13 « Tiens, ça n’arrive pas qu’à moi! » Revalorisation identitaire individuelle et collective en atelier-théâtre

François Rinschbergh

De 2016 à 2017, sur une période d’environ six mois, j’ai eu l’occasion de participer, en tant qu’observateur-participant, aux activités hebdomadaires d’un atelier-théâtre situé dans un quartier populaire proche du centre historique de Bruxelles[1]. Fréquenté par des jeunes âgé-e-s de 15 à 20 ans, l’atelier remporte un certain succès, entre autres du fait qu’il s’adresse à un public spécifique et que l’on y travaille à partir de ce que ce public vit au quotidien, notamment en termes d’injustices et de discriminations. L’animateur de l’atelier aime présenter son association par la formule suivante : « On est jeune, on est bruxellois, on est musulman ». Il revendique travailler dans la perspective émancipatrice que propose le « théâtre de l’opprimé » développé par Augusto Boal dans les années 1970 (Coudray 2018). D’atelier en atelier, il s’agit moins de « faire œuvre » (ibid.) que de passer par un processus de réflexion collective autour de diverses histoires d’injustices vécues de manière individuelle, mais qui, pourtant, sont bien souvent collectives.

L’atelier-théâtre peut être présenté comme un espace de requalifications symboliques destiné à permettre une certaine revalorisation de la capacité de penser et nommer le monde. Il s’agirait alors de considérer l’atelier-théâtre observé comme un lieu éminemment politique où la requalification symbolique à l’œuvre fait office d’acte de résistance pour une plus grande justice épistémique. Et c’est bien en partie un travail de nature politique qui se fait au sein de cet espace, mais se focaliser sur ce seul travail, empêche de saisir les autres fonctions de l’atelier, des fonctions peut-être bien moins spectaculaires, mais sans doute tout aussi « thérapeutiques » que l’activité théâtrale en tant que telle. Je voudrais ainsi, dans ce texte, partir de cette notion d’injustice épistémique et montrer qu’elle me permet de mieux comprendre les objectifs de l’atelier-théâtre et, ensuite, prendre une distance avec le travail de « résistance » qui y est mené pour parler de ce que les jeunes viennent chercher dans cet espace particulier.

Identité culturelle et méfiance institutionnelle

L’association à laquelle je me suis intéressé peut être située en regard de deux éléments de contexte. Le premier est celui de l’émergence progressive d’un milieu associatif lié aux vagues d’immigration qu’a connu la Belgique et, plus particulièrement, le milieu associatif arabo-musulman. L’histoire de ce monde associatif commence avec l’arrivée des premiers travailleurs et travailleuses en provenance de Turquie et du Maroc et leur installation durable en Belgique à partir des années 1970. Cette histoire est traversée par des évolutions importantes, notamment en ce qui concerne la question des rapports que ces travailleurs et travailleuses immigré-e-s entretenaient vis-à-vis de leurs pays d’origine et de leur nouveau pays d’accueil ou encore, concernant la question de leurs liens au mouvement syndical et à ses luttes (Ouali 2004).

C’est de cette histoire post-migratoire qu’hérite l’association à laquelle je me suis intéressé. Les personnes fondatrices de l’association se présentent, en effet, sous le prisme de leurs origines culturelles, s’assumant néanmoins d’une manière différente de celle des membres des associations marocaines des années 1980 qui, pour certain-e-s, mettaient l’accent sur l’importance de leur intégration à la société d’accueil (Ouali 2004). Ici les personnes ayant fondé l’association se disent être porteuses d’une identité bruxelloise et musulmane qu’elles souhaitent assumer et mettre en avant. Cela n’est bien sûr en rien contradictoire avec l’idée d’intégration (le modèle « multiculturaliste » visant à intégrer la diversité culturelle des sociétés post-migratoires par la reconnaissance de cette diversité), mais le registre de l’identité et de la « différence » mobilisé ici rompt avec le modèle d’intégration caractéristique d’un certain universalisme (ou égalitarisme) abstrait.

