26 Clara X.

Léa Schmouth-Demers

Clara X. est une femme âgée de 46 ans, native de Bogotá. Au Québec depuis deux ans maintenant, elle élève ses deux enfants ici. Très proche de sa famille et de ses valeurs, elle me raconta son histoire avec émotion et humour. Elle réussit à capter l’attention facilement avec son sourire et sa bonne humeur contagieuse.

Sa jeunesse en Colombie

Clara fit ses études primaire et secondaire, sa technique et son baccalauréat en administration à Bogotá. Elle est une immigrante qu’on qualifie d’économique. Elle a dû faire une demande de résidence permanente au gouvernement du Canada pour obtenir le statut professionnel. Le processus s’est étalé sur près de cinq ans. De plus, elle dut assumer des frais à chaque étape du processus. Elle décida de faire cette demande pour avoir une meilleure qualité de vie pour toute sa famille, mais surtout pour donner de plus grandes opportunités d’études pour ses enfants. Ce point était extrêmement important pour elle.

Une décision évidente

Madame X. a choisi le Canada parce que, selon elle, il s’agit d’un pays qui a une politique d’immigration favorable et des frontières plus ouvertes. C’était plus facile pour elle et sa famille de venir s’y établir. Le choix du Québec est venu par la suite. Elle explique qu’il existe deux processus pour immigrer au Canada : le processus fédéral et le processus provincial. Pour chacun, elle devait avoir un profil spécifique. Chaque caractéristique compte pour avoir les points nécessaires requis en fonction de la grille de qualification. Dans son cas, elle avait un niveau débutant en français et en anglais grâce à son programme scolaire, ce qui était un excellent atout puisque certain-e-s immigrant-e-s ne parlent pas du tout l’une ou l’autre de ces deux langues. Ensuite, son âge, sa profession, son expérience de travail, l’âge de ses enfants et de son mari, de même que sa profession ont contribué à faciliter le processus provincial d’immigration. Elle a donc fait des études complémentaires de la langue française pour démontrer qu’elle avait un désir fort d’immigrer au Québec, ce qui lui permit de compléter le processus provincial.

Vivre le choc culturel

Selon l’expérience d’immigration, petits et grands vivent des expériences similaires, mais différentes et souvent décalées dans le temps. Pour les adultes, comme elle et son mari, les étapes ont d’abord été la lune de miel, puis une période de choc culturel suivie par une phase de questionnements sur la décision de s’installer ici, pour finalement arriver à une forme d’adaptation et de maturité. Quand elle parle de maturité, il s’agit de l’acceptation des différences sociales et culturelles.

En effet, la lune de miel, à l’arrivée, a été le moment de la découverte et de l’espoir. Tout paraissait beau, les projets paraissaient plus facilement réalisables. Sa famille et elle ont tout laissé derrière eux, leurs professions, leur maison, leurs familles et leurs ami-e-s, mais elles ont été émerveillées par toutes les nouveautés que leur offrait le Québec. Elle a donc mis de côté ses pertes pour mieux ouvrir les portes de l’avenir et du changement.

Par contre, pour ses enfants, cette même période a été insécurisante. Elle définit le choc culturel comme étant une sorte de déphasage, une sensation de manque et une notion de perte, car « on ne trouve pas ses repères dans sa vie quotidienne, surtout la langue, le climat, l’alimentation, les traditions, la culture. ». Ils ont donc été confrontés aux réalités de la vie quotidienne et aux difficultés logistiques et matérielles.

Heureusement, une belle adaptation s’est faite. Elle a ajusté ses habitudes à cette nouvelle culture. Remplacer ses anciennes habitudes par de nouvelles n’était pas évident, mais avec un peu de recul, il leur fut possible de voir les différences entre les deux cultures de manière plus objective et donc de mieux gérer cette situation hors du commun. De son point de vue, une meilleure compréhension des divergences culturelles permettrait aux immigrant-e-s de mieux les apprivoiser et de les anticiper. Après deux ans au Québec, elle se sent encore en phase d’adaptation.

Un accueil convivial

D’autre part, son expérience depuis son arrivée au Québec a été positive. Sa famille et elle ont été accueillies chaleureusement par le centre pour personnes immigrantes et leurs familles Le Tremplin, à Lévis. Le Tremplin offre différents services pour faciliter l’installation et l’intégration des immigrant-e-s. Ce centre leur a offert un accueil inconditionnel, que ce soit pour des demandes d’accompagnement et de soutien, pour obtenir des informations concernant, notamment, le logement, l’immigration, l’aide alimentaire, vestimentaire ou matérielle, ainsi que pour les ressources communautaires et les services publics et gouvernementaux. Les bénévoles ont toujours été disponibles pour les soutenir dans différentes démarches.

Des obstacles ardus à surmonter

Durant les premiers mois, elle trouvait que la langue était définitivement l’obstacle le plus gros à maîtriser.

À cause de cette faiblesse, on perd sa confiance en soi, l’insécurité s’empare de nos vies.

Le programme de francisation du gouvernement les a beaucoup aidé dans leur adaptation; c’est un outil très efficace pour faire une bonne immersion dans la culture québécoise, selon elle. Elle mentionne aussi que la culture québécoise a été compliquée à comprendre, la façon de penser et de faire étant assez différente de celle en Colombie. La valeur ou le concept qui a été, pour elle, le moins facile à déchiffrer était que les Québécois-es n’étaient pas résistant-e-s au stress. En Colombie, le stress fait partie de la vie courante, travailler dur et sous-pression est monnaie courante. La valeur qu’elle a le plus appréciée en arrivant a été l’honnêteté des citoyen-e-s. Au fil du temps, elle a su mieux comprendre les valeurs que préconisaient les Québécois-es et cela a facilité son adaptation.

Des expériences plus positives que d’autres

Selon elle, les Québécois-es perçoivent les individus d’Amérique latine comme une communauté ignorante, en général. Non seulement c’est tout à fait faux, mais blessant et vexant. Ensuite, le racisme et la discrimination continuent de faire des ravages au Québec. Elle raconte qu’un jour elle faisait la file dans une banque, tout simplement, et qu’une personne qu’elle ne connaissait pas lui a craché « ici, on parle en français ». Il s’agissait d’un geste tout à fait gratuit et sans fondement.

Trouver un travail a aussi été une source de problème pour elle, de par son nom de famille. C’est frustrant puisqu’elle détient toute la formation nécessaire en administration pour être apte à faire ce métier. Elle trouve toutefois que plusieurs choses sont positives ici, comme la facilité d’avoir une bonne éducation, la dévotion des gens pour payer les impôts et la présence constante des corps policiers.

Vue panoramique de Bogotá. Source : https://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/7/7a/Panoramic_view_of_Bogota_04_2012_1147.jpg

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