7 Helena X.

Marilou Couture

Para ter coisas que voce nunca teve, você precisa fazercoisas que nunca fez (Si tu veux quelque chose que tu n’as jamais eu, il te faudra faire ce que tu n’as jamais fait).

Helena vécut son enfance à São Paolo et à Aracaju, au Brésil. À l’âge de 24 ans, elle habitait avec son mari, avec qui elle était en couple depuis huit ans, et était dans une bonne situation financière. Elle avait terminé l’université en publicité depuis quelques années et travaillait à titre de coordonnatrice pour une entreprise de télécommunication comparable à Vidéotron. Son mari souhaitait entreprendre une maîtrise dans une université étrangère. Il avait déjà un diplôme en design graphique, mais il voulait se perfectionner dans l’électronique, car l’expertise était recherchée pour développer des plateformes web. N’ayant pas d’enfant et n’en voulant pas non plus à cette époque, rien ne les retenait au Brésil.

Ils commencèrent alors à faire des recherches sur les pays qui accueillaient les étrangers pour les études, comme l’Allemagne, les États-Unis et le Portugal. Des représentant-e-s d’immigration Québec faisaient des présentations pour attirer les Brésilien-ne-s dans la belle province. En continuant leurs recherches sur le Québec et sur le visa pour venir y étudier, ils se rendirent compte que c’était une excellente alternative pour le jeune couple qui répondait aux différentes exigences demandées pour l’immigration. Par ailleurs, il était financièrement beaucoup plus avantageux pour eux de venir ici à titre de résident-e-s permanent-e-s qu’à titre d’étudiant-e-s.

La différence est énorme. Comme étudiant international, ça coûte 12 ou 13 000 $ par session, et si on vient avec la résidence permanence ça coûte 1 300 $ et des poussières.

Ainsi, il était possible pour le mari d’Helena de venir étudier ici et, si le couple souhaitait rester, c’était beaucoup plus facile, car le processus d’immigration était déjà enclenché. Une fois la décision prise, ils prirent trois ans pour faire des recherches plus importantes sur le pays et la province.

L’arrivée au Québec

Lorsqu’ils sont arrivés à Sherbrooke en mars 2008, ils avaient déjà un appartement meublé qu’ils sous-louaient à un couple brésilien. Seulement deux jours après leur arrivée, ils eurent un rendez-vous avec les instances qui pouvaient leur remettre leur carte d’assurance maladie et leur numéro d’assurance sociale. Ils savaient déjà où aller pour avoir un compte bancaire et connaissaient les procédures pour transférer leur argent. Au mois de mai, les deux commencèrent l’université. Helena s’inscrivit à un certificat en marketing, alors que son mari étudiait à la maîtrise. Ils connaissaient des personnes-ressources pour les aider à s’intégrer. Ne parlant pas un mot français, le couple eut cependant de petites difficultés à se faire comprendre.

On a réussi quand même, mais le plus difficile c’était vraiment au niveau de la langue.

Elle apprit le français principalement en travaillant. Elle est d’ailleurs reconnaissante qu’une personne lui ait donné l’opportunité de travailler malgré la barrière linguistique. Cette barrière ne reste d’ailleurs pas longtemps, selon Helena, si la personne désire réellement apprendre.

Les relations interpersonnelles

Sur le plan relationnel, elle n’eut jamais de difficulté à développer des amitiés avec des Québécois-es. Lorsqu’elle était au Brésil, plusieurs personnes lui disaient que les Québécois-es étaient dur-e-s et que jamais ils et elles n’allaient vouloir l’accepter étant donné ses origines. Elle eut une belle surprise en arrivant ici et en découvrant l’ouverture que ses voisin-e-s et collègues lui démontraient. Ces ami-e-s québécois-es font maintenant partie de sa famille. La valeur qu’elle préfère chez les Québécois-es est leur honnêteté. Lorsqu’elle voit une personne avertir la caissière, car elle a eu trop de change ou qu’elle a oublié de payer un produit, elle apprécie. Elle chérie également le pouvoir des femmes et le côté plus matriarcale de notre société. Au Brésil, les femmes sont encore très opprimées, bien qu’elles commencent tranquillement à se mobiliser, comme ont dû le faire ici les Québécoises. La femme est beaucoup plus « objet » dans son pays qu’ici. Helena aime pouvoir compter sur ces deux valeurs pour élever ses enfants, précisément pour sa fille, qui peut désormais évoluer dans une société dans laquelle elle aura l’opportunité d’avoir du pouvoir. Elle a également été surprise de voir le patriotisme qui fait rage ici. Au départ, elle venait s’installer au Canada et pas nécessairement au Québec. Elle a lu l’histoire du Québec, mais elle ne pensait pas qu’il existait une si grande fierté d’être Québécois-e et que très peu de personnes s’identifiaient comme Canadien-ne.

Dans un autre ordre d’idée, Helena a de la difficulté à comprendre notre habitude à avoir des « sorties de gars » et des « sorties de filles ». Elle ne comprend pas pourquoi ce ne sont pas des réunions où tout le monde est toujours invité.

