4 Livia X.
Kristina Pelletier
Livia est une jeune femme de 20 ans, d’origine brésilienne. Plus précisément, elle est originaire de la ville de Campinas dans l’État de São Paulo. Bien que ce soit une des plus grandes villes de ce pays avec près d’un million d’habitant-e-s, elle ne se situe pas parmi les plus dynamiques. En fait, elle n’est pas comparable aux villes touristiques, telles que Rio, pleines d’effervescence.
Quitter le Brésil une première fois
Livia et sa famille déménagèrent officiellement en 2010, mais étaient déjà venu-e-s passer un an au Québec en 2005-2006. À cette époque, sa famille n’avait pas de visa pour demeurer ici et y était venue que de manière temporaire le temps que sa mère fasse son postdoctorat à l’Université Laval. Elle avoue avoir trouvé cette première année assez difficile puisqu’elle ne parlait ni français ni anglais. Elle étudiait dans une école anglaise durant cette année-là et ses parents l’accompagnaient afin de lui traduire les informations. Elle ne comprend d’ailleurs pas pourquoi ils ne l’ont pas envoyée dans une école francophone, ce qui aurait été beaucoup plus simple dans une ville comme Québec où le français est dominant.
Le postdoctorat de sa mère complété, la famille retourna vivre au Brésil, mais dans l’optique de revenir vivre au Québec éventuellement. La violence en général et un événement en particulier furent certainement les éléments déclencheurs qui causèrent leur départ. Un soir, la famille fut victime d’un vol à main armée dans leur propre domicile. « Mon frère et moi étions chacun dans notre chambre et un homme nous surveillait », racontait-elle. Pendant ce temps, on menaçait son père et sa mère avec des armes, pour ensuite les enfermer avec d’autres personnes dans la conciergerie de l’immeuble. Heureusement, tout le monde s’en sortit sain-e et sauf-ve. Mais ce genre d’incident, très fréquent selon Livia, poussa ses parents à agir rapidement pour sortir du pays. Sa mère décida alors de postuler pour un travail au Québec et en Nouvelle-Zélande, voulant donner le plus de chance possible à sa famille de partir vers un pays sécuritaire. À peine six mois plus tard, la famille se retrouvait de nouveau au Québec.
Quitter son pays pour de bon
En arrivant officiellement au Québec en 2010, Livia était peu encline à l’idée de quitter à nouveau ses ami-e-s qu’elle connaissait depuis la tendre enfance. Elle continuait de leur écrire par courriel et elle est d’ailleurs toujours en contact avec eux et elles. De nature sociale, elle a toujours eu besoin de tisser des liens avec les gens, mais en arrivant dans un pays totalement différent dont elle ne parlait pas la langue, c’était tout un défi que de s’adapter à ce mode de vie. Le soir après l’école, elle suivait des cours de français. Pour la jeune fille de 13 ans qu’elle était, il était essentiel de parler la langue et de réussir ses cours. Grâce à sa facilité avec les langues, Livia réussit toutes les matières, même les examens du Ministère, ce qui représente une très grande fierté pour elle. Son accent se fait entendre uniquement lorsqu’elle prononce certains mots. Quelque temps après être arrivée au Québec, elle se fit un copain, ce qui l’aida beaucoup à s’intégrer à la culture québécoise. Celui-ci se mit d’ailleurs à l’apprentissage de la langue natale de Livia, le portugais. Lorsqu’elle allait chez lui, elle voyait comment sa famille agissait et cela lui permettait de constater qu’il y avait d’autres façons d’agir que celles qui lui avaient été enseignées.
