54 Camila X.
Sabrina Théberge
Originaire de l’Uruguay, pays situé entre l’Argentine et le Brésil, Camila X. est arrivée au Québec le 10 août 2016 à l’âge de 22 ans. C’est après avoir pris la décision de suivre son conjoint, un économiste qui avait un nouvel emploi pour l’Université Laval, qu’elle vint s’établir dans la ville de Québec.
Sa vie dans son pays d’origine
L’Uruguay est un des pays d’Amérique latine où il y a le moins de problèmes politiques et sociaux. Par contre, en 2002, une grosse crise économique eut lieu. Cette crise a commencé en Argentine, un pays dont l’économie de l’Uruguay dépend énormément. Encore enfant, Camila a dû déménager à l’intérieur du pays lorsque ses parents ont divorcé. Elle a donc suivi sa mère dans une ville plus éloignée de la capitale, seul endroit où elle pouvait trouver un travail. Ces moments ont été plus difficiles, et Camila et sa mère ont dû déménager à plusieurs reprises. Elle a d’ailleurs dû passer d’un collège privé à un collège public.
Par contre, depuis plusieurs années, l’Uruguay avait augmenté considérablement son niveau de performance commerciale. Il existe toujours certaines problématiques, particulièrement depuis l’entrée du gouvernement de gauche dans le pays, essentiellement au niveau de la sécurité. En effet, il n’était pas rare de voir quotidiennement des personnes se faire tuer parce qu’elles n’avaient pas d’argent à donner aux voleurs. Ainsi, il existait une tension perpétuelle qui lui demandait d’être alerte en tout temps. Le Québec semblait donc être un endroit sécuritaire où il faisait bon vivre.
Bonjour Québec!
Arrivée d’un vol Paris-Québec à la suite d’une visite dans la famille de son conjoint, le couple fut accueilli par une employée de l’Université Laval pour faciliter leur arrivée au Canada. Un accueil qui s’est révélé difficile pour Camila puisqu’elle ne comprenait pas le français québécois. Elle avait par contre suivi des cours intensifs de 3 heures par semaine dans son pays d’origine et son conjoint, d’origine française, l’aidait. C’est particulièrement l’accent québécois qui lui a donné du fil à retordre. Son conjoint et elle avaient prévu leur arrivée et avaient déjà loué un appartement. Les meubles de son conjoint arrivèrent de France par bateau un mois plus tard. Elle n’avait apporté que ses effets personnels de l’Uruguay.
Ainsi, pendant un mois, ils dormirent sur un matelas gonflable simple dans un appartement vide. Comme elle avait un permis d’étudiante à son arrivée, elle débuta un programme de français langue étrangère à l’Université Laval, un programme qui l’a grandement aidée à rencontrer des gens dont plusieurs sont devenus ses meilleur-e-s ami-e-s. Six mois après son arrivée, son statut d’étudiante est venu à échéance. Elle s’est donc retrouvée pendant deux mois dans l’attente d’un permis de résidence temporaire; elle ne pouvait rien faire, ni travailler ni aller à l’école. Ces deux mois ont été particulièrement longs pour Camila, car elle se retrouvait sans statut officiel, en plein hiver, saison qu’elle déteste de tout son corps.
L’adaptation
Depuis son arrivée, Camila a remarqué de nombreuses différences entre sa vie en Uruguay et sa nouvelle vie à Québec. La culture différente et les habitudes de vie des Québécois-es l’ont impressionnée. C’est particulièrement la qualité de la viande qui l’a frappée, l’Uruguay étant le premier producteur mondial de bœuf avec huit fois plus de bœufs que de personnes. Elle a tellement détesté la viande québécoise qu’elle est devenue végétarienne!
Moi, Uruguayenne, devenir végétarienne, je sens que c’est une trahison à mon pays, à ma culture!
Mais elle a avoué adorer un plat typiquement québécois : la poutine! Le système de santé québécois a aussi été un choc important pour Camila qui s’est retrouvée dans une situation où elle devait payer pour voir un médecin alors qu’elle n’avait pas statut officiel. La prise d’antibiotique à la suite d’un traitement de canal a interféré avec l’efficacité de sa pilule contraceptive et Camila est tombée enceinte, puis a fait une fausse couche. Sans carte d’assurance maladie ni assurances avec l’emploi de son conjoint, il était impossible pour elle de voir un médecin.
