19 Esteban X.

Marie-Ève Desroches

Esteban X. est originaire de la Colombie. Il est âgé de 21 ans.

 La Colombie

Il a grandi à Bogotá, la capitale du pays. Cette ville compte plus de sept millions d’habitant-e-s. Esteban était affecté par la quantité de voitures à Bogotá qui lui donnaient des migraines. Il étudiait au baccalauréat en psychologie dans son pays natal. Esteban a toujours été intéressé par les langues : il parle l’espagnol, le français, l’anglais et apprend le portugais. Il est présentement le seul de sa famille immédiate à habiter à Québec. Il a laissé à Bogotá ses parents, son petit frère et sa petite sœur qui essaient présentement d’apprendre le français.

À l’été 2018, sa sœur fêtera ses 15 ans. En Colombie, cet anniversaire est le plus important de la vie d’une jeune fille puisque la fêtée est désormais considérée comme une femme. Il est donc obligatoire d’organiser une grande fête ou un voyage. La sœur d’Esteban a choisi de venir visiter Québec avec sa famille. Esteban croit que c’est à ce moment qu’ils décideront s’ils souhaitent venir s’installer à Québec avec lui.

Esteban savait que plusieurs personnes d’Amérique latine avaient choisi de venir s’installer à Québec puisqu’ils vivaient des situations difficiles dans leur pays. Toutefois, il n’avait jamais vécu de situations traumatisantes en Colombie. Il a décidé de venir à Québec pour la qualité de vie et pour ses études.

Ses premières visites à Québec

Esteban a visité la ville de Québec pour la première fois à l’hiver 2014. C’était la première fois qu’il affrontait l’hiver québécois. Il eut le coup de foudre pour l’endroit et revint à l’été 2015 et 2016. Deux de ses tantes vivaient ici, il en profitait donc pour les visiter. Il s’est officiellement installé à Québec le premier septembre 2017.

Son souvenir le plus marquant de ses visites à Québec fut lors de son premier hiver. Il était allé avec sa tante au marché de Noël, mais ne s’était pas habillé pour affronter la température. Il portait ses souliers de la Colombie. Après 40 minutes, il avait des douleurs aux pieds, mais n’en parlait pas puisqu’il ne savait pas si c’était normal. Il a finalement fait part de son mal à sa tante qui s’est excusée d’avoir oublié de lui offrir des bottes. Ils sont rentrés à l’église de Cap-Santé et le prêtre est venu s’asseoir sur ses pieds pour l’aider à se réchauffer : « C’était ça, ma bienvenue au Canada! ».

Pourquoi Québec?

Esteban a choisi Québec principalement pour la sécurité. À Bogotá, il était conscient des problèmes liés à la sécurité et aux vols.

Pour moi, ce n’est pas une qualité de vie que d’être dans l’autobus et d’avoir peur de tout le monde. C’est difficile d’avoir confiance. Quand je suis arrivé à Québec et que j’ai vu les jeunes avec leur ordinateur dans l’autobus, je me suis dit wow! C’est tellement différent!

Il aimait aussi le fait que même si les habitant-e-s de la ville de Québec payent beaucoup de taxes, cet argent est investi dans la communauté. En Colombie, la population paye aussi des taxes, mais il n’y a aucune retombée et les gens ne savent pas où le gouvernement investit l’argent. Esteban a également choisi le Québec pour ses valeurs et sa culture.

J’aime beaucoup la manière dont le Québec protège sa culture, par exemple qu’on parle français. Je vois ici davantage le drapeau du Québec que le drapeau canadien. En Colombie, on s’en fout un peu de notre culture et on aimerait être vraiment proche des États-Unis.

Il aime aussi le fait que les Québécois-es ont de fortes valeurs familiales. Finalement, il a choisi le Québec pour les possibilités liées à l’éducation.

Son parcours universitaire

Esteban a fait son baccalauréat en psychologie en Colombie. Bien qu’il se soit installé à Québec en septembre 2017, il a terminé son programme de premier cycle à distance le 20 novembre 2017. Il a ensuite débuté sa maîtrise à l’Université Laval. En Colombie, le baccalauréat en psychologie dure cinq ans. En fait, Esteban serait déjà psychologue dans son pays natal. Puisqu’il a décidé d’immigrer au Québec, il doit poursuivre ses études pour obtenir un doctorat s’il souhaite faire partie de l’ordre professionnel québécois. Venir étudier à Québec n’a pas été facile. Esteban voulait poursuivre ses études en recherche. Cependant, aucun accord n’existait entre le Canada et la Colombie de ce côté. Il a donc dû tout organiser lui-même. Quatorze mois ont été nécessaires pour qu’il planifie son arrivée à Québec. Le 20 juin 2016, Esteban était en visite à Québec et a rencontré un professeur de l’Université Laval qui lui a remis sa lettre d’acceptation.