Une femme aux valeurs latino-québécoises
Au Brésil, les valeurs sont très différentes de celles du Québec. Ici, Livia connaît une liberté qu’elle n’aurait jamais pu vivre en restant dans son pays natal. Prendre les transports en commun seule tout comme emprunter le même chemin chaque jour est très peu recommandé à Campinas, surtout le soir. Également, il est mal vu au Brésil que les enfants travaillent, car cela signifie que les parents n’ont pas les moyens de subvenir aux besoins de la famille. Ainsi, quand Livia obtint son premier emploi, son père se mit à pleurer en disant qu’elle n’avait pas besoin de faire cela et qu’il était capable de subvenir aux besoins de la famille, mais pour elle, cela faisait partie de ses nouvelles valeurs québécoises et elle tenait à faire comme les jeunes de son âge. Au Brésil, sa famille employait des travailleurs et travailleuses pour tout : ménage, cuisine, entretien extérieur, etc. En arrivant ici, sa famille dut tout apprendre afin de s’adapter à son nouveau mode de vie. Pour les hommes, cela représente un défi d’autant plus grand puisqu’ils sont habitués à se faire servir par les femmes et ils ne font pas de tâches ménagères. Même aller faire l’épicerie était inconcevable; c’est le rôle de la femme. Le premier automne fut un choc pour Livia et ses parents qui virent les feuilles des arbres tomber sur le terrain. On leur avait dit de les mettre dans des sacs, mais ils ne savaient pas quoi faire de ces sacs.
On n’avait jamais vu ça, nous, il n’y a pas de feuilles qui tombent des arbres au Brésil.
Tout était nouveau pour la famille et tout était à apprendre.
La vie au Québec
Maintenant, la jeune femme se dit très bien intégrée dans la culture québécoise, mais elle conserve encore quelques façons de faire et d’être typiques de son pays d’origine. Contrairement à sa famille, Livia n’a aucune difficulté à interagir avec des Québécois-es sans se sentir différente. Pour sa mère qui est enseignante à l’Université Laval, la transition n’a pas été aussi facile. Arriver dans un pays nouveau avec deux enfants est un très grand défi. Cette adaptation fut encore plus difficile pour son père. Celui-ci était encore très attaché à sa patrie et a pris la décision de retourner y vivre. Il voulait ramener le reste de la famille qui refusa cependant, s’étant désormais habituée à la vie québécoise paisible. Ses parents sont maintenant divorcés et Livia n’entretient plus vraiment de liens avec son père et elle ne ressent pas le besoin de les renouer. Toutefois, elle continue d’aller visiter sa famille et ses ami-e-s au Brésil, parfois deux fois par année.
Pour elle, la famille est importante. Mais ne voyant plus son père et moins son frère qui vit seul à Montréal, sa famille se résume désormais à sa mère et ses ami-e-s. Pour elle, il est essentiel de tisser des liens avec les personnes qu’elle côtoie. Au Brésil, les gens ne font pas la différence entre collègues, famille, ami-e-s, employé-e-s, etc. Chez Livia, lors d’un souper typique, vous aurez à table sa mère, son copain, une collègue de sa mère et les parents de son amoureux. En échangeant avec ses ami-e-s et son copain, elle sait que c’est très peu commun de faire ce genre de mélange au Québec et c’est ce qui la rattache à ses valeurs d’origine.
Ses recommandations pratiques
Livia ne vit pas de discrimination au travail ou avec ses ami-e-s, car elle est ouverte aux opportunités que lui offre la culture québécoise. Elle pratique encore des activités brésiliennes, mange des plats brésiliens et va à des soirées brésiliennes, car elle ne renie pas son pays d’origine mais elle conseille à tous ceux et toutes celles qui arrivent d’un autre pays de s’ouvrir aux Québécois-es et de ne pas rester enfermé-e-s dans son groupe culturel. Selon elle, les personnes immigrantes qui éprouvent le plus de difficultés à s’adapter sont celles qui ne font pas l’effort de s’ouvrir et de s’adapter à la culture québécoise.
Selon la jeune femme, les Québécois-es ne sont pas assez conscientisé-e-s sur ce qui se passe ailleurs qu’au Canada et aux États-Unis. L’image du soccer et des plages revient souvent, mais aucune sur la violence et la corruption auxquelles font face quotidiennement les Brésilien-ne-s. L’image projetée du gouvernement est très loin de l’image réelle.