À l’origine, ce sont quelques étudiants universitaires amateurs de théâtre qui se sont rencontrés sur un campus et décident, dès 2010, de créer leurs propres spectacles avec comme envie de « faire passer un message » par une autre voie que la carte blanche classique. D’emblée, la démarche se veut engagée sur les plans politique et identitaire. L’envie de ce collectif est de pouvoir s’exprimer à travers sa propre structure, selon ses propres moyens, avec ses propres mots dans le double objectif de dénoncer ce que ses membres considèrent comme étant des injustices, tout en se montrant « engagés » dans des référents culturels, dans une histoire et un patrimoine particulier. Comme le dit l’un des comédiens, certaines créations mettent ainsi en scène « le côté « brusseleir » de l’Islam ».

Le second élément de contexte important à expliciter pour situer le travail de l’association en question est celui du paysage culturel bruxellois dans lequel il prend place et des politiques publiques qui le façonnent en bonne partie. À l’époque où je l’ai rencontré et où j’ai fait mes observations, le collectif éprouvait des difficultés à trouver du soutien auprès des autorités publiques, notamment du fait de s’identifier comme association rassemblant des jeunes bruxellois arabo-musulmans. En effet, les politiques culturelles belges francophones se montrent généralement réticentes à l’idée de soutenir des initiatives qui ne jouent pas ostensiblement la carte du « vivre ensemble » et de l’universalisme abstrait[2]. Cette méfiance institutionnelle se répercute au sein du milieu culturel et artistique subventionné qui, lui aussi, exprime parfois sa crainte de voir des acteurs et actrices culturel-le-s non subventionné-e-s travailler avec des jeunes : « Comment s’assurer de leur neutralité si leur travail n’est ni contrôlé ni avalisé par l’État? » ou « Comment être sûr qu’ils ne font pas de prosélytisme? » sont, par exemple, des questions qui se posent et qui m’ont été exprimées lors de mon enquête[3].

Pour bien le situer, l’atelier-théâtre doit donc, d’une part, être observé au regard de l’histoire du milieu associatif immigré et au regard de la rupture que cette association vient opérer par rapport à cette histoire. D’autre part, l’atelier doit également être saisi dans l’atmosphère de suspicion dans lequel il baignait alors, une atmosphère dont les autorités publiques sont en partie responsables, du fait de leur manque d’accueil et de soutien aux initiatives de ces acteurs jugés « communautaristes ».

Résistance ou auto-préservation?

Voilà pour le cadre et la particularité du cas observé. Ce dont je voudrais traiter durant le restant de mon texte, c’est du travail réalisé avec les jeunes de l’atelier, notamment en termes de résistance face aux injustices épistémiques. Au-delà de l’intérêt heuristique de la notion, il s’agira de montrer qu’une focalisation sur ce concept d’injustice épistémique et sur la résistance à ces injustices, peut aussi empêcher de rendre compte de ce qui se joue plus discrètement au sein de l’atelier-théâtre et qui pourrait être qualifié d’infra-résistance ou d’« infra-politique », comme le dit James C. Scott (2006). Plus modestement encore, on pourrait dire que cette infra-résistance se rapproche parfois de la simple sociabilité quotidienne, mais dont la fonction thérapeutique (ou réparatrice) n’est pourtant pas à minimiser face à celle, plus cathartique, du théâtre.

L’intérêt de la notion d’injustice épistémique réside d’abord dans le fait qu’elle ne se limite pas à la prise en compte des seuls savoirs théoriques que les gens ont à propos « d’eux-mêmes, des autres et du monde social » (Godrie & Dos Santos 2017, 8) et qui sont habituellement déniés à certaines catégories de la population. L’injustice épistémique dépasse ce type de savoir pour inclure les « savoirs expérientiels » des populations, c’est-à-dire des savoirs qui se fondent « sur l’expérience [concrète] des inégalités elles-mêmes » (McAll 2017, 108).