Je me sentais diminuée, inférieure à tout le monde. J’avais besoin de voir un médecin et j’étais dans une situation délicate. Je me sentais hyper mal.
Aujourd’hui, Camila a reçu sa carte, mais n’a toujours pas de médecin de famille pour ses examens et ses suivis.
Aujourd’hui
Un an et demi après son arrivée à Québec, Camila occupe maintenant un emploi dans une boutique de vêtements, en plus d’avoir commencé ses études en commercialisation de la mode. Pour l’instant, elle n’est toujours pas retournée en Uruguay puisque les coûts sont très élevés et qu’il n’existe aucun vol direct en partance de Québec. Retourner en Uruguay n’est pas dans ses plans à court terme puisqu’elle va se marier en France en juillet 2018. Ce sera pour elle le moment de revoir une partie de sa famille de l’Uruguay qui viendra la rejoindre pour l’occasion.
Les Québécois-es
Pour Camila, les interactions entre les gens sont complètement différentes ici, comparativement à son pays d’origine.
Même si les gens sont hyper gentils avec toi, ça ne veut pas nécessairement dire qu’ils sont tes ami-e-s!
Dans son pays, Camila sentait que les gens étaient plus chaleureux et ouverts aux nouvelles rencontres. Il lui a donc fallu quelque temps avant qu’elle développe son cercle d’ami-e-s au Québec. Selon elle, les Québécois-es ont une connaissance de base sur l’Amérique latine, mais ne posent pas trop de questions, bien qu’ils et elles soient curieux, curieuses de la raison l’ayant poussée à venir s’établir à Québec. Les Québécois-es voyagent beaucoup et les réseaux sociaux offrent une ouverture sur le monde qui n’existait pas auparavant. Par contre, il lui est déjà arrivé de se retrouver dans quelques situations désagréables.
Les gens plus âgés nous voient comme des Indiens.
Dans son emploi actuel, au moment de la marche contre l’immigration massive à l’automne 2017, une dame lui a passé des commentaires contre l’immigration et était très froide à son égard. Cette expérience l’a particulièrement marquée étant donné le processus long et difficile qu’elle a du faire lors de son arrivée au Québec pour obtenir son statut de résidente temporaire. Mais, heureusement, cet événement n’est pas représentatif de son accueil au pays. Elle n’a jamais eu à faire face à des situations de racisme : « Je ne sais pas qu’est-ce qui me dérange le plus entre les personnes qui ont un problème avec toi en particulier ou envers tous les immigrant-e-s ».
Ses expériences sont très positives et elle a toujours senti qu’on lui ouvrait les portes et que les gens souhaitaient apprendre de nouvelles choses. La plupart des Québécois-es sont très accueillant-e-s, selon elle.
Je crois que c’est un enrichissement pour chaque personne lorsque tu rencontres quelqu’un d’une autre nationalité.
Comme il y a aussi beaucoup d’immigration en Uruguay, Camila a toujours voulu découvrir de nouvelles expériences et des cultures différentes de la sienne.
L’immigration, c’est comme voyager dans notre propre pays!
Ses recommandations
Lire, lire et lire! Il est primordial de lire beaucoup sur le Québec avant de venir s’y établir. Il est important de lire sur la culture et les traditions, mais surtout sur tout le processus d’immigration et les différentes options qui sont offertes. De plus, « apprendre le français est nécessaire avant l’arrivée ».
Alors qu’elle participait à une activité de photographie de nuit dans le vieux Québec, organisée par son club de photo, elle s’est dit :
C’est la première fois de ma vie que je marche toute seule et que moi, femme de 23 ans de petite taille, je marche à 11 heures le soir et que je n’ai pas peur.
Dans son pays, elle n’aurait jamais marché seule dans la rue, encore moins à 23 heures. Cette constatation a changé sa vie et lui a fait prendre conscience qu’elle se sentait bien au Québec.