49 Marcelo X.

Joëlle Laberge

Être soi-même, c’est être un peu différent. Être différent, c’est pouvoir en apprendre aux autres. Apprendre, c’est une richesse.

Le Paraguay

Le Paraguay est un petit pays situé au cœur de l’Amérique du Sud, entre l’Argentine et le Brésil. Bachelier de l’Université Laval, Marcelo vient d’une petite ville, pas plus grande que Trois-Rivières. L’homogénéité linguistique et ethnique de la population de son pays est étonnante. Il explique son caractère homogène en raison de l’histoire particulière du pays. Le Paraguay a été colonisé par l’empire espagnol et celui-ci a énormément encouragé les mariages interculturels entre les Espagnols et les Autochtones. Les gens parlent en général les deux langues officielles, soit l’espagnol et le guarani. Marcelo ne parle pas parfaitement le guarani, mais cette langue est tout de même bien présente. Comme au Québec, les langues officielles du pays ont fini par se fusionner. Par exemple, ici les gens ne sont pas obligés de parler parfaitement l’anglais pour parler le «franglais». Heureusement pour Marcelo, sa passion pour les langues et les cultures lui a donné un bon coup de main à son arrivée, même s’il n’était pas encore le polyglotte qu’il est aujourd’hui!

Du Paraguay… à Québec

À l’âge de 16 ans, Marcelo décida, avec ses parents, qu’il partirait en échange à l’international, question de pratiquer son anglais. Marcelo avait déjà voyagé aux États-Unis et apprenait l’anglais à l’école, il voulait donc le mettre en pratique. Il trouva alors un programme d’échange scolaire. Pour compléter sa demande, il devait choisir trois pays. Le Canada était le premier sur sa liste, car il était enchanté par l’image un peu stéréotypée qu’il se faisait de ce pays. Il a donc été très heureux d’apprendre qu’il avait été choisi pour son premier choix! Mais, à sa grande surprise, on lui annonça que c’était une famille francophone qui le recevrait à Québec, et non anglophone. Marcelo ne parlait pas du tout français et il avait six mois pour se préparer.

Apprendre le français n’était pas son objectif premier, mais il accepta cela comme un beau défi. Il s’équipa d’un livre pour apprendre le français, de la collection «Pour les nuls», il écouta plusieurs vidéos francophones et se dit que c’était une langue latine, après tout! Une fois arrivé au Québec, il réalisa toutefois que le français parlé en France n’était pas tout à fait le même qu’au Québec.

Un séjour à Québec

Dans le cadre de son échange, le programme auquel il participait avait prévu trois familles d’accueil différentes pour son séjour d’environ dix mois. Trois mois dans chaque famille. Cela permettait aux jeunes de ne pas se faire une idée du Québec basée uniquement sur l’expérience vécue dans une seule famille. L’idée derrière cela était de montrer que ce n’est pas parce qu’une famille fait les choses de cette façon que toutes les familles québécoises le font ainsi. Cela évitait une certaine généralisation de leurs expériences.

Devoir tout traduire, alors qu’on ne connaît pas la langue, c’est assez exigeant, autant psychologiquement que physiquement.

Au début, le cerveau est en mode apprentissage, alors ce n’est pas de tout repos. Autour de lui, tout était en français, la culture n’était pas la même et il devait se faire un nouveau réseau d’ami-e-s. Plus le temps avançait et plus il s’adaptait, autant à la langue qu’à la culture. Étant au secondaire, il avait de la facilité à tisser des liens avec les jeunes de sa classe. Le mois de mai arriva rapidement. L’année scolaire et son échange prirent fin. Son départ fut aussi difficile que son arrivée. En un peu moins d’un an, Marcelo avait appris le français, s’était adapté à la culture et à la température, et s’était fait des ami-e-s qu’il dut quitter pour retourner au Paraguay.

Québec n’avait pas dit son dernier mot

Retourné au Paraguay, il lui restait un an de secondaire à faire avant de commencer l’université. À ce moment-là, Marcelo savait déjà qu’il ne ferait pas de demande au Paraguay. Il décida d’envoyer une demande d’admission à l’Université Laval en science politique. Dès qu’il fut accepté, il sut que ce ne serait pas pareil comme lorsqu’il était au secondaire. En tant qu’étudiant international, les sessions coûtent beaucoup plus cher, alors la pression de performer se fait beaucoup plus ressentir. Par ailleurs, le type d’enseignement n’est pas le même. Le système d’éducation paraguayen ressemble au système français, basé sur le par cœur. Ici, il trouve que c’est beaucoup plus consacré au sens et à la pensée critique. Alors, ses débuts en sciences sociales furent plus difficiles. Il travaillait également à temps partiel, ce qui était très impressionnant pour sa famille, puisqu’au Paraguay les enfants qui étudient ne travaillent pas en même temps. 

Pourquoi Québec, une deuxième fois? Parce qu’il a aimé la culture. Il trouvait que les valeurs québécoises correspondaient aux siennes en tant qu’individu. Que ces valeurs partagées lui permettraient de s’épanouir davantage. Le Québec est une société individualiste, tandis que le Paraguay est une société collectiviste. Les deux ont leurs bons côtés, comme leurs mauvais. Plusieurs aspects du Paraguay lui sont chers, mais il y en a également avec lesquels il est fondamentalement en désaccord. Dans son pays natal, il ressentait un malaise identitaire. Il considérait que la culture limitait l’expression de sa propre identité.

Ici, on encourage l’identité de chacun, tant que ça ne nuit pas aux autres.

D’un autre côté, il reconnaît que l’individualité trouve ses limites dans les extrêmes et son expérience à Québec peut en témoigner. Même dans le vivre ensemble, l’individu prime sur l’ensemble.

Il considère tout de même avoir adopté la culture québécoise, beaucoup plus que celle du Paraguay. Même que, lorsqu’il retourne au Paraguay, il a tendance à agir comme s’il était à Québec en oubliant que c’est parfois mal vu. Les normes d’ici ne sont pas les mêmes que là-bas. Par exemple, ici, lorsqu’on croise quelqu’un qu’on connaît, on peut simplement dire «bonjour», tandis que, au Paraguay, il faut faire la bise. C’est un signe de politesse, mais également la norme. C’est grâce à son bagage québécoparaguayen qu’il peut aujourd’hui avoir ce regard plus critique sur les mœurs des deux pays.

Une généralisation de l’Amérique latine?

Après une discussion avec d’autres Latino-Américain-e-s, Marcelo a conclut que bien souvent les Québécois-es ont une perception erronée de l’Amérique latine. Ils et elles ont tendance à croire que tous les pays au sud des États-Unis sont pareils, en fait, que la culture mexicaine représente la culture principale de tous les pays de l’Amérique du Sud. Il se fait souvent dire : «Ah, tu viens du Paraguay… tu dois aimer la nourriture épicée?», «Tu dois aimer le guacamole», «Tu dois aimer les haricots noirs». À cela, Marcelo répond : «Non, ça, ce n’est pas ça, au Paraguay». On lui a déjà demandé : «As-tu des sombreros dans ton pays?». À cela, Marcelo répond : «En fait, sombrero, ça signifie chapeau. Oui, nous avons des chapeaux, mais probablement pas ceux auxquels tu penses».

Et aujourd’hui?

Marcelo a terminé son baccalauréat au printemps 2017. Il retourne au Paraguay environ une fois par année. Exceptionnellement, l’été dernier, il n’y est pas retourné puisqu’il déposait sa demande de résidence permanente. Il préférait remplir les formulaires avant de retourner visiter son pays natal.

Maison de Marcelo. Crédit : Marcelo X.

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