Ces expériences de l’inégalité peuvent faire naitre une conception fine et multidimensionnelle de l’injustice qui a l’avantage de mettre en évidence l’insuffisance des solutions qui se limitent à des actions de type redistributives. Plutôt que de se focaliser sur la seule inégale distribution des ressources matérielles (emploi, logement, accès aux équipements éducatifs et aux structures de production et de diffusion des connaissances, etc.), l’idée d’injustices épistémiques permet de mettre en avant les aspects à la fois matériels et symboliques des inégalités, englobant les savoirs et leur reconnaissance autant que les infrastructures qui produisent la « crédibilité » ou, à l’inverse, le discrédit. Néanmoins, si cette notion aide certainement à désigner un phénomène particulier et qu’elle gagne à être étudiée empiriquement, la question de la « résistance » aux injustices épistémiques présente le risque de nous faire basculer dans ce que les sociologues Claude Grignon et Jean-Claude Passeron ont nommé « la perspective populiste » (1989).

Opposée à la posture « misérabiliste » telle que définie par Grignon et Passeron dans leur ouvrage Le Savant et le Populaire, c’est-à-dire une perspective qui décrit la misère du monde observé, qui s’attache à dénombrer ses manques et à décrire les discriminations et les dépossessions dont certains groupes sont victimes, la posture populiste tend, à l’inverse, à célébrer l’inventivité des dominé-e-s à survaloriser leurs savoir-faire. Cette posture populiste présente l’ensemble de leurs actes comme des formes plus ou moins manifestes de résistance à l’oppression et aux injustices, alors que ces actes sont aussi parfois de modestes gestes d’auto-préservation (Wacquant 1992, 47).

L’atelier-théâtre in situ

À côté de l’ambition des fondateurs de l’association d’ouvrir une fenêtre sur un patrimoine culturel particulier (en mettant en scène le côté « brusseleir de l’Islam » évoqué précédemment), les ateliers-théâtres qu’ils animent ont pour vocation d’accompagner les jeunes dans la réaffirmation et la réappropriation de leur identité grâce à la création artistique.

Rapidement dit, le travail de l’animateur consiste à essayer de construire une « arène discursive parallèle » (pour reprendre une expression de Nancy Fraser citée dans McAll 2017, 110) destinée à « contester l’hégémonie de ceux qui occupent l’espace public ». L’ambition est de construire une forme de « contre public subalterne » (Fraser 2005), en menant avec lui un travail de création que l’animateur qualifie de « politique et thérapeutique » permettant de « collectiviser » ses expériences d’oppression ou de discrimination. Pour les participant-e-s, il s’agit d’arriver à dire « tiens, ça n’arrive pas qu’à moi ». In fine, on retrouve ici l’idée de la démarche d’empowerment qui consiste à augmenter « la capacité des personnes à rendre compte de leur expérience » d’oppression (Godrie & Dos Santos 2017, 17) et, idéalement, de la favoriser.

Témoigner des injustices épistémiques

Comme je le mentionnais, l’expérience directe de l’inégalité peut faire naitre une vision fine et multidimensionnelle de l’injustice chez ceux et celles qui en sont victimes. Parmi celles et ceux qui fréquentent l’atelier, l’injustice recouvre ainsi divers domaines, bien loin de pouvoir être réduite au seul manque de ressources matérielles ou éducatives auquel ils ou elles sont souvent rapporté-e-s. En atelier, les séances hebdomadaires commencent systématiquement de la même façon : l’animateur demande aux jeunes de raconter leur journée ou leur semaine. C’est ainsi l’occasion, pour ces derniers et dernières, de parler de leur rapport banalisé aux contrôles policiers et militaires que certain-e-s subissent lorsqu’ils et elles se trouvent dans l’espace public, de leur sentiment de colère contenue ou de fatigue régulièrement éprouvé face à l’expérience répétée de petites humiliations et signes de « non-respect » (réels ou ressentis) de la part de représentants d’institutions diverses (écoles, administrations, etc.).

