16 Camila X.

Sabrina Côté

Camila X. est arrivée dans la ville de Québec il y a de cela 14 ans. Âgée aujourd’hui de 21 ans, elle vécut ses sept premières années dans la ville de Barranquilla en Colombie.

La vie en Colombie

Elle vivait avec son père, sa mère et son petit frère. Camila venait de terminer sa première année du primaire avant de quitter son pays natal pour s’installer au Canada. À cette époque, son père faisait partie de l’armée colombienne, à la suite de ses études en tant qu’ingénieur civil. Un groupe de criminels participant à des actions contre le gouvernement colombien insistait fortement, voire violemment, pour qu’il se joigne à eux. Après la naissance de leur deuxième enfant, les parents de Camila n’étaient pas dans une bonne situation économique et travaillaient beaucoup pour subvenir à leurs besoins, tellement qu’ils n’avaient plus beaucoup de temps pour les enfants. Son père, ayant peur pour la sécurité de sa famille et étant donné que le Canada avait de meilleures conditions de vie et de fortes chances d’assurer un bel avenir pour la famille, il décida de quitter la Colombie pour le Canada. L’oncle de Camila s’était déjà établi au Québec depuis un an avec sa famille; il l’a donc aidé en leur donnant des informations et des conseils.

Je me souviens que mes parents travaillaient très fort pour m’envoyer à l’école.

En Colombie, le sentiment de sécurité était beaucoup moins présent qu’au Canada. Camila s’est elle-même retrouvée dans des situations dangereuses à quelques reprises. La police, contrairement à ici, n’était pas synonyme de sécurité. Cette dernière était la plupart du temps corrompue et les gens en avaient peur. La pauvreté était aussi bien présente ainsi que le trafic de drogue. Comme mentionné précédemment, une des raisons du départ de Camila était pour lui assurer un bel avenir. L’école en Colombie coûtait cher et n’était pas nécessairement facile d’accès. La plupart des gens ne se rendaient pas à l’université.

L’arrivée au Canada

Lors de leur arrivée au Canada, Camila et sa famille se sont établies temporairement chez son oncle. Ils ont pu bien s’installer, trouver un emploi, inscrire les enfants à l’école, trouver un logis et finaliser les démarches d’immigration. Les premiers mois ont été très difficiles pour Camila. Le fait d’être loin du reste de sa famille l’affectait beaucoup. Parlant seulement espagnol, elle ne maîtrisait pas le français et avait de la difficulté à se faire comprendre. Elle voyait aussi que ses parents se sentaient seuls et débordés, ce qui l’affectait davantage. Au niveau culturel, elle s’est relativement bien intégrée. Apprendre le français s’est relativement bien déroulé puisqu’elle était dans une école française. La culture québécoise ne différait pas énormément de celle de la Colombie ce qui a facilité son intégration. Plusieurs Colombien-ne-s avaient aussi choisi le Québec comme terre d’accueil ce qui permit à la famille de se lier d’amitié avec eux et elles, confortant Camila à se sentir à sa place et avoir un peu de la Colombie avec elle. L’école l’a aidée à se faire des ami-e-s originaires du Québec plus rapidement. Plusieurs étaient curieux et curieuses de savoir d’où elle venait et lui posaient des questions sur son accent et sa couleur de peau.

En grandissant, mes parents m’ont raconté à quel point c’était très difficile pour eux de tout laisser en Colombie.

Un des événements marquants durant ses premiers mois au Québec fut la neige. En effet, le climat de la Colombie et du Québec est différent et elle ne comprenait pas comment la neige pouvait exister. L’autre difficulté fut son adolescence. En plus d’être en pleine crise d’adolescence, ses parents tenaient énormément à ce que la culture colombienne règne à la maison. Elle devait absolument parler espagnol. Elle comparait beaucoup ses parents à ceux de ses ami-e-s québécois-es. Elle désirait plus de liberté et elle remettait certaines choses en question. En Colombie, les parents sont reconnus pour être sévères. Sa mère lui disait même souvent : « Tant et aussi longtemps que tu vivras sous mon toit, ce sont mes règles que tu dois respecter! », et elle n’avait pas le droit de répliquer. Sa mère voulait élever ses enfants de la même façon que les enfants sont éduqué-e-s en Colombie.

La vie aujourd’hui

Quatorze ans plus tard, Camila est accomplie et heureuse au Québec. Grâce à l’école, elle a réussi à bien s’intégrer et à apprendre la langue. Elle étudie à l’Université Laval en travail social. Elle occupe aussi un travail à temps partiel dans un café. Elle considère que sa situation économique va bien. Malgré que les diplômes de ses parents ne soient pas reconnus ici, ils s’en sont toujours bien sortis. Elle est très fière de dire qu’elle appartient à deux cultures en portant les couleurs de deux pays. Camila et sa famille visitent encore les autres membres de la famille en Colombie à l’occasion. Il est encore difficile de vivre loin d’eux et l’absence se fait notamment ressentir lors des événements spéciaux comme les fêtes, les anniversaires et même la naissance de sa petite sœur. Ce qu’elle aime le plus des valeurs québécoises est le respect et l’ouverture d’esprit, des valeurs qu’on ne retrouvait pas nécessairement en Colombie. L’individualisme de certain-e-s Québécois-es est toutefois une chose qu’elle déteste. Il lui arrive encore d’être victime de stéréotypes, comme d’être associée à la drogue et la violence de par sa nationalité colombienne. Elle soutient que les gens ne sont pas renseignés sur les coutumes, les traditions et les valeurs colombiennes.

Pour les nouveaux arrivant-e-s

Camila recommande aux nouveaux et nouvelles arrivant-e-s, peu importe leur provenance, d’être curieux et curieuse par rapport à la culture québécoise. Bien comprendre la culture et le mode de vie des gens d’ici facilitera l’intégration, selon elle. Les Québécois-es sont majoritairement ouvert-e-s d’esprit et joueront un très grand rôle dans le processus d’immigration, d’intégration et dans la vie des immigrant-e-s au pays. Selon elle, il est primordial de faire confiance au temps; tout finit par se placer un jour. On ne peut pas s’attendre à connaître une nouvelle langue, avoir plein d’ami-e-s et être bien intégré-e après seulement quelques jours. Elle dit qu’il est important de ne pas oublier d’où l’on vient.

Portez vos couleurs, soyez fiers d’où vous venez, c’est votre identité.

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