En Colombie, Esteban était un étudiant exemplaire. Il a gagné un prix national pour ses recherches en psychologie du consommateur. Malgré ce grand honneur, aucune bourse en argent n’était remise. Durant tout son baccalauréat, Esteban a maintenu une moyenne de 49/50, mais n’a obtenu aucune bourse. Dans son pays natal, aucun budget n’est déployé pour la science.

D’habitude, les gens qui gagnent les bourses sont les fils de politiciens ou les gens plus riches.

Pour venir à Québec, il a dû trouver une bourse, puisque l’avocat de l’Université Laval exigeait une preuve économique pour accepter sa demande. La bourse était donc obligatoire pour prouver qu’il avait les moyens financiers suffisants. Après avoir présenté son dossier à un professeur de la faculté de psychologie de l’Université Laval, celui-ci s’est engagé à l’aider à trouver une bourse. Il a finalement reçu la bourse Emerging Leaders in the Americas du gouvernement du Canada en juin 2017. Esteban a orchestré les échanges entre la Colombie et le Canada lui-même, car personne en Colombie ne parlait suffisamment français pour s’en occuper. C’est donc lui qui a écrit les lettres en français pour les accords internationaux. Avec sa bourse, le gouvernement du Canada lui a donné un permis d’emploi jusqu’en décembre 2018. Pour l’instant, Esteban possède le statut légal de résident temporaire. Il prévoit faire sa demande de résidence permanente très bientôt.

Son intégration

Lorsqu’il est arrivé à Québec, il a été accueilli par sa tante. Son intégration a été facilitée par ses voyages précédents à Québec.

Mon histoire est vraiment différente des personnes qui arrivent à Québec pour la première fois. J’avais déjà commencé à établir un réseau de contacts et à préparer mon avenir ici. Je suis loin de ma zone de confort, mais au moins je ne suis pas tout seul.

Esteban s’est rapidement senti accueilli par les Québécois-es. Il les a toutefois trouvé-e-s un peu plus individualistes qu’en Colombie.

L’énergie des gens, c’est moins fort ici, à Québec. En Colombie, tout le monde est amical. Ici, les gens sont très sérieux. C’est très différent de chez moi. Les premières journées, je ne savais pas si c’était normal, je me demandais si tout le monde était fâché…

Bien qu’il ait trouvé les habitant-e-s de Québec un peu froid-e-s, il aime le fait que tout le monde se respecte et accepte les différences. Il a aussi trouvé difficile de s’adapter au changement de saison. Il s’est senti affecté par le changement d’heure et les journées qui raccourcissaient pour laisser place à l’hiver.

Esteban est très intéressé par les coutumes québécoises. C’est peut-être une des raisons qui font en sorte qu’il n’a jamais été victime de discrimination. Pour améliorer son français, il s’est abonné aux services du Club illico. Il a découvert des séries télévisées québécoises qu’il aime et qui l’aident à mieux parler la langue française. Il a écouté des séries télévisées variées telles que 19-2, La facture et La poule aux œufs d’or. Depuis qu’il est ici, il a participé à beaucoup d’activités. Par exemple, il a assisté au Festival d’été de Québec, fait une randonnée au parc de la Jacques-Cartier et assisté aux parties du Rouge et Or. Le Bureau de la vie étudiante (BVE) de l’Université Laval a été d’une grande aide. Aussi, après avoir su que le palais de justice était ouvert à tous, il a décidé d’aller voir un procès. Il a été surpris de constater que le procès traitait de crimes datant de plus de quatre ans. Fidèle à sa curiosité habituelle, il a interrogé un policier : « Monsieur, j’ai une question. Je viens de Colombie. Je voulais savoir si c’est normal que ça prenne autant de temps pour juger quelqu’un, ici ». Il a été saisi d’apprendre que oui.

Recommandations

Tout d’abord, Esteban conseille d’étudier.

La première chose à faire, ici, c’est étudier. Ça va changer beaucoup les choses. Ma tante a commencé un certificat cinq ans après son arrivée et elle vient juste de trouver un emploi dans son domaine. Après avoir étudié, tout a changé.

Ensuite, il est important selon lui de pratiquer le français.

Il ne faut pas avoir peur. C’est mieux de faire des erreurs que de ne pas parler du tout.

Finalement, Esteban recommande de ne pas restreindre son réseau de contacts à des personnes de son pays natal. Il faut sortir de notre zone de confort et avoir des ami-e-s québécois-es pour parler français.

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