Lors d’un atelier, un jeune âgé de 18 ans raconte ainsi une interaction qu’il a eue avec un policier :

Une fois, on s’est fait contrôler et mon copain, il était habillé avec que de la marque. Et la BAB [brigade anti-banditisme], ils lui disent : « T’as acheté comment ces habits? » « Je les ai achetés, c’est pas ton problème, non?! » Mais lui, il voulait pas manquer de respect et il a dit : « Ben j’sais pas, je les ai acheté avec de l’argent. » [Mimant le policier :] « Je sais que c’est avec de l’argent p’tit con, mais qui te l’a payé? T’as volé? T’as fait quoi? Ta mère te les a payés? Ou ta sœur? » C’est un manque de respect de dire « ta mère » ou « ta sœur » pour nous. Il est devenu tout rouge. Si ça avait été quelqu’un d’autre, je crois, si c’était pas un policier, je crois qu’il l’aurait tapé parce que je connais bien mon pote. Même moi, si je parle de sa famille comme ça, on va se battre, je crois. Vraiment, hein! Je le connais depuis que je suis petit. Après, il avait une de ces haines! Il est rentré chez lui quand ils sont partis. Il a rien fait, il a fermé sa gueule.

On peut ici envisager l’anecdote rapportée sous l’angle de l’injustice épistémique dans le sens où n’est reconnue à ce jeune qu’une capacité à produire du mensonge. Il est suspect. Quoi qu’il dise, c’est un menteur, une personne malhonnête. Pour d’autres personnes, ce moment de l’atelier est l’occasion de parler du sentiment d’être trop souvent appelées à rendre compte publiquement de leur innocence ou de leur légitimité d’être au monde et, malgré cela, d’être encore et toujours présumées non crédibles. Un jeune âgé de 19 ans raconte un voyage en transport en commun à Bruxelles et le contrôle effectué par les militaires – alors largement déployés en ville à la suite des attentats de Paris et de Bruxelles de 2015 et 2016 – et auquel il a dû faire face :

(…) je suis à la gare du midi, j’attends mon train et je vois une bande de militaires qui arrive. Ils me regardent et me disent : « Monsieur, on va faire un contrôle » Je lui dis : « Pourquoi? » « Parce que les caméras, elles nous ont dit que t’avais une tête de client. » [Blasé, il ajoute :] C’est tout, moi je me laisse contrôler, j’ai l’habitude.

Par cette interaction, le militaire lui fait comprendre que son apparence de jeune homme pieux (malgré son jeune âge, il arbore une longue barbe noire et aime porter la djellaba) ne dupait personne. On lui dénie ainsi le droit à se montrer croyant, et ce, sans être un jeune potentiellement dangereux. En somme, il est victime d’un déni de crédibilité.

Rejouer les violences et produire du décalage

Les exemples de telles humiliations et frustrations ne manquent pas dans les témoignages des jeunes. L’atelier-théâtre contribue de ce point de vue à ce qu’ils et elles (re)trouvent une certaine fierté en leur permettant de rejouer ces moments de violences symboliques, en les remettant en scène, et ainsi, de produire un certain décalage avec leur vécu.

En citant l’anthropologue Jacinthe Mazzocchetti, on peut dire ici que cet atelier tâche de construire « un espace de démarcation qui permet de construire des passerelles pour sortir des déterminismes sociaux » ou, en tout cas, de les mettre à distance. Ce qu’elle appelle un « espace de reconnaissance » (Mazzocchetti 2011) où les jeunes développent, de manière consciente ou non, de véritables « stratégies de réparation » (Schaut 1999).

Ces moyens de résistances mis en œuvre face aux injustices subies prennent la forme de moments de mise en scène où certain-e-s travaillent à déconstruire les étiquettes dont ils ou elles sont porteurs et porteuses : en tournant leurs anecdotes en dérision, ou en inversant les rôles sur scène. Il est par exemple arrivé que les jeunes choisissent de me faire jouer le rôle du jeune tandis qu’un autre prenait la place du professeur ou du policier, des rôles que les jeunes ne choisissent d’habitude pas spontanément de jouer eux-mêmes et elles-mêmes.