J’aime avoir plus de contacts, que tout le monde soit ensemble. Je ne suis pas rendue là, peut-être que je ne le serai jamais non plus!

Elle et son mari furent victimes de racisme seulement lorsqu’ils habitèrent à Drummondville. Elle postula à plusieurs emplois et son nom de famille faisait en sorte qu’elle n’était pas rappelée. Elle affirme que c’est une ville qui accueille beaucoup de réfugié-e-s, mais dont les habitant-e-s sont méfiant-e-s et ont parfois des préjugés par rapport aux autres nationalités. Helena affirme que, en général, les réfugié-e-s vont vivre de l’assistance sociale, n’auront pas d’emploi et vont vivre en ghetto. La réalité d’un-e réfugié-e et d’un-e immigrant-e n’est pas la même chose, selon elle. La jeune femme reste positive face à la discrimination, ne se concentre pas sur les commentaires et se dit que ce sont les personnes qui la dénigrent qui sont perdantes. Elle connaît ses compétences et elle sait ce qu’elle peut apporter à une entreprise. Si des employeur-e-s ne veulent pas d’elle, ce sont eux et elles les pires, car ils et elles ratent une excellente opportunité.

Helena affirme que 90 % des éléments qu’elle entend par rapport aux pays d’Amérique latine sont faux. Une femme leur a déjà demandé si elle et son mari avaient déjà vu de l’asphalte avant d’arriver ici, s’ils avaient vu des tours de bureaux ou encore de gros immeubles comme nous pouvons en voir dans les villes. Cela les fâche, car São Paolo est comparable à New York. Elle trouve dommage que sa culture (et celle d’autres pays) ne soit pas plus enseignée dans les écoles québécoises. Nous sommes plus au courant du négatif, comme la pauvreté ou la corruption, que de leur manière réelle de vivre. Au Brésil, dès le primaire, les enfants apprennent l’histoire du monde. Les forces et faiblesses de chaque continent sont enseignés.

Je pense que les Brésiliens ont plus de bases de ce côté-là que les gens d’ici.

Les conseils pour les futur-e-s immigrant-e-s

Helena conseille aux futur-e-s immigrant-e-s de faire de la recherche. Tout ce qui est nécessaire à savoir se trouve très facilement sur Internet, il ne faut pas attendre que quelqu’un appelle pour expliquer les procédures. Il faut être indépendant-e et prendre le temps de tout vérifier afin de planifier l’arrivée. Helena croit que chaque personne doit faire son bout de chemin. Au lieu, par exemple, de demander des informations sur un forum et de faire travailler d’autres personnes pour obtenir les réponses, pourquoi ne pas plutôt faire soi-même les recherches, vérifier les renseignements en lien avec les équivalences de diplômes, écrire aux universités, vérifier les perspectives d’emploi, etc.? Selon elle, c’est une grave erreur également de se fier à 100 % aux informations données par les représentant-e-s de l’immigration dans les conférences, car souvent c’est un rêve qu’ils et elles vendent.

La peur de l’immigration

Helena affirme comprendre les personnes qui ont peur de l’immigration, car elle croit que les instances gouvernementales ne donnent pas suffisamment d’informations à sa population. Elle est persuadée que l’immigration est nécessaire au bon roulement de l’économie. Elle est consciente que plusieurs croient que les immigrant-e-s sont là pour voler des emplois, mais nous ne sommes pas suffisant-e-s pour répondre à la demande. En réalité, l’État a besoin de plus d’immigrant-e-s pour pourvoir ces postes. Les immigrant-e-s sont ici comme pilier. Le processus d’immigration est très réglementé, ce n’est pas pour n’importe qui.

C’est un préjugé que les gens ont, car ils manquent d’information. Je pense que ça, c’est une faute du gouvernement, qui devrait informer la population et dire pourquoi nous sommes là.

Aujourd’hui, Helena habite à Lévis, est toujours mariée, a deux enfants qui ont la double nationalité et travaille pour une grande entreprise. Elle ne s’ennuie pas beaucoup de sa famille : « Aujourd’hui, ma vie est ici ». Pour ce qui est de ses parents, ils sont trop âgés pour venir ici, ils communiquent donc régulièrement grâce à Internet. En contrepartie, sa belle-famille vient régulièrement la visiter. Helena avoue toutefois avoir trouvé cela difficile d’être enceinte et loin de sa famille.

J’ai paniqué, je voulais retourner à tout prix, je ne voulais pas rester ici.

Son mari, devant ses inquiétudes, lui a dit qu’étant donné que ça leur avait pris trois ans venir ici, ils devaient prendre le même temps de réflexion avant de retourner là-bas. Faire le même processus, mais à l’inverse. Helena a décidé de rester. Pour elle, il n’y a plus de différence entre vivre au Canada ou au Brésil.

Aracaju, Brésil. Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/26/Coroa_do_Meio_-_Aracaju.jpg

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