Il a l’impression que la famille n’est pas toujours notre priorité et que se rassembler tous ensemble quotidiennement n’est pas un devoir. Pour lui, sa famille est une partie importante de sa vie et il se doit de leur rendre visite une fois par année, pour leur rendre hommage et leur redonner ce qu’elle a sacrifié pour lui. C’est une façon de lui dire merci.
On ne perd jamais son statut d’immigrant.
Monsieur Martinez est toutefois, au quotidien, confronté au manque d’ouverture d’esprit de la population québécoise face à l’immigration. Avant même de savoir son nom, les gens lui demandent d’où il vient. Alors que sa femme québécoise de l’époque promenait leur fille en poussette, à Laurier Québec, une vieille dame s’est approchée d’elle et lui a demandé de quelle « race » était la petite, de quel pays elle avait été adoptée. Sa femme était outrée et a répondu qu’elle venait de son ventre et qu’elle était québécoise. L’approche des gens peut être choquante. Malgré tout, il comprend que les Québécois-es n’ont pas conscience de leur maladresse. Il croit en une meilleure sensibilisation sur ce sujet et en une plus grande ouverture d’esprit des Québécois-es. C’est d’ailleurs pourquoi il fait de la radio et anime une émission depuis plus de 20 ans.
Conseils aux nouveaux et nouvelles arrivant-e-s
Il souhaite rassurer les nouveaux et nouvelles arrivant-e-s et, surtout, leur rappeler que la meilleure façon d’être bien accueilli-e est de s’intéresser à la culture du pays d’accueil.
Même si nous ne maîtrisons pas bien la langue ou les coutumes, les gens font souvent preuve d’une grande ouverture d’esprit si les efforts sont présents.
Il a d’ailleurs expérimenté ce fait lors d’un voyage en Italie. Alors qu’il attendait dans la file d’un petit café, un Américain est entré en trombe. En dépassant tout le monde, il s’est adressé au serveur en anglais et exigea un café avec empressement. L’italien, furieux, lui répliqua dans sa langue maternelle qu’il n’était ni le roi ni même le bienvenu. Ici, il était en Italie, et c’est en italien qu’il devait parler. Tout de suite après le passage mouvementé de l’Américain, c’était au tour de monsieur Martinez de commander. Assez stressé, il rassembla les quelques paroles qu’il connaissait en italien et c’est dans un mélange éclectique d’espagnol, d’italien et d’anglais qu’il baragouina sa commande. Le serveur, comprenant le stress de monsieur Martinez, s’esclaffa et lui offrit un excellent service. Le simple fait d’avoir tenté de s’exprimer en italien et d’avoir fait l’effort de comprendre la culture, même si le résultat n’était pas concluant, avait été suffisant pour attirer la sympathie du serveur qui était encore frustré par les événements. C’est, entre autres, pourquoi le respect et l’ouverture à l’autre font partie des valeurs fondamentales de monsieur Martinez.
Il faut être respectueux pour espérer le respect en retour.