À l’inverse, plutôt que d’opérer ce travail de déconstruction/reconstruction, une autre stratégie de réparation mise en œuvre consiste à rentrer dans une logique d’affirmation de soi dans l’objectif de redorer l’une ou l’autre des facettes de son identité, qu’elle soit liée à ses convictions religieuses, au quartier habité et auquel certain-e-s expriment être fier-e-s d’appartenir, ou encore à leur manière de s’exprimer. À cet égard, le vocabulaire argotique des jeunes n’est d’ailleurs que rarement repris par l’animateur pour être corrigé, l’atelier ayant également pour fonction de « refabriquer de la langue légitime » en permettant aux jeunes de se réapproprier et réaffirmer leur propre langage (Cormont 2018).

Un espace où « souffler »

Ce travail de résistance ou, en tout cas, de revalorisation et d’affirmation de soi, déborde en fait largement du strict cadre de l’activité théâtrale. Tout au long du terrain, j’ai été frappé d’entendre que le groupe partage les mêmes référents, un même vocabulaire (« bismillah », « machallah », « dradri », « teug », « bonhomme », « frère »), une intonation commune ainsi qu’un certain comique de répétition dont le sens n’a pas toujours besoin d’être explicité (et, a fortiori, qui m’échappait parfois). C’est dans ces formes de sociabilité et d’expression anodines que se donne à voir le cadre épistémique de ces jeunes. En mobilisant les mots qui leur sont familiers, en partageant des rites et des codes qui n’ont pas besoin d’être expliqués, le groupe récupère ainsi une forme d’autonomie épistémique dans le sens où, à aucun moment, les jeunes ne sont jugé-e-s par une tierce personne détentrice du bon langage.

Pour paraphraser Loïc Wacquant, qui décrit un club de boxe qu’il a observé à la fin des années 1980 dans le ghetto noir de Chicago, on pourrait dire que les espaces de sociabilité ouverts par l’atelier permettent de faire accéder les jeunes à « cette petite église [dont parle Durkheim dans « Les formes élémentaires de la vie religieuse »], c’est-à-dire [à] cette petite confrérie de personnes qui partagent un certain nombre […] de croyances [et qui va leur permettre de] trouver une forme d’existence, de reconnaissance, au regard des autres (…) » (Wacquant 2013, en ligne).

Le concept d’injustice épistémique permet indéniablement de mieux comprendre mon cas d’étude. Néanmoins, mon envie de départ qui était de présenter des pratiques de résistances à l’injustice épistémique à travers le cas de l’atelier-théâtre d’un quartier populaire bruxellois, m’est au final apparue trop limitative parce que trop centrée sur les pratiques explicites de résistance (celles qui nomment et dénoncent les injustices), accordant sans doute trop peu d’attention aux principes organisateurs propres au monde social observé et à sa « banalité ». Des principes qui s’incarnent dans la recherche d’un espace où la confiance se partage entre pairs et où l’on puisse être « au calme », c’est-à-dire, à l’abri des « profs qui cassent la tête » (pour reprendre la formule utilisée par un des jeunes rencontré-e-s) et protégé des contrôles de police.

Si les raisons invoquées par certain-e-s jeunes pour expliquer pourquoi ils et elles apprécient de venir dans les locaux de l’atelier-théâtre peuvent sembler être d’une simplicité déconcertante – « Tu te fais pas taper, tu te fais pas contrôler! (…) t’es bien et voilà. Tu cours pas et… ils t’insultent pas » ou encore « Y a qu’ici qu’on se sent vraiment bien on va dire, qu’on se sent à notre place, que personne va te regarder mal, personne va te juger sur toi (…) » – ces prétextes sont cependant tout aussi importants que celui de venir faire du théâtre. Ces principes de vivre-ensemble « ordinaires » semblent plus proches d’un nécessaire relâchement que de la résistance politique. Pourtant, ce relâchement – qui s’incarne ici dans la recherche de simples moments de répit – ne pourrait-il pas être envisagé comme étant une forme de résistance discrète qu’il importe de soutenir, tant que des mesures plus structurelles pour lutter contre les injustices que subissent ces jeunes ne sont pas appliquées?

Bibliographie

Cormont, Jessy (interviewé par Aurélien Berthier). 2018. « Se réapproprier sa propre langue pour s’émanciper ». Agir par la culture (54) : 20-21.

Coudray, Sophie. 2018. « La radicalité politique du théâtre de l’opprimé », Période, en ligne. http://revueperiode.net/la-radicalite-politique-du-theatre-de-lopprime/

Fraser, Nancy. 2005. Qu’est-ce que la justice sociale? Reconnaissance et redistribution. Paris : La Découverte.

Godrie, Baptiste et Dos Santos, Marie. 2017. « Présentation : inégalités sociales, production des savoirs et de l’ignorance ». Sociologie et sociétés 49(1) : 7-31.

Grignon, Claude et Passeron, Jean-Claude. 1989. Le savant et le populaire. Misérabilisme et populisme en sociologie et en littérature. Paris : Gallimard-Le Seuil.

Rinschbergh, François. 2018. « Travail culturel, entre redistribution et reconnaissance. Enquête dans le milieu (socio)artistique d’un quartier populaire bruxellois ». Dans Cultural and creative industries in Brussels. Creativity in a divided city / La créativité dans une ville divisée. Sous la direction de François Rinschbergh, Eva Swyngedouw et Jef Vlegels, chapitre 3, p. 91-105. Bruxelles : VUB Press-Urban Notebooks.

Mazzocchetti, Jacinthe. 2011. « Dénis de reconnaissance, luttes et affirmation de soi. Enquête auprès de jeunes d’origine subsaharienne à Bruxelles ». Uzance (1) : 89-105.

McAll, Christopher. 2017. « Des brèches dans le mur : inégalités sociales, sociologie et savoirs d’expérience ». Sociologie et sociétés 49(1) : 89-117.

Ouali, Nouria. 2004. « Le mouvement associatif marocain de Belgique : quelques repères ». Dans Trajectoires et dynamiques migratoires de l’immigration marocaine de Belgique. Sous la direction de Nouria Ouali, p. 303-326. Louvain-la-Neuve : Academia-Bruylant.

Schaut, Christine. 1999. « Dénis de reconnaissance et stratégies de réparation ». Recherches sociologiques 30(2) : 85-101.

Scott, James C. 2006. « Infra-politique des groupes subalternes », Vacarme (36) : 25-29.

Torrekens, Corinne (interviewée par Cédric Vallet). 2016. « L’associatif musulman est difficilement soutenu ». Alter Échos (418) : 6-7.

Wacquant, Loïc. 1992. « The Zone : Le métier de hustler dans un ghetto noir américain ». Actes de la recherche en sciences sociales (93) : 39-58.

Wacquant, Loïc. 2013. « Les métamorphoses du corps pugilistique ». Conférence d’ouverture du 7ème congrès de la Société de sociologie du sport de langue française, Université de Strasbourg, 29 mai 2013. En ligne. https://www.canal-u.tv/video/uds/les_metamorphoses_du_corps_pugilistique.19078


  1. Cette enquête a été menée dans le cadre d’un projet de recherche intitulé « The diversity of work in the creative and cultural industries » (ULB, USL-B, VUB) financé de 2015 à 2018 par le programme Anticipate de l’organisme bruxellois de promotion de la recherche Innoviris.
  2. À propos du peu de soutien dont bénéficie l’associatif musulman en Belgique, voir l’entretien de Corinne Torrekens pour la revue Alter Échos (2016).
  3. Pour un exposé plus précis de ces tensions et du paysage culturel local dans lequel s’inscrit l’association étudiée, voir Rinschbergh 